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éloquence sans fond

Avec Nixon, la politique du spectacle atteint un apogée tragi-comique. Ne s’intéressant ni aux principes ni aux programmes, poussé seulement par l’ambition et par une vague rancune dirigée contre les libéraux cultivés de la côte Est, Nixon consacra la plus grande partie de sa carrière à l’art d’impressionner un public invisible, par ses qualités de dirigeant politique. Les moments déterminants de sa carrière, ces "crises" dont il parle d’une manière si révélatrice, se présentèrent comme autant d’occasions où il fut tenté d’abandonner, mais auxquelles il survécut en démontrant son aptitude à faire face – et, chaque fois, en public. Nixon voyant la politique comme un spectacle et se vantait de pouvoir distinguer une prestation convaincante d’un bide théâtral.

Dans l’affaire Hiss par exemple, il se convainquit de ce que Whittaker Chambers disait la vérité, parce qu’il eut "l’impression que sa prestation n’était pas un jeu d’acteur". Après avoir regardé à la télévision les hearings opposant l’armée et Joseph McCarthy, Nixon remarqua d’un ton méprisant qu’il préférait les acteurs professionnels aux amateurs. Durant sa célèbre "discussion dans la cuisine" avec Nikita Khrouchtchev, Nixon était sûr que ce dernier "jouait la comédie" et, plus tard, il reprocha au maréchal Joukov de sous-estimer l’intelligence du peuple soviétique. "Ils ne sont pas bêtes. Ils savent quand quelqu’un joue la comédie et quand c’est vrai, surtout quand les rôles sont tenus par des amateurs." 

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pages 137-138

[ manipulation médiatique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

acteurs

Je regarde l'état de comédien comme la honte des hontes. J'ai là-dessus les idées les plus centenaires et les plus absolues. La vocation du théâtre est, à mes yeux, la plus basse des misères de ce monde abject et la sodomie passive est, je crois, un peu moins infâme. Le bardache, même vénal, est, du moins, forcé de restreindre, chaque fois, son stupre à la cohabitation d'un seul et peut garder encore - au fond de son ignominie effroyable, - la liberté d'un certain choix. Le comédien s'abandonne, sans choix, à la multitude, et son industrie n'est pas moins ignoble, puisque c'est son corps qui est l'instrument du plaisir donné par son art. L’opprobre de la scène est, pour la femme, infiniment moindre, puisqu’il est, pour elle, en harmonie avec le mystère de la Prostitution, qui ne courbe la misérable que dans le sens de sa nature et l’avilit sans pouvoir la défigurer.

Il a fallu le dénûment métaphysique particulier au xixe siècle et l’énergie surprenante de sa déraison, pour réhabiliter cet art que dix-sept cents ans de raison chrétienne avaient condamné. Il paraît tout simple, aujourd’hui, de recevoir avec honneur et de pavoiser de décorations d’abominables cabots, que les bonnes gens d’autrefois auraient refusé de faire coucher à l’écurie, par crainte qu’ils ne communiquassent aux chevaux la morve de leur profession. Mais vous l’avez dit tout à l’heure, je ne suis pas de ce siècle, j’ai d’autres idées que les siennes, et parmi les choses répugnantes qu’il idolâtre, le prostibule de la rampe est surtout blasphémé par moi…

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, page 362

[ diatribe ] [ avilissement ] [ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

antiféminisme

Le féminisme en demande beaucoup trop aux femmes. Le féminisme exige des femmes qu’elles sortent de la torpeur millénaire qui leur a toujours été accordée de grâce. Tout ça pour obtenir le droit d’aller voter à la grande foire démocratique et pour gagner cent euros de plus par mois, alors qu’on pourrait très bien rester une femme au foyer et se la couler douce toute la journée. J’aime pouvoir profiter des avantages que me confère le sexe faible. Pouvoir cultiver un gros cul plein de graisse, pouvoir pécho même si je ressemble à un gros thon rien que parce que la plupart des hommes sont prêts à tout pour niquer, pouvoir dire que j’ai la migraine le soir au moment d’aller me pieuter sans qu’on remette en cause ma féminité, rater ma vie professionnelle sans en faire une question personnelle, avoir des occupations ménagères toutes trouvées les dimanches pluvieux, être capable de faire l’amour plusieurs fois par jour sans fatigue (avec des hommes différents de préférence), aller préparer le repas du soir plutôt que de me faire chier devant la télé. Et si je n’ai aucune ambition, pas besoin d’en trouver une : il me suffit de pondre un gosse ou deux pour qu’on me foute la paix tout le reste de mon existence. Seulement voilà, depuis quelques temps, des mecs qui veulent nous foutre dans la même merde qu’eux ouvrent leur grande gueule de bâtards pour nous dire ce que nous, les femmes, nous devrions devenir. Ils nous disent : vous pourriez devenir tellement d’autres choses. Vous pourriez devenir des hommes, par exemple.

Auteur: Colimasson

Info:

 
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Ajouté à la BD par miguel

femmes-par-hommes

J'avais aimé Carmen Rubiolo. Il y avait de cela dix ou douze ans, à l'époque où le journalisme en Argentine était une profession si brûlante qu'il était impossible d'aimer qui que ce soit en paix. Carmen faisait partie de ces filles qui semblent nées pour aimer une seule fois pour toutes et dont on croit qu'elles ne veulent que se marier et avoir des mouflets. Mais elle était bien plus complexe que cela: passionnée, romantique, elle était une lectrice insatiable, de ces gens qui au lieu de lire le journal le dépiautent, lunettes au bout du nez et clope au bec. Elle aimait s'habiller à la mode, disserter sur les films français qui passaient dans les cinémas du centre, faire l'amour en silence et très concentrée jusqu'à l'orgasme, comprendre le point de vue des autres pour s'y opposer avec plus de véhémence et reprocher vertement aux hommes toute attitude machiste. Elle était nerveuse mais tendre, affectueuse mais farouche, joueuse et rebelle, solennelle pour des questions dérisoires; elle cuisinait des escalopes milanaises inégalables, aillées et persillées à la perfection, et avouait son plaisir d'être aimée par un journaliste. Elle s'imaginait qu'un journaliste était quelqu'un d'important.
Je l'avais aimée dix ou douze ans plus tôt. Mais probablement huit, depuis la nuit où elle m'avait attendu, en furie, pour me dire: "Je ne te supporte plus, tu es le type le plus égoïste et le plus merdique que j'aie connu dans ma vie. Et elle avait quitté l'appartement d'Acevedo et Güemes avec un claquement de porte qui avait résonné dans tout l'immeuble. Et m'avait fait bien plus mal que la plainte du concierge et du syndic.

Auteur: Giardinelli Mempo

Info: Les morts sont seuls

[ compliquées ]

 

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anecdote

Origine du malheur familial des Schmidt.
Heinrich Schmidt et son fils avaient un ressentiment encore plus fort et plus profond envers le margrave déchu que les autres habitants de Hof. Cela remontait au lundi 16 octobre 1553, trois jours après le retour d'Albrecht-Alcibiades et de sa suite dans Hof dévastée. Comme d'autres villes allemandes de sa taille, Hof ne pouvait avoir son propre bourreau à plein temps. Mais quand Albrecht, haï de tous, arrêta trois armuriers locaux censés avoir comploté pour le tuer, plutôt que de prendre un professionnel itinérant pour les exécuter, le margrave têtu invoqua une coutume ancienne : il ordonna à un spectateur de les exécuter sur le champ. L'homme à qui échut cet honneur affreux était Heinrich Schmidt. Etant un citoyen respectable de Hof, Schmidt protesta avec véhémence contre son seigneur, disant que cet acte mettrait l'infamie sur lui et ses descendants, mais en vain. Franz Schmidt raconta, à soixante-dix ans, "Si [mon père] n'obéissait pas, il [le margrave] menaça de le pendre, lui et les deux hommes à côté de lui."
(...)
Comme Heinrich Schmidt l'avait prévu, du moment où il exécuta l'ordre d'Albrecht, lui et sa famille furent exclus de la société honorable, sans pitié et pour toujours, par leurs voisins et anciens amis, avilis à la fois par leur association avec un métier odieux et (avec) un tyran détesté. Déshonoré, Heinrich Schmidt aurait pu tenter d'échapper à l'ignominie en commençant une nouvelle vie avec sa famille dans une ville éloignée. Il choisit au contraire de rester dans sa maison ancestrale et de gagner sa vie dans le seul métier qui lui restait. Ainsi naquit une nouvelle dynastie de bourreaux...

Auteur: Harrington Joel F.

Info: L'honneur du bourreau, p. 47-48

[ de père en fils ] [ adaptation ] [ résignation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

mythe français

Sans doute parlait-on des événements politiques et militaires, le soir à la veillée, près de la cheminée ; et c'était peut-être leur écho que percevait la petite Jeanne, au travers des voix qu'elle disait avoir entendues dès 1424-1425, d'abord dans le jardin de son père, puis en d'autres lieux. Ces voix se manifestèrent-elles à Jeanne dans la vallée, le long du cours paisible de la Meuse, ou plus loin, en direction du sud, sur les hauteurs, vers le Bois-Chenu, à l'orée duquel on trouvait l'Arbre des Fées ? Partout, sans doute, mais en tous cas pas dans un pré où Jeanne aurait filé la laine pendant la garde des brebis ou d'un troupeau de moutons. Car c'est une idée fausse et pourtant communément admise que la fillette puis la jeune fille aurait pu être commise à cette tâche. Il lui arriva sans aucun doute de conduire des bêtes au pré, sitôt finie la récolte des foins, quand les paysans rassemblaient dans les prairies tous leurs bœufs et chevaux en assurant les uns après les autres un tour de garde du cheptel, ce qu'elle devait reconnaître plus tard. Mais elle n'était pas une bergère et ne s'occupait probablement pas de la surveillance des moutons, car c'était alors un travail de professionnel. Et elle devait plutôt aider ses parents aux travaux des champs, particulièrement lors des moissons, ou à ceux de la maison, et surtout "coudre et filer" pour faire des draps de lin, comme elle le dira à Rouen, face à ses juges. Quoi qu'il en soit, la nature était bien, de toute façon, le témoin de ces phénomènes étranges. Mais n'y avait-il que des voix ? N'y avait-il pas également des apparitions ? Certainement, car Jeanne nous dit avoir vu Sainte Catherine d'Alexandrie, Sainte Marguerite d'Antioche et l'Archange Saint Michel, entourés d'une multitude d'anges, en précisant bien qu'elle les vit de ses yeux.

Auteur: Sarindar François

Info: Jeanne d'Arc : Une mission inachevée, p 23

[ historique ] [ christianisme ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

dévouement individualiste

L’intellectualisation consiste en somme dans le processus de diffusion de l’abstraction intellectuelle dans le comportement d’être qui ne sont pas des intellectuels, mais qui y sont devenus réceptifs par la vulgarisation de la pensée idéologique. Cette abstraction renonce au raisonnement, au contact des actions concrètes, pour envisager les choses essentiellement sous l’angle des intentions vagues, des velléités et des fins indéterminées, en entretenant une sourde révolte contre un monde considéré comme débile, en tout cas insensible à la gravité des idées abstraites. Il en résulte une insatisfaction contestataire, souvent ensevelies dans des âmes dépitées face à l’incompréhension prétendue des autres, sous prétexte qu’ils seraient insensibles aux immenses malheurs d’un monde à sauver. L’imagination se dépouille de toute ironie pour devenir sérieuse et compassée, comme s’il fallait par exemple être à tout instant à l’écoute du Tiers Monde, à l’affût des conversations pour débusquer les ombres du racisme, prêt à manifester en faveur de la paix ou disposé à libérer le genre humain chaque fois d’une autre aliénation. L’événement le plus insignifiant est interprété comme déterminant pour le destin du monde. Tout se passe comme si on voulait nous condamner à une existence chagrine, dépourvue de tout humour et de toute gaîté. En fin de compte tout sentiment s’épuise dans un sentimentalisme militant et toute émotion dans une dramatisation sentencieuse. L’insatisfaction se traduit le plus souvent par un ténébreux mécontentement pour la profession qu’on occupe. En effet on se plaît à rêver d’une profession seconde, sous la forme par exemple d’une velléité de s’engager aux côtés des médecins sans frontières, sans aucune qualification dans le domaine de la santé, rien que pour jouer avec son désir indistinct de dévouement dans toutes sortes d’associations humanitaires, fraternelles ou soi-disant culturellement libératrices (féminisme, écologisme, etc.). La priorité écologique par exemple n’est pas donnée à une réflexion sur les conditions de la sauvegarde de la nature, mais à la manifestation rhétorique* préconisant cette sauvegarde.

Auteur: Freund Julien

Info: Politique et impolitique, page 11

[ popularisation ] [ erreur catégorielle ] [ amateurisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-par-hommes

L'enseignement de l'improvisation chez les jeunes, disons entre 10 et 20 ans, a fait partie des principales compétences et centres d'intérêt de ma profession de musicien de jazz. (Le jazz est la musique des musiciens, ces derniers étant en principe beaucoup plus ouverts que ce mot implique. En fait dans le jazz on s'amuse, on mélange un peu tout, les styles, les tonalités, signatures rythmiques, timbres... souvent avec bcp de notes... ce qui génère souvent un résultat désagréables pour un public habitué à des choses plus simples.).
Educateur durant près de 25 ans, puis directeur quelques années d'une institution de près de 1000 élèves, mon expérience est aussi nourrie de nombreuses discussions avec les enseignants d'ici ou d'ailleurs. Pour en sortir avec un poncif, qui résume un point de vue bien sûr subjectif. Subjectif puisque, probablement par crainte de certaines tensions, je n'ai jamais poussé plus que ça le dialogue sur ce sujet avec mes collègues enseignantes.
Bref voilà la parole d'un gars qui a principalement discuté avec d'autres gars sur le sujet.
Ce poncif le voilà.
Dans le cadre d'un cours de musique, d'un cours d'instrument, les filles aiment coller à la partition, elles préfèrent un cadre précis, qu'on leur dise quoi faire, de A à Z, le demandent en quelque sorte, se rassurent.
Les mecs auront eux beaucoup plus tendance à vouloir s'amuser - parfois très longtemps. Par exemple en jouant et improvisant avec deux accords posés sur un motif rythmique simple, en explorant les variations... en se mettant en transe, ai-je envie d'écrire ici.
Fin du poncif.
Les quelques extraits de cette chaîne ont donc été retenus au cours du temps parce qu'ils me paraissent expliciter cette idée d'une "différence" fondamentale entre les genres sexuels dans le monde animal et donc humain. Différences ayant pour roche-mère le "rôle", la fonction nidificatrice, reproductrice... de la femelle. Rôle bien différent de celui du mâle, plutôt vagabond polygame, destiné à exister à tout prix devant elle jusqu'à ce que cette dernière, (devenue compagne chez certaines espèces au fonctionnement moins "mécanique"), accepte de se faire parasiter par d'autres gènes.
Parce que : une fois cette mission menée à bien, il y a pas mal de races où on a l'impression que le rôle de l'inséminateur s'arrête.

Auteur: Mg

Info: 23 août 2017

[ mâles-femelles ]

 
Mis dans la chaine

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beaux-arts

Contre-Intelligence Culturelle
Les Opérations Psychologiques font désormais partie de la large gamme des activités politiques, militaires, économiques et idéologiques qui visent à sécuriser les objectifs nationaux et les intérêts privés. Les Professionnels de l'Intelligence insistent sur l'efficacité des méthodes de manipulation : " Par l'application de techniques sonores PSYOP, dans la communication directe ou dans les communications utilisant les médias, il a été démontré maintes et maintes fois que la séduction de l'intelligence, de la raison et des émotions du public-cible le conduira à penser et à agir comme désiré."
L'Intelligence est le substitut virtuel à la violence dans la Société de l'Information. La Contre-Intelligence (CI) requiert l'investigation, l'examen systématique et détaillé, et concerne l'identification et la neutralisation de manipulations de l'intelligence par des services, des organisations ou des individus. Cibler l'environnement informationnel inclut l'influence sur la culture, l'industrie cognitive et le domaine artistique, ceci afin de manipuler l'émergence de formes esthétiques et gestuelles symboliques. Dans un conflit de résistance à la culture zombie, il est compréhensible que l'art traditionnel ne puisse plus longtemps se justifier comme une activité à laquelle un individu pourrait se consacrer en solitaire de manière honorable et utile. La morbidité croissante de ce champ de bataille culturel amplifiera l'importance de la ruse, de la mobilité, de la dispersion et de la poursuite d'un tempo opérationnel plus élevé. L'artiste en tant que hacker de la réalité est un opérateur d'intelligence et de contre-intelligence culturelle pour qui devraient être plus appropriées les définitions de cultures cachées ou parallèles que les termes communs de " marginalité " ou " d'underground ". Dans un monde où la propagande proclame son existence, les méthodes d'Intelligence Culturelle contre la monopolisation de la perception et l'homogénéisation des modèles culturels ont développé une grande variété de techniques. Des éléments préexistants dans la société peuvent être utilisés pour provoquer une signification qui ne leur était pas originelle ; et leur transformation débouche sur un message entièrement nouveau qui révèle l'absurdité sous-jacente du spectacle. La pratique de la subversion, mais également le brouillage culturel, le contre-terrorisme sémiotique, les fantômes collectifs, l'invasion des médias, l'exploration spatiale indépendante, et tous les moyens d'expression artistiques connus ont besoin de converger vers un mouvement général de contre-propagande qui doit englober tous les aspects perpétuellement interagissant de la réalité sociale.

Auteur: Becker Konrad

Info:

[ contre-pouvoir ]

 

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position sociale

Un masque peut en cacher un autre... Le désir d'être reconnu par les autres est inséparable de l'être humain. Selon Hegel, cette reconnaissance est tellement essentielle que chacun est disposé pour l'obtenir à risquer sa propre vie. Il ne s'agit pas simplement, en effet, de satisfaction ou d'amour-propre : il faut plutôt dire que c'est seulement à travers la reconnaissance des autres que l'homme peut se constituer comme personne.

Persona signifiait à l'origine "masque" et c'est à travers le masque que l'individu acquiert un rôle et une identité sociale. Ainsi, à Rome, tout individu était identifié par un nom qui exprimait son appartenance à une gens, à une lignée, mais celle-ci, à son tour, se trouvait définie par le masque en cire de l'aïeul que chaque famille patricienne conservait dans l'atrium de sa demeure. De là à faire de la personne la "personnalité" qui définit la place de l'individu dans les drames et les rites de la vie sociale, il n'y a qu'un pas et persona a fini par indiquer la capacité juridique et la dignité politique de l'homme libre. Quant à l'esclave, tout comme il n'avait pas d'aïeux, ni de masque, ni de nom, il ne pouvait pas davantage avoir une "personne", une capacité juridique (servus non habet personam). La lutte pour la reconnaissance est donc, à chaque fois, une lutte pour le masque, mais ce masque coïncide avec la "personnalité" que la société reconnaît à chaque individu (ou avec le "personnage" qu'elle fait de lui avec sa connivence plus ou moins réticente).

Il n'est donc pas étonnant que la reconnaissance des personnes ait été pendant des millénaires la possession la plus jalouse et la plus significative. Si les autres êtres humains sont importants et nécessaires, c'est avant tout parce qu'ils peuvent me reconnaître. Le pouvoir lui-même, la gloire, les richesses, tout ce à quoi "les autres" semblent être si sensibles n'a de sens, en dernière analyse, qu'en vue de cette reconnaissance de l'identité personnelle. On peut bien, comme aimait à le faire, selon les récits, le calife de Bagdad Harun al-Rashid, se promener incognito par les rues de la ville et s'habiller comme un mendiant ; mais s'il n'y avait jamais un moment où le nom, la gloire, les richesses et le pouvoir étaient reconnus comme "miens", si, comme certains saints invitent à le faire, je passais toute ma vie dans la non-reconnaissance, alors mon identité personnelle serait perdue à tout jamais. 

Auteur: Agamben Giorgio

Info: Nudités, Identité sans personne.

[ étymologie ] [ ego miroir sociétal ] [ statut professionnel ]

 

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Ajouté à la BD par miguel