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ascendants

Observation banale qui m'a laissé bouche bée au point d'imaginer qu'elle doit contenir une escroquerie impardonnable. Je suis parti du principe que j'ai deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents, seize arrière-arrière-grands-parents. Pourquoi ne pas continuer? Papier et crayon en main, j'ai fait le calcul. En 1780, j'avais 64 ancêtres (en comptant 30 ans par génération), en 1480, j'en avais 65 536, en 1240, j'en avais 16713216, en 1060, j'en avais 1069645824. Et je n'ai pas continué parce que je touchais déjà à l'absurde, à la plus grande mystification de l'histoire: tout simplement parce qu'en 1060, la population mondiale n'atteignait pas deux milliards d'habitants. Quelle explication à tout cela? L'inceste et la polygamie peuvent en partie réduire ces chiffres, mais pas au point d'annuler leur inacceptable énormité. Mystère. Paradoxe: chaque habitant du globe descend de tous les habitants du globe ayant vécu dans le passé (cône inversé), mais d'un habitant du globe et de son conjoint ayant vécu dans le passé descendent tous les habitants actuels (cône normal).

Auteur: Ribeyro Julio Ramon

Info: Proses apatrides, Chap 63

 

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vacherie

A un étudiant qui voulait savoir où j'en étais par rapport à l'auteur de Zarathoustra, je répondis que j'avais cessé de le pratiquer depuis longtemps. Pourquoi ? Me demanda-t-il. — Parce que je le trouve trop naïf...

Je lui reproche ses emballements et jusqu'à ses ferveurs. Il n'a démoli des idoles que pour les remplacer par d'autres. Un faux iconoclaste, avec des côtés d'adolescent, et je ne sais quelle virginité, quelle innocence, inhérentes à sa carrière de solitaire. Il n'a observé les hommes que de loin. Les aurait-il regardés de près, jamais il n'eût pu concevoir ni prôner le surhomme, vision farfelue, risible, sinon grotesque, chimère ou lubie qui ne pouvait surgir que dans l'esprit de quelqu'un qui n'avait pas eu le temps de vieillir, de connaître le détachement, le long dégoût serein.

Bien plus proche m'est Marc-Aurèle. Aucune hésitation de ma part entre le lyrisme de la frénésie et la prose de l'acceptation : je trouve plus de réconfort, et même plus d'espoir, auprès d'un empereur fatigué qu'auprès d'un prophète fulgurant.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: De l'inconvénient d'être né. A propos de Nietszche

[ passionné ] [ juvénile ]

 
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écriture

J'écris, triste, dans ma chambre paisible, seul comme je l'ai toujours été, seul comme toujours je le serai. Et je me demande si ma voix, chose apparemment si insignifiante, n'incarne pas la substance de milliers de voix, l'avide besoin de se raconter des milliers de vies, la patience de millions d'âmes, soumises comme la mienne au destin quotidien, au rêve inutile, à l'espoir sans lendemain. Dans ces moments-là mon cœur bas plus fort par la conscience que j'en ai. Je vis plus car je vis plus grand. Je sens en ma personne une force religieuse, une espèce d'oraison, un semblant de clameur. Mais la réaction contre moi-même émane de mon intelligence... Je me vois à ce quatrième étage de la Rua dos Douradores, je sens que j'ai sommeil ; je regarde, sur ma feuille de papier à moitié rédigée, ma main dépourvue de beauté, et la cigarette bon marché que la gauche promène sur mon vieux buvard. Moi, ici, à ce quatrième étage, en train d'interpeller la vie ! de dire ce que les âmes sentent ! de faire de la prose comme les génies et les hommes célèbres ! Ici, moi, comme ça !...

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Livre(s) de l'Inquiétude, pp 265-266. Trad : Marie-Hélène Piwnik. Christian Bourgeois éditeur 2018

[ solitude ] [ autoportrait ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

écriture

Jusqu'à la fin du XIIe siècle, la littérature française est tout entière en vers et la prose littéraire n'existe pas. Les seuls textes en prose vernaculaire, dont le nombre n'est d'ailleurs pas considérable, ont un caractère utilitaire, qu'il soit juridique ou édifiant: ce sont des chartes, des traductions de l'Ecriture ou des sermons. Cette situation caractérise toutes les jeunes littératures: partout le vers apparaît avant la prose dans une autre langue. Ainsi la prose latine est apparue après la poésie, bien que les Romains aient connu la prose grecque - dont la naissance est elle-même postérieure de trois siècles à celle de la poésie grecque. De même, le Moyen Age connaît et pratique depuis toujours la prose latine, ce qui n'a pas empêché le retard habituel dans le développement de la prose française. Celle-ci revêt à ses débuts deux formes, celles du roman et celle de la chronique, rétablissant en partie, mais façon qui, du moins au début, reste toute formelle, la relation entre l'Histoire et les histoires qu'avait rompue la roman à la manière de Chrétien [de Troyes]. D'une façon générale, la revendication constante de la prose ne cessera d'être celle de la vérité.

Auteur: Zink Michel

Info: Introduction a la littérature française du moyen-age, pp. 83-84

[ évolution ] [ historique ]

 

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écrivain-sur-écrivain

... j'essaie - et je ne pense pas l'avoir fait, car sinon les critiques l'auraient découvert - j'essaie de faire avec la prose, avec le roman, ce qu'on fait généralement avec la poésie. Je veux dire que j'essaie d'aller au-delà du réel, et des idées explicables, et d'explorer l'homme - sans le faire par le son des mots comme les romans poétiques du début du siècle ont essayé de le faire. Je ne peux pas expliquer techniquement mais - j'essaie de mettre dans mes romans des choses que l'on ne peut expliquer. De donner un message qui n'existe pas dans la pratique. Vous comprenez ce que je veux dire ? J'ai lu il y a quelques jours que T. S. Eliot, que j'admire beaucoup, pensait que la poésie est nécessaire dans les pièces ayant un certain type d'histoire et pas dans celles qui en ont un autre, que cela dépend du sujet que vous traitez. Je ne le pense pas. Je pense que vous pouvez avoir le même message secret à donner avec n'importe quel type de sujet. Si votre vision du monde est d'un certain type, vous mettrez de la poésie dans tout, nécessairement.

Mais je suis probablement le seul à penser qu'il y a quelque chose de ce genre dans mes livres. 

Auteur: Simenon Georges

Info: interviewé par Carvel Collins en 1955

[ auto-évaluation ] [ indicible ]

 

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égocentrisme

Wordsworth lui-même était resté précocément orphelin, mais avec les moyens de se consacrer uniquement à la littérature - la poésie et parfois la prose. C'était un homme très vaniteux et très dur. Je crois qu'Emerson raconte qu'un jour il lui rendit visite et qu'il fit une remarque. Wordsworth la réfuta aussitôt - c'était son habitude : il suffisait qu'on lui dise une chose pour qu'il soutienne le contraire -, mais au bout de dix minutes ou d'un quart d'heure il émit exactement l'opinion qu'il avait jugée absurde dans la bouche d'Emerson. Celui-ci, avec la plus grand politesse, lui dit : "Eh bien, c'est exactement ce que je disais tout à l'heure." Alors, au comble de l'indignation, Wordsworth s'écria : "Mine, mine, not yours !" "C'est de moi, de moi, pas de vous !" L'autre comprit qu'il n'était pas possible de discuter avec un homme d'un tel caractère. Qui plus est, comme tous les poétes qui professent une théorie et qui en sont convaincus, il en arriva à considérer que toute poésie qui était conforme à sa théorie était acceptable. Voilà pourquoi l'oeuvre de Wordsworth est, comme celle de Milton, une des plus inégales de toute la littérature. On trouve des poèmes dont la mélodie, la passion sincère, la simplicité sont incomparables. Mais aussi de vastes étendues désertiques.

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: In "Cours de littérature anglaise", éd. Seuil, p. 174-175

[ jugement littéraire ] [ anecdote ]

 

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routine journalière

Je commencerai par dire que c'est difficile de parler de ce que les Toscans boivent sans mentionner d'abord ce qu'ils mangent. Disons que la journée d'un Toscan se déroule de la manière suivante : quand il se lève, il prend un caffè ristretto con grappa, un petit café très serré sur lequel il fait le signe de la croix avec un jet de grappa, ce qui remplace la prière du matin. Du laid chaud, du pain ou un cornet à la confiture, voilà de quoi rompre le jeûne de la nuit. Vers neuf heures, au bout de trois heures de travail dans les champs, il boit un verre de vin rouge pour se donner du cœur à l'ouvrage, qu'il accompagne d'un sandwich à la mortadelle. Ensuite, un espresso. Vers midi, un apéritif léger, genre Campiri soda ou prosecco. A une heure, il s'attable avec un litre de rouge à portée de main et prend un bon déjeuner, le repas le plus long de la journée, mais pas forcément très lourd : des crostini, pour commencer, ou du salami, ou du melon, des figues, du fenouil braisé, ou des aubergines. Après, une soupe épaisse ou des haricots à la sauge. Puis un ragoût de lapin aux olives ou du veau ou aux artichauts, pommes de terre sautées, haricots verts à l'ail ou épinards. Pour finir, une grappina, en fait un grand verre de grappa qui fera office de digestif avant la sacro-sainte sieste.

Auteur: De Blasi Marlena

Info:

[ rythme circadien ] [ nourriture ]

 

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lettres

Qu'il est facile de confondre culture et érudition! En vérité, la culture ne dépend pas de l'accumulation de connaissances, même dans des domaines variés, mais de l'agencement de ces connaissances dans notre mémoire et de leur présence dans notre comportement. Les connaissances d'un homme cultivé peuvent ne pas être très nombreuses, mais elles sont toujours cohérentes, en harmonie, et surtout, en relation les unes avec les autres. Chez l'homme érudit, les connaissances semblent emmagasinées dans des espaces cloisonnés. Chez l'homme cultivé, elles sont réparties conformément à un ordre intérieur qui rend possible leur échange et leur fructification. Ses lectures, ses expériences sont en fermentation et engendrent continuellement de nouvelles richesses, tel un compte à intérêt. L'érudit, comme l'avare, conserve son patrimoine dans un bas de laine où il n'y a de place que pour la rouille et la répétition. Dans le premier cas, la connaissance engendre la connaissance. Dans le second la connaissance s'ajoute à la connaissance. Un homme qui connaît sur le bout des doigts tout le théâtre de Beaumarchais est un érudit, mais cultivé est l'homme qui, n'ayant lu que le Mariage de Figaro, a conscience du rapport qui existe entre cette oeuvre et la Révolution Française ou entre son auteur et les intellectuels de notre époque. C'est précisément pourquoi tel membre d'une tribu primitive qui possède le monde en dix notions de base est plus cultivé que le spécialiste d'art sacré byzantin incapable de faire cuire un oeuf.

Auteur: Ribeyro Julio Ramon

Info: Proses apatrides, Chap 21

[ instruction ] [ bagage ] [ synthèse ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ intelligence inductive ]

 

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littérature

Aux yeux de la postérité, Cervantès incarne le génie littéraire d'une nation: un destin qu'il partage avec Dante, Goethe et Shakespeare, mais qui, dans son cas, s'assortit d'un curieux privilège, celui d'être le seul écrivain espagnol à avoir atteint une renommée pleinement universelle. Cette renommée, il la doit assurément à Don Quichotte. Mais, si le destin de l'ingénieux hidalgo a projeté celui-ci bien au-delà du récit de ses aventures, le mythe qu'il incarne désormais est d'abord lié à l'avènement d'une forme cardinale de la fiction en prose, que l'on appelle aujourd'hui le roman moderne. Cervantès est réputé en être le créateur: réputation fondée si l'on prend la mesure exacte de sa contribution, mais qui, comme il se doit, ne lui a pas été accordée de son vivant par ses lecteurs. S'ils ont ri aux exploits de Don Quichotte, leurs préférences sont allées davantage à La Galathée ou au Persiles, que nous ne lisons plus guère aujourd'hui, ou encore aux Nouvelles exemplaires, que nous continuons de lire, mais d'un autre oeil. La modernité de Cervantès n'est donc pas le signe distinctif d'un "système" de pensée qui, comme on l'a cru naguère, exprimerait les tensions d'un âge de crise à travers un questionnement des valeurs établies. Elle tient plutôt à la vertu d'une écriture, transparente et néanmoins ambiguë, grâce à laquelle son oeuvre, inscrite au départ dans le climat culturel d'une époque aujourd'hui révolue, a débordé, au fil de ses réceptions successives, le dessein qui l'avait engendrée.

Auteur: Encyclopædia Universalis

Info: Extrait, CD-ROM version 3, 1997

[ historique ] [ éloge ]

 

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itérations linguistiques

REPETITION. Nabokov signale qu'au commencement d'Anna Karénine, dans le texte russe, le mot 'maison' revient huit fois en six phrases et que cette répétition est un artifice délibéré de la part de l'auteur. Pourtant, dans la traduction française, le mot 'maison' n'apparaît qu'une fois, dans la traduction tchèque pas plus de deux fois. Dans le même livre : partout où Tolstoï écrit 'skazal' (dit), je trouve dans la traduction proféra, rétorqua, reprit, cria, avait conclu, etc. Les traducteurs sont fous des synonymes. (Je récuse la notion même de synonyme : chaque mot a son sens propre et il est sémantiquement irremplaçable). Pascal : 'Quand dans un discours se trouvent des mots répétés et qu'essayant de les corriger on les trouve si propres qu'on gâterait le discours, il faut les laisser, c'en est la marque.' La richesse du vocabulaire n'est pas une valeur en soi : chez Hemingway c'est la limitation du vocabulaire, la répétition des mêmes mots dans le même paragraphe qui font la mélodie et la beauté de son style. 

Le raffinement ludique de la répétition dans l'incipit d'une des plus belles proses françaises : 'J'aimais éperdument la Comtesse de… ; j'avais vingt ans et j'étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J'étais ingénu, je la regrettai ; j'avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le plus aimé, partant le plus heureux des hommes…' Vivant Denon : Point de lendemain. 

(Voir : LITANIE.)

Auteur: Kundera Milan

Info: L'Art du roman

[ spécificités ] [ intraduisible ] [ idiomes musiques ]

 

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