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bric-à-brac littéraire

Un romancier réaliste, en revanche, un romancier qui se mêle de raconter les moeurs de son temps, rencontre infailliblement, dès le premier détour de son récit, la question féminine. Qui dit moeurs, dit femmes. Dans un magnifique paragraphe de sa préface à "Une fille d'Eve", Balzac, comparant une fois de plus le projet de La Comédie humaine aux Mille et Une Nuits, découvre que la "faiblesse" de celles-ci, par rapport à son oeuvre à lui, vient de ce que l'observation des moeurs était impossible dans l'Orient d'alors puisque, dit-il, les femmes y étaient enfermées, invisibles. Il n'y avait par conséquent presque rien à raconter. Pas de femmes, donc pas de moeurs. Pas de femmes, donc pas de conquêtes. Pas de femmes, donc pas d'aventures. Et, pour ainsi dire, pas de réalité. D'où la nécessité du conteur de faire intervenir à tout bout de champs des prodiges, des talismans, des diableries et des magies pour soutenir l'intérêt du lecteur dans des récits dont "tout le merveilleux", conclut Balzac, "est inspiré par la réclusion des femmes".

Pas de femmes, donc pas de réalisme. Pas de femmes, donc amulettes, vibrations, télépathies et superstitions, "Spiritualités". retours de sacré. Astrologie. "Imaginaire" inoffensif. Vertige illuministe. Occultismes, enfin, on m'aura compris. New Age.

Pas de femmes, donc pas de roman vrai.

Auteur: Muray Philippe

Info: "Exorcismes spirituels", tome 1

[ sexualité refoulée ] [ anima ] [ demi-monde ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

hiver

le vent est si violent qu’il arrache les toits
il fait tomber les tours
les gens se défendent du froid comme ils peuvent
avec des peaux de bêtes et des braies mal cousues
on ne voit plus que leur visage
leurs cheveux tintent quand ils les secouent
c’est le bruit des glaçons
et leur barbe blanchie de gel scintille
même purs les vins sont durs comme la pierre
ils gardent la forme du pot
les gens ne les boivent pas
ils sucent des morceaux passés de main en main
et les ruisseaux s’arrêtent
contractés par le gel
c’est à la hache qu’on puise l’eau des lacs
le Danube lui-même
large comme le Nil
et qui mange la mer de ses sept embouchures
le Danube lui-même voit durcir ses eaux bleues
elles glissent à la mer par des chemins secrets
on peut passer à pied où voguaient les bateaux
les sabots des chevaux cognent les eaux gelées
et par ces ponts nouveaux les chariots sarmates
attelés à des bœufs avancent pesamment
je sais qu’on ne me croira pas
pourtant je suis témoin de ces prodiges
j’ai vu l’immense mer arrêtée sous la glace
j’ai vu les eaux figées sous sa croûte glissante
on marche sur les flots sans se mouiller les pieds
les dauphins pris dessous se meurtrissent le dos
aucun remous

Auteur: Ovide Publius Ovidius Naso

Info: Tristes Pontiques

[ grand froid ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

espérance

L'avenir du monde ne m'inquiète plus ; je ne m'efforce plus de calculer, avec angoisse, la durée plus ou moins longue de la paix romaine ; je laisse faire aux dieux.

Ce n'est pas que j'aie acquis plus de confiance en leur justice, qui n'est pas la nôtre, ou plus de foi en la sagesse de l'homme ; le contraire est vrai.

La vie est atroce ; nous savons cela.

Mais précisément parce que j'attends peu de choses de la condition humaine, les périodes de bonheur, les progrès partiels, les efforts de recommencement et de continuité me semblent autant de prodiges qui compensent presque l'immense masse des maux, des échecs, de l'incurie et de l'erreur.

Les catastrophes et les ruines viendront ; le désordre triomphera, mais de temps en temps l'ordre aussi.

La paix s'intallera de nouveau entre deux périodes de guerre ; les mots de liberté, d'humanité, de justice retrouveront çà et là le sens que nous avons tenté de leur donner.

Nos livres ne périront pas tous ; on réparera nos statues brisées ; d'autres coupoles et d' autres frontons naîtront de nos frontons et de nos coupoles ; quelques hommes penseront, travailleront et sentiront comme nous ; j'ose compter sur ces continuateurs placés à intervalles irréguliers le long des siècles, sur cette intermittente immortalité.

Auteur: Yourcenar Marguerite

Info: Mémoires d'Hadrien

[ optimisme ] [ apparence de pessimisme ] [ lâcher-prise ] [ temps cyclique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

absoluité

Il n’y a de puissance que dans la conviction. Un raisonnement n’est fort, un poème n’est divin, une peinture n’est belle, que parce que l’esprit ou l’oeil qui en juge est convaincu d’une certaine vérité cachée dans ce raisonnement, ce poème, ce tableau.

Un petit nombre de soldats, persuadés de l’habileté de leur général, peuvent enfanter des miracles. Trente-cinq mille Grecs suivent Alexandre à la conquête du monde ; Lacédémone se confie en Lycurgue, et Lacédémone devient la plus sage des cités ; Babylone se présume faite pour les grandeurs, et les grandeurs se prostituent à sa foi mondaine ; un oracle donne la terre aux Romains, et les Romains obtiennent la terre ; Colomb, seul de tout un monde, s’obstine à croire à un nouvel univers, et un nouvel univers sort des flots. L’amitié, le patriotisme, l’amour, tous les sentiments nobles, sont aussi une espèce de foi.

C’est parce qu’ils ont cru que les Codrus, les Pylade, les Régulus, les Arrie, ont fait des prodiges. Et voilà pourquoi ces coeurs qui ne croient rien, qui traitent d’illusions les attachements de l’âme, et de folie les belles actions, qui regardent en pitié l’imagination et la tendresse du génie, voilà pourquoi ces coeurs n’achèveront jamais rien de grand, de généreux : ils n’ont de foi que dans la matière et dans la mort, et ils sont déjà insensibles comme l’une, et glacés comme l’autre.

Auteur: Chateaubriand François-René de

Info: Génie du christianisme

[ dépassement ] [ irrationnel ] [ crédo ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

oraison funèbre

Le cœur ne peut errer. La chair est un songe, elle se dissipe ; cet évanouissement, s’il était la fin de l’homme, ôterait à notre existence toute sanction. Nous ne nous contentons pas de cette fumée qui est la matière ; il nous faut une certitude. Quiconque aime sait et sent qu’aucun des points d’appui de l’homme n’est sur la terre ; aimer, c’est vivre au delà de la vie ; sans cette foi, aucun don profond du cœur ne serait possible. Aimer, qui est le but de l’homme, serait son supplice ; ce paradis serait l’enfer. Non ! disons-le bien haut, la créature aimante exige la créature immortelle ; le cœur a besoin de l’âme...

Le prodige de ce grand départ céleste qu’on appelle la mort, c’est que ceux qui partent ne s’éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres. Ils sont en haut et tout près. Oh ! qui que vous soyez, qui avez vu s’évanouir dans la tombe un être cher, ne vous croyez pas quittés par lui. Il est toujours là. Il est à côté de vous plus que jamais. La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.

Auteur: Hugo Victor

Info: Prononcé sur la tombe d’Émilie de Putron à Guernesey, le 19 janvier 1865. Elle était la fiancée de son fils cadet François-Victor, qui décèdera comme elle de la tuberculose en 1873.

[ au-delà ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

numérique

Le fait qu’un metteur en scène tel que G. Lucas ait nommé sa société de production "Industrial Light and Magic" montre en effet comment la technologie vient au secours d’un psychisme occidental avide des prodiges qu’il ne trouve plus dans son existence, ternie par l’industrie et la mécanisation. Cette "matérialisation" de l’imaginaire, envisagée comme porte de sortie du monde, vise à concrétiser un désir double : celui de pouvoir "créer" l’être et, disions-nous, celui de remplacer le merveilleux manquant. La complexité croissante des "effets spéciaux", qu’ils recherchent l’horreur ou l’esthétisme, simule en fait le rite magique traditionnel des métamorphoses. Les toutes récentes théories de l’art intermédiaire, conférant à l’image une "quasi-vie", sinon une vitalité autonome, illustrent bien ce que vise ici la culture informatique. L’apparition, également récente, des images virtuelles prouve effectivement que l’un des projets les plus pernicieux qu’ait engendrés l’invention de l’ordinateur consiste en la possibilité d’"entrer", pour ainsi dire, dans l’image afin de pouvoir intervenir de façon interactive, en tant que personnage du film. Il serait donc envisageable de "pénétrer" à l’intérieur de paysages totalement synthétiques et artificiels, d’entretenir des "relations" envers des anthropoïdes tout aussi irréels. "L’existence médiatique" deviendrait par conséquent l’existence véritable. Mais cette consommation d’images fantasmatiques enfermerait l’individu dans une "existence autre que la sienne", qui lui ferait atteindre en quelque sorte le comble de l’illusion. L’ordinateur, comme machine à vision contemporaine, chercherait donc à singer un "au-delà" du monde en essayant de recomposer par l’image les structures vivantes de l’univers.

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", page 83

[ imitation parodique ] [ virtualisation ] [ contre-initiation ] [ réels factices ] [ dématérialisation ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

réanimation

J'éclairai de toutes parts l'enceinte où j'étais parvenu. C'était un caveau, et j'avais quelques raisons de m'en douter. Le milieu de ce milieu universel était occupé par un cippe (*) qui portait une bobèche (**) qui ne portait rien, au moins en apparence. A force de tourner les cendres d'une mèche usée sur laquelle avaient passé trente ou quarante siècles, je parvins cependant à en extraire une petite figure d'homme si pâle, si cassée, si ridée, si ratatinée, si mesquine et si rabougrie que ma première pensée fut de la mettre dans les manchettes. Un petit cri m'avertit qu'il restait je ne sais quel souffle de vie dans cet embryon ; je le saisis, je le réchauffai de mon haleine, je le frottai d'une goutte d'eau-de-vie retrouvée dans ma gourde de voyage, et je le replantai au milieu de sa bobèche, plus allègre que je m'y étais attendu. Comme il s'y tint ferme et la main sur la hanche avec toute la dignité que pouvait comporter sa taille de deux pouces et demi, je ne pensai plus qu'à remonter par où j'étais venu pour retrouver mes confrères et mon équipage. Cela me parut difficile.

"Arrête, Berniquet, me dit le nain, et ne sors pas d'ici sans me rendre tout à fait la vie que j'attendais de toi depuis des siècles sans nombre !"

Je me prosternai d'admiration en voyant que cela parlait. Vous l'auriez fait comme moi, Messieurs. Il est si rare qu'une idée articulée, et qui s'énonce en bons termes, jaillisse d'un chandelier, surtout quand la bougie est morte !

Auteur: Nodier Charles

Info: in "Contes satiriques", éd. La Chasse au Snark, p. 114-115 - (*) cippe : petite stèle funéraire ou votive, sur laquelle est généralement gravée une inscription (**) bobèche : disque de verre, de métal ou de porcelaine, percé au centre, adapté à une bougie ou un chandelier pour empêcher la cire de couler

[ modelage ] [ génie ] [ prodige ] [ adresse au lecteur ] [ résurrection ] [ ressuscitation ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

amour obsessionnel

Strindberg tout seul dans son délire transforme toutes les régions éparses de l’occulte moderne en méthode de masturbation. Son Journal occulte est un formidable mémento des nuits très secouées qu’il traverse. A cause d’Harriett : l’enfer avec elle dure de 1901 à 1908. A peine vient-il de faire sa connaissance qu’il la tient chaque soir dans ses bras, qu’il lui fait l’amour, qu’elle revient. Il est le premier à se taquiner et se tripoter, à ma connaissance, sur l’air de la nouvelle liturgie. Résistance formidable, exemplaire, à la nullité cachée sous toute jouissance. S’il lui faut absolument le spectre d’Harriett pour se masturber, c’est qu’il n’est pas question qu’il accepte la réalité du néant de ses masturbations. De ses possessions télépathiques, comme il dit… Il finit tout de même par l’épouser. Un peu plus tard, elle est enceinte. Emancipée, elle veut que l’enfant porte son propre nom et pas celui de son mari. Drames, colères. Et tout de suite un prodige : "Ce soir, une boule de feu a traversé la constellation du Cocher." Harriett s’en va, revient, repart. Il sent sa présence dans sa bouche comme un goût de violettes mâchonnées. Elle est loin maintenant, ils ont divorcé, elle s’est même fiancée avec un autre. Ça n’empêche pas les coïts avec son zombi consentant. Comme il dit, leurs affaires sexuelles sont passées "sur le plan astral"… Il inscrit presque tous les jours deux ou trois "X" dans son journal. Parfois plus, parfois moins. C’est le comptage des baises médiumniques. 18 avril 1908 : "La nuit dernière : à 11 heures et demie, elle m’a cherché, gentiment, amoureusement, X X X X . A 3 heures, idem. A 7 heures idem. Six fois !" Et ainsi de suite jour après jour pendant qu’elle se remarie, qu’elle s’apprête à avoir d’autres enfants. Qui seront de lui, bien entendu, il préfère l’en avertir tout de suite dans une lettre : il va les lui faire par conception immaculée et par voie télépathique…

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 272-273

[ psychose ]

 

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écrivain-sur-écrivain

Mais l’éclectisme de Gacougnol est attesté surtout par la présence de Folantin*, le peintre naturaliste et préalable dont le succès, longtemps captif, se déchaîne.

On trouverait malaisément une chose plus instructive que le calendrier de ses produits.

Après une série liminaire de petits paysages pisseux égratignés avec labeur dans des banlieues sans verdure ; après le demi-triomphe d’un tableau de genre, où les amours indécises d’un jeune maçon et d’une brocheuse dessalée, au sein d’un garno, se coagulaient sous les yeux en mastic blafard, ainsi qu’un fromage visité déjà ; Folantin, lassé de ne paraître point un penseur, s’avisa de répandre un peu de morale philosophique sur ses enduits.

On vit poindre alors, à l’inexprimable découragement de plusieurs fantoches de l’appui-main, la surprenante image d’un cocu en cassonade reconduisant, bougeoir en main, avec la plus froide politesse, un individu sébacé qu’il vient de surprendre, après minuit, aux bras de sa femme. Cela s’appelait : En ménage !. Mais la louange fut moindre que pour le garno dont la vogue, hélas ! périclitait, et il fallut trouver autre chose.

Changeant tout à fait son tube d’épaule, il peignit, décidément, un grand seigneur, un enfant de tous les preux dont il étudia le type chez un authentique gentilhomme qui s’est donné la fonction de ramasser les bouts de cigares de la Poésie contemporaine sans parchemins.

L’optimate fut représenté, bien malgré lui, sur un bidet, lisant des vers de vingt-cinq pieds. Or, il arriva, contre toute attente sublunaire, que ce portrait allégorique fut une manière de bas chef-d’œuvre, et la noblesse de France, — la première du monde, jadis, — une fois de plus, se vérifia si charogne que le simulacre engendré par Folantin, confronté à l’original, procura quelques instants, l’hallucination de la force.

L’heureux peintre érigea son front parmi les étoiles et put s’annexer quelques disciples. Impossible de le nier. Si ennemi qu’on pût être de Folantin et de son odieuse peinture documentée à la manière d’un roman de la sotte école, son personnage avait une tenue équestre sur ce vase devenu comme un piédestal.

À partir de cet instant, le maître nouveau repoussa du pied les châssis de faible étendue et se précipita aux vastes toiles.

On s’est bousculé autour de sa Messe noire et de ses Trappistes en prière, crépis énormes, léchotés au petit blaireau, qu’il faut scruter par centimètre carré, au moyen d’une loupe de géologue ou de numismate, sans espoir de réaliser la vision béatifique d’un ensemble.

Le premier de ces engins paraît avoir été calculé pour le branle et pour le brandon d’une récente portée de bourgeois que démange la convoitise des lubricités de l’enfer. L’habile homme, toutefois, se croyant, quand même, désigné pour instruire ses contemporains, c’est, en même temps, le prodige d’une sorte de jocrisserie peinturière s’exaspérant jusqu’à devenir tourbillon, mais tourbillon noir, combien fétide et profanant !

Les Trappistes en prière ont voulu être le contre-pied, le rebrousse-poil de la précédente révélation. Folantin, dont la crête augmente et dont la moutarde s’affiche de plus en plus, tenait à montrer comment un artiste assez audacieux pour baiser le croupion du Diable savait, en revanche, tripoter l’extase.

Folantin, tout à coup sorcier, découvrit le Catholicisme !

Clairvoyance peu récompensée. La vindicative bondieuserie de Saint-Sulpice, appelée en duel, lui passa son goupillon au travers du cœur. Cette fois encore, pourtant, il bénéficia du renouveau de crédit que semblent avoir les préoccupations religieuses, aux approches de la fin du siècle, et sa robe d’initiateur n’est pas devenue l’humble veste qu’on aurait pu croire, après un tel coup.

La forme extérieure de ce pontife est analogue à celle d’un de ces arbres très pauvres, noyers d’Amérique ou vernis du Japon, dont l’ombre est pâle et le fruit vénéneux ou illusoire. Il est fier, surtout, de ses mains qu’il juge extraordinaires, "des mains de très maigre infante, aux doigts fluets et menus". Telles sont ses amicales expressions, car il ne se veut aucun mal.

— Je me fais à moi-même, déclarait-il à un reporter, l’effet d’un chat courtois, très poli, presque aimable, mais nerveux, prêt à sortir ses griffes au moindre mot.

Le chat paraît être, en effet, sa bête, moins la grâce de ce félin. Il est capable de guetter indéfiniment sa proie, et même la proie des autres, avec une douceur féroce que ne déconcerte nul outrage. Il accueille tout sur la pointe d’un demi-sourire figé, laissant tomber, de loin en loin, quelques minces phrases métalliques et tréfilées qui font, parfois, les auditeurs incertains d’écouter un être vivant.

Il est celui qui "ne s’emballe pas". Le pli dédaigneux de sa lèvre est acquis, pour l’éternité, à tout lyrisme, à tout enthousiasme, à toute véhémence du cœur, et sa plus visible passion est de paraître un fil de rasoir dans un torrent.

— Celui-là, c’est l’Envieux ! dit, un jour, avec précision, Barbey d’Aurevilly qui l’assomma de ce mot.

Sa malignité, cependant, est circonspecte. Très soigneux de sa renommée, qu’il cultive en secret, comme un cactus frileux et rare, il ne néglige pas de prendre contact avec des journalistes qu’il pense avoir le droit de mépriser ou avec certains confrères pleins de candeur dont il subtilise les conceptions. On tient pour sûre l’histoire malpropre de cette esquisse de la Messe noire carottée pour quelques louis à un artiste mourant de misère, — ébauche superbe qu’il se hâta d’avilir de son pinceau, après avoir ignominieusement congédié le malheureux qui lui faisait une telle aumône.

Auteur: Bloy Léon

Info: A propos de *Joris-Karl Huysmans, dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 193-196

[ résumé de l'œuvre ] [ description ] [ critique ] [ dénigrement ]

 

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