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métropolisation

Bref, on se modernisait, à part les retardataires, ceux des générations "sacrifiées" : qu’ils se cachent, ceux-là ! et qu’on les oublie… sauf, bien entendu, pour le payement des impôts. […] Payez pour les sanatoriums et les hôpitaux de Modernopolis – de toute Modernopolis -, qui, de plus en plus, aura besoin de retaper le matériel humain qu’elle abîme, les poumons qu’elle essouffle, les reins qu’elle use, les cerveaux qu’elle fatigue. […] Ne nous laissons pas arrêter par de si mesquines apparences, écoutons les prometteurs, les bâtisseurs, les artisans d’urbanisme, de modernisme – ceux qui voient grand, et vaste, et riche, et "cher" ! Recrutons de la main d’œuvre, renouvelons les villes, élevons des gratte-ciel, remplaçons les vieilles rues par deux ou trois voies superposées ; après quoi, tout sera encore plus complexe, plus coûteux, plus épuisant pour les reins, pour les cerveaux, pour les finances : mais au moins, si nous devons en crever, nous en crèverons au nom du Progrès !
[…]
Car il en avait, des projets grandioses : non seulement pour l’Urbanisme, l’Hygiène, les Sanatoriums, Préventoriums, et pour la modernisation du Travail – "tayloriser", "standardiser", "américaniser" - , mais aussi, et surtout, dans son domaine spécial de technicien, pour l’exploitation rationnelle, intégrale, de toute la Houille blanche du Dauphiné. C’était un cerveau "géométrique" et "mécanique" : l’irrégularité géographique l’exaspérait ; eh bien ! il la ramènerait à la logique et à la raison. Discipliner les chutes d’eau, étager les réservoirs avec une régularité de godets ou de monte-charge, convergeant tous vers le bassin de Grenoble, creuser et cimenter le lit de l’Isère, du Drac, de la Romanche, ménager d’immenses champs d’inondation – l’Agriculture dût-elle en crever -, supprimer les boucles qui gênent l’écoulement normal des crues… que sais-je encore ? rogner les angles, tailler des pans de montagne…

Auteur: Lote René

Info: Dans "Modernopolis. La comédie humaine et le progrès"

[ urbanisation ] [ absurde ] [ homme-nature ] [ fuite en avant ]

 

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transition capitaliste

- […] Il prit la terre pour construire une ville et il nous fit mourir de faim. La ville ne pouvait pas vivre. Il n’y avait plus de quoi manger pour les pies et les corbeaux, rien que des maisons et des humains. Il nous procura ceci et cela : beaucoup de maisons, une banque, une fabrique, des arbres de Noël et toutes ces histoires-là. Ayant appris dernièrement qu’il cultivait du tabac – est-ce un aliment, ça ? lui demandai-je. Non, me répondit-il, mais c’est l’évolution, c’est de l’argent pour acheter de la nourriture ! De l’argent ? Oui, c’était de l’argent et des bénéfices et du progrès, etc. Non, c’est la perdition, voilà ce que c’est, nous ne mangeons plus que des choses recherchées qu’on achète dans les boutiques et nous n’ouvrons la bouche que pour en avoir toujours davantage, c’est du vent que nous avalons, cela ne rassasie pas. Je vois, Hosea, que tu vas dire quelque chose. Tu veux parler du café.
- Oui, dit Hosea, on aurait pu en offrir une tasse à Joakim, mais je n’en ai pas, je n’ai pas de quoi en acheter.
Ezra : - Et tu crois que Joakim y tient ! Donne-lui donc une tasse de lait. Voilà ce qu’avant nous on mettait devant les invités. Et puis toutes ces grandes exigences ridicules, auxquelles August voulait nous habituer, tous ces besoins de friandises coûteuses ! Les gens en sont arrivés à être mécontents, à se figurer qu’ils souffrent la misère s’ils ne mangent pas chaque jour de la viande et des plats du dimanche. Exigences et mécontentement de plus en plus grands chez tous. Le dernier homme content à Polden-sur-Mer a été Martinus Halskar. Il n’était pas trop gâté, mais il avait de la reconnaissance envers Dieu, et il a dépassé quatre-vingt ans.

Auteur: Hamsun Knut

Info: Dans "August le marin", trad. Marguerite Gay et Gerd de Mautort, Le livre de poche, 1999, page 1485

[ mode de vie traditionnel ] [ dépossession ] [ moyens de production ]

 

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historique

Le livre imprimé se détache de ses origines, il s'aère, il multiplie les blancs avec la baisse du prix du papier. L'objet précieux et rare prend l'aspect robuste et simple d'un objet courant accessible aux échelles intermédiaires d'une élite de l'intelligence et de l'aisance.
Il faudra poursuivre une histoire quantitative du livre. Henri-Jean Martin l'a entreprise au niveau de la production. On peut la concevoir également à l'arrivée. Les inventaires après décès, le contenu des bibliothèques, ce que nous entrevoyons nous permet de de supposer, entre 1680 et 1780, dans l'Europe de l'Ouest, où l'implantation est ancienne, un décuplement du stock existant. Cette multiplication se fait par deux voies. Dans le milieu aisé et qui lit, là où l'on trouvait avant cinquante livres, on en trouve facilement deux cent cinquante. Le livre est un objet qui s'use peu et qui se conserve facilement. Avec l'extension et la modification du contenu de l'alphabétisation, le livre franchit pour la première fois des portes closes. Les bibliothèques bleues, les contes, qui foisonnent fin XVIIe, sont le signe de conquête culturelle et sociale. La lecture qui est ainsi diffusée à travers les bibliothèques populaires est une culture de rêve, archaïsante et rétrograde. On regrette le livre de la piété populaire du XVIe, qui s'adressait, il est vrai, à une autre couche. Et pourtant, même la bibliothèque bleue est un instrument de progrès ; elle contribue au perfectionnement de la lecture par récompense immédiate, elle dégage peu à peu, parmi les lisants déchiffrant, des lisants capables d'une utilisation difficile du langage écrit, dans la catégorie des lecteurs à haute voix, notamment à la veillée collective au coin du feu, éclairée par les cosses de haricots, chandelle du pauvre. Pour cela, il fallait un outil abondant, bon marché. Voyez les coûts. L'étude, pour l'essentiel reste à faire.

Auteur: Chaunu Pierre

Info: , Les grandes Civilisations, t. 11 : La Civilisation de l'Europe des Lumières, p. 243-247

[ imprimerie ] [ occident ]

 
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historique

Beaucoup s'imaginent que l'amour maternel est un sentiment humain naturel et automatique.
Rien de plus faux. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, la plupart des femmes appartenant à la bourgeoisie occidentale plaçaient leurs enfants en nourrice et ne s'en occupaient plus.
Les paysannes n'étaient guère plus attentionnées. On emmaillotait les bébés dans des langes très serrés puis on les accrochait au mur pas trop loin de la cheminée afin qu'ils n'aient pas froid.
Le taux de mortalité infantile étant très élevé, les parents étaient fatalistes, sachant qu'il n'y avait qu'une chance sur deux pour que leurs enfants survivent jusqu'à l'adolescence. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que les gouvernements ont compris l'intérêt économique, social et militaire de ce fameux "instinct maternel". En particulier lors de recensements de la population, car on s'aperçut alors du grand nombre d'enfants mal nourris, maltraités, battus. A la longue, les conséquences risquaient d'être lourdes pour l'avenir d'un pays. On développa l'information, la prévention, et, peu à peu, les progrès de la médecine en matière de maladies infantiles permirent d'affirmer que les parents pouvaient dorénavant s'investir affectivement dans leurs enfants sans crainte de les perdre prématurément. On mit donc à l'ordre du jour l'"instinct maternel".
Un nouveau marché naquit peu à peu : couches-culottes, biberons, laits maternisés, petits pots, jouets. Le mythe du Père Noël se répandit dans le monde.
Les industriels de l'enfance, au travers de multiples réclames, créèrent l'image de mères responsables, et le bonheur de l'enfant devint une sorte d'idéal moderne.
Paradoxalement, c'est au moment où l'amour maternel s'affiche, se revendique et s'épanouit, devenant le seul sentiment incontestable dans la société, que les enfants, une fois grands, reprochent constamment à leur mère de ne pas s'être suffisamment souciée d'eux. Et, plus tard, ils déversent... chez un psychanalyste leurs ressentiments et leurs rancoeurs envers leur génitrice.

Auteur: Werber Bernard

Info: L'Encyclopédie du savoir relatif et absolu

[ parents ] [ enfants ] [ natalité ]

 

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recherche industrielle

Le lecteur innocent et beaucoup de mathématiciens confirmés seront probablement surpris de trouver dans mon livre quelques allusions très appuyées à des sujets extra-mathématiques et particulièrement aux relations entre science et armement. Cela ne se fait pas : 'la Science est politiquement neutre', même lorsque quelqu’un la laisse par mégarde tomber sur Hiroshima. Ce n’est pas non plus au programme : le métier du mathématicien est de fournir à ses étudiants ou lecteurs, sans commentaires, des instruments dont ceux-ci feront plus tard, pour le meilleur et pour le pire, l’usage qui leur conviendra.

Il me paraît plus honnête de violer ces misérables et beaucoup trop commodes tabous et de mettre en garde les innocents qui se lancent en aveugles dans des carrières dont ils ignorent tout. En raison de ses catastrophiques conséquences passées ou potentielles, la question des rapports entre science, technologie et armement concerne tous ceux qui se lancent dans les sciences ou les techniques ou les pratiquent. Elle est gouvernée depuis un demi-siècle par l’existence d’organismes officiels et d’entreprises privées dont la fonction est la transformation systématique du progrès scientifique et technique en progrès militaire dans la limite, souvent élastique, des capacités économiques des pays concernés.

Il serait impossible de discuter ce sujet, encore moins d’en faire l’histoire d’une façon un tant soit peu systématique, dans le cadre d’un traité de mathématiques, sauf à y ajouter des volumes supplémentaires. On peut toutefois, en quelques dizaines de pages, en donner une idée et, en particulier, montrer que la question et le sujet existent. Dans une France où les discussions sur les relations entre Science et Défense sont dominées depuis des décennies par un épais “consensus”, la chose à dire à la jeunesse est que l’une des formes de la liberté intellectuelle est de ne pas se laisser dominer par les idées dominantes...

Auteur: Godement Roger

Info: Science, technologie, armement Extrait de la Préface à "Analyse Mathématique", Éditions Springer, 1997

[ guerres ] [ conflits d'intérêts ] [ critique ] [ indépendance ]

 
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division bipartisane

La distinction moderne entre la "Droite" et la "Gauche "(qui est une transposition française de l’opposition, née en Angleterre, des Tories et des Whigs) correspond tout au long du XIXe siècle au conflit entre les défenseurs de l’ "Ancien Régime" - c’est-à-dire d’une société agraire et théologico-militaire – et les partisans du "Progrès" pour qui la révolution industrielle et scientifique (forme pratique du triomphe de la Raison) conduira, par sa seule logique, à réconcilier l’humanité avec elle-même. Le socialisme originel, au contraire, est, dans son principe, parfaitement indépendant de ce clivage. Il constitue avant tout la traduction en idées philosophiques des premières protestations populaires (luddites et chartistes anglais, canuts de Lyon, tisserands de Silésie, etc.) contre les effets humains et écologiques désastreux de l’industrialisation libérale. On ne trouvera par conséquent pas, chez Fourier ou chez Marx, de vibrants appels à unir un mystérieux "peuple de gauche" contre l’ensemble des forces supposées "hostiles au changement". Et durant tout le XIXe siècle, les socialistes les plus radicaux s’ont d’abord attentifs à ne pas compromettre la précieuse autonomie politique des travailleurs lors des différentes alliances éphémères qu’ils sont obligés de nouer, tantôt contre les puissances de l’Ancien Régime, tantôt contre les industriels libéraux. Ce n’est qu’après l’affaire Dreyfus – et non sans débats passionnés – que s’opérera véritablement pour le meilleur et pour le pire, l’inscription massive du mouvement socialiste dans le camp de la Gauche défini comme celui des "forces de Progrès". Pour valider cette opération historique, à la fois féconde et ambiguë, il sera d’ailleurs nécessaire (Durkheim jouant ici un rôle important) d’accentuer autrement la généalogie du projet socialiste. On choisira d’u voir désormais moins le produit de la créativité ouvrière qu’un développement "scientifique" de la philosophie des Lumières, rendu possible par l’œuvre du comte de Saint-Simon, et importé ensuite "de l’extérieur" dans la classe ouvrière. 

Auteur: Michéa Jean-Claude

Info: Préface à "La culture du narcissisme" de Christopher Lasch, éditions Flammarion, Paris, 2018

[ historique ] [ réappropriation bourgeoise ] [ gauche-droite ]

 

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égrégore

Outre les différentes formes de propagande dont il a été question dans ce chapitre, il faut encore en mentionner une autre qui semble tout à fait spéciale au théosophisme et à quelques sectes américaines qui lui sont plus ou moins apparentées : c’est ce qu’on appelle la "propagande mentale". Voici comment Mme Besant explique ce qu’il faut entendre par là : "Un groupe d’hommes qui ont des convictions communes, un groupe de théosophes, par exemple, peuvent contribuer dans une large mesure à répandre les idées théosophiques dans leur entourage immédiat, s’ils s’entendent pour consacrer, en même temps, dix minutes par jour à la méditation de quelque enseignement théosophique. Il n’est pas nécessaire que leurs personnes soient réunies en un même lieu, pourvu que leurs esprits soient unis. Supposons un petit groupe ayant décidé de méditer sur la réincarnation dix minutes par jour, à une heure convenue, pendant trois ou six mois. Des formes-pensées très puissantes viendraient assaillir en foule la région choisie, et l’idée de réincarnation pénétrerait dans un nombre considérable d’esprits. On s’informerait, on chercherait des livres sur le sujet, et une conférence sur la question, après une préparation de ce genre, attirerait un public très avide d’informations et très intéressé à l’avance. Un progrès hors de proportion avec les moyens physiques employés se réalise partout où des hommes et des femmes s’entendent sérieusement au sujet de cette propagande mentale" (Le Pouvoir de la Pensée, sa maîtrise et sa culture, pp. 178-179). Fait important à noter, c’est à des pratiques de ce genre que se rattache l’origine de la fameuse coutume des "minutes de silence", qui a été importée en Europe par les Américains, et qui est devenue, depuis la guerre, un des principaux éléments de presque toutes les commémorations officielles ; il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire, d’une façon plus générale, sur les déviations pseudo-religieuses inhérentes à l’espèce de "culte civique" dont cette coutume fait partie.

Auteur: Guénon René

Info: Le Théosophisme, Histoire d’une Pseudo-Religion, ch. 26 : Les organisations auxiliaires de la société théosophique, éd. Éditions Traditionnelles, note additionnelle de la seconde édition

[ sécularisation ] [ domination spirituelle ] [ Gestalt source ] [ pouvoir du verbe ]

 

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complexe militaro-scientifique

Est-il raisonnable de croire que les aspects militaires du progrès scientifique menacent la survie de l’espèce humaine ? Ce que racontent les survivants d’Hiroshima vous concerne-t-il ? N’est-il pas évident que les scientifiques ont toujours “ détourné ” au profit de l’humanité l’argent des militaires ? Au reste, la distinction entre crédits civils et crédits militaires a-t-elle un sens ? L’inventeur des équations de Maxwell est-il responsable de la censure à l’ORTF ? Est-il légitime de penser que tout ce qui est techniquement faisable se fera, donc doit se faire, donc que j’aurais intérêt à le faire sur-le-champ pour ’battre mes petits camarades à l’arrivée ? Et ta soeur, si le cousin Jules te disait qu’il va la violer demain à cinq heures, est-ce que tu irais coucher avec elle sur-le-champ pour être certain de ne pas rester en rade ? Avez-vous entendu parler de la déontologie des ordinateurs, des écarts technologiques, et du plan Calcul ? Que savez-vous de la DGRST, de la DRME, de l’ONERA, du CNES, de l’histoire du Commissariat à l’énergie atomique, de Saclay, de Pierrelatte, de l’accélérateur, et de tout ce qui se passe dans tous les labos parisiens ? Quelles sont leurs sources de financement, comment recrutent-ils leur personnel, quelles sont leurs relations avec l’extérieur ? Connaissez-vous l’histoire de l’École polytechnique, et savez-vous ce que deviennent les polytechniciens ? Le laboratoire de Physique de l’École Normale supérieure est-il une institution purement scientifique ? Croyez-vous au scénario suivant : 10 000 chars soviétiques convergent vers l’Alsace-Lorraine, M. Debré parle de vitrifier Moscou, et les tanks russes, la queue entre les jambes, rentrent piteusement au bercail ? Qui construit la force de frappe ? Un pays comme la France peut-il, sans aide extérieure, édifier une industrie atomique rentable ? Le rôle d’une faculté des Sciences devrait-il être simplement d’indiquer aux étudiants les routes à suivre pour s’intégrer à la société, ou devrait-on aussi les aider à la comprendre ? Les étudiants savent-ils ce qu’ils font lorsqu’ils choisissent une spécialisation ou un métier ?

Auteur: Godement Roger

Info: Dans "Pourquoi faites-vous de la science ?"

[ recherche ] [ éthique ]

 

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Éternel

Dieu est une maladie du cœur. Notre besoin de trouver de l'aide a conçu ce soutien incertain qui conforte les êtres faibles et impuissants dans leur faiblesse. Les forts — ceux qui portent sur leur dos leurs incertitudes, ceux qui ont du courage dans leur absence de fondement — se trouvent toujours en dehors de Lui ; ils vivent sans la superstition d'aucune majuscule. […] La diversité des formules par lesquelles nous exprimons le bien suprême reflète sous sa véracité apparente un même élan, en profondeur. Dieu ou les dieux ; l'État ou la civilisation ; l'autorité ou le progrès ; une nation, une classe ou bien un individu ; l'immortalité ou le paradis terrestre — autant de visage de l'éternel Veau d'or. Le désir d'isoler un concept hors d'une suite abstraite, ou bien un objet hors du monde concret, et de le couronner d'une majuscule, est le fruit d'une soif profonde ; son résultat : l'Histoire. De la chaîne universelle des êtres et des choses, quelqu'un ou quelque chose doit s'extraire et s'élever à l'indépendance ; il faut qu'un chaînon ne soit plus attaché aux autres. Ainsi le cœur proteste-t-il contre le déterminisme. Il crée un symbole de liberté dont tout dépend. De la sorte, il assure son confort dans le cosmos et trompe sa faiblesse. […] En Dieu nous ne faisons que fuir la lumière incurable et stérile de ce monde, nous nous réfugions dans une obscurité chaude et germinative, productive à l'infini et inaccessible, nous nous défendons contre les tentations qui nous mangent et nous rongent, qui nous révéleraient une vérité irrespirable et un ciel sans consolation. La force nous manque pour endurer l'épreuve des visions lucides. La santé parfaite de la raison qui en toute chose contemple le rien, l'esprit qui fraternise avec le vide à l'entour — sont fatals à l'âme. Aussi enfante-t-elle Dieu et tous ses succédanés terrestres, pour garder son équilibre, lequel n'est, à la lumière de la raison, que déficience et construction démente.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Divagations

[ refuge ] [ réconfort ] [ illusion ] [ inutile ]

 

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droits des minorités

Il ne faut pas perdre une minute à batailler contre la revendication du "mariage homosexuel". C’est une de ces nouveautés innovantes comme notre temps en raffole, une de ces avancées qui vont de l’avant sans craindre d’aller plus loin que loin, un de ces progrès inéluctables qui ont le vent du futur dans les voiles. [...]

Quant à la contradiction comique mais classique à la faveur de laquelle on veut, comme Christophe Girard et Clémentine Autain, placer sous la protection de l’État une union homosexuelle dont on dit qu’elle sera aussi et surtout "un pied de nez à la conception traditionnelle du mariage", ce serait également perdre son temps que de la relever, quand la course à l’avenir prend les formes d’une marche nuptiale dadaïste qui réclame d’être bénie par les plus hautes autorités au nom de l’égalité. [...]

Sans compter, ainsi que l’écrit un militant de cette magnifique conquête, qu’il n’existe aucun motif rationnel pour l’interdire. Il en existe si peu qu’on se demande pourquoi, dans les siècles des siècles, personne n’avait encore songé à l’autoriser. Il est vrai que les grandes révolutions engloutissent dans leur triomphe jusqu’au souvenir des raisons qui auraient pu les arrêter.

Il est vrai aussi qu’on n’avait pas jusqu’alors pensé à mettre le nez dans les silences du code civil. Providentiels silences d’un code qui a oublié de préciser ce qui lui semblait aller de soi. Ainsi de l’article 144 relatif au mariage, qui ne stipule pas qu’il faut que cela se passe entre personnes du sexe opposé. Une lacune béante dont les partisans du mariage homo ont fait leur premier argument de campagne sur la base d’un principe simple : tout ce dont le code ne parle pas n’est pas interdit. La chose semble en effet irréfutable. On pourrait même la généraliser. Et noter que le code ne mentionne pas non plus qu’il est interdit de se marier avec un bégonia, une onde hertzienne ou un œuf dur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1586-1587

[ progressisme ] [ appui législatif délirant ] [ pouvoir minoritaire ]

 

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