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racisme

(Vers 1770 l’officier David-Philippe de Treytorrens ramène avec lui de Saint-Domingue une noire à Yverdon. Cette dernière donnera naissance à un garçon, dont le statut va créer la dispute) 

Quel est le statut de ce garçon? La question opposera la commune d'Yverdon à la famille Treytorrens lors d’un  litige qui va durer 44 ans. L’origine du différend tient à la promesse faite par la famille Treytorrens à Pauline Buisson, morte en 1826, d’accorder la bourgeoisie à son enfant. Mais l’héritier des Treytorrens, moins riche que ses aïeuls, refuse de s’acquitter des frais. Il défend que c’est à la municipalité de régulariser l’enfant. A défaut, ce serait reconnaître que l’esclavage existe toujours sur le territoire vaudois.

En 1826, illustrant les préjugés sur la sexualité débridée des Africains, l’avocat de la commune lance à la famille Treytorrens:

"Vous avez introduit dans la commune l’Africaine Pauline Buisson, cette négresse au sang ardent, véritable matière inflammable expédiée d’un climat brûlant. Vous l’avez mise en communication avec des hommes, et aussitôt la mèche s’est allumée, l’explosion s’en est suivie et la bombe, en éclatant, a vomi un petit négrillon dont vous ne savez pas comment vous défaire; voilà le dommage que vous devez réparer!" 

Le différend financier se terminera par un règlement à l’amiable en 1834. Hélas Samuel Buisson est mort deux ans plus tôt, apatride.

Auteur: Michaud Léon

Info: Rapporté en 1958 dans le Journal d'Yverdon

[ suisse ] [ préjugés ] [ femme-par-homme ]

 

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racisme

La "Déclaration" par laquelle commence ce livre propose l'inclusion des chimpanzés, des gorilles et des orang-outangs dans la "communauté morale des égaux". Une telle tentative ne s'est fait que trop attendre, si l'on considère les similitudes qui existent entre les humains et les autres grands singes, mais elle demande du courage. Beaucoup de gens protesteront contre une telle proposition : certains diront que les affaires humaines priment sur tout le reste, tandis que d'autres feront valoir que la suite logique de l'extension aux grands singes de la communauté des égaux serait l'inclusion, dans cette communauté, de toutes les autres formes de vie.
Je pense que nous devrions étendre ces droits aux autres formes de vie dans la mesure du possible. Mais en ce qui concerne les grands singes, nous pouvons les inclure dans notre communauté morale dès à présent, et ce sera une première étape. Rappelons-nous que pendant longtemps, les gens ne concevaient même pas que leurs voisins puissent appartenir à la même espèce. La notion de "peuple" ne s'appliquait alors qu'aux membres de sa propre tribu. Un explorateur anglais qui se baladait autour de la péninsule de la Malaisie au début des années 1900, et qui voyait des indigènes se promener nus et vivre de chasse et de cueillette, croyait qu'il s'agissait non pas d'êtres humains mais d'une sorte de singe anthropoïde. Il s'en tint à cette conviction bien qu'il les ait vus marcher debout et utiliser des sarbacanes pour chasser.
L'histoire de ce gentleman anglais vous fait peut-être rire, vous pourriez penser qu'il n'avait pas toute sa tête. Y a-t-il vraiment de quoi rire ? Dans un siècle, nos descendants pourraient bien rire à leur tour de ceux qui hésitèrent à accorder des droits moraux élémentaires aux grands singes.
Je ne me lasse jamais des chimpanzés.

Auteur: Toshisada Nishida

Info: in Le projet grands singes : L'égalité au-delà de l'humanité de Paola Cavalieri

[ homme-animal ] [ éthique ]

 

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racisme

Comment ontologiser l’antisémitisme ?

Le 18 octobre 1916, Martin Heidegger écrivait à sa fiancée Elfride : "L’enjuivement de notre culture et nos universités est absolument épouvantable et je pense que la race allemande devrait rassembler assez de force intérieure pour parvenir au sommet." ["Die Verjudung unsrer Kultur u. Universitäten ist allerdings schreckerregend u. ich meine die deutsche Rasse sollte noch soviel innere Kraft aufbringen um in die Höhe zu kommen15."]

S’il ne s’agit pas seulement d’un badinage entre amoureux, que devient cette forte pensée dans Sein und Zeit ? Relisons le § 27, description décisive d’une vie inauthentique, caractérisée par la perte d’identité et l’oubli de l’Être. Il n’est plus ici question de collègues juifs, mais toutefois d’un Man intolérable. La promiscuité entre le Dasein et le Man y est décrite en des termes angoissants. En effet, ici, au lieu que le Dasein "jouissant d’une primauté sur les autres, s’attache à les tenir au-dessous de lui" ["das Dasein im Vorrang über die Anderen darauf aus ist, sie niederzuhalten" (p. 126)], au lieu de régner au sommet [cf. supra "in die Höhe"], "il se tient sous l’emprise d’autrui", et ainsi "le On déploie sa véritable dictature" ["entfaltet das Man seine eigentliche Diktatur" (p. 126)], dans un quotidien banal où il est question de journaux et de moyens de transport. Cette aliénation se confirme au § 38 : le On "tentateur" (donc diabolique) procure au Dasein un "rassurement" trompeur, engage à un affairement égarant, et se caractérise par "l’absence de sol" (cf. bodenlos, p. 177), bref, le déracinement (cf. Bewegtheit, ibidem ; en d’autres termes, le cosmopolitisme apatride). Il en résulte une déchéance (Verfallen), dans un monde de la "facticité" et du "commercium". Ce commercium évoque inévitablement l’argent, tout comme la publicité du § 27, dont Martineau prend la peine de préciser qu’elle n’a rien à voir avec la réclame (p. 127, note).

Ainsi, par une simple technique de diffusion sémantique, se trouvent disséminés les éléments d’un thème bien connu : la dictature d’une ploutocratie cosmopolite. La phrase de la lettre à Elfride contre l’enjuivement de l’université que nous citions plus haut était suivie de l’exclamation : "Allerdings das Kapital!" ["Voilà bien le Capital !"], qui renvoie tout à la fois au marxisme et à l’avidité des collègues juifs, ce Man menaçant.

Auteur: Rastier François

Info: Compilation de Stephane Montavon à partir de https://journals.openedition.org/labyrinthe/4031#ftn20 où on pourra retrouver les références du texte

[ philosophie ] [ anti-Heidegger ] [ nazis ]

 
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racisme

Et donc je pris un car à Greyhound pour Los Angeles qui s'arrêtait dans toutes les petites villes du désert. Le type assis à côté de moi était un vieux boulanger adorable, quatre-vingts ans bien sonnés, qui avait fait cuire des tourtes toute sa vie. Je suppose qu'il est mort à présent. Il venait d'une de ces villes de l'Owens Valley où les champs bruissent de jets d'eau propulsés par les arroseurs mécaniques qui forment des arc-en-ciel brouillés au-dessus des ouvriers agricoles, des éoliennes, des colonnes d'alimentation et de la luzerne verte, mais les rues des villes, là-bas, étaient toujours poussiéreuses comme les cours intérieures des maisonnettes en pisé où roulaient les buissons d'amarante ; là-bas les devantures craquaient, la poussière apportée par l'air donnait aux Whites et aux Sierras la couleur de son bleu de travail. Je suppose qu'il savait presque tout ce qu'il y a à savoir sur la confection des tourtes. Les tourtes étaient d'un blanc nuageux quand il les mettaient dans le four et elles en ressortaient toutes brunes, croustillantes et parfumées aux fruits californiens. L'été dernier, pour son soixante-dix -neuvième anniversaire, il avait pris sa retraite, mais même encore aujourd'hui il aimait faire des tourtes. Je le voyais à présent tel qu'il était : un bouddha à la perfection onctueuse, au parler doux et serein comme un ventilateur qui tourne sans bruit et vous rafraîchit les nuits d'intense chaleur. Aussi l'ajoutai-je à mon panthéon des hommes divins, étant disposé à vénérer en lui le dieu des tourtes et des murmures. Son meilleur ami était à l'hôpital, aussi lui avait-il préparé quelques tourtes aux pommes. Elles étaient encore chaudes et sentaient le four ; tout le long du trajet j'inhalais leur parfum. Il me parla des dizaines d'années passées devant la porte du four au petit matin, et moi je ne cessai de me répéter Quel homme merveilleux ! voici au moins une personne dont la vie a été agréable et utile à tout le monde ; nous arrivâmes à Los Angeles à la nuit tombée et il me serra la main. Je me dis que je ne le verrais plus. Mais les probabilités sont étranges. De même qu'il y a de fortes chances pour que, dans un groupe de seulement trente personnes ( non pas trois cent cinquante et quelques, comme on pourrait le croire), deux soient nées le même jour, de même, alors que je rentrais à Los Angeles, cette fois-ci dans un car pratiquement vide, je revis mon ami et, ravi, allai m'asseoir à côté de lui. Lui aussi me retrouva avec plaisir, les heures s'écoulèrent au gré joyeux des tourtes jusqu'à ce que nous ne soyons plus très loin de ma ville. - Soudain, il me désigna un point au loin. - Regardez, dit-il, c'est Manzanar, ce camp de concentration où ils ont mis tous ces pauvres Japonais. - je n'y avais jamais été, aussi suivis-je son doigt, mais c'était bien trop loin ; je ne pus distinguer grand-chose. - Je ne comprends toujours pas comment on a pu faire tant de mal à ces pauvres gens, dit le vieux boulanger. - C'est abominable, dis-je. - Le boulanger me regarda droit dans les yeux, et je vis quelque chose se lever en lui, quelque chose qu'il devait dire : - Si seulement ç'avait été LES JUIFS !

Je le regardai, sans voix. Puis me levai et changeai de siège.

Qu'avait-il vu toutes ces années, quand il pétrissait cette pâte aussi pâle qu'un visage, la striant de ses ongles avant de la livrer aux flammes du gaz ?

Nous arrivâmes dans ma ville, je récupérai mon sac et me levai. J'étais tendu parce que j'allais devoir passer devant lui. Quand je fus au niveau de son siège, je lui dis au revoir d'une voix basse. Mais il ne me répondit pas.

Et je me demandai ce que j'aurais dû faire. Aurais-je dû rester assis et discuter avec cet homme ? Aurais-je dû ne pas lui dire au revoir ? Quoi que j'aie fait, c'était une erreur. Sinon pourquoi aurais-je eu honte ainsi ?...

Auteur: Vollmann William T.

Info: Treize récits et treize épitaphes

[ antisémitisme ]

 

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racisme

J’étais un peu la petite sœur de Boris Vian, qui était très protecteur avec moi. Or, la première fois où Miles Davis est venu à Paris, c’était à Pleyel. Comme il n’y avait pas de place dans la salle – de toute façon je n’avais pas de quoi me payer une place –, j’avais été amenée en coulisse par la femme de Boris, Michèle. Et j’ai vu Miles de profil : c’était absolument un Giacometti. Avec un visage d’une grande beauté. Je ne parle même pas du génie de l’homme : pour en prendre conscience, il ne fallait pas être grand clerc ni spécialiste de jazz. Entre l’homme, l’instrument et le son, il y avait une harmonie tellement rare ! A ce degré d’esthétisme, c’est assez bouleversant… Il était en soi un spectacle, pourtant habillé très classiquement, pas comme il s’est habillé plus tard, de manière “exotique”, et superbe, qui lui allait fort bien.

J’ai donc rencontré cet homme, qui était fort jeune [23 ans, NDR], et moi aussi [22 ans], puis nous sommes allés dîner tous ensemble, avec un tout un tas de gens que je ne connaissais pas. Et voilà. Je n’étais pas très anglophone, il ne parlait pas français. Je ne sais pas comment nous nous sommes débrouillés. Le miracle de l’amour !

Je me souviens, oui, de cette émission avec Jean-Pierre Foucault [en 1990, NDR]. J’avais été ahurie de voir cet archange sombre, qui descendait de son avion, jouant Les feuilles mortes et qui est venu s’asseoir à côté de moi, fou de rage : “Quelle bande connards ! Ils n’ont même pas branché le micro !” Mais quand Foucault l’a très gentiment remercié, lui demandant pourquoi il avait accepté de venir, il a grogné : “Parce que je suis amoureux de Juliette”, précissant qu’en l’absence de micro il n’avait joué que pour son ancienne dulcinée… Tout comme j’avais eu le privilège de l’entendre, chez lui, et même une fois dans son bain, jouer la musique de son “petit chéri” : Bach.

Associer mon chant à sa trompette ? Je ne suis pas folle – ou plutôt si : je suis folle mais j’ai le sens de l’humour. Pourquoi essayer de faire mal, ou moins, bien, ce que d’autres font si bien ? Si Miles savait que j’étais chanteuse ? Il ne m’a jamais écoutée, sinon beaucoup plus tard à New York, au Waldorf Astoria. Avant, pour lui, j’étais moi, je m’appelais Juliette Gréco, j’avais une tronche bizarre, et c’est moi qu’il a aimée, ce qui est plutôt réjouissant.

Sartre avait dit à Miles : “Pourquoi n’épousez-vous pas Gréco ? – Parce que je l’aime trop pour la rendre malheureuse.” A ce moment là, ce n’était pas une question d’infidélité ou de donjuanisme, c’était une question de couleur : s’il m’avait emmenée avec lui en Amérique, j’aurais été une “pute à nègre”… Au Waldorf, où j’avais une suite très convenable, je l’avais invité à dîner. Il est venu avec John Lewis, et j’avais commandé le repas. La tête du maître d’hôtel quand il est entré : indescriptible ! Au bout de deux heures, on nous a quasiment jeté les plats… Miles m’a rappelé, à quatre heures du matin, dans un état… “Je ne veux plus jamais te voir ici… Dans ce pays une telle relation est impossible.” J’ai soudain pris conscience que j’avais commis une erreur, par rapport à quelque chose d’inhumain, d’irrespectueux, d’où un sentiment étrange, d’humiliation, que je n’oublierai jamais. Là, sa couleur m’est apparue avec une extrême violence, alors qu’à Paris je ne m’étais même pas aperçu qu’il était noir !

Entre Miles et moi ce fut une superbe histoire d’amour, comme j’en souhaite à plein de gens. Nous ne nous sommes jamais perdus au cours de notre vie. Au gré des tournées, il me laissait des petits mots dans les pays d’Europe où j’allais passer : “J’étais là, vous n’y étiez pas.” Il est venu me voir à la maison quelques mois avant sa mort. Il était assis dans le salon. J’ai alors entendu son rire… démoniaque ! Je lui en ai demandé la raison : “Dans n’importe quelle endroit au monde, m’a-t-il répondu, cette femme de dos, je saurai que c’est toi.”  

Auteur: Gréco Juliette

Info: Interview de Philippe Carles, Extrait de Jazz Magazine n° 570, mai 2006.

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste