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savoirs consensuels

Le monde objectif de l'expérience humaine est donc au mieux un mélange de nature et de culture, mais un mélange dans lequel les modèles formels prédominants proviennent davantage de la culture que de la nature. Ces modèles formels de la culture sous-tendent la présentation des objets dont nous faisons directement l'expérience. La situation à cet égard n'était en fait pas différente pour les anciens ou les médiévaux, mais ils n'étaient pas conscients de ce fait. Qui sont nos parents ? Voilà ce dont dépend le système de parenté qui prévaut dans la culture qui nous a imprégné. Quelle est notre religion ? Si l'on tient compte des exceptions individuelles, là encore la réponse dépend principalement du contexte et des circonstances historiques au sein desquelles nous avons grandi.  

Les modernes, s'éveillant à tout cela, avaient de bonnes raisons de voir dans les objets expérimentés de pures créations du travail de l'esprit humain. Même la science pourrait être réduite à cela : telle fut l'expérience kantienne, entreprise sous l'impulsion des discours de Hume qui affirmait qu'il n'y avait rien de plus à expérimenter que les associations habituelles entre les objets. Si toutes les pensées reflètent de simples habitudes, et si tous les objets ne peuvent être considérés que comme des auto-représentations mentales, quels que soient les doutes que nous puissions avoir sur la base du "bon sens" quant à l'idée d'un monde indépendant de nous, le scepticisme demeure la garantie finale de toute connaissance. Ce qui, pour Kant, c'était inacceptable. Il pouvait avaler tout ce que ses prédécesseurs traditionnels lui avaient enseigné, mais pas le scepticisme. Leur erreur, selon lui, avait été de réduire la connaissance à la subjectivité - c'est-à-dire qu'elle consistait à attribuer les idées de l'esprit individuel aux objets de l'expérience directe. Ils ne pouvaient saisir que la connaissance est essentiellement de structure relationnelle, et que les relations sont au-dessus du sujet. Ainsi, les idées dans l'individu donnent naissance ou "fondent" des relations cognitives avec les objets. Mais ces objets sont ce sur quoi les relations finissent, et non ce sur quoi les relations sont fondées et d'où elles proviennent. Et la manière dont ces relations sont générées pour donner forme aux objets est conforme à un modèle intégré, a-priori, dans l'esprit humain.

Or, lorsqu'il s'agit des objets de la connaissance spécifiquement scientifique, selon Kant, nous avons affaire à une universalité et une nécessité qui proviennent de l'esprit et non d'une simple habitude ou d'une généralisation usuelle. Même si le monde extérieur reste inconnaissable en tant que tel, nous savons néanmoins qu'il est là ; et notre façon de le penser intellectuellement n'est pas capricieuse ou culturellement relative mais universelle et nécessaire, identique pour tous les humains. Même si nous ne connaissons que ce que nos représentations donnent à connaître, et que ces représentations sont entièrement le fait de notre esprit, il n'en reste pas moins qu'elles deviennent des objetsm non par association, mais bien a priori, indépendamment des aléas de la coutume et de l'expérience individuelle ; et leur contenu cognitif n'est pas subjectif mais objectif, c'est-à-dire donné au terme de relations que nos représentations ont été les seules à trouver. Le noyau scientifique de l'expérience humaine, contrairement à la conviction animant les scientifiques eux-mêmes, mais selon le philosophe moderne Kant, est prospectivement le même pour tous parce que le mécanisme sensoriel générant les représentations impliquées et le mécanisme conceptuel organisant les relations découlant de ces représentations est le même pour tous : des causes semblables entraînent toujours toujours des effets semblables. Telle est la version de Kant de l'adage médiéval, agens facit simile sibi . Grâce à ce simple expédient, Kant pensait avoir réglé l'objectivité de la connaissance et mis à distance le scepticisme. Le scandale de ne pas être en mesure de prouver qu'il existe un monde extérieur à l'esprit humain était ainsi supprimé par la démonstration qu'effectivement il y a un domaine inconnaissable qu'on ne peut pas atteindre, et ce domaine est précisément le monde extérieur, dont on sait avec certitude qu'il existe puisqu'il stimule nos représentations (via la perception sensorielle) et inconnaissable en soi (avec un mécanisme de concepts qui ne produisent de la connaissance que par corrélation avec les représentations des intuitions sensorielles pour aboutir un autre domaine inatteignable, le noumène, pour qui essaye d'aller  au-delà de la limite de ce qui est représenté par ces  perceptions sensorielles).

Auteur: Deely John

Info: The Quasi-Error of the External World an essay for Thomas A. Sebeok, in memoriam

[ limitation anthropique ]

 

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ascétisme absolu

L'histoire de Giri Bala (née en 1868) est racontée par Paramahansa Yogananda qui l'a rencontrée lorsqu'elle avait 68 ans, en 1936. À cette époque elle n'avait pas mangé ni but depuis 56 ans. Elle vivait simplement et humblement une vie de villageoise dans son village isolé de Biur.

La première fois que j'ai entendu parler de Giri Bala, témoigne Yogananda, c'était il y a plusieurs années auparavant par un homme érudit du nom de Sthiti Lal Nundy. Il est souvent venu chez nous à Garpar road pour éduquer mon frère Bishnu.
"Je connais bien Giri Bala m'a-t-il dit. Elle emploie une certaine technique yogique qui lui permet de vivre sans nourriture matérielle. J'ai été un de ses voisins proches à Nawabganj près d'Ichapur (nord Bengale). Je la voyais de très près. Je ne l'ai jamais vu manger ou boire.
Mon intérêt devint si fort, que j'ai été voir le Maharaja de Burdwan (H.H. Sir Bijay Chand Mahtab) et lui ai demandé de faire une enquête. Ébahi par cette histoire, il l'a invitée dans son palace. Elle a accepté le test et a vécu 2 mois enfermée dans petit coin de sa résidence. Plus tard elle est revenue pour un autre test de 20 jours, et une troisième et dernière fois pour le dernier test de 15 jours. Le Maharaja lui-même m'a confié que ces 3 rigoureux et minutieux examens l'avait convaincu sans aucun doute possible de son état de vie Pranique".

Elle a raconté à Yogananda comment, étant enfant, elle a avait eu un féroce appétit pour lequel elle avait souvent été moquée et/ou grondée. Fiancée à l'âge de 9 ans, elle alla vivre à l'age de 12 ans dans la maison familiale de son mari à Nawabganj. Un jour que sa belle-mère se moquait une fois de plus ouvertement de ses excès de nourriture, elle prit l'engagement prochain de ne plus rien manger de toute sa vie. Elle finit par s'enfuir de la maison de son époux, tourmentée en permanence par les moqueries de sa belle-mère.

Désespérée elle pria du plus profond de son âme et demanda l'aide du Divin en elle. Un Gourou ([Maître]) se manifesta alors et lui enseigna la voie d'un Kriya Yoga très spécifique qui l'aida à se libérer du besoin de nourriture matérielle.
Le gourou lui aurait dit : "très chère petite, je suis le gourou envoyé par Dieu pour répondre à ton urgente prière. Il a profondément été touché par son inhabituelle nature ! À partir d'aujourd'hui tu vas pouvoir vivre de Lumière Astrale, tes atomes corporels vont pouvoir se recharger dans l'Infini Courant".
Il l'a alors initié à une technique de kriya qui libère le corps de toute dépendance à la nourriture matérielle. Cette technique inclus l'utilisation d'un certain mantra et d'un exercice respiratoire difficile, tel que le commun des mortels ne peut le réaliser*.

C'était en 1880, elle avait 12 ans. Elle devint totalement pranique] ne mangeant plus ni ne buvant (isétie). De même elle ne produisit plus d'urine ni de selle. Et cela a duré jusqu'à son décès.

Yogananda l'interrogea sur plusieurs sujets qui, pensait'il, pourrait intéresser l'humanité dans son ensemble. Elle répondit sans problème à ses questions.
- "Je n'ai jamais eu d'enfant. Plusieurs années auparavant je suis devenue veuve. Je dors très peu, veille ou sommeil sont pareils pour moi. Je médite la nuit, et m'occupe de mes tâches domestiques dans la journée. Je n'ai jamais été malade ou subi d'affection d'aucune sorte. Je sens seulement de très légères peines lorsque je me blesse accidentellement. Je n'ai plus d'excrétion. Je peux contrôler les battements de mon cœur et ma respiration".
- "Mère, demandais-je, pourquoi n'enseignes tu pas à d'autres ta méthode pour vivre sans nourriture ?"
- "Non, dit'elle en secouant la tête. Il m'a été expressément demandé par mon gourou de ne pas divulguer mon secret. Ce n'était pas son souhait de fausser le drame de la création divine. Les fermiers ne m'auraient pas remercié d'enseigner à beaucoup trop de monde à vivre sans nourriture. Les succulents fruits auraient péri inutilement sur le sol. Il est clair que la misère, la famine, et les maladies sont l'ultime fouet qui pousse l'humanité à rechercher le pourquoi de la vie".
- "Mère ais-je dis doucement, à quoi peut bien servir d'avoir vécue sans manger ni boire toutes ces années ?"
- "À prouver que l'homme est Pur Esprit. À démontrer que par un cheminement Spirituel l'homme peut graduellement apprendre à se nourrir de l'éternelle Lumière Divine et non plus de nourriture matérielle".

Auteur: Anonyme

Info: Sur http://pranique.com/giribala.html. *Note : l'état pranique atteint pas Giri Bala est un pouvoir yogique (siddhi) mentionné dans les sutras de Patanjali (yoga sutra III:31). Elle a employé un certain exercice respiratoire qui affecte Vishuddha, le 5ème chakra, chakra de la gorge. Vishuddha chakra, contrôle le 5ème élément, l'akash ou éther, pénétrant l'espace intra-atomique des cellules physiques. Se concentrer sur ce chakra permettrait au dévot de vivre d'énergie éthérique.

[ inédie ] [ hindouisme ]

 

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foi chrétienne

Je suis bien contente de connaître le bon Dieu.

Je sais qu'il y a un être qui est infiniment au-dessus de tous les êtres, l'être suprême : c'est Dieu, je crois fermement son existence parce que c'est Dieu lui-même qui l'a révélée.

L'existence de Dieu me montre par la création du monde (sic). Je crois fermement qu'il y a un seul Dieu. Dieu est éternel, il a existé toujours ; avant qu'il a créé le ciel et la terre, il existait toujours seul, il n'a pas pu s'ennuyer parce qu'il était toujours heureux, il n'a jamais été créé, il n'a pas besoin de personne, mais il nous a créés par sa grande bonté pour nous partager son bonheur et sa gloire.

Dieu est un pur esprit, il n'a ni corps, ni figure, ni yeux, ni oreilles, ni bouche, ni bras, ni mains, nous ne pouvons pas le voir ni le toucher parce qu'il n'a point de corps. Je désire le voir et le toucher, mais je ne le peux pas parce qu'il n'a jamais de corps humain, mais j'espère que je verrai Dieu dans le ciel après ma mort. Je pense souvent en esprit que Dieu me suit partout. Dieu est partout, il nous voit pendant le jour comme pendant la nuit. Il nous est impossible de cacher à Dieu (sic). Dieu est tout-puissant, il fait tout ce qu'il veut, il a fait de rien le ciel et la terre. Les hommes ne peuvent pas créer. Dieu est infiniment bon, il nous a procuré tant de bienfaits, il nous donne chaque jour le pain et les aliments que nous mangeons, les vêtements qui nous couvrent, l'air que nous respirons et tout ce que nous avons, les fruits pour nous rafraîchir, les fleurs pour nous réjouir, les vaches, les bœufs, les porcs, les moutons pour nous nourrir.

Dieu nous protège et nous garde, il pense toujours à nous, il nous aime tendrement. J'aime tendrement aussi le bon Dieu. Dieu m'a donné une âme intelligente et immortelle faite à son image et qui doit un jour partager sa gloire dans le ciel. C'est mon âme qui peut penser à Dieu, c'est mon âme qui peut l'aimer, le remercier, le prier, Dieu a placé l'intelligence dans mon âme au-dessus de tous les animaux. La mer si grande, les fleurs si belles, les astres si brillants ne sont pas faits à l'image de Dieu, mon âme est donc plus précieuse et plus noble que tous les trésors de la terre et les beautés du firmament. Tout meurt dans la nature, les animaux, les plantes et les fleurs meurent, mon corps mourra, mais mon âme ne mourra jamais, mais elle vivra pour être toujours heureuse dans le ciel si je suis bien sage. Dieu infiniment bon m'a donné aussi de bons parents pour me soigner, de bonnes et dévouées maîtresses pour m'instruire; il m'a conduite à Larnay, où je suis si heureuse, il m'a donné encore des prêtres pour m'aider à me conduire dans le chemin du ciel, pour me confesser, me donner la sainte communion. Dieu est infiniment bon pour nous, il nous a envoyé son fils unique sur la terre pour nous sauver par sa naissance dans une pauvre étable, par sa vie de travail, par sa passion et sa mort sur la croix. Merci, mon Dieu, de vos bienfaits et de vos bontés pour moi, pauvre sourde-muette et aveugle, je veux être toujours reconnaissante envers Dieu et l'aimer de tout mon cœur par-dessus toutes choses. Dieu est infiniment miséricordieux, il aime à pardonner quand nous avons le regret de l'avoir offensé même véniellement ou gravement.

Dieu est infiniment juste, il récompense les bons et il punit les méchants. Dieu désire que nous allions tous au ciel à la condition que nous observions bien ses commandements. Dieu appelle les pécheurs à se convertir, mais beaucoup d'hommes méchants, orgueilleux, avares, gourmands, colères, impies, ne veulent pas se convertir, vont en enfer après leur mort par leur faute, ils sont très et toujours malheureux dans l'enfer parce qu'ils ne voient jamais Dieu, ils ne cessent jamais de souffrir dans l'enfer.

Mon plus grand bonheur est de connaître le bon Dieu, de l'aimer, de lui obéir et de le servir que d'avoir beaucoup d'or et de plaisirs. Mon Dieu, je veux bien profiter de vos bienfaits, de vos bontés et des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, en passant mes années à vous aimer et à vous servir fidèlement toujours jusqu'à ma mort pour vous aimer encore pour toujours ensuite dans le ciel. Je le désire de tout mon cœur... Je suis très contente que le bon Dieu m'a fait sourde-muette et aveugle pour pouvoir vous connaître mieux. Je vous remercie de cette grâce que le monde ne connaît pas.

Auteur: Heurtin Marie

Info: 8 février 1904

[ handicap ] [ candeur ] [ innocence ] [ Éternel ]

 

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écrivaine-sur-écrivain

Cher Borges,

Votre littérature ayant toujours été placée sous le signe de l'éternité, il ne me semble pas trop étrange de vous adresser une lettre. (Cela fait dix ans !) Si un contemporain semblait destiné à l'immortalité littéraire, c'était bien vous. Vous étiez tout à fait le produit de votre époque, de votre culture, et pourtant vous saviez comment les transcender d'une manière qui semble tout à fait magique. Cela avait quelque chose à voir avec l'ouverture et la générosité de votre attention. Vous étiez le moins égocentrique, le plus transparent des écrivains, ainsi que le plus artistique. Cela tenait aussi à une pureté d'esprit naturelle. Bien que vous ayez vécu parmi nous pendant une période assez longue, vous avez perfectionné des pratiques de rigueur et de détachement qui ont fait de vous un voyageur mental expert également d'autres époques. Votre notion du temps était différente de celle des des autres. Les idées ordinaires de passé, de présent et de futur semblaient banales sous votre regard. Vous aimiez dire que chaque moment du temps contient le passé et le futur, citant (si je me souviens bien) le poète Browning, qui a écrit quelque chose comme "le présent est l'instant dans lequel le futur s'effondre dans le passé". Tout ça faisait bien sûr partie de votre modestie : votre goût pour trouver vos idées dans les idées d'autres écrivains.

Votre modestie participait de cette assurance dans votre présence. Vous étiez un découvreur de nouvelles joies. Un pessimisme aussi profond, aussi serein que le vôtre n'avait aucun besoin de s'indigner. Il se devait, au contraire, d'être inventif - et vous l'étiez avant tout. La sérénité et le dépassement de soi que vous avez trouvés sont pour moi exemplaires. Vous avez montré qu'il n'est pas nécessaire d'être malheureux, même si l'on est lucide et qu'on ne se trompe pas sur l'horreur de la situation. Vous avez dit quelque part qu'un écrivain - vous avez ajouté, de façon bizarre : toute personne - doit penser que tout ce qui lui arrive est une ressource. (Vous parliez de votre cécité.)

Vous avez été une grande ressource pour d'autres écrivains. En 1982 - c'est-à-dire quatre ans avant votre mort - j'ai dit dans une interview : "Aucun écrivain vivant aujourd'hui n'a plus d'importance pour les autres écrivains que Borges. Beaucoup de gens diraient qu'il est le plus grand écrivain vivant [...]. Très peu d'écrivains d'aujourd'hui n'ont pas appris de lui ou ne l'ont pas imité". C'est toujours vrai. Nous continuons à apprendre de vous. Nous continuons à vous imiter. Vous avez donné aux gens de nouvelles façons d'imaginer, tout en proclamant sans cesse notre dette à l'égard du passé, et surtout de la littérature. Vous avez dit que nous devons à la littérature presque tout ce que nous sommes et ce que nous avons été. Si les livres disparaissent, l'histoire disparaîtra, et les êtres humains disparaîtront aussi. Je suis sûr que vous avez raison. Les livres ne sont pas seulement la somme arbitraire de nos rêves et de notre mémoire. Ils nous offrent également un modèle de dépassement de soi. Pour certains, la lecture n'est qu'une sorte d'évasion : une évasion du monde quotidien "réel" vers un monde imaginaire, le monde des livres. Les livres sont bien plus que cela. Ils sont une façon d'être pleinement humain.

Je suis navrée d'avoir à vous dire que les livres sont aujourd'hui considérés comme une espèce en voie de disparition. Par livre, j'entends aussi les conditions de lecture qui rendent possible la littérature et ses effets d'âme. Bientôt, nous dit-on, nous convoquerons sur des "écrans-livres" n'importe quel "texte" à la demande, et pourrons en modifier l'apparence, lui poser des questions, "interagir" avec lui. Lorsque les livres deviendront des "textes" avec lesquels on "interagit" selon des critères d'utilité, l'écrit sera devenu un simple aspect de notre réalité télévisuelle publicitaire. Tel est le glorieux avenir que l'on crée et qu'on nous annonce comme plus "démocratique". Bien sûr, cela ne signifie rien de moins que la mort de l'intériorité - et du livre.

Cette fois-ci, il n'y aura pas besoin d'une grande conflagration. Les barbares auront moins besoin de brûler les livres. Le tigre est dans la bibliothèque. Cher Borges, comprenez que je n'éprouve aucune satisfaction à me plaindre. Mais à qui de telles plaintes sur le sort des livres - de la lecture elle-même - pourraient-elles être mieux adressées qu'à vous ? (Borges, cela fait dix ans !) Tout ce que je veux dire, c'est que vous nous manquez. Vous me manquez. Vous continuez à faire la différence. L'ère dans laquelle nous entrons maintenant, ce 21e siècle, mettra l'âme à l'épreuve de manière nouvelle. Mais vous pouvez être sûrs que certains d'entre nous n'abandonneront pas la Grande Bibliothèque. Et vous continuerez à être notre patron, notre protecteur et notre héros.

Auteur: Sontag Susan

Info: Where the Stress Falls, 2001. 13 juin 1996. New York. A l'occasion des 10 ans de la mort de JLB

[ éloge ] [ déclaration d'admiration ]

 

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observateur

Une fréquence peut produire n'importe quelle forme ?

Il n'y a aucune forme ou géométrie spécifique intrinsèquement associée à une fréquence spécifique. On peut faire apparaître une fréquence donnée sous n'importe quelle forme, dans certaines limites physiques - tout ce qu'il faut faire est de choisir le bon diamètre pour l'antenne ou le récepteur, et la bonne viscosité ainsi que la tension superficielle du fluide... Alors la fréquence d'entrée produira la géométrie d'onde stationnaire souhaitée.

Nous avons tous fait l'expérience de cette vérité fondamentale en résonance avec nos voix dans une pièce vide. Dans une pièce vide d'ornements muraux, on peut faire résonner différentes tonalités sur une octave. Avec une attention particulière, on peut trouver une ou plusieurs tonalités qui semblent résonner plus longtemps dans la pièce, ou même s'amplifier en volume lorsqu'on chante la note. Ces sons particuliers sont des fréquences qui résonnent avec la géométrie de la pièce et l'air qui la remplit. Si vous changez l'air de la pièce par de l'hélium pur, les sons que vous essayez se comporteront différemment. Si vous modifiez les dimensions de la pièce, vous entendrez différentes tonalités résonner avec l'espace. On a le même concept avec la cymatique liquide. Le fait qu'un certain son résonne bien dans une pièce spécifique ne signifie pas que le son lui-même soit magique - cela signifie simplement qu'il est magique spécifiquement avec cette endroit et l'air qui le remplit. Il se peut pareillement qu'une journée plus humide avec une pression barométrique plus élevée modifie les propriétés de l'air dans cet espace et change ainsi les fréquences de résonance de l'espace.

Ainsi, si on désire une résonance dans la cymatique liquide, il faut choisir le bon espace rempli du bon médium. Base de l'ingénierie de résonance sonique dans l'application de la cymatique liquide.

La conclusion de tout cela est de comprendre que lorsque nous voyons une image cymatique liquide (appelée hydroglyphe), nous visualisons le résultat de la façon dont une certaine fréquence se comportent dans un espace donné ; c'est la relation géométrique spécifique entre la fréquence d'entrée et le fluide dans la cuve utilisée.

Cela amène à parler de l'engouement pour le 432Hz, puisque les gens prétendent que la cymatique du 432Hz est plus "jolie" que celle du 440Hz. Cependant, ce qui manque ici, c'est la reconnaissance du diamètre du conteneur récepteur et du fluide utilisé ; il n'y a pas non plus de prise en considération pour le fait fondamental que si on avait changé le diamètre de ce conteneur ou les propriétés du fluide, on aurait pu rendre le 440Hz "joli" et le 432Hz distordu. En un sens, c'est un mensonge. On peut faire en sorte que *n'importe quelle* fréquence soit jolie alors qu'une autre fréquence proche sera modifiée (440Hz est suffisamment proche de 432Hz pour y ressembler mais être déformée). En ce sens, il n'y a rien de spécial à accorder notre musique sur A432 ou A440. Du moins, jusqu'à ce qu'on examine les dimensions de la forme humaine et les viscosités et tensions superficielles de notre sang.

C'est peut-être à ce moment qu'on trouvera une certaine "magie" dans les fréquences d'un accordage à 432, où les tons résonnent mieux avec les cavités et les fluides spécifiques de la forme humaine. Tant que cette étude n'est pas réalisée, on ne peut pas dire que ce niveau de 432Hz possède une quelconque magie inhérente, même en se basant sur la beauté mathématique des ratios de cet accord.

Ceci apporte un peu lumière sur le phénomène de la cymatique liquide et sur les hydroglyphes qui sont produits ici et là

(Suivent deux photos où on voit 15,6 Hz dans deux espaces distincts remplis du même liquide, une tasse de 2 pouces de diamètre et l'autre de 2,875 pouces de diamètre. Avec des réseaux de couleurs différentes qui éclairent chaque espace, et on peut clairement voir que l'un est une géométrie triple et l'autre une géométrie quadruple. Ainsi, on ne peut pas dire "C'est à ça que ressemble 15,6 Hz", puisqu'on peut faire en sorte que 15,6 Hz ressemble à n'importe quelle forme.)

Ceci étant expliqué, on constatera que seul "l'esprit attentif" apporte une certaine cohérence rationnelle à ce qui précède...

Il semble correct de constater que n'importe quel humain - éventuellement n'importe quel être, puisse être d'accord sur une telle démonstration du rôle de recepteur.

Et donc, même si nous "ressentons" tous les choses différemment, nous sommes ici capable de partager ce concept... Mais pour l'instant uniquement dans le domaine humain... Au même niveau, celui de notre espèce... Pas plus.

Pouvons-nous dire que ceci est possible parce que nous partageons tous un accordage des sens similaire ?... De la même syntonisation avec le réel, qui nous permet de créer et partager un univers consensuel ?

Auteur: Internet

Info: Post FB de Mr. E-Scholar, 13 janv 2023. Adaptation Mg

[ point de singularité ] [ totale relativité ] [ pur esprit désincarné ] [ question ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

père-fils

Très cher père,
Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m'inspires, en partie parce que la motivation de cette peur comporte trop de détails pour pouvoir être exposée oralement avec une certaine cohérence. Et si j'essaie maintenant de te répondre par écrit, ce ne sera encore que de façon très incomplète, parce que, même en écrivant, la peur et ses conséquences gênent mes rapports avec toi et parce que la grandeur du sujet outrepasse de beaucoup ma mémoire et ma compréhension.
En ce qui te concerne, le choses se sont toujours présentées très simplement, du moins pour ce que tu en as dit devant moi, et sans discrimination, devant beaucoup d'autres personnes. Tu voyais cela à peu près de la façon suivante: tu as travaillé durement toute ta vie, tu as tout sacrifié pour tes enfants, pour moi surtout; en conséquence, j 'ai "mené la grande vie", j'ai eu liberté entière d'apprendre ce que je voulais, j'ai été préservé des soucis matériels, donc je n'ai pas eu de soucis du tout; tu n'as exigé aucune reconnaissance en échange, tu connais la "gratitude des enfants", mais tu attendais au moins un peu de prévenance, un signe de sympathie; au lieu de quoi, je t'ai fui depuis toujours pour chercher refuge dans ma chambre, auprès de mes livres, auprès d'amis fous ou d'idées extravagantes; je ne t'ai jamais parlé à coeur ouvert, je ne suis jamais allé te trouver au temple, je n'ai jamais été te voir à Franzensbad, d'une manière générale je n'ai eu l'esprit de famille, je ne me suis jamais soucié ni de ton commerce, ni de tes autres affaires, j'ai soutenu Ottla dans son entêtement et , tandis que je ne remue pas le petit doigt pour toi (je ne t'apporte même pas un billet de théâtre), je fais tout pour mes amis. Si tu résumes ton jugement sur moi, il s'ensuit que ce que tu me reproches n'est pas quelque chose de positivement inconvenant ou méchant (à l'exception peut-être de mon dernier projet de mariage), mais de la froideur, de la bizarrerie, de l'ingratitude. Et ceci, tu me le reproches comme si j'en portais la responsabilité, comme s'il m'avait été possible d'arranger les choses autrement - disons en donnant un coup barre -, alors que tu n'as pas le moindre de tort, à moins que ne soit celui d'avoir été trop bon pour moi.
Cette description dont tu uses communément, je ne la tiens pour exacte que dans la mesure où je te crois, moi aussi, absolument innocent de l'éloignement survenu entre nous. Mais absolument innocent, je le suis aussi. Si je pouvais t'amener à le reconnaître, il nous serait possible d'avoir, je ne dis pas une nouvelle vie, nous sommes tous deux beaucoup trop vieux pour cela, mais une espèce de paix, - d'arriver non pas à une suspension, mais à un adoucissement de tes éternels reproches.
Chose singulière, tu as une sorte de pressentiment de ce que je veux dire. Ainsi, par exemple, tu m'as dit récemment : "Je t'ai toujours aimé et quand même je ne me serais pas comporté extérieurement avec toi comme d'autres pères ont coutume de le faire, justement parce que je ne peux pas feindre comme d'autres." Or père, je n'ai jamais, dans l'ensemble, douté de ta bonté à mon égard, mais je considère cette remarque comme inexacte.
Tu ne peux pas feindre, c'est juste; mais affirmer pour cette unique raison que les autres pères le font, ou bien relève de la pure chicane, ce qui interdit de continuer la discussion, ou bien - et selon moi, c'est le cas - exprime de façon voilée le fait qu'il y a chose d'anormal entre nous, quelque chose que tu as contribué à provoquer, mais sans qu'il y ait de ta faute. Si c'est vraiment cela que tu penses, nous sommes d'accord.
Je ne dis pas, naturellement, que ton action sur moi soit la seule cause de ce que je suis devenu. Ce serait exagéré (et je tombe même dans cette exagération). Quand j'aurais été absolument à l'écart de ton influence, il est fort possible que je n'eusse pu devenir un homme selon ton coeur. Sans doute aurais-je tout de même été un être faible, anxieux, hésitant inquiet, ni un Robert Kafka, ni un Karl Hermann, mais j'aurais cependant été tout autre et nous aurions parfaitement pu nous entendre. J'aurais été heureux de t'avoir comme ami, comme chef, comme oncle, comme grand-père, même (encore qu'avec plus d'hésitation) comme beau-père. Mais comme père, tu étais trop fort pour moi, d'autant que mes frères sont morts en bas âge, que mes soeurs ne sont nées que bien plus tard et que, en conséquence, j'ai dû soutenir seul un premier choc pour lequel j'étais beaucoup trop faible. [...]

Auteur: Kafka Franz

Info: 1919

 

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énigme

Les secrets de Deptford
Est-ce que Marlowe est mort dans une bagarre de taverne ou s'est-il échappé en France en adoptant William Shakespeare en tant que son nom de plume ?
Quand on en vient à la postérité littéraire, la mort prématurée peut être un bon mouvement de carrière (Chatterton, Keats, Georg Büchner, Wilfred Owen), mais pas toujours. Si votre cession prématurée est également violente et mystérieuse, on se rappellera longtemps de vous après que vos contemporains aient été oubliés, mais plus pour votre fin dramatique que pour votre génie. Et si votre décès prématuré coïncide avec une des grandes périodes de la créativité littéraire anglaise, ce sera discuté pendant des siècles, mais plus pour ce que vous pourriez avoir écrit que pour ce que vous avez fait réellement. Tel est le cas de Christopher Marlowe.
Le brouhaha sur sa mort, qui a fait encore surface la semaine dernière a longtemps empêché une vue claire de ses extraordinaires talents. L'auteur de 'Come live with me and be by love', 'Was this the face that launch'd a thousand ships?' et 'What is beauty saith my sufferings, then?" mérite d'être gardé en mémoire pour plus que sa simple carrière turbulente, comme auteur surtout, pas comme haute personnalité théâtrale. Mais cela semble, hélas, être son destin.
Marlowe est fascinant et étrangement moderne, sa vie, comme Tom Stoppard l'impliquant comme un Shakespeare plein d'esprit dans la camée d'amour, est purement Hollywoodienne. Dramaturge, libre-penseur, homosexuel et agent de gouvernement, il fut également, selon Swinburne, le père de la tragédie anglaise et le 'créateur du vers blanc anglais'.
Les pièces de Marlowe - Edouard II, DR Faustus, le juif de Malte et de Tamburlaine - sont superbes, spectaculaires et magnifiques. Elles scintillent avec des discours mémorables d'une beauté contagieuse. Ils sont presque impossibles à mettre en scène avec succès. Et ils semblent prévoir Shakespeare.
C'est la où la difficulté commence. Bien que le bon sens présente la mort de Marlowe, soutenu par l'éducation officielle, qu'il est mort après qu'un combat dans une taverne, il y a toujours eu une minorité bruyante qui affirme qu'il y a un autre côté à son histoire.
Brièvement, les Marloviens affirment que, plus mondain, bien-relié et tout controversé qu'il était, Marlowe truqua sa mort pour éviter des charges d'hérésie, et se sauva en France, continuant à écrire des pièces et s'arrangeant pour les faire éditer en Angleterre sous le nom d'un rustre de pays de Stratford, William Shakespeare.
Absurde ? On pourrai penser ainsi. Les membres de la société de Marlowe sont en désaccord. Bien qu'une masse de recherche savante de Leslie Hotson à William Urry à Charles Nicholl (dans The Reckoning) ait établi tout à fait clairement qu'il a été tué, et vu mort, dans le Deptford par Ingram Frizer le 30 mai 1593. Il y a des théoriciens plus tenaces de conspiration qui maintiennent l'opposé.
La raison est tout à fait simple. Un Marlowe mort n'a pas pu écrire Shakespeare. Une vie secrète le pourrait. C'est en ce moment que l'hypothèse Marlowe 'apparaît' à nouveau et commence à concurrencer - avec la même manière controversée que Shakespeare a été écrit réellement par Francis Bacon, le comte d'Oxford, voire la reine de Vierge elle-même.
En d'autres termes, le pauvre vieux Kit Marlowe, le fils du cordonnier de Cantorbéry et diplômé de l'université de Corpus Christi, Cambridge (où on peut toujours voir sa chambre) se retrouve dans une des plus pointilleuses théories littéraires du monde connu. C'est au moins ainsi que cela s'est passé jusqu'à l'année dernière.
Quand on a annoncé en 2001 que Marlowe devait finalement obtenir un endroit dans le coin des poètes dans l'abbaye de Westminster, un certain nombre de figures littéraires, de Seamus Heaney au professeur Andrew Motion, ont eu un soupir de soulagement. Enfin Marlowe obtenait son dû. Le vieux fêtard peut être accueilli dans le panthéon de l'établissement littéraire, à côté de ses contemporains, Shakespeare, Jonson et Spenser.
Pourquoi, exactement, ce devrait être maintenant important que Marlowe obtienne cette identification douteuse ne me fait aucun effet (le coin des poètes contient la mémoire de quelques oiseaux poétiques très étranges), mais, vu de loin ça ressemble à comme si les plus benêts Marloviens laissaient leur homme se faire si facilement changer.
Grosse chance. Quand la pastille de verre dans la fenêtre du transept du nord-est a été dévoilée la semaine dernière, elle s'est avérée contenir un détail gratuit et provocateur conçu pour relancer le débat de Marlowe-Shakespeare.
Sous le nom du poète il y a ces dates 1564-?1593. Le ? dit que peut-être il n'est pas mort. Peut-être il s'est échappé en France. Peut-être il a écrit Shakespeare.
Bla bla Bla. C'est une honte que l'oeuvre d'un auteur puisse être trivialisée par une telle publicité. L'auteur de quelques pièces extraordinaires, Hero and Leander et The Passionate Shepherd to his love' mérite mieux que ceci et sera rappelé longtemps après que la société de Christopher Marlowe ait disparu.

Auteur: McCrum Robert

Info: Fortean Times Dimanche Juillet 14, 2002, L'Observateur

[ littérature ]

 

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judaïsme

Dans une Europe qui, pas très loin à l'est, pratique une barbarie d'un autre âge, ghettos, pogroms et chasse aux Juifs, Vienne leur a garanti l'égalité des droits, la sécurité et la liberté, cadeaux inestimables.
[...]
Les Juifs d'Autriche, émancipés depuis 50 ans à peine, forment à Vienne une élite brillante et influente à laquelle le jeune homme peut être fier d'appartenir. Ils sont le cœur de la bourgeoisie libérale, influente et prospère.
[...]
D'abord artisans, banquiers et commerçants, puis devenus à la deuxième génération, avocats, médecins, professeurs ou journalistes, ils exercent au début du siècle un tiers des professions libérales, représentent plus de la moitié des médecins et des avocats, et les trois quart des journalistes. Leur rôle dans la société viennoise est capital. Il leur vaut en retour rancœurs et inimitiés. Car si la capitale autrichienne a l'habitude des minorités et se fonde même sur leurs diversités, l'ascension récente et spectaculaire de l'une d'elles a réveillé dans la population une sourde et très ancienne hostilité. On jalouse et on craint ses progrès, on la soupçonne d'avoir l'esprit de domination. Le spectre d'un règne juif hante les consciences de la Belle Epoque. Même Nietzsche en arrive à reconnaître, dans Par-delà le bien et mal, que "les Juifs, s'ils le voulaient, [...], pourraient avoir dès maintenant la prépondérance et littéralement la mainmise sur l'Europe entière". Zweig, jeune homme, le sait : il n'est pas facile d'être juif, en 1900, sur les bords du Danube où les jeunes lois de François-Jospeh n'ont pas aboli de vieilles et tenaces préventions. Dans la ville qui l'a vu naître, l'antisémitisme, aussi, fait partie du décor.
[...]
Ainsi malgré les lois, et malgré l'empereur qui prétend être le moins antisémite de tous les Autrichiens, aucun Juif, par la force de la tradition, n'a-t-il jamais eu accès aux plus hauts postes de l'administration, de la diplomatie, de l'enseignement ou de l'armée, domaines réservés aux catholiques de pure souche ou, parfois, à des convertis.
[...]
A l'université, les jeunes gens juifs représentent un tiers des étudiants, pourcentage considérable par rapport à la population juive. [...] S'ils travaillent, ils obtiendront leurs diplômes, sans rencontrer d'injustice particulière. Toutefois les barrages se révéleront par la suite insurmontables, s'ils briguent les postes les plus prestigieux.
[...]
Pour Stefan Zweig, être viennois est à la fois une chance et un programme. Une chance, parce qu'en comparaison des orages et des tempêtes qui, plus à l'est, empoisonnent le climat de l'Europe, c'est un ciel paisible qui s'offre à lui. Et un programme, parce qu'il est né là au confluent de toutes les cultures, entre Orient et Occident, sur une terre de grands brassages. "Le génie de Vienne est proprement musical, dira-t-il plus tard, en se rappelant sa jeunesse. Il a toujours été d'harmoniser en soi tous les contrastes ; qui vivait et travaillait là se sentait libéré de toute étroitesse." Être juif ne saurait être pour lui qu'une limite, une définition trop étroite. Parler allemand élargit l'espace, enrichit une identité qui cherche à dépasser ses origines, à s'affranchir des premiers liens. Être autrichien a cet avantage de lui permettre de côtoyer les plus divers, les plus étonnants folklores et d'éprouver jusqu'au vertige les vertus de la différence et de l'échange. Mais être viennois, c'est plus encore
[...]
La culture de sa famille est imprégnée du cosmopolitisme inscrit dans son histoire et dont elle a su inculquer l'esprit à ses fils. Stefan Zweig, qui outre l'anglais et l'italien, a étudié le grec et le latin, ressent un goût particulier pour le français : il le parle et l'écrit couramment. Il déclare aimer Voltaire et Racine, autant que Goethe et Schiller. Par son éducation et de toutes ses fibres, l'Europe pour lui n'a pas de frontières, l'Europe des Lumières, où Vienne brille d'un éclat joyeux. "Nulle part, écrira-t-il, il n'était plus facile d'être un Européen".
[...]
Le pire des châtiments, pour Zweig, comme pour tous les adolescents de la bourgeoisie de Vienne, élevés avec le souci obsessionnel de leur avenir, eût été de se voir exclu du lycée, d'être renvoyé au premier métier de ses père et grand-père, à l'humiliation d'un métier manuel. Car le prestige du savoir, capital dans une société qui honore la culture sous toutes ses formes, l'est plus encore dans les familles juives qui y voient le plus sûr moyen d'illustrer et de parfaire leur récente implantation. Elle ne leur apparaît pas seulement comme un instrument de stratégie sociale, une manière de franchir encore des barrières et de constituer une élite, elle reflète le penchant ancestral d'un peuple pour ce qui est d'ordre intellectuel et spirituel, entretient un rapport avec le verbe et l'écrit. Zweig l'expliquera un jour, dans le contexte de haine et de violences que sera devenue l'époque : "On admet généralement que le but propre de la vie du Juif est de s'enrichir. Rien de plus faux. La richesse n'est pour lui qu'un degré intermédiaire, un moyen d'atteindre le but véritable et nullement une fin en soi. La volonté propre du Juif, son idéal immanent est de s'élever spirituellement, d'atteindre à un niveau culturel supérieur."

Auteur: Bona Dominique

Info: Dans "Stefan Zweig"

[ contexte politique ] [ ouverture universelle ]

 

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repentir

Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme

Et comme un soldat répand son sang pour la patrie,

Je voudrais pouvoir mettre mon cœur avec mon âme

Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.



Mais je suis, hélas ! un pauvre pécheur trop indigne,

Ma voix hurlerait parmi le chœur des voix des justes :

Ivre encor du vin amer de la terrestre vigne,

Elle pourrait offenser des oreilles augustes.



Il faut un cœur pur comme l'eau qui jaillit des roches,

Il faut qu'un enfant vêtu de lin soit notre emblème,

Qu'un agneau bêlant n'éveille en nous aucuns reproches,

Que l'innocence nous ceigne un brûlant diadème,



Il faut tout cela pour oser dire vos louanges,

Ô vous Vierge Mère, ô vous Marie Immaculée,

Vous blanche à travers les battements d'ailes des anges,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.



Du moins je ferai savoir à qui voudra l'entendre

Comment il advint qu'une âme des plus égarées,

Grâce à ces regards cléments de votre gloire tendre,

Revint au bercail des Innocences ignorées.



Innocence, ô belle après l'Ignorance inouïe,

Eau claire du cœur après le feu vierge de l'âme,

Paupière de grâce sur la prunelle éblouie,

Désaltèrement du cerf rompu d'amour qui brame !



Ce fut un amant dans toute la force du terme :

Il avait connu toute la chair, infâme ou vierge,

Et la profondeur monstrueuse d'un épiderme,

Et le sang d'un cœur, cire vermeille pour son cierge !



Ce fut un athée, et qui poussait loin sa logique

Tout en méprisant les fadaises qu'elle autorise,

Et comme un forçat qui remâche une vieille chique

Il aimait le jus flasque de la mécréantise.



Ce fut un brutal, ce fut un ivrogne des rues,

Ce fut un mari comme on en rencontre aux barrières ;

Bon que les amours premières fussent disparues,

Mais cela n'excuse en rien l'excès de ses manières.



Ce fut, et quel préjudice ! un Parisien fade,

Vous savez, de ces provinciaux cent fois plus pires

Qui prennent au sérieux la plus sotte cascade,

Sans s'apercevoir, ô leur âme, que tu respires ;



Race de théâtre et de boutique dont les vices

Eux-mêmes, avec leur odeur rance et renfermée,

Lèveraient le cœur à des sauvages leurs complices,

Race de trottoir, race d'égout et de fumée !



Enfin un sot, un infatué de ce temps bête

(Dont l'esprit au fond consiste à boire de la bière)

Et par-dessus tout une folle tête inquiète,

Un cœur à tous vents, vraiment mais vilement sincère.



Mais sans doute, et moi j'inclinerais fort à le croire,

Dans quelque coin bien discret et sûr de ce cœur même,

Il avait gardé comme qui dirait la mémoire

D'avoir été ces petits enfants que Jésus aime.



Avait-il, — et c'est vraiment plus vrai que vraisemblable,

Conservé dans le sanctuaire de sa cervelle

Votre nom, Marie, et votre titre vénérable,

Comme un mauvais prêtre ornerait encor sa chapelle ?



Ou tout bonnement peut-être qu'il était encore,

Malgré tout son vice et tout son crime et tout le reste,

Cet homme très simple qu'au moins sa candeur décore

En comparaison d'un monde autour que Dieu déteste.



Toujours est-il que ce grand pécheur eut des conduites

Folles à ce point d'en devenir trop maladroites

Si bien que les tribunaux s'en mirent, - et les suites !

Et le voyez-vous dans la plus étroite des boîtes ?



Cellules ! Prisons humanitaires ! Il faut taire

Votre horreur fadasse et ce progrès d'hypocrisie...

Puis il s'attendrit, il réfléchit. Par quel mystère,

Ô Marie, ô vous, de toute éternité choisie ?



Puis il se tourna vers votre Fils et vers Sa Mère,

Ô qu'il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite !

Que de larmes, quelle joie, ô Mère ! et pour vous plaire,

Tout de suite aussi le voilà qui bien vite quitte



Tout cet appareil d'orgueil et de pauvres malices,

Ce qu'on nomme esprit et ce qu'on nomme la Science,

Et les rires et les sourires où tu te plisses,

Lèvre des petits exégètes de l'incroyance !



Et le voilà qui s'agenouille et, bien humble, égrène

Entre ses doigts fiers les grains enflammés du Rosaire,

Implorant de Vous, la Mère, et la Sainte, et la Reine,

L'affranchissement d'être ce charnel, ô misère !



Ô qu'il voudrait bien ne plus savoir plus rien du monde

Qu'adorer obscurément la mystique sagesse,

Qu'aimer le cœur de Jésus dans l'extase profonde

De penser à vous en même temps pendant la Messe.



Ô faites cela, faites cette grâce à cette âme,

Ô vous, Vierge Mère, ô vous, Marie Immaculée,

Toute en argent parmi l'argent de l'épithalame,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.

Auteur: Verlaine Paul

Info: Un conte

[ prière ] [ poème ] [ autoportrait distancié ] [ métanoïa ] [ christianisme ] [ catholicisme ]

 

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judaïsme

Les Juifs, dit-on, fuyant de l'île de Crète, occupèrent les dernières terres de Libye. On tire un argument de leur nom; Ida est une célèbre montagne de Crète, habitée par les Idaei, mot dont l'addition barbare d'une lettre aura fait Judaei. Quelques-uns prétendent que, sous le règne d'Isis, l'Égypte regorgeant d'un excès de population s'en déchargea sur les terres voisines, et que la migration eut pour chefs Hierosolymus et Juda. Beaucoup font des Juifs une race d'Éthiopiens, que la crainte et la haine forcèrent, sous le roi Céphée, à changer de demeures; d'autres un assemblage d'Assyriens qui, faute de champs à cultiver, s'emparèrent d'une partie de l'Égypte, puis, se rapprochant de la Syrie, se bâtirent des villes et s'approprièrent les terres des Hébreux. Il en est enfin qui leur donnent une origine illustre; selon eux, les Solymes, nation célébrée dans les chants d'Homère, fondèrent une ville, et, de leur nom, l'appelèrent Hierosolyma.
La plupart des auteurs s'accordent à dire qu'une maladie contagieuse qui couvrait tout le corps de souillure s'étant répandue en Égypte, le roi Bocchoris en demanda le remède à l'oracle d'Amon, et reçut pour réponse de purger son royaume et de transporter sur d'autres terres, comme maudits des dieux, tous les hommes infectés. On en fit la recherche, et cette foule misérable, jetée dans un désert, pleurait et s'abandonnait elle-même, lorsque Moïse, un des exilés, leur conseilla de ne rien espérer ni des dieux ni des hommes, qui les avaient également renoncés, mais de se fier à lui comme à un guide céleste, le premier qui jusque-là eût apporté quelque secours à leurs misères. Ils y consentirent, et, sans savoir où ils allaient, ils marchèrent au hasard. Mais rien ne les fatiguait autant que le manque d'eau. Tout près d'expirer, ils s'étaient jetés par terre et gisaient dans ces vastes plaines, lorsqu'ils virent un troupeau d'ânes sauvages, revenant de la pâture, gagner une roche ombragée d'arbres. Moïse les suit, et, à l'herbe qui croît sur le sol, il devine et ouvre de larges veines d'eau. Ce fut un soulagement; et, après six jours d'une marche continuelle, le septième ils chassèrent les habitants de la première terre cultivée, s'y établirent et y fondèrent leur ville et leur temple.
Moïse, pour s'assurer à jamais l'empire de cette nation, lui donna des rites nouveaux et un culte opposé à celui des autres mortels. Là est profane tout ce qui chez nous est sacré, légitime tout ce que nous tenons pour abominable. L'effigie de l'animal qui leur montra la route et les sauva de la soif est consacrée dans le sanctuaire, et ils sacrifient le bélier comme pour insulter Amon. Ils immolent aussi le boeuf, que les Égyptiens adorent sous le nom d'Apis. Ils s'abstiennent de la chair du porc, en mémoire de la lèpre qui les avait jadis infectés, et à laquelle cet animal est sujet. Des jeûnes fréquents sont un aveu de la longue faim qu'ils souffrirent autrefois, et leur pain sans levain rappelle le blé qu'ils ravirent à la hâte. S'ils consacrent le septième jour au repos, c'est, dit-on, parce qu'il termina leurs misères; séduits par l'attrait de la paresse, ils finirent par y donner aussi la septième année. Suivant d'autres, cet usage fut établi pour honorer Saturne, soit qu'ils aient reçu les principes de la religion de ces Idéens qu'on nous montre chassés avec Saturne et fondant la nation des Juifs, soit parce que, des sept astres qui règlent la destinée des mortels, celui dont l'orbe est le plus élevé et la puissance la plus énergique est l'étoile de Saturne, et que la plupart des corps célestes exercent leur action et achèvent leur course par nombres septénaires.
Ces rites, quelle qu'en soit l'origine, se défendent par leur antiquité; ils en ont de sinistres, d'infâmes, que la dépravation seule a fait prévaloir. Car tout pervers qui reniait le culte de sa patrie apportait à leur temple offrandes et tributs. La puissance des Juifs s'en accrut, fortifiée d'un esprit particulier; avec leurs frères, fidélité à toute épreuve, pitié toujours secourable; contre le reste des hommes, haine et hostilité. Ne communiquant avec les autres ni à table, ni au lit, cette nation, d'une licence de moeurs effrénée, s'abstient pourtant des femmes étrangères; entre eux, tout est permis. Ils ont institué la circoncision pour se reconnaître à ce signe. Leurs prosélytes la pratiquent comme eux, et les premiers principes qu'on leur inculque sont le mépris des dieux, le renoncement à sa patrie, l'oubli de ses parents, de ses enfants, de ses frères. Toutefois on veille à l'accroissement de la population; il est défendu de tuer aucun nouveau-né, et l'on croit immortelles les âmes de ceux qui périssent dans les combats ou les supplices. Il s'ensuit qu'on aime à procréer et qu'on s'inquiète peu de mourir. Ils tiennent des Égyptiens l'usage d'enterrer les corps au lieu de les brûler; sur les enfers, même prévoyance, mêmes idées; quant au ciel, les croyances diffèrent. L'Égypte adore beaucoup d'animaux et se taille des images; les Juifs ne conçoivent Dieu que par la pensée et n'en reconnaissent qu'un seul. Ils traitent d'impies ceux qui, avec des matières périssables, se fabriquent des dieux à la ressemblance de l'homme. Le leur est le dieu suprême, éternel, qui n'est sujet ni au changement ni à la destruction. Aussi ne souffrent-ils aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les Césars. Du reste, comme leurs prêtres chantaient au son de la flûte et des tambours, qu'ils se couronnaient de lierre, et qu'une vigne d'or fut trouvée dans le temple, quelques-uns ont cru qu'ils adoraient Bacchus, le vainqueur de l'Orient, opinion démentie par la différence des rites; Bacchus institua des fêtes riantes et joyeuses; le culte des Juifs est bizarre et lugubre.

Auteur: Tacite

Info: Histoires, Livre V [70 après J.-C.] A. Les affaires de Judée, 5,1-13

 

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