voyage
D'accord, Plaisance (*) n'est pas Singapour ; les différences sont nombreuses et non négligeables. Toutefois, tandis que, dans l'omnibus fatigué, je traversais l'après-midi de plus en plus nocturne, et transitais par des lieux inconnus, probablement pseudonymes, comme Alexandrie et Broni (*), je ne pouvais pas ne pas éprouver une impression d'inconnu, d'exotique, d'étranger. Je m'étais déjà trouvé à Plaisance, en un temps reculé, dans des aubes inhospitalières, lorsque j'enseignais des choses fausses dans une école de cette province ; et, de nombreuses années plus tard, j'y étais revenu à la recherche de quelque trace de Wiligelmo (**) sur l'abside de la cathédrale. Mais il y avait un point fondamental, une extranéité jamais surmontée : à Plaisance, je n'avais jamais mangé. Or une ville dans laquelle on ne fait pas l'expérience de la nourriture est, comment dire ? un mariage non consommé. On n'est pas apparenté ; si l'on se croise, on ne se salue même pas. Cette fois-ci, j'allais vraiment à Plaisance, j'allais y manger et y dormir. Cette perspective était excitante.
Auteur:
Manganelli Giorgio
Années: 1922 - 1990
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: homme de lettres
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
"Italies excentriques", éd. Le Promeneur, p.15 - (*) Piacenza, Alessandria et Broni : villes italiennes ; (**) Wiligelmo : sculpteur italien du 12e siècle
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nouveauté
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comparaison
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souvenirs
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absence de familiarité
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repas
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ancrage
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pseudonymes
Mais comment comprendre quoi que ce soit à ce qu’on appelle l’histoire de l’art ou de la littérature si on ne possède pas une encyclopédie complète, détaillée et analytique des changements de noms des artistes ou des écrivains ? Cette encyclopédie existe-t-elle ? Non ? Alors il faut la faire. Fouillée, précise, colorée. Transformations ou pas, déformations, abréviations, pseudos. Comment ? Pourquoi ? Dans quelles circonstances ? Les noms des peintres, c’est amusant à constater, bougent davantage que ceux des écrivains. A chaque fois, c’est tout un petit roman qui apparaît, avec ces affaires de signatures. […] Rembrandt van Rijn dit Rembrandt : là c’est le prénom qui a gagné. Mais Van Gogh, qui signait ses toiles "Vincent" est passé, lui, avec son nom. Domenikos Theotohopoulos, né à Candie, en Crète, ça n’évoque rien à personne ; alors que Greco, n’est-ce pas, c’est définitif. Murillo ? Fils de Gaspard Estoban et de Maria Perez. Où est "Murillo" là-dedans ? Nulle part ; c’est un empreint du peintre à sa tante, Ana Murillo, qui l’a recueilli à la mort de ses parents alors qu’il avait dix ans. Quant à Velasquez, il a eu beau réunir le nom de son père à celui de sa mère et signer Diego Rodriguez de Silva y Velasquez, on n’a retenu pour toujours que les dernières syllabes. Il faudrait aussi reparler de Pablo Ruiz devenu Picasso par sa seule décision, ou de Tintoretto qui s’appelait Jacopo Robusti.
Auteur:
Muray Philippe
Années: 1945 - 2006
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: essayiste et romancier
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, page 331
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patronymes
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charge signifiante
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