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religion

Ce qu'il faut souligner fortement, c'est que ces apparitions [mariales] en série n'étaient pas sans liens avec la politique du trône et de l'autel. Rue du Bac, la Vierge avait pleuré à chaudes larmes sur le renversement de Charles X, devenu bigot sur le tard. Les prédictions et les menaces qu'elle avait proférées à La Salette furent présentées par le clergé comme une mise en garde anticipée contre la révolution de 1848 qui avait instauré la Deuxième République. A Lourdes, enfin, la Vierge avait opportunément déclaré à Bernadette : "Je suis l'Immaculée Conception", quatre ans à peine après que Pie IX eut proclamé ce dogme sans même convoquer un concile, ce qui ne s'était encore jamais vu dans l'histoire de l'Église, et dix ans tout juste avant que ce pape se fasse proclamer infaillible, ainsi que ses successeurs, en matière de dogme. C'était vraiment pour lui une aubaine que la Vierge de Lourdes en personne fût venue certifier en quatre mots cette infaillibilité. De plus, l'apparition avait eu lieu au moment où Pie IX, monarque absolu, résistait, avec l'aide de l'Autriche, à l'unification de l'Italie sous une monarchie constitutionnelle, entreprise qui exigeait l'absorption des États pontificaux.
Tout comme ses prédécesseurs immédiats Léon XII et Grégoire XVI, Pie IX était bien résolu à "ne pas transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne", ainsi qu'il l'écrivit en toutes lettres dans son fameux Syllabus. On peut donc dire que, par-delà les motifs politiques mais en parfaite cohérence avec ceux-ci, la promotion d'un occultisme bien encadré fut pour l'Église du XIX siècle une riposte à l'essor de la culture rationaliste.

Auteur: Sède Gérard de baron Géraud de Liéoux

Info: L'occultisme dans la politique : De Pythagore à nos jours... pp. 161-162

[ pouvoir ] [ idées ] [ manipulation ]

 

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influences intellectuelles

Dans son autobiographie, il [Jung] n’explique pas pourquoi Maître Eckhart l’avait ravi, ni pourquoi il "méprisait" Hegel et saint Thomas d’Aquin. En revanche, il parle de Kant, qu’il appréciait, et du travail minutieux qui l’avait conduit à "faire la distinction entre ce qui m’appartient, ce qui est à ma portée, ce qui est au-delà, et ce que je ne peux atteindre sans dommages". Nietzsche le "toucha" particulièrement dans Ainsi parlait Zarathoustra. […]

Pendant des années, Carl fréquenta la bibliothèque de son père pour y lire et relire les légendes du Graal, à tel point qu’il pouvait les réciter par cœur. Ce fut sa première grande expérience littéraire, jusqu’à ce que le Faust de Goethe devienne, comme pour sa mère, sa lecture préférée. L éprouvait également beaucoup de plaisir à lire de la poésie : Hölderlin comptait parmi ses poètes favoris – avec l’âge il aimerait réciter de longs passages de Patmos. Il adorait l’Orplid de Möricke, bien qu’il jugeât très "médiocres" tous ses autres poèmes […] ; il aimait aussi Friedrich T. Vischer, notamment pour Auch Einer.

Il avait lu les traductions de Shakespeare, préférant ses drames et ses sonnets, même s’il en dédaignait certains, trop "typiquement littéraires" à son goût. Il appréciait le côté "pathétique" de Schiller et prenait beaucoup de plaisir à lire les conversations de Goethe avec Johann Peter Eckermann. Chez les anciens, il aimait Héraclite, s’intéressait un peu moins à Pythagore et à Empédocle, pas du tout à Platon. Son goût pour le théâtre grec fut passager mais l’Odyssée le fascinait. […] A l’école, il ne cachait pas qu’il lisait les romans d’aventure de Gerstäcker et les traductions allemandes de Walter Scott. 

Auteur: Bair Deirdre

Info: Dans "Jung", trad. de l’anglais par Martine Devillers-Argouarc’h, éd. Flammarion, Paris, 2007, pages 62-63

[ sources d'inspiration ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

mathématiques

La valeur trinitaire du triangle rectangle de Pythagore pouvait trouver une préfiguration dans sa probable source égyptienne, où il était dénommé "triangle isiaque" et pensé comme l’image la plus exacte de la nature de l’univers. Significativement, ses trois côtés étaient respectivement associés à Osiris (3), Isis (4) et Horus (5), marquant l’hypoténuse, produit de l’union des deux précédents. Cette géométrie théologique trouvera une correspondance dès le haut Moyen Age chrétien à travers l’assimilation de l’hypoténuse au Saint-Esprit, médiateur entre le Père et le Fils, avant de nets prolongements à la Renaissance. Ainsi, Guillaume Postel identifiait les côtés de valeurs 3, 4, 5 du triangle pythagoricien aux trois personnes de la Trinité, insistant sur le 4, assimilé au Christ. Poursuivant la méditation égypto-grecque qui posait ce triangle comme une figure clé de la nature de l’univers, il rappelait également que 3, 4 et 5 constituaient les nombres-racines des cinq solides géométriques platoniciens, archétypes "élémentaires" du monde manifesté. Dès l’Antiquité, cette dimension trinitaire et génésique put se doubler d’une perspective cyclologique voire eschatologique : dans son De Vita Contemplativa, Philon d’Alexandrie avait déjà montré que l’addition des nombres 3, 4, 5 élevés au carré donnait 50, nombre "jubilaire" marquant symboliquement dans le judaïsme le renouvellement des temps et la "remise des dettes". Agrippa rapportera pour sa part la suite 3-4-5 au nombre de lettres des trois noms divins qui rythment le progrès de la révélation divine, non sans écho à la doctrine joachimite des trois âges : le 3, associé à Shaddaï et au "temps de la nature", le 4 au Tétragramme et au "temps de la loi", enfin le 5 à Jésus, tel que noté dans la Kabbale chrétienne, instaurant le "temps de la grâce" (Agrippa, livre II, chap. 8).

Auteur: Viride Jean

Info: Harmoniques du "quatre de chiffre" dans Liber n°26 printemps 2021, pages 75-76

[ symbole ] [ mythologie ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

origine du langage

Disciples d’Hermès, les aèdes sont donc les messagers, ceux qui assurent un rôle d’intermédiaires entre les hommes et la transcendance.

Nous avons par conséquent affaire ici à une vision opérative, quasi théurgique, de la parole, selon laquelle le signe linguistique révèle symboliquement l’intériorité et l’énergie de chaque être. Avec l’effacement progressif de cette doctrine s’est développée une opinion inverse de la langue, consécutivement à l’avènement de la démocratie et de la pensée philosophique. Cette "laïcisation" de l’oralité devait engendrer, suivant la formule de M. Détienne, "l’acte de décès de la parole efficace". C’est notamment Simonide et le mouvement sophistique qui vont provoquer l’essor d’un usage profane de la langue, désormais au service de l’illusion et de la tromperie (apate). Dans cette optique nouvelle, le logos deviendra une "réalité autonome soumise à ses propres lois", susceptible d’être analysée rationnellement suivant une méthode réflexive détachée de toute sacralité. Seules certaines écoles de type initiatique, comme celle de Pythagore, prolongeront assez directement les traditions archaïques antérieures. De même que dans l’Orphisme, les pythagoriciens penseront les noms comme étant l’expression de la nature des choses. L’établissement des noms demeure chez eux solidaire de la création et est, pour ce motif, l’oeuvre "d’êtres surhumains" (daimones). Pour ne pas être conventionnel, c’est-à-dire non motivé, l’acte de nomination est un acte divin. Sa dimension cosmologique s’explique par le fait que le nom donne en un sens l’existence à l’objet et, en même temps, symbolise concrètement son essence. Cette thèse, qui est aussi celle de Cratyle dans le dialogue de Platon, n’exclut pas néanmoins la position selon laquelle les langues se seraient dégradées et déformées au point de perdre leur efficacité originelle. Socrate dit en effet que "les premiers noms établis ont été comme enfouis par ceux qui voulaient en rehausser la magnificence (...) et ces mots ont été tordus dans tous les sens". De ce point de vue, que reprendra beaucoup plus tard J. de Maistre à propos des langues de certains "sauvages" qu’il dira être les débris de langues antiques, une nuance semble accompagner la doctrine cratylienne sans pour autant la renier. La langue aurait subi une série d’amoindrissements, de modifications, qui ont affaibli sa force initiale. Seuls les dieux, affirmait Socrate de façon très suggestive, "emploient, eux, les noms véritables"...

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", page 162

[ historique ] [ théories ] [ sacré-profane ] [ réversibilité sémiotique ]

 
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expérience

Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été proconsul ; comme eux tous esclave ; j'ai connu comme eux tous l'omnipotence, l'opprobre, les prisons. Regardez : à ma main droite il manque l'index. Regardez ; cette déchirure de mon manteau laisse voir sur mon estomac un tatouage vermeil ; c'est le deuxième symbole, Beth. Les nuits de pleine lune, cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune doivent obéissance à ceux de Ghimel. Au crépuscule de l'aube, dans une cave, j'ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire. Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible : je criais et on ne me répondait pas, je volais le pain et je n'étais pas décapité. J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l'incertitude. Dans une chambre de bronze, devant le mouchoir silencieux du strangulateur, l'espérance me fut fidèle ; dans le fleuve des délices, la panique. Pythagore, si l'on croit le récit émerveillé d'Héraclide du Pont, se souvenait d'avoir été Pyrrhus, Euphorbe, et avant Euphorbe encore quelque autre mortel ; pour me remémorer d'analogues vicissitudes je puis me dispenser d'avoir recours à la mort, et même à l'imposture.
Je dois cette diversité presque atroce à une institution que d'autres républiques ignorent ou qui n'opère chez elles que de façon imparfaite et obscure : la loterie. Je n'en ai pas scruté l'histoire : il ne m'échappe pas que les magiciens restent là-dessus divisés ; toute la connaissance qui m'est donnée de ses puissants desseins, c'est celle que peut avoir de la lune l'homme non versé en astrologie. J'appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel ; jusqu'au présent jour, j'avais pensé à elle aussi peu souvent qu'à la conduite des dieux indéchiffrables ou de mon propre cœur. Aujourd'hui, loin de mon pays et de ses chères coutumes, c'est avec quelque surprise que j'évoque la loterie et les conjectures blasphématoires que sur elle, à la chute du jour, vont murmurant les hommes voilés.
Mon père me rapportait qu'autrefois - parlait-il d'années ou de siècle ? - la loterie était à Babylone un jeu de caractère plébéien. Il racontait, mais je ne sais s'il disait vrai, que les barbiers débitaient alors contre quelques monnaies de cuivre des rectangles d'os ou de parchemin ornés de symboles. Un tirage au sort s'effectuait en plein jour, et les favorisés recevaient, sans autre corroboration du hasard, des pièces d'argent frappées. Le procédé était rudimentaire, comme vous le voyez.

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: La loterie à Babylone, in Fictions

[ incipit ] [ entame ]

 
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philosophie antique

Les premiers philosophes attribuaient l’être uniquement aux éléments matériels : l’eau (Thalès), l’air (Diogène, Anaximène), le feu (Hyppase et Héraclite), ou à leur combinaison (l’eau, l’air, le feu et la terre chez Empédocle). Une position aussi simpliste est insoutenable par une saine philosophie de la nature. Et elle est tout aussi inacceptable en métaphysique puisqu’elle réduit arbitrairement l’être à la matière.

Chez d’autres, ce qui existe était la cause efficiente : l’intelligence, l’amour, l’amour et la haine. Or ces théories qui posent l’étant à l’extérieur du réel ne donnent aucune explication sur ce qui se tient là sous nos yeux. Etre fait par amour ou par intelligence ne nous dit sur ce qu’est l’être. […]

Pour échapper au matérialisme et à ces fausses explications, certains ont voulu voir dans les choses elles-mêmes des principes invisibles qui seraient à proprement parler les étants. Ce sont les fameux atomes de Démocrite et de Leucippe, ou les nombres de Pythagore. Pour ce qui est de Pythagore, il faut lui reconnaître le mérite de chercher un principe d’explication des êtres au-dessus de la matière, le nombre, mais il en reste au domaine de la quantité […].

C’est le philosophe grec Parménide qui, le premier, considéra l’être en tant qu’être. Il le découvrit dans une sorte d’intuition mystique, et il en fut tellement ébloui que rien ne pouvait plus exister, selon lui, hors de cet être absolu. […]

La pensée de Parménide a certes le mérite d’élever la pensée humaine d’un coup d’aile vers les sphères très hautes de la contemplation métaphysique, mais elle exagère la portée de l’être. Elle commet l’imprudence de se laisser aveugler par son objet sans prendre le temps de distinguer et de nuancer. Parménide conçoit en effet l’être comme un genre univoque. Ce qui n’est pas l’être absolu n’appartient donc pas à ce genre, et n’existe pas. Hors de l’être nécessaire envisagé par Parménide, il n’existe rien.

[…] Surtout [Parménide] ne rend nullement compte de la multiplicité des êtres. Il n’existe pour lui qu’un être unique dont ce qui nous apparaît comme des êtres ne seraient que des manifestations accidentelles. Le fondateur de l’Académie [Platon] cherche à répondre à ce problème de la multitude posé par Parménide. Il va malheureusement se tromper de voie. Il croit en effet pouvoir expliquer la multitude des êtres de la façon suivante : les choses matérielles sont individuelles tandis que leurs formes sont universelles. Nous pouvons en conclure, selon Platon, que ces deux réalités (la réalité matérielle et sa forme) sont séparées. […] L’étant, ce qui existe en réalité, pour Platon, ce n’est plus telle chose concrète que j’ai sous les yeux, mais l’idée de cette chose. Le corps matériel est sans cesse soumis au changement et n’est jamais véritablement, l’idée seule est immuable et réelle. […] Les choses matérielles ne sont pas dignes de notre attention. Le monde d’ici-bas se trouve alors vidé de toute consistance et de toute beauté. Le véritable objet de la science, c’est le monde des Idées qui échappe au commun des mortels et ne se livre qu’à une élite choisie.

Auteur: Fabre Jean-Dominique Père

Info: Dans "Lettres à un curieux", éditions du Saint Nom, 2010, pages 149-151

[ historique ] [ résumé ] [ critique ]

 

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septénaire

Il faut savoir que la force symbolique vient des Grecs anciens. Pythagore et ses disciples croyaient que le nombre régissait l'Univers. En plus de son célèbre théorème le carré de l'hypoténuse d'un triangle est la somme des carrés des deux autres côtés, le mathématicien et philosophe léguera le fruit de sa réflexion sur les nombres pairs et impairs, les nombres premiers et carrés. D'après ses disciples, Pythagore a élaboré une vision du cosmos qui se reflète sur Terre. S'il y a sept jours dans la semaine, c'est qu'il y a sept planètes dans le système solaire, présidées par sept dieux ( Apollon, Diane, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne... - on en a découvert deux autres depuis).

Les grecs, pour qui la musique était une science au même titre que l'arithmétique, la géométrie et l'astronomie trouvèrent donc naturel qu'il y ait sept notes dans la gamme. Selon Pythagore, le mouvement des planètes produit des sons à partir des nombres harmoniques inaudibles pour l'être humain. Les mêmes harmonies se retrouvent dans la division d'une corde vibrante; l'ouïe en perçoit des intervalles parfaits: octave, quinte et quarte. En combinant ces intervalles à partir de l'octave, les sept planètes trouvent leur écho sonore dans la gamme de sept sons, le huitième étant la répétition du premier dans un registre plus haut.

Ainsi l'ordre cosmique est transposé dans la réalité humaine, rendant accessible cette vérité à la perception sensorielle. Maintenant si le clavier du piano compte sept touches blanches et cinq noires, c'est qu'on a en réalité dans la gamme cinq tons entiers et deux demi-tons. Lorsqu'on divise les tons en demi-tons correspondant aux touches noires, cela donne 12 notes. Mais ces séparations n'existent pas sur les instruments à cordes. Ce qui démontre encore une fois que notre gamme est au départ une convention transmise depuis la nuit des temps. Aurions-nous pu hériter d'une autre gamme? Il y a la gamme pentatonique à 5 notes; les Arabes ont une gamme de 17 notes et celle des Hindous en comporte 24. Or, si la musique orientale sonne étrangement à nos oreilles, c'est qu'on n'en a pas appris le langage. On peut faire l'analogie avec la langue maternelle : si l'on ne saisit pas la musique des autres cultures, c'est qu'on n'en a pas intégré ses bases dans notre tendre enfance. C'est là un des problèmes de la musique contemporaine, d'ailleurs, qui s'applique à défier les habitudes musicales.

Il y a beaucoup plus de similitudes entre les chansons de Céline Dion et la musique de Mozart qu'entre celle-ci et le répertoire du Nouvel Ensemble moderne. Céline et Wolfgang doivent leur célébrité aux mélodies tonales qui respectent parfaitement les conventions de la gamme. Alors que les compositeurs de musique contemporaine, même lorsqu'ils affectionnent les bons vieux instruments de l'orchestre (cordes, cuivres, vents, percussions), s'appliquent à déconstruire la convention tonale. Après avoir enseigné la musicologie pendant 35 ans, je continue de m'étonner de la richesse de cette gamme vieille de 2,5 millénaires. En avons-nous exploré toutes les possibilités? Je ne le crois pas; il y a encore beaucoup de potentiel dans la gamme à 7 notes et à 12 sons. L'imagination des créateurs est sans limites et la musique a besoin de parcourir de nouveaux territoires. Par jeu, par défi ou encore pour vérifier si les Anciens avaient raison... Car les règles du jeu de Pythagore séduisent toujours les artistes contemporains. Des compositeurs comme Karlheinz Stockhausen, György Ligeti et Yannis Xenakis sont tout à fait pythagoriciens.

Auteur: Smoje Dujka

Info:

[ historique ] [ imprégnation culturelle ]

 

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dernières paroles

Homère, disparu au fond des âges, pour autant qu'il ait existé en tant qu’individu. Zoroastre, mort vénéré, mais sans avoir laissé de derniers mots. Les versions de la mort d'Emphédocle sont pléthoriques et légendaires, la plus épique racontant qu’il se serait alors jeté dans le cratère de l’Etna et que le volcan aurait rejeté sa sandale… qui était de bronze! Héraclite d’Ephèse aurait demandé qu’on enduise son corps de fumier. Ainsi, rendu méconnaissable, il aurait été dévoré vif par une meute de chiens! De Lao Tseu, on sait si peu de chose que son existence peut apparaître comme un mythe. Aristote disparut à 63 ans d'une maladie de l'estomac. Pythagore fut massacré par les Crotoniates, à moins qu’il n’ait vécu le reste de sa vie ailleurs, comme d’aucuns le prétendent. La légende raconte que Démocrite décida d’en finir et qu’il diminua progressivement sa ration de nourriture jusqu’à ne plus rien manger. Sans parler de Chrysippe mort de rire en voyant un âne manger des figues… Zeuxis idem, mort d'hilarité en peignant une vieille femme ridée. Nous n’avons rien trouvé sur la fin de Thucydide, d’Hérodote et de Xénophon. A notre connaissance, on ne sait pas non plus comment est mort Plutarque, Tacite encore moins. On dit que Li Taï Po, grand buveur, tomba à l’eau, ivre avant d’être mort. Dù Shàolíng serait décédé d’avoir trop mangé après être resté plusieurs jours à la diète. Maître Eckhart expira en 1328 sur la route d’Avignon où il allait défendre sa cause auprès du pape Jean XXII. Villon, à la suite de son bannissement, s’évanouit dans la nature dès janvier 1463. Spinoza et Leibniz trépassèrent dans l'indifférence de leur époque. Le cardinal de Retz, pris d'un malaise en 1679, meurt dix jours plus tard chez sa confidente, la duchesse de Lesdiguières. Alors qu’il soupait avec appétit, La Bruyère perdit tout d'un coup la parole et montra alors sa tête comme le siège de son mal. Saignée, émétique, lavement de tabac, rien n'y fit. La Fontaine aurait eu, juste avant d’expirer, des remords quand à ses pièces libertines (on réalisa à son décès, oh surprise!, qu'il portait un cilice.) Max Stirner fit le grand saut dans la solitude et le dénuement à Berlin. L'état civil nota laconiquement sur les registres officiels: "Ni mère, ni femme, ni enfants."  Carl Friedrich Gauss disparut pendant son sommeil, comme Théophile Gautier. Nietzsche sombra définitivement dans la démence le 3 janvier 1889. Dans une rue de Turin, mû par une impulsion subite, il s'effondra en larmes au cou d'un cheval qui avait dérapé sur le pavé. Il décédera onze ans plus tard. Zola fut retrouvé à l’état de cadavre, traîtreusement asphyxié par un feu de briquettes sans fumée. René Daumal, mourut à trente-six ans miné par la tuberculose. On vient de retrouver, au large de Marseille, l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry, porté disparu depuis 1944 lors d'un vol au-dessus de la Méditerranée. Seize ans après cette disparition, Albert Camus était effacé par un accident d'automobile. Albert Einstein murmura quelques mots en allemand, mais on ne sait pas lesquels. Buster Keaton, mort d’un cancer du poumon, ne pouvait pas décemment laisser de dernière parole. Pierre Dac, homme timide et presque effacé, passera de vie à trépas dans la plus grande discrétion. René Goscinny aurait eu une crise cardiaque sur le vélo de son cardiologue. Glenn Gould disparut prématurément à cinquante ans des suites d'une congestion cérébrale. Tennessee Williams exhala son dernier soupir, délaissé, dans sa chambre d'hôtel new-yorkais. L’écrivain John Fante, aveugle en fin de vie en raison des complications entraînées par son diabète, mourut après avoir dicté son dernier livre à sa femme. Primo Levi se suicida sans dernier message, mais celui-ci nous était transmis depuis longtemps. Marguerite Yourcenar décéda d’une hémorragie cérébrale à l'hôpital de l’île du Mont-Désert où elle résidait depuis longtemps. Isaac Asimov disparaissait un 6 avril à 2 h du matin à cause d’une insuffisance rénale et de problèmes cardiaques. Cioran, le grand vindicatif, s’éteignit à petit feu, miné par la maladie d’Alzheimer, tout comme Alfred E. Van Vogt. En 1980, Alfred Hitchcock ne ressortit pas de son sommeil, Félix Leclerc non plus en 1988, de même que, quatorze ans plus tard, l’essayiste autrichien Ivan Illich…

Auteur: Mg

Info: Dictionnaire des dernières paroles, Favre Ed 2005. Préface

[ manquantes ]

 

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discours scientifique

Ce qui est désigné par ce fossé irréductible qui sépare les structures du langage du monde auquel elles renvoient est l’impossibilité ontologique pour un langage quel qu’il soit de renfermer au sein de sa structure le monde en soi, autrement dit de dire tout du monde, en établissant une identité entre l’attelage signifiant-signifié et le référent (entre le mot et la chose pour faire court). Cela règle définitivement le fantasme immémorial et infantile qui n’est que l’expression d’un nihilisme masqué, de réaliser l’impossible coalescence entre l’absolu de l’en-soi et sa diffraction représentative, forcément plurielle et relative, puisque par essence la représentation n’est pas la chose, en tant qu’elle signale (re-présente) une absence. Seules les mathématiques, dont la structure signifiante a été immédiatement repérée par Pythagore comme un cas limite au sein duquel la formulation ne se distingue pas du référent désigné et ne forme qu’un avec lui, ont pu être investies de la propriété bien étrange de permettre d’échapper à l’incertain, au relatif, au transitoire et au corruptible : à la mort, donc, c’est-à-dire – et notre époque en tire le vin amer chaque jour davantage – à la vie. Cette propriété se paye au prix d’un formalisme asséchant – c’est-à-dire au prix d’un réel contenu différentiel - dans la mesure où les mathématiques se caractérisent essentiellement par des notations certes diffractées et multiples, mais en dernier ressort tautologiques [Cette caractéristique tautologique a cependant été depuis mise à mal par le théorème d’incomplétude de Kurt Gödel qui interdit depuis sa démonstration de pouvoir créditer les mathématiques d’une autoréférentialité absolue. Autrement dit, il faut postuler obligatoirement, pour pouvoir les fonder, une extériorité aux mathématiques, ce qui n’est que reculer pour mieux sauter et les renvoie elles aussi au niveau de leur fondement à la question de l’origine.]. Le vertige ontologique propre à la période moderne caractérisée par sa soumission à la Mathesis universalis de Descartes, est porteur de cette profonde envie d’en finir avec la finitude, la souffrance, l’altérité, le différentiel, la mort, en un mot la vie. Cette mathématisation à outrance du monde moderne et contemporain portée par une techno-science envahissante a voulu, de gré ou de force faire passer le réel sous les fourches caudines de cette propriété qu’ont les mathématiques d’assurer la coalescence entre la représentation et l’objet – au prix que l’on sait. Il est d’ailleurs fort intéressant de remarquer comme je l’esquissais plus haut que cette fascination pour l’identité langage/monde réimporte subrepticement et de la manière la plus inattendue aux frontières les plus extrêmes de la rationalité le fantasme archaïque présubjectal et infantile de la fusion matricielle initiale. Or les structures du réel ont la propriété de résister tenacement aux tentatives de viol qu’une rationalité ivre d’elle-même – rationalisme serait plus pertinent - prétend leur faire subir : le référent situé dans l’en-soi appartient au domaine de l’être, de l’incontournable vérité de l’être, de ce qui précède fondamentalement, de ce qui donc relève ontologiquement de la question de l’Origine. Le seul moyen de le contourner est de l’ignorer et de prétendre qu’il n’existe pas. Il en résulte alors un désarrimage radical de l’attelage signifiant-signifié vis-à-vis du référent qui seul est l’intangible garant de la vitalité du langage. Celui-ci dès lors se nécrose, et la structure amputée signifiant-signifié qui subsiste fait boucle sur elle-même, le signifié involutif et pathologique assumant une fonction pseudo-référentielle. Il en résulte une évanescence du réel, consécutive à l’évanescence référentielle. La destructivité sur l’en-soi du monde qui en résulte est effrayante. On comprend à présent aisément à quel point le postulat moniste initial de ma proposition est validé : quand une traction est exercée sur les instances représentatives du langage dans le sens de leur assèchement formaliste, c’est le monde en soi qui en face mécaniquement s’effondre et envahit l’ordre symbolique du fait de la torsion de la médiane nouménale qui en résulte, provoquant son déplacement (hachures). On peut remarquer au passage que l’augmentation du taux de prévalence de l’autisme s’explique ici passivement, et donne une justification suffisante à l’exonération de toute culpabilisation des parents d’enfants atteints de ce trouble : une personne présentant certaines fragilités la prédisposant éventuellement à l’emprise de l’autisme, mais qui y aurait échappé en d’autres temps, s’y trouve ici fatalement vouée du fait de ce déplacement (silhouette). Car l’évanescence référentielle provoque mécaniquement l’évanescence du père (P grisé), en raison du fait que ce qui est absenté n’est plus repris en charge dans l’ordre de la représentation.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, pages 61-62

[ émancipation imaginaire ] [ auto-institution fantasmatique ] [ conséquences ]

 
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sciences

Intellectuellement Pythagore fut un des hommes les plus importants qui aient jamais vécu, autant lorsqu'il fut sage que dans ses  imprudences.

Les mathématiques, au sens de l'argumentation déductive démonstrative, commencent avec lui et, en lui, sont intimement liées à une forme particulière de mysticisme. L'influence des mathématiques sur la philosophie, en partie due à lui, aura été depuis son époque à la fois profonde et malencontreuse. 

A l'origine la plupart des sciences étaient liées à une certaine forme de fausse croyance, ce qui leur donnait une valeur fictive. L'astronomie était liée à l'astrologie, la chimie à l'alchimie alors que les mathématiques étaient associées à un type d'erreur plus raffiné. Les connaissances mathématiques apparaissaient certaines, exactes et applicables au monde réel; de plus, elles étaient obtenues par simple réflexion, sans avoir besoin d'observation. Par conséquent, on pensait qu'elles fournissaient un idéal, en rapport duquel les connaissances empiriques quotidiennes étaient  inférieures. On supposait, sur la base des mathématiques, que la pensée est supérieure au sens, l'intuition à l'observation.

Si le monde des sens ne convient pas aux mathématiques, tant pis pour le monde des sens.  On a alots, via moult méthodes, cherché à se rapprocher de l'idéal du mathématicien, et les suggestions qui en ont résulté furent la source de beaucoup d'erreurs dans la métaphysique et la théorie de la connaissance.

Cette forme de philosophie commence avec Pythagore. Pythagore, comme tout le monde le sait, a dit "tout est nombre". Cette déclaration, interprétée de manière moderne, est logiquement un non-sens, mais ce qu'il voulait dire n'était pas exactement un non-sens. Il avait découvert l'importance des nombres en musique, et le lien qu'il a établi entre la musique et l'arithmétique survit dans les termes mathématiques "moyenne harmonique" et "progression harmonique". Il considérait les nombres comme des formes, telles qu'elles apparaissent sur les dés ou sur les cartes à jouer. On parle encore de nombres au carrés et au cube, termes que nous lui devons. Il évoqua aussi des nombres oblongs, triangulaires, pyramidaux, etc. C'était le nombre de cailloux (ou, comme on devrait dire plus naturellement, de billes) nécessaires pour réaliser les formes en question. Il pensait vraisemblablement que le monde est atomique et que les corps sont constitués de molécules composées d'atomes disposés sous diverses formes.

Il espérait ainsi mettre de l'arithmétique au centre de l'étude fondamentale de la physique comme de l'esthétique.

La religion personnelle dérive de l'extase, la théologie des mathématiques ; et les deux se trouvent chez Pythagore. Les mathématiques sont, je crois, la principale source de la croyance en une vérité éternelle et exacte, ainsi qu'en un monde intelligible suprasensible. La géométrie traite de cercles exacts, mais aucun objet sensible n'est exactement circulaire ; quelle que soit le soin avec lequel nous utilisons nos boussoles, il y aura des imperfections et des irrégularités. Cela suggère l'idée que tout raisonnement exact s'applique aux objets idéaux par opposition aux objets sensibles; il est naturel d'aller plus loin et d'affirmer que la pensée est plus noble que le sens, et les objets de la pensée plus réels que ceux de la perception sensorielle. Les doctrines mystiques sur la relation entre le temps et l'éternité sont également renforcées par les mathématiques pures, car les objets mathématiques, tels que les nombres, s'ils sont réels, sont éternels et ne s'inscrivent pas dans le temps. Ces objets éternels peuvent être conçus comme les pensées de Dieu. 

D'où la doctrine de Platon selon laquelle Dieu est un géomètre et la croyance de Sir James Jeans selon laquelle il est accro à l'arithmétique. La religion rationaliste par opposition à la religion apocalyptique aura été, depuis Pythagore, et notamment depuis Platon, complètement dominée par les mathématiques et la méthode mathématique. La combinaison des mathématiques et de la théologie, qui a commencé avec Pythagore, a caractérisé la philosophie religieuse en Grèce, au Moyen Âge et dans les temps modernes jusqu'à Kant. L'orphisme avant Pythagore était analogue aux mystérieuse religions asiatiques.

Mais chez Platon, Saint Augustin, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza et Kant, il y a un mélange intime de religion et de raisonnement, d'aspiration morale et d'admiration logique de ce qui est intemporel, qui vient de Pythagore et qui distingue la théologie intellectualisée de l'Europe du mysticisme plus direct de l'Asie. 

Ce n'est que très récemment qu'il a été possible de dire clairement en quoi Pythagore avait tort. Je ne connais personne qui ait eu autant d'influence que lui dans le domaine de la pensée. Je dis cela parce que ce qui apparaît comme du platonisme se révèle, après analyse, être essentiellement du pythagorisme. Toute la conception d'un monde éternel, révélé à l'intellect mais non aux sens, est dérivée de lui. Sans lui, les chrétiens n'auraient pas considéré le Christ comme le monde ; sans lui, les théologiens n'auraient pas cherché des preuves logiques de Dieu et de l'immortalité. Mais en lui, tout cela reste implicite.

Auteur: Russell Bertrand

Info: A History of Western Philosophy (1945), Book One. Ancient Philosophy, Part II. The Pre-Socratics, Ch. III: Pythagoras, p. 29 & pp. 34-37

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