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passe-temps

Un jour Zakhar Pavlovitch chercha longtemps le boulon qu'il lui fallait pour refaire le filetage d'un écrou forcé. Il parcourait le dépôt et demandait si personne n'avait de boulon de 8, pour refaire un filetage. On lui répondit qu'il n'y en avait pas, quoique tout le monde eût ce genre de boulon. C'est qu'en fait les ouvriers s'ennuyaient, ils se distrayaient en se compliquant mutuellement les soucis du travail. Zakhar Pavlovitch ignorait encore cet amusement sournois, caché, qu'on trouve dans tout atelier. Cette dérision discrète permettait aux autres ouvriers d'avoir raison de la longueur de la journée de travail et de la langueur d'un labeur répétitif. En vertu de ce divertissement cher à ses voisins Zakhar Pavlovitch fit bien des choses pour rien. Il allait chercher des chiffons au dépôt alors qu'il y en avait des monceaux au bureau ; il fabriquait des échelles en bois ou des bidons pour l'huile, dont le dépôt regorgeait ; incité par quelqu'un, il fut même sur le point de changer par ses propres moyens les bouchons-témoins dans le foyer de la locomotive, mais fut prévenu à temps par un chauffeur qui se trouvait là, sans quoi Zakhar Pavlovitch aurait été congédié sans aucun commentaire.
Zakhar Pavlovitch, ne trouvant pas cette fois le boulon convenable, entreprit d'adapter un pivot à la réalisation d'un filetage et il y serait parvenu, car il ne perdait jamais patience, mais on lui dit :
- Eh, 8 pour un filetage, viens donc prendre ton boulon !
Depuis lors Zakhar Pavlovitch eut pour sobriquet "8 pour un filetage", mais on le dupa désormais moins souvent lorsqu'il eut un besoin urgent d'outils.
Ensuite personne ne sut que Zakhar Pavlovitch préférait ce sobriquet à son nom de baptême : il rappelait une partie importante de toute machine et semblait intégrer corporellement Zakhar Pavlovitch à cette patrie authentique où les pouces de métal triomphent des verstes de terre."

Auteur: Platonov Andrej Platonovic

Info: Tchevengour

[ ennui ] [ atelier ] [ usine ] [ sidérurgie ]

 

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commandement

A la journée sanglante de Tornan, l'armée du roi de Prusse Frédéric II battit l'armée autrichienne ; mais la victoire ne s'était déclarée qu'à la fin du jour. La nuit qui suivit la bataille était extrêmement froide : les troupes prussiennes, qui la passèrent sous les armes, avaient allumé un grand nombre de feux. A la pointe du jour, le roi passa de l'aile gauche à l'aile droite. En arrivant auprès de son régiment des gardes à pied, il descendit de cheval, et alla s'asseoir près du feu, entouré de ses braves grenadiers, pour attendre que le jour parût.
Le roi causait familièrement avec les soldats, et faisait l'éloge du régiment, qui avait combattu très vaillamment à cette bataille. Les grenadiers se pressaient autour de lui, et l'un d'eux, nommé Rusbiack, osa lui dire : " Sire, où étiez-vous donc posté pendant le combat? Nous sommes accoutumés à vous voir à notre tête, et à être conduits par vous-même au plus fort de la mêlée; mais, hier, nous ne vous avons pas vu. " Le roi répondit : " J'ai commandé l'aile gauche, et c'est ce qui m'a empêché de rejoindre mon régiment." Pendant cette conversation, le monarque, que la chaleur du feu incommodait, déboutonna son surtout bleu, et les grenadiers remarquèrent, qu'en le déboutonnant, tomba de ses habits une balle de fusil, dont le coup avait effleuré la poitrine et percé l'uniforme avec le surtout. A cette vue, transportés d'enthousiasme, les grenadiers s'écrièrent tous : " Oui, tu es l'ancien Fritz (diminutif allemand du mot Frédéric). Tu aimes à partager tous nos périls ; et nous, nous aimons à mourir pour toi. Vive le roi ! Aux Autrichiens, camarades, aux Autrichiens ! En avant ! marche !" Leurs lignes se formèrent en un instant et les officiers eurent toutes les peines du monde à leur faire comprendre qu'il n'était pas encore temps de retourner à l'ennemi.

Auteur: Internet

Info: in le Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères d'Edmond Guerard, Journal de Paris, 1786

[ modèle ] [ hasard ] [ étymologie ]

 

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conte électoral

- Dieu est grand ! répondit le mendiant. Mais qu’importe les affaires. Il y a tant de joie dans l’existence. Tu ne connais pas l’histoire des élections ?

- Non, je ne lis jamais les journaux.

- Celle-là n’était pas dans les journaux. C’est quelqu’un qui me l’a racontée.

- Alors je t’écoute.

- Eh bien ! Cela s’est passé il y a quelque temps dans un petit village de Basse-Égypte, pendant les élections pour le maire. Quand les employés du gouvernement ouvrirent les ruines, ils s’aperçurent que la majorité des bulletins de vote portaient le nom de Barghout. Les employés du gouvernement ne connaissaient pas ce nom-là ; il n’était sur la liste d’aucun parti. Affolés, ils allèrent aux renseignements et furent sidérés d’apprendre que Barghout était le nom d’un âne très estimé pour sa sagesse dans tout le village. Presque tous les habitants avaient voté pour lui. Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ?

Gohar respira avec allégresse ; il était ravi. "Ils sont ignorants et illettrés, pensa-t-il, pourtant ils viennent de faire la chose la plus intelligente que le monde ait connue depuis qu’il y a des élections." Le comportement de ces paysans perdus au fond de leur village était le témoignage réconfortant sans lequel la vie deviendrait impossible. Gohar était anéanti d’admiration. La nature de sa joie était si pénétrante qu’il resta un moment épouvanté à regarder le mendiant. Un milan vint se poser sur la chaussée, à quelques pas d’eux, fureta du bec à la recherche de quelque pourriture, ne trouva rien et reprit son vol.

- Admirable ! s’exclama Gohar. Et comment se termine l’histoire ?

- Certainement il ne fut pas élu. Tu penses bien, un âne à quatre pattes ! Ce qu’ils voulaient, en haut lieu, c’était un âne à deux pattes.




Auteur: Cossery Albert

Info: Mendiants et orgueilleux

[ humour ] [ homme-animal ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

femmes-par-hommes

J'ai ouï conter que le pape Jean XXII, passant un jour par Fontevrault, fut requis de l'abbesse et des mères discrètes de leur concéder une dispense, moyennant laquelle elles pussent se confesser les unes les autres, alléguant que les femmes de religion ont quelques petites imperfections secrètes, lesquelles honte insupportable leur est de déceler aux hommes confesseurs: plus librement, plus familièrement les diraient les unes aux autres, sous le sceau de la confession. " Il n'y a rien, répondit le pape, que je ne vous octroie; mais j'y vois un inconvénient : c'est que la confession doit être tenue secrète. Vous autres femmes à peine la cèleriez. - Très bien, dirent-elles, et plus que ne font les hommes. " Un jour, le Saint père leur donna une boîte en garde, dans laquelle il avait fait mettre une petite linotte, les priant doucement qu'elles la serrassent en quelque lieu sûr et secret, leur promettant, foi de pape, leur octroyer ce que portait leur requête, si elles la gardaient secrète : néanmoins leur faisant défense rigoureuse qu'elles n'eussent à l'ouvrir en façon quelconque, sous peine de censure ecclésiastique et d'excommunication éternelle. La défense ne fut sitôt faite, qu'elles grillaient en leurs entendements d'ardeur de voir ce qui était dedans, et leur tardait que le pape fût déjà dehors la porte, pour y vaquer. Le Saint père, après avoir donné sa bénédiction sur elles, se retira en son logis. Il n'était pas encore trois pas hors de l'abbaye, que les bonnes dames accoururent en foule pour ouvrir la boite défendue, et voir ce qu'était dedans. Le lendemain, le pape les visita, en intention (ce leur semblait) de leur dépêcher la dispense. Mais avant d'entrer en propos, commanda qu'on lui apportât sa boîte. Elle lui fut apportée; mais l'oiselet n'y était plus. Alors il leur remontra que chose trop difficile leur serait de receler les confessions, vu qu'elles n'avaient si peu de temps tenu en secret la boîte tant recommandée.

Auteur: Rabelais François

Info: Pantagruel

[ indiscrètes ] [ curieuses ]

 

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dissimulation

"Mundele veut bundanga (le Blanc veut connaître le mystère)" disent les sorciers noirs en parlant de la curiosité des Blancs pour la sorcellerie. Mais les Noirs n'aiment pas beaucoup parler de leur sorcellerie, ils pensent qu'il vaut mieux ne pas dire toute la vérité. Et par exemple si matari (la pierre) doit être placée au fond du chaudron, ils jugeront plus prudent de dire qu'il faut la mettre au-dessus ou vice-versa. Un autre de mes informateurs généralement très clair dans ses explications ne manque jamais, quand il se méfie des intentions occultes de son disciple, d'omettre par prudence certaines choses ou de changer certains détails qu'il juge très importants. D'après Calazán, le Blanc qui voudrait connaître le mystère sans être affilié à un temple et sans se compromettre d'aucune manière, devra poser beaucoup de questions, avoir recours à différentes sources, consulter de nombreuses autorités qui se montreront toujours assez réservées. " Et il ajoute que quand un menteur ou quelqu'un qui fait semblant d'être idiot lui dit avoir jeté une aiguille dans la mer pour la planter dans l'oeil d'un poisson, il lui répond qu'il a entendu le bruit qu'elle a fait en tombant dans l'eau, car il y a toujours quelque chose de vrai, même dans un mensonge. Et il se peut qu'en mentant à quelqu'un, on lui dise en fait la vérité. Il se peut que l'aiguille ait été ensorcelée, qu'elle ait réellement transpercé l'oeil du poisson et que le poisson lui était destiné. C'est ce qui arriva à une femme ouvertement trompée par son mari qui entendait une vieille voisine lui répéter continuellement la même chanson : " Un poisson frit a les yeux ouverts, mais il ne voit pas ". Quand elle s'aperçut finalement qu'elle était trompée, elle dit : " J'étais aveugle et personne ne m'a rien dit ". Alors, la vieille en question lui répondit : " Je te l'avais bien dit. Je t'ai souvent dit qu'un poisson frit a les yeux ouverts, mais ne voit pas. Et le poisson c'était toi".

Auteur: Cabrera Lydia

Info:

[ secret ] [ sorcellerie ]

 

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couple

"Pourquoi me détestes-tu Bruce ?

Pourquoi me laisses-tu seule nuit et jour ?

Qu’est-ce que j’ai fait ? – Mmh ? dit-il. Non. Rien. Je lis ici,

Et je vais écouter les nouvelles à minuit. – Les nouvelles,

Répondit-elle,

Sales et sanglantes et qu’est-ce que ça peut faire ?

Je peux rester ici ?" Elle lui sourit et s’assit sur le lit,

Sur le matelas nu. Il dit "Euh... Écoute, Fawn.

Comme tu dis : sang, mensonges et saleté, imbécilités et pourritures,

C’est les nouvelles.

Et si l’on regarde dans nos cœurs... hein ? ... la même soupe infernale.

Tout ce qui est bon est mutilé ; toute chose mauvaise

A de larges mains, un cœur solide et des ailes de faucon. Bon,

Je ne comprends pas ça et j’ai besoin de l’étudier." Fawn le fixa,

Ressentant un mépris extraordinaire

Derrière son regard calme et son doux masque ovale,

Et dit "Que lisais-tu, mon chéri ? – Quoi ? dit-il, Un livre.

Je l’ai eu à la fac, je ne l’ai jamais lu."

Il alluma la radio et dit "Un professeur allemand

Qui pense que cette esclave sanglante et torturée appelée Histoire

A des habitudes bien réglées. Des vagues, tu vois, de longues vagues, des vagues distinctes de civilisation

Qui vont et viennent comme la mer ; et avec la même sorte de ...vie,

arts, politiques, et ainsi de suite

A la même intensité pour chaque vague, tu peux le prévoir.

En ce moment

Nous sommes au creux de la vague." Fawn l’entendit vaguement

à travers les grésillements

Et le bavardage de l’animateur radio quand l’heure changea,

Et, naturellement, n’y comprit rien ni ne s’y intéressa,

Mais elle vit son excitation.

          Il y avait désormais trois courants parallèles

D’action humaine dans cette haute caverne

Au toit de bardeaux tutoyant les étoiles nébuleuses.

Auteur: Jeffers Robinson

Info: Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", Préface, trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 44-45

[ incompréhension ] [ incompatible ] [ solitude ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

science-fiction

Je viens de lire un long article sur l'homme de Neandertal, qui a été supplanté pas nous autres Sapiens sapiens il y a quelque dizaines de milliers d'années. Papier qui explique son plus grand cerveau par rapport au notre, sa culture finalement assez avancée... Et empli de spéculations quant à ses dispositions éventuelles pour le langage symbolique, et donc son intelligence imaginée, différente (supérieure ?) à la notre, etc...
Je m'imagine du coup que Neandertal s'est fait bouffer tout cru par un homo sapiens plus méchant/retors/avide.
Voilà un beau sujet de dissertation avec, sous-jacente, la problématique confrontation, très politique, entre les concepts de survie et d'éthique.
Et puis, l'esprit voletant, me voilà chez les projectionnistes, ces entités pilotes de notre monde, à la manoeuvre en arrière-plan de l'évolution.

Un jour, ils décidèrent de tenter une nouvelle variation d'hominidés terrestres. Le question était : comment faire en sorte que ces bestiaux ne finissent pas par se vautrer et s'abrutir dans le confort de leur condition de dominants ?
- Simple, répondit XRRHGLUGHTR 4367, il suffit de les rendre un peu plus curieux, donc plus conscient de leur mort, donc inquiets.
- Oui mais comment ? enchaîna une entité qui aurait pu s'apparenter au mariage d'un nuage avec le mécanisme d'une boite à vitesse de Tank.
- Simple aussi, rebondit OIUTGäPO 948, (en quelque sorte frère clone de XRRHGLUGHTR 4367 puisqu'ils étaient tous deux issus d'une alliance trans-vibratoire dont l'objectif commun était une fusion bien comprise). Nous allons, comme ce fut le cas en d'autres occurrences, légèrement déséquilibrer la configuration statistique de leurs hémisphères cérébraux. Ce qui instillera un inconfort de base, socle d'une frustration et d'un constant "besoin de comprendre". La peur, donc l'agressivité suivront, qui les feront progresser via les conflits, particulièrement le développement des armes.
- Ah, d'accord... Répondit l'entité brume-machine, il suffira alors, en temps utiles, de ré-équilibrer tout ça.
- Éventuellement. C'était à nouveau OIUTGäPO 948 (dont on imaginait quelques unes des fonctions en train de tripoter on ne sait quoi avec XRRHGLUGHTR 4367 dans une dimension fréquentielle connue d'eux seuls.)
Puis, après un silence :
- Si nous ne sommes pas passés à autre chose.

Auteur: Mg

Info: 19 juin 2020

[ astrale ] [ humour ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

littérature

Miguel Hernández était cet écrivain sorti de la nature comme une pierre intacte, à la virginité sauvage et à l'irrésistible force vitale.
Il racontait combien c'était impressionnant de poser ses oreilles sur le ventre des chèvres endormies. On pouvait ainsi entendre le bruit du lait qui arrivait aux mamelles, cette rumeur secrète que personne n'a pu écouter hormis ce poète des chèvres.
A d'autres reprises il me parlait du chant des rossignols.
Le Levant espagnol d'où il provenait, était chargé d'orangers en fleurs et de rossignols. Comme cet oiseau n'existe pas dans mon pays, ce sublime chanteur, ce fou de Miguel voulait me donner la plus vive expression esthétique de sa puissance. Il grimpait à un arbre dans la rue, et depuis les plus hautes branches, il sifflait comme chantent ses chers oiseaux au pays natal.
Comme il n'avait pas de quoi à vivre, je lui cherchais un travail.
C'était difficile pour un poète de trouver du travail en Espagne.
Finalement un Vicomte, haut fonctionnaire des Relations, s'intéressa à son cas et me répondit que oui, qu'il était d'accord, qu'il avait lu les vers de Miguel, qu'il l'admirait, et que celui-ci veuille bien indiquer quel type de poste il souhaitait pour rédiger sa nomination.
Rempli de joie, je dis au poète:
- Miguel Hernández, tu as enfin un destin. Le Vicomte t'embauche.
Tu seras un haut employé. Dis-moi quel travail tu désires effectuer pour que l'on procède à ton engagement.
Miguel demeura songeur. Son visage aux grandes rides prématurées se couvrit d'un voile méditatif. Des heures passèrent et il fallut attendre l'après-midi pour qu'il me réponde. Avec les yeux brillants de quelqu'un qui aurait trouvé la solution de sa vie, il me dit:
- Le Vicomte pourrait-il me confier un troupeau de chèvres par ici, près de Madrid ?
Le souvenir de Miguel ne peut s'échapper des racines de mon coeur. Le chant des rossignols levantins, ses tours sonores érigées entre l'obscurité et les fleurs d'orangers, dont la présence l'obsédait, étaient une des composantes de son sang, de sa poésie terrestre et sylvestre dans laquelle se réunissaient tous les excès de la couleur, du parfum et de la voix du Levant espagnol, avec l'abondance et la fragrance d'une puissante et virile jeunesse.

Auteur: Neruda Pablo

Info: Confieso que he vivido 1974

 

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rêve

Une certaine nuit d'été, après matines, ma mère, ayant reposé ses membres sur un banc excessivement étroit, fut bientôt accablée par le sommeil, et il lui sembla qu'elle sentait son âme sortir de son corps. Son âme, après avoir été conduite comme à travers une galerie, se trouva transportée au bord d'un puits. Lorsqu'elle s'en fut bien rapprochée, il sortit, du fond de ce puits, des ombres d'hommes, dont la chevelure paraissait rongée de teigne, et qui voulaient la saisir de leurs mains et l'entraîner dans le gouffre. Mais voici qu'une voix, se faisant entendre derrière cette femme toute tremblante et misérablement agitée par leur attaque, s'adressa à eux et leur cria: "Gardez-vous de toucher à cette femme." Chassées par cette voix, les ombres se replongèrent dans le puits. Ainsi délivrée, elle s'arrêta sur le bord, et tout à coup elle vit apparaître mon père devant elle, avec la figure qu'il avait dans sa jeunesse. L'ayant regardé bien attentivement, elle lui demanda d'une voix suppliante s'il était, en effet, cet homme qu'on appelait Everard (car c'est ainsi qu'il se nommait jadis); et celui-ci lui répondit négativement. Il n'est pas étonnant que l'esprit ait nié d'être distingué par le nom qu'il portait autrefois, quand il était homme; car un esprit ne doit faire à un esprit d'autre réponse que celle qui convient aux choses spirituelles. Or, il serait complètement absurde de croire que les esprits puissent réciproquement avoir connaissance de leurs noms, puisque dans ce cas nous ne devrions, dans la vie à venir, connaître que ceux qui ont été des nôtres. D'ailleurs, il n'est nullement nécessaire que les esprits aient des noms, eux pour qui toute vision, toute science même de vision est intérieure. Celui qui apparaissait à ma mère, ayant donc nié qu'il s'appelât ainsi qu'elle disait, et ma mère cependant n'en ayant pas moins la conviction que c'était lui-même, lui demanda en quel lieu il séjournait: il lui indiqua une place non loin de celle où ils étaient. Elle lui demanda encore comment il se trouvait. Lui alors, découvrant son bras et son flanc, lui montra l'un et l'autre tellement meurtris, tellement déchirés de nombreuses blessures, que celle qui le vit en éprouva une grande horreur et un violent ébranlement dans tout son corps.

Auteur: Guibert de Nogent

Info:

[ songe ]

 

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dépravation

En 1770, un père de famille vint se jeter aux pieds de M. de Sartines, et lui dit que la veille au soir on a enlevé sa fille, et qu'il ne sait ce qu'elle est devenue.
M. de Sartines lui promet une prompte vengeance, et lui assigne un jour pour lui donner des nouvelles sûres de son enfant; il fait faire les perquisitions les plus exactes, et parvient enfin à découvrir les ravisseurs. Le père revient aujour marqué ; M. de Sartines le reçoit les larmes aux yeux : "Hélas ! lui dit ce magistrat, vous êtes bien malheureux, mais je suis presque aussi à plaindre que vous : je sais où est votre fille, et je ne puis vous rendre justice : une autorité supérieure me lie les mains..." L'infortunée était au Parc aux Cerfs, et avait été enlevée pour les plaisirs du roi.
Les courtisans suivaient à l'envi l'exemple de leur maître. Quelques mois après, M. le duc de *** devient amoureux d'une jeune demoiselle très-jolie, fille d'un ancien officier : ne pouvant corrompre ni elle ni sa mère, par argent, il imagine un stratagème bien digne de la cour de Louis XV. Il se déguise avec quelques-uns de ses gens, met le feu pendant la nuit à la maison où demeuraient la mère et la fille; il entre comme pour donner du secours, enlève la demoiselle, la met dans un carrosse, et en abuse à deux lieues de là. Il se rend coupable du double crime de ravisseur et d'incendiaire.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'il ne fut point puni, malgré les plaintes de M. de Sartines; il en fut quitte pour quelque argent. Le duc de ***, son père, présenta au roi cette affaire comme une petite plaisanterie, et le monarque se contenta de recommander au fils d'être un peu plus sage à l'avenir.
Peu de seigneurs de la cour de France résistèrent à cette contagion, et se préservèrent de la corruption générale. M. le maréchal de Brissac était un de ces derniers.
Il y a quelques années qu'on le plaisantait sur la rigidité de ses principes d'honneur et de probité, et sur ce qu'il se fâchait, parce qu'on prétendait qu'il était c..., comme tant d'autres, Louis XV qui était présent, et qui riait de sa colère, lui dit : "Allons, monsieur de Brissac, ne vous fâchez point, c'est un petit malheur, ayez bon courage.
- Sire, répondit M. de Brissac, j'ai toutes les espèces de courage, excepté celui de la honte."

Auteur: Internet

Info: Correspondance secrète, année 1774, in le Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères d'Edmond Guerard

[ abus de pouvoir ] [ dépravation ] [ viol ] [ honneur ]

 

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