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gaz

Définition du pet en général : Le pet, que les Grecs nomment (prout, pet, gaz intestinal, la machine n'accepte pas les caractères !) les Latins, crepitus, l'ancien Saxon, purten ou furten, le haut Allemand, Fartzen, et l'Anglais, fart, est un composé de vents qui sortent tantôt avec bruit, et tantôt sourdement et sans en faire.
Il y a néanmoins des auteurs assez bornés et même assez téméraires pour soutenir avec absurdité, arrogance et opiniâtreté, malgré Calepino et tous les autres dictionnaires faits ou à faire, que le mot pet, proprement pris, c'est-à-dire dans son sens naturel, ne doit s'entendre que de celui qu'on lâche avec bruit ; et ils se fondent sur ce vers d'Horace qui ne suffit point pour donner l'idée complète du pet.
Nam disposa sonat quantum Vesica pepedi. (Sat. 8)
(" J'ai pété avec autant de tintamarre qu'en pourrait faire une vessie bien soufflée. ")
Mais qui ne sent pas qu'Horace, dans ce vers, a pris le mot pedere, péter, dans un sens générique ? Et qu'était-il besoin, pour faire entendre que le mot pedere signifie un son clair, qu'il se restreignît à expliquer l'espèce de pet qui éclate en sortant ? Saint-Évremond, cet agréable philosophe, avait une idée du pet bien différente de celle qu'en a pris le vulgaire : selon lui, c'était un soupir ; et il disait un jour à sa maîtresse devant laquelle il avait fait un pet :
" Mon coeur, outré de déplaisirs,
Était si gros de ses soupirs,
Voyant votre humeur si farouche,
Que l'un d'eux se voyant réduit
À n'oser sortir par la bouche,
Sortit par un autre conduit. "
Le pet est donc, en général, un vent renfermé dans le bas ventre, causé, comme les médecins le prétendent, par le débordement d'une pituite attiédie, qu'une chaleur faible a atténuée et détachée sans la dissoudre ; ou produite, selon les paysans et le vulgaire, par l'usage de quelques ingrédients venteux ou d'aliments de même nature. On peut encore le définir comme un air comprimé, qui, cherchant à s'échapper, parcourt les parties internes du corps, et sort enfin avec précipitation quand il trouve une issue que la bienséance empêche de nommer.

Auteur: Hurtaut Pierre-Thomas-Nicolas

Info: L'art de péter

[ vocabulaire ] [ flatulence ]

 

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repentir

Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme

Et comme un soldat répand son sang pour la patrie,

Je voudrais pouvoir mettre mon cœur avec mon âme

Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.



Mais je suis, hélas ! un pauvre pécheur trop indigne,

Ma voix hurlerait parmi le chœur des voix des justes :

Ivre encor du vin amer de la terrestre vigne,

Elle pourrait offenser des oreilles augustes.



Il faut un cœur pur comme l'eau qui jaillit des roches,

Il faut qu'un enfant vêtu de lin soit notre emblème,

Qu'un agneau bêlant n'éveille en nous aucuns reproches,

Que l'innocence nous ceigne un brûlant diadème,



Il faut tout cela pour oser dire vos louanges,

Ô vous Vierge Mère, ô vous Marie Immaculée,

Vous blanche à travers les battements d'ailes des anges,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.



Du moins je ferai savoir à qui voudra l'entendre

Comment il advint qu'une âme des plus égarées,

Grâce à ces regards cléments de votre gloire tendre,

Revint au bercail des Innocences ignorées.



Innocence, ô belle après l'Ignorance inouïe,

Eau claire du cœur après le feu vierge de l'âme,

Paupière de grâce sur la prunelle éblouie,

Désaltèrement du cerf rompu d'amour qui brame !



Ce fut un amant dans toute la force du terme :

Il avait connu toute la chair, infâme ou vierge,

Et la profondeur monstrueuse d'un épiderme,

Et le sang d'un cœur, cire vermeille pour son cierge !



Ce fut un athée, et qui poussait loin sa logique

Tout en méprisant les fadaises qu'elle autorise,

Et comme un forçat qui remâche une vieille chique

Il aimait le jus flasque de la mécréantise.



Ce fut un brutal, ce fut un ivrogne des rues,

Ce fut un mari comme on en rencontre aux barrières ;

Bon que les amours premières fussent disparues,

Mais cela n'excuse en rien l'excès de ses manières.



Ce fut, et quel préjudice ! un Parisien fade,

Vous savez, de ces provinciaux cent fois plus pires

Qui prennent au sérieux la plus sotte cascade,

Sans s'apercevoir, ô leur âme, que tu respires ;



Race de théâtre et de boutique dont les vices

Eux-mêmes, avec leur odeur rance et renfermée,

Lèveraient le cœur à des sauvages leurs complices,

Race de trottoir, race d'égout et de fumée !



Enfin un sot, un infatué de ce temps bête

(Dont l'esprit au fond consiste à boire de la bière)

Et par-dessus tout une folle tête inquiète,

Un cœur à tous vents, vraiment mais vilement sincère.



Mais sans doute, et moi j'inclinerais fort à le croire,

Dans quelque coin bien discret et sûr de ce cœur même,

Il avait gardé comme qui dirait la mémoire

D'avoir été ces petits enfants que Jésus aime.



Avait-il, — et c'est vraiment plus vrai que vraisemblable,

Conservé dans le sanctuaire de sa cervelle

Votre nom, Marie, et votre titre vénérable,

Comme un mauvais prêtre ornerait encor sa chapelle ?



Ou tout bonnement peut-être qu'il était encore,

Malgré tout son vice et tout son crime et tout le reste,

Cet homme très simple qu'au moins sa candeur décore

En comparaison d'un monde autour que Dieu déteste.



Toujours est-il que ce grand pécheur eut des conduites

Folles à ce point d'en devenir trop maladroites

Si bien que les tribunaux s'en mirent, - et les suites !

Et le voyez-vous dans la plus étroite des boîtes ?



Cellules ! Prisons humanitaires ! Il faut taire

Votre horreur fadasse et ce progrès d'hypocrisie...

Puis il s'attendrit, il réfléchit. Par quel mystère,

Ô Marie, ô vous, de toute éternité choisie ?



Puis il se tourna vers votre Fils et vers Sa Mère,

Ô qu'il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite !

Que de larmes, quelle joie, ô Mère ! et pour vous plaire,

Tout de suite aussi le voilà qui bien vite quitte



Tout cet appareil d'orgueil et de pauvres malices,

Ce qu'on nomme esprit et ce qu'on nomme la Science,

Et les rires et les sourires où tu te plisses,

Lèvre des petits exégètes de l'incroyance !



Et le voilà qui s'agenouille et, bien humble, égrène

Entre ses doigts fiers les grains enflammés du Rosaire,

Implorant de Vous, la Mère, et la Sainte, et la Reine,

L'affranchissement d'être ce charnel, ô misère !



Ô qu'il voudrait bien ne plus savoir plus rien du monde

Qu'adorer obscurément la mystique sagesse,

Qu'aimer le cœur de Jésus dans l'extase profonde

De penser à vous en même temps pendant la Messe.



Ô faites cela, faites cette grâce à cette âme,

Ô vous, Vierge Mère, ô vous, Marie Immaculée,

Toute en argent parmi l'argent de l'épithalame,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.

Auteur: Verlaine Paul

Info: Un conte

[ prière ] [ poème ] [ autoportrait distancié ] [ métanoïa ] [ christianisme ] [ catholicisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rapports humains

Le bruit en moi c’est moi qui l’invente le son je ne l’ai jamais entendu à la naissance J'écris pour que vous, lecteur entendant puisse comprendre mes émotions. La surdité c’est plus compliqué que ça. Suffit pas de parler plus fort (entre nous, ça ne me sert à rien), Suffit pas de se rapprocher de moi et baisser la tête vers le bas (c’est pire parce que je dois "descendre" physiquement pour être à votre niveau), Suffit pas de ne pas bouger le corps, mais dodeliner de la tête, çela n’aide pas non plus… (j’essaie de faire avec mais des fois avec la fatigue donc je laisse tomber), Lecteur entendant, si vous n’articulez pas, que vous me regardez pas, je ne peux pas comprendre ce que vous me dites. Pardon si je pète un câble, mais j’ai beau faire des efforts, mais parfois c’est sur-humain ce que les entendants me demandent. Ne pas comprendre une conversation "ping-pong" ça arrive souvent, oui parce que ça va très vite, et moi le temps que je comprenne… C’est à retardement, c’est très pénible d’arriver après. Mais surtout c’est nul d’avoir un train voire un wagon de retard dans la conversation : j’ai l’air bête au final, et je n’aime pas ça. Ces derniers temps, c’est devenu un moment pénible pour moi. J’ai de plus de plus de mal à suivre les conversations. Bien souvent, j’acquiesce de façon à rassurer la personne et je n’ai pas forcément compris. Je ne le dis pas forcément à chaque fois. Ce serait trop pénible. Pour elle, pour lui, pour eux, pour moi. Je suis arrivée à un stade de ma vie, où je n’ai plus envie de me prendre la tête à essayer de comprendre ce qui se passe autour de moi. Essayer de choper les mots qui sortent de la bouche des personnes, les reconstituer dans mon cerveau, analyser la phrase pour ensuite réagir. Je suis fatiguée de cet exercice. J’aimerais que ce soit fluide, ne plus penser, que les choses viennent toutes seules. Moi qui étais tout le temps à l’affût pour ne pas être en décalage avec les autres, j’ai presque envie de me renfermer dans ma coquille. De ne plus penser. Je suis fatiguée d’essayer de comprendre les personnes qui m’entourent, d’essayer de les décrypter pour savoir si ça va bien ou mal. Après tout, ça pourrait m’être égal mais l’intérêt est de pouvoir échanger, de rire, pas d’être renfermée dans sa bulle. On vit dans un monde auditif et pas visuel. Fatiguée d’avoir un temps de retard dans les conversations.Fatiguée d’anticiper le vocabulaire de chacun, pour justement ne pas avoir ce temps de retard à cause de l’analyse que je vais faire dans mon cerveau pour reconstituer cette phrase qui vient d’être dite. Fatiguée de faire preuve de souplesse pour être au top. Apprendre à lâcher-prise. Apprendre à gérer cette frustration à laquelle je suis trop habituée, frustration de ne pas comprendre ce qui se passe autour de moi. Je pourrais me laisser aller, mais ce n’est pas la vie que j’ai choisie, pas d’être en recul, isolée. Il faudrait que l’effort vienne de l’autre côté aussi, que les situations soient moins compliquées, plus simples. Je suis bien consciente que les gens qui m’entourent n’ont pas forcément conscience de l’effort qui est fait tous les jours, qu’ils n’ont pas conscience que c’est bien plus subtil que cela, que la surdité est un handicap sournois qui peut vous isoler très vite. En particulier avec une personne c’est plus simple sinon c’est l’engouffrement. Pour être plus confortable: je choisis être avec 1 ou 2 maxi pas plus c’est moins fatiguant plus – Plus je prends l’âge, je suis fatiguée labialement. Etre avec les Entendants vous force à vous battre, à vous faire accepter, à vous faire comprendre à ceux qui n’ont pas de problème que le monde n’est pas parfait… L'univers de la surdité reste, pour moi, un long combat. Pour les Entendants qui croisent ma vie , existe un malaise elle provoque des quiproquos qui sont à l'origine d'une immense déchirure. Ce manque de patience et cette révolte au quotidien. Nous devons marcher sur des œufs pour ne pas froisser ou couper le fil, le fil si sensible et de si courte durée qui nous relie aux Entendants et de jour en jour, il faut refaire ces efforts épuisants pour convaincre que nous ne sommes pas des personnes venues d'ailleurs qui bricolent des mots, des phrases. Pour parvenir à me faire comprendre. Il faut oser, ruser, séduire, persévérer, emmurée complètement dans ce silence 24h sur 24, l'oreille morte, absente, détachée du corps, déconnectée. Rien que des vagues de sensations, de choses ne peuvent définir ce que peut être le son d'un souffle, d'une vibration, si peu de détails que perçoit notre corps pour tenter de saisir ce que parler veut dire. Heureusement, là, les yeux se multiplient : l'œil qui me sauve, l'œil qui remplace l'oreille, l'œil qui épie, qui guette le mouvement de secours dans les mauvaises passes. Là j'essaie de déchiffrer rapidement, tel un rapace, l'œil et le cerveau branchés en ligne directe S.O.S. ! Ma vue représente pour moi le guide, le troisième œil, œil qui sauve mon humeur, mon honneur, le respect de moi même. Ce regard se veut perçant comme un laser, qui se glisse sur les visage, les scrute pour déchiffrer leurs messages. Les Entendants se lassent rapidement. Trop d'efforts pour peu de choses à dire mais pour moi, en attente de cette communication, je me sens par moments complètement impuissante. Cette impression douloureuse avec la peur de craquer, avec l'envie de hurler aux autres: faites cet effort qui donne un sens à ma vie silencieuse. Torture consentante, malgré moi : je dois accepter ce jumeau insupportable qui d'un regard, chaque matin, me frôle à nouveau et me marche sur le pied pour bien me montrer sa présence. Le silence… Film muet d'avant-guerre où les personnes se déplacent avec des gestes saccadés, avec des mimiques ridicules pour ne pas lasser le spectateur de cette pantomime. Rire, truchement du geste inhabituel, provocateur, loin du réel. Montrer sa présence sans bruit. Et puis moi petit poisson dans un bocal. Je les vois se tortiller, la bouche grande ouverte, les yeux bien ronds sortant des orbites. J'ai l'impression que je suis une bête curieuse dont on doit faire attention. Instinctivement, je les sens parler trop fort, avec beaucoup d'efforts. Une démarche inhabituelle. Je souris, leur visage se détend. Ils se sentent mieux dans cette approche de la communication. Ils soufflent, heureux que je saisisse au vol ces mots qu'ils échangent peu à peu. Mon instinct me dit qu'ils se fatiguent. Un petit mot gentil et hop ! terminé. Très court, beaucoup trop court le moment, les moments d'explication ou par malchance se glissent malicieux des quiproquos. Je ne peux pas toujours faire face. Je me sens menacée et par pudeur pour eux, je m'excuse pour ne pas les blesser. Jeu de ping-pong où j’essaie avec acrobatie de garder la balle dans mon camp le plus longtemps dans ce jeu de mots qui par moments me trouble. Chaque expression de leurs bouches, au fil de leurs lèvres, où je dois comme un funambule garder l'équilibre. Mon œil s'attache à cette partie du corps d'où sortent ces mots qui me sont absents à l’oreille et dans cette bouche, seul espoir de converser, dans ce double jeu, mon rôle est important. Je dois mettre à l'aise doucement, sans agresser mon interlocuteur. La lecture labiale n'est pas toujours… Car sur les lèvres il arrive que je ne détecte pas le sens de leurs propos. Là je bafouille un peu en essayant par de grands efforts de reprendre espoir. Je garde mon sang-froid, et essaie de mon mieux à raccrocher les mots. Je les oblige à parler et j'improvise dans le sens de la conversation avec tact pour éviter les dérapages, le vide. Le réflexe de reculer pour mieux voir les mots car seul mon œil est vigilant comme un radar. Il détecte la pensée avant le mot. Inquiète comme un oiseau de proie ou jolie Dame Blanche, les grands yeux bien ouverts pour mieux me diriger sans trébucher dans le regard des autres.

Auteur: Aurélie de La Selle

Info: Mail à Mg, oct 2016

[ hypoacousie ] [ handicap ] [ infirmité ] [ sourde ] [ témoignage ]

 

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trickster

Les mondes multiples d'Hugh Everett

Il y a cinquante ans, Hugh Everett a conçu l'interprétation de la mécanique quantique en l'expliquant par des mondes multiples, théorie dans laquelle les effets quantiques engendrent d'innombrables branches de l'univers avec des événements différents dans chacune. La théorie semble être une hypothèse bizarre, mais Everett l'a déduite des mathématiques fondamentales de la mécanique quantique. Néanmoins, la plupart des physiciens de l'époque la rejetèrent, et il dût abréger sa thèse de doctorat sur le sujet pour éviter la controverse. Découragé, Everett quitta la physique et travailla sur les mathématiques et l'informatique militaires et industrielles. C'était un être émotionnellement renfermé et un grand buveur. Il est mort alors qu'il n'avait que 51 ans, et ne put donc pas voir le récent respect accordé à ses idées par les physiciens.

Hugh Everett III était un mathématicien brillant, théoricien quantique iconoclaste, puis ensuite entrepreneur prospère dans la défense militaire ayant accès aux secrets militaires les plus sensibles du pays. Il a introduit une nouvelle conception de la réalité dans la physique et a influencé le cours de l'histoire du monde à une époque où l'Armageddon nucléaire semblait imminent. Pour les amateurs de science-fiction, il reste un héros populaire : l'homme qui a inventé une théorie quantique des univers multiples. Pour ses enfants, il était quelqu'un d'autre : un père indisponible, "morceau de mobilier assis à la table de la salle à manger", cigarette à la main. Alcoolique aussi, et fumeur à la chaîne, qui mourut prématurément.

L'analyse révolutionnaire d'Everett a brisé une impasse théorique dans l'interprétation du "comment" de la mécanique quantique. Bien que l'idée des mondes multiples ne soit pas encore universellement acceptée aujourd'hui, ses méthodes de conception de la théorie présagèrent le concept de décohérence quantique - explication moderne du pourquoi et comment la bizarrerie probabiliste de la mécanique quantique peut se résoudre dans le monde concret de notre expérience. Le travail d'Everett est bien connu dans les milieux de la physique et de la philosophie, mais l'histoire de sa découverte et du reste de sa vie l'est relativement moins. Les recherches archivistiques de l'historien russe Eugène Shikhovtsev, de moi-même et d'autres, ainsi que les entretiens que j'ai menés avec les collègues et amis du scientifique décédé, ainsi qu'avec son fils musicien de rock, révèlent l'histoire d'une intelligence radieuse éteinte trop tôt par des démons personnels.

Le voyage scientifique d'Everett commença une nuit de 1954, raconte-t-il deux décennies plus tard, "après une gorgée ou deux de sherry". Lui et son camarade de classe de Princeton Charles Misner et un visiteur nommé Aage Petersen (alors assistant de Niels Bohr) pensaient "des choses ridicules sur les implications de la mécanique quantique". Au cours de cette session Everett eut l'idée de base fondant la théorie des mondes multiples, et dans les semaines qui suivirent, il commença à la développer dans un mémoire. L'idée centrale était d'interpréter ce que les équations de la mécanique quantique représentent dans le monde réel en faisant en sorte que les mathématiques de la théorie elle-même montrent le chemin plutôt qu'en ajoutant des hypothèses d'interprétation aux mathématiques existantes sur le sujet. De cette façon, le jeune homme a mis au défi l'establishment physique de l'époque en reconsidérant sa notion fondamentale de ce qui constitue la réalité physique. En poursuivant cette entreprise, Everett s'attaqua avec audace au problème notoire de la mesure en mécanique quantique, qui accablait les physiciens depuis les années 1920.

En résumé, le problème vient d'une contradiction entre la façon dont les particules élémentaires (comme les électrons et les photons) interagissent au niveau microscopique quantique de la réalité et ce qui se passe lorsque les particules sont mesurées à partir du niveau macroscopique classique. Dans le monde quantique, une particule élémentaire, ou une collection de telles particules, peut exister dans une superposition de deux ou plusieurs états possibles. Un électron, par exemple, peut se trouver dans une superposition d'emplacements, de vitesses et d'orientations différentes de sa rotation. Pourtant, chaque fois que les scientifiques mesurent l'une de ces propriétés avec précision, ils obtiennent un résultat précis - juste un des éléments de la superposition, et non une combinaison des deux. Nous ne voyons jamais non plus d'objets macroscopiques en superposition. Le problème de la mesure se résume à cette question : Comment et pourquoi le monde unique de notre expérience émerge-t-il des multiples alternatives disponibles dans le monde quantique superposé ? Les physiciens utilisent des entités mathématiques appelées fonctions d'onde pour représenter les états quantiques. Une fonction d'onde peut être considérée comme une liste de toutes les configurations possibles d'un système quantique superposé, avec des nombres qui donnent la probabilité que chaque configuration soit celle, apparemment choisie au hasard, que nous allons détecter si nous mesurons le système. La fonction d'onde traite chaque élément de la superposition comme étant également réel, sinon nécessairement également probable de notre point de vue. L'équation de Schrödinger décrit comment la fonction ondulatoire d'un système quantique changera au fil du temps, une évolution qu'elle prédit comme lisse et déterministe (c'est-à-dire sans caractère aléatoire).

Mais cette élégante mathématique semble contredire ce qui se passe lorsque les humains observent un système quantique, tel qu'un électron, avec un instrument scientifique (qui lui-même peut être considéré comme un système quantique). Car au moment de la mesure, la fonction d'onde décrivant la superposition d'alternatives semble s'effondrer en un unique membre de la superposition, interrompant ainsi l'évolution en douceur de la fonction d'onde et introduisant la discontinuité. Un seul résultat de mesure émerge, bannissant toutes les autres possibilités de la réalité décrite de manière classique. Le choix de l'alternative produite au moment de la mesure semble arbitraire ; sa sélection n'évolue pas logiquement à partir de la fonction d'onde chargée d'informations de l'électron avant la mesure. Les mathématiques de l'effondrement n'émergent pas non plus du flux continu de l'équation de Schrödinger. En fait, l'effondrement (discontinuité) doit être ajouté comme un postulat, comme un processus supplémentaire qui semble violer l'équation.

De nombreux fondateurs de la mécanique quantique, notamment Bohr, Werner Heisenberg et John von Neumann, se sont mis d'accord sur une interprétation de la mécanique quantique - connue sous le nom d'interprétation de Copenhague - pour traiter le problème des mesures. Ce modèle de réalité postule que la mécanique du monde quantique se réduit à des phénomènes observables de façon classique et ne trouve son sens qu'en termes de phénomènes observables, et non l'inverse. Cette approche privilégie l'observateur externe, le plaçant dans un domaine classique distinct du domaine quantique de l'objet observé. Bien qu'incapables d'expliquer la nature de la frontière entre le domaine quantique et le domaine classique, les Copenhagueistes ont néanmoins utilisé la mécanique quantique avec un grand succès technique. Des générations entières de physiciens ont appris que les équations de la mécanique quantique ne fonctionnent que dans une partie de la réalité, la microscopique, et cessent d'être pertinentes dans une autre, la macroscopique. C'est tout ce dont la plupart des physiciens ont besoin.

Fonction d'onde universelle. Par fort effet contraire, Everett s'attaqua au problème de la mesure en fusionnant les mondes microscopique et macroscopique. Il fit de l'observateur une partie intégrante du système observé, introduisant une fonction d'onde universelle qui relie les observateurs et les objets dans un système quantique unique. Il décrivit le monde macroscopique en mécanique quantique imaginant que les grands objets existent également en superpositions quantiques. Rompant avec Bohr et Heisenberg, il n'avait pas besoin de la discontinuité d'un effondrement de la fonction ondulatoire. L'idée radicalement nouvelle d'Everett était de se demander : Et si l'évolution continue d'une fonction d'onde n'était pas interrompue par des actes de mesure ? Et si l'équation de Schrödinger s'appliquait toujours et s'appliquait aussi bien à tous les objets qu'aux observateurs ? Et si aucun élément de superposition n'est jamais banni de la réalité ? A quoi ressemblerait un tel monde pour nous ? Everett constata, selon ces hypothèses, que la fonction d'onde d'un observateur devrait, en fait, bifurquer à chaque interaction de l'observateur avec un objet superposé. La fonction d'onde universelle contiendrait des branches pour chaque alternative constituant la superposition de l'objet. Chaque branche ayant sa propre copie de l'observateur, copie qui percevait une de ces alternatives comme le résultat. Selon une propriété mathématique fondamentale de l'équation de Schrödinger, une fois formées, les branches ne s'influencent pas mutuellement. Ainsi, chaque branche se lance dans un avenir différent, indépendamment des autres. Prenons l'exemple d'une personne qui mesure une particule qui se trouve dans une superposition de deux états, comme un électron dans une superposition de l'emplacement A et de l'emplacement B. Dans une branche, la personne perçoit que l'électron est à A. Dans une branche presque identique, une copie de la personne perçoit que le même électron est à B. Chaque copie de la personne se perçoit comme unique et considère que la chance lui a donné une réalité dans un menu des possibilités physiques, même si, en pleine réalité, chaque alternative sur le menu se réalise.

Expliquer comment nous percevons un tel univers exige de mettre un observateur dans l'image. Mais le processus de ramification se produit indépendamment de la présence ou non d'un être humain. En général, à chaque interaction entre systèmes physiques, la fonction d'onde totale des systèmes combinés aurait tendance à bifurquer de cette façon. Aujourd'hui, la compréhension de la façon dont les branches deviennent indépendantes et ressemblent à la réalité classique à laquelle nous sommes habitués est connue sous le nom de théorie de la décohérence. C'est une partie acceptée de la théorie quantique moderne standard, bien que tout le monde ne soit pas d'accord avec l'interprétation d'Everett comme quoi toutes les branches représentent des réalités qui existent. Everett n'a pas été le premier physicien à critiquer le postulat de l'effondrement de Copenhague comme inadéquat. Mais il a innové en élaborant une théorie mathématiquement cohérente d'une fonction d'onde universelle à partir des équations de la mécanique quantique elle-même. L'existence d'univers multiples a émergé comme une conséquence de sa théorie, pas par un prédicat. Dans une note de bas de page de sa thèse, Everett écrit : "Du point de vue de la théorie, tous les éléments d'une superposition (toutes les "branches") sont "réels", aucun n'est plus "réel" que les autres. Le projet contenant toutes ces idées provoqua de remarquables conflits dans les coulisses, mis au jour il y a environ cinq ans par Olival Freire Jr, historien des sciences à l'Université fédérale de Bahia au Brésil, dans le cadre de recherches archivistiques.

Au printemps de 1956 le conseiller académique à Princeton d'Everett, John Archibald Wheeler, prit avec lui le projet de thèse à Copenhague pour convaincre l'Académie royale danoise des sciences et lettres de le publier. Il écrivit à Everett qu'il avait eu "trois longues et fortes discussions à ce sujet" avec Bohr et Petersen. Wheeler partagea également le travail de son élève avec plusieurs autres physiciens de l'Institut de physique théorique de Bohr, dont Alexander W. Stern. Scindages La lettre de Wheeler à Everett disait en autre : "Votre beau formalisme de la fonction ondulatoire reste bien sûr inébranlable ; mais nous sentons tous que la vraie question est celle des mots qui doivent être attachés aux quantités de ce formalisme". D'une part, Wheeler était troublé par l'utilisation par Everett d'humains et de boulets de canon "scindés" comme métaphores scientifiques. Sa lettre révélait l'inconfort des Copenhagueistes quant à la signification de l'œuvre d'Everett. Stern rejeta la théorie d'Everett comme "théologique", et Wheeler lui-même était réticent à contester Bohr. Dans une longue lettre politique adressée à Stern, il explique et défend la théorie d'Everett comme une extension, non comme une réfutation, de l'interprétation dominante de la mécanique quantique : "Je pense que je peux dire que ce jeune homme très fin, capable et indépendant d'esprit en est venu progressivement à accepter l'approche actuelle du problème de la mesure comme correcte et cohérente avec elle-même, malgré quelques traces qui subsistent dans le présent projet de thèse d'une attitude douteuse envers le passé. Donc, pour éviter tout malentendu possible, permettez-moi de dire que la thèse d'Everett ne vise pas à remettre en question l'approche actuelle du problème de la mesure, mais à l'accepter et à la généraliser."

Everett aurait été en total désaccord avec la description que Wheeler a faite de son opinion sur l'interprétation de Copenhague. Par exemple, un an plus tard, en réponse aux critiques de Bryce S. DeWitt, rédacteur en chef de la revue Reviews of Modern Physics, il écrivit : "L'Interprétation de Copenhague est désespérément incomplète en raison de son recours a priori à la physique classique... ainsi que d'une monstruosité philosophique avec un concept de "réalité" pour le monde macroscopique qui ne marche pas avec le microcosme." Pendant que Wheeler était en Europe pour plaider sa cause, Everett risquait alors de perdre son permis de séjour étudiant qui avait été suspendu. Pour éviter d'aller vers des mesures disciplinaires, il décida d'accepter un poste de chercheur au Pentagone. Il déménagea dans la région de Washington, D.C., et ne revint jamais à la physique théorique. Au cours de l'année suivante, cependant, il communiqua à distance avec Wheeler alors qu'il avait réduit à contrecœur sa thèse au quart de sa longueur d'origine. En avril 1957, le comité de thèse d'Everett accepta la version abrégée - sans les "scindages". Trois mois plus tard, Reviews of Modern Physics publiait la version abrégée, intitulée "Relative State' Formulation of Quantum Mechanics".("Formulation d'état relatif de la mécanique quantique.") Dans le même numéro, un document d'accompagnement de Wheeler loue la découverte de son élève. Quand le papier parut sous forme imprimée, il passa instantanément dans l'obscurité.

Wheeler s'éloigna progressivement de son association avec la théorie d'Everett, mais il resta en contact avec le théoricien, l'encourageant, en vain, à faire plus de travail en mécanique quantique. Dans une entrevue accordée l'an dernier, Wheeler, alors âgé de 95 ans, a déclaré qu' "Everett était déçu, peut-être amer, devant les non réactions à sa théorie. Combien j'aurais aimé continuer les séances avec lui. Les questions qu'il a soulevées étaient importantes." Stratégies militaires nucléaires Princeton décerna son doctorat à Everett près d'un an après qu'il ait commencé son premier projet pour le Pentagone : le calcul des taux de mortalité potentiels des retombées radioactives d'une guerre nucléaire. Rapidement il dirigea la division des mathématiques du Groupe d'évaluation des systèmes d'armes (WSEG) du Pentagone, un groupe presque invisible mais extrêmement influent. Everett conseillait de hauts responsables des administrations Eisenhower et Kennedy sur les meilleures méthodes de sélection des cibles de bombes à hydrogène et de structuration de la triade nucléaire de bombardiers, de sous-marins et de missiles pour un impact optimal dans une frappe nucléaire. En 1960, participa à la rédaction du WSEG n° 50, un rapport qui reste classé à ce jour. Selon l'ami d'Everett et collègue du WSEG, George E. Pugh, ainsi que des historiens, le WSEG no 50 a rationalisé et promu des stratégies militaires qui ont fonctionné pendant des décennies, notamment le concept de destruction mutuelle assurée. Le WSEG a fourni aux responsables politiques de la guerre nucléaire suffisamment d'informations effrayantes sur les effets mondiaux des retombées radioactives pour que beaucoup soient convaincus du bien-fondé d'une impasse perpétuelle, au lieu de lancer, comme le préconisaient certains puissants, des premières attaques préventives contre l'Union soviétique, la Chine et d'autres pays communistes.

Un dernier chapitre de la lutte pour la théorie d'Everett se joua également dans cette période. Au printemps 1959, Bohr accorda à Everett une interview à Copenhague. Ils se réunirent plusieurs fois au cours d'une période de six semaines, mais avec peu d'effet : Bohr ne changea pas sa position, et Everett n'est pas revenu à la recherche en physique quantique. L'excursion n'avait pas été un échec complet, cependant. Un après-midi, alors qu'il buvait une bière à l'hôtel Østerport, Everett écrivit sur un papier à l'en-tête de l'hôtel un raffinement important de cet autre tour de force mathématique qui a fait sa renommée, la méthode généralisée du multiplicateur de Lagrange, aussi connue sous le nom d'algorithme Everett. Cette méthode simplifie la recherche de solutions optimales à des problèmes logistiques complexes, allant du déploiement d'armes nucléaires aux horaires de production industrielle juste à temps en passant par l'acheminement des autobus pour maximiser la déségrégation des districts scolaires. En 1964, Everett, Pugh et plusieurs autres collègues du WSEG ont fondé une société de défense privée, Lambda Corporation. Entre autres activités, il a conçu des modèles mathématiques de systèmes de missiles anti-missiles balistiques et de jeux de guerre nucléaire informatisés qui, selon Pugh, ont été utilisés par l'armée pendant des années. Everett s'est épris de l'invention d'applications pour le théorème de Bayes, une méthode mathématique de corrélation des probabilités des événements futurs avec l'expérience passée. En 1971, Everett a construit un prototype de machine bayésienne, un programme informatique qui apprend de l'expérience et simplifie la prise de décision en déduisant les résultats probables, un peu comme la faculté humaine du bon sens. Sous contrat avec le Pentagone, le Lambda a utilisé la méthode bayésienne pour inventer des techniques de suivi des trajectoires des missiles balistiques entrants. En 1973, Everett quitte Lambda et fonde une société de traitement de données, DBS, avec son collègue Lambda Donald Reisler. Le DBS a fait des recherches sur les applications des armes, mais s'est spécialisée dans l'analyse des effets socio-économiques des programmes d'action sociale du gouvernement. Lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois, se souvient M. Reisler, Everett lui a demandé timidement s'il avait déjà lu son journal de 1957. J'ai réfléchi un instant et j'ai répondu : "Oh, mon Dieu, tu es cet Everett, le fou qui a écrit ce papier dingue", dit Reisler. "Je l'avais lu à l'université et avais gloussé, le rejetant d'emblée." Les deux sont devenus des amis proches mais convinrent de ne plus parler d'univers multiples.

Malgré tous ces succès, la vie d'Everett fut gâchée de bien des façons. Il avait une réputation de buveur, et ses amis disent que le problème semblait s'aggraver avec le temps. Selon Reisler, son partenaire aimait habituellement déjeuner avec trois martinis, dormant dans son bureau, même s'il réussissait quand même à être productif. Pourtant, son hédonisme ne reflétait pas une attitude détendue et enjouée envers la vie. "Ce n'était pas quelqu'un de sympathique", dit Reisler. "Il apportait une logique froide et brutale à l'étude des choses... Les droits civils n'avaient aucun sens pour lui." John Y. Barry, ancien collègue d'Everett au WSEG, a également remis en question son éthique. Au milieu des années 1970, Barry avait convaincu ses employeurs chez J. P. Morgan d'embaucher Everett pour mettre au point une méthode bayésienne de prévision de l'évolution du marché boursier. Selon plusieurs témoignages, Everett avait réussi, puis il refusa de remettre le produit à J. P. Morgan. "Il s'est servi de nous", se souvient Barry. "C'était un individu brillant, innovateur, insaisissable, indigne de confiance, probablement alcoolique." Everett était égocentrique. "Hugh aimait épouser une forme de solipsisme extrême", dit Elaine Tsiang, ancienne employée de DBS. "Bien qu'il eut peine à éloigner sa théorie [des monde multiples] de toute théorie de l'esprit ou de la conscience, il est évident que nous devions tous notre existence par rapport au monde qu'il avait fait naître." Et il connaissait à peine ses enfants, Elizabeth et Mark. Alors qu'Everett poursuivait sa carrière d'entrepreneur, le monde de la physique commençait à jeter un regard critique sur sa théorie autrefois ignorée. DeWitt pivota d'environ 180 degrés et devint son défenseur le plus dévoué. En 1967, il écrivit un article présentant l'équation de Wheeler-DeWitt : une fonction d'onde universelle qu'une théorie de la gravité quantique devrait satisfaire. Il attribue à Everett le mérite d'avoir démontré la nécessité d'une telle approche. DeWitt et son étudiant diplômé Neill Graham ont ensuite publié un livre de physique, The Many-Worlds Interpretation of Quantum Mechanics, qui contenait la version non informatisée de la thèse d'Everett. L'épigramme "mondes multiples" se répandit rapidement, popularisée dans le magazine de science-fiction Analog en 1976. Toutefois, tout le monde n'est pas d'accord sur le fait que l'interprétation de Copenhague doive céder le pas. N. David Mermin, physicien de l'Université Cornell, soutient que l'interprétation d'Everett traite la fonction des ondes comme faisant partie du monde objectivement réel, alors qu'il la considère simplement comme un outil mathématique. "Une fonction d'onde est une construction humaine", dit Mermin. "Son but est de nous permettre de donner un sens à nos observations macroscopiques. Mon point de vue est exactement le contraire de l'interprétation des mondes multiples. La mécanique quantique est un dispositif qui nous permet de rendre nos observations cohérentes et de dire que nous sommes à l'intérieur de la mécanique quantique et que la mécanique quantique doive s'appliquer à nos perceptions est incohérent." Mais de nombreux physiciens avancent que la théorie d'Everett devrait être prise au sérieux. "Quand j'ai entendu parler de l'interprétation d'Everett à la fin des années 1970, dit Stephen Shenker, physicien théoricien à l'Université Stanford, j'ai trouvé cela un peu fou. Maintenant, la plupart des gens que je connais qui pensent à la théorie des cordes et à la cosmologie quantique pensent à quelque chose qui ressemble à une interprétation à la Everett. Et à cause des récents développements en informatique quantique, ces questions ne sont plus académiques."

Un des pionniers de la décohérence, Wojciech H. Zurek, chercheur au Los Alamos National Laboratory, a commente que "l'accomplissement d'Everett fut d'insister pour que la théorie quantique soit universelle, qu'il n'y ait pas de division de l'univers entre ce qui est a priori classique et ce qui est a priori du quantum. Il nous a tous donné un ticket pour utiliser la théorie quantique comme nous l'utilisons maintenant pour décrire la mesure dans son ensemble." Le théoricien des cordes Juan Maldacena de l'Institute for Advanced Study de Princeton, N.J., reflète une attitude commune parmi ses collègues : "Quand je pense à la théorie d'Everett en mécanique quantique, c'est la chose la plus raisonnable à croire. Dans la vie de tous les jours, je n'y crois pas."

En 1977, DeWitt et Wheeler invitèrent Everett, qui détestait parler en public, à faire une présentation sur son interprétation à l'Université du Texas à Austin. Il portait un costume noir froissé et fuma à la chaîne pendant tout le séminaire. David Deutsch, maintenant à l'Université d'Oxford et l'un des fondateurs du domaine de l'informatique quantique (lui-même inspiré par la théorie d'Everett), était là. "Everett était en avance sur son temps", dit Deutsch en résumant la contribution d'Everett. "Il représente le refus de renoncer à une explication objective. L'abdication de la finalité originelle de ces domaines, à savoir expliquer le monde, a fait beaucoup de tort au progrès de la physique et de la philosophie. Nous nous sommes irrémédiablement enlisés dans les formalismes, et les choses ont été considérées comme des progrès qui ne sont pas explicatifs, et le vide a été comblé par le mysticisme, la religion et toutes sortes de détritus. Everett est important parce qu'il s'y est opposé." Après la visite au Texas, Wheeler essaya de mettre Everett en contact avec l'Institute for Theoretical Physics à Santa Barbara, Californie. Everett aurait été intéressé, mais le plan n'a rien donné. Totalité de l'expérience Everett est mort dans son lit le 19 juillet 1982. Il n'avait que 51 ans.

Son fils, Mark, alors adolescent, se souvient avoir trouvé le corps sans vie de son père ce matin-là. Sentant le corps froid, Mark s'est rendu compte qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir jamais touché son père auparavant. "Je ne savais pas quoi penser du fait que mon père venait de mourir, m'a-t-il dit. "Je n'avais pas vraiment de relation avec lui." Peu de temps après, Mark a déménagé à Los Angeles. Il est devenu un auteur-compositeur à succès et chanteur principal d'un groupe de rock populaire, Eels. Beaucoup de ses chansons expriment la tristesse qu'il a vécue en tant que fils d'un homme déprimé, alcoolique et détaché émotionnellement. Ce n'est que des années après la mort de son père que Mark a appris l'existence de la carrière et des réalisations de son père. La sœur de Mark, Elizabeth, fit la première d'une série de tentatives de suicide en juin 1982, un mois seulement avant la mort d'Everett. Mark la trouva inconsciente sur le sol de la salle de bain et l'amena à l'hôpital juste à temps. Quand il rentra chez lui plus tard dans la soirée, se souvient-il, son père "leva les yeux de son journal et dit : Je ne savais pas qu'elle était si triste."" En 1996, Elizabeth se suicida avec une overdose de somnifères, laissant une note dans son sac à main disant qu'elle allait rejoindre son père dans un autre univers. Dans une chanson de 2005, "Things the Grandchildren Should Know", Mark a écrit : "Je n'ai jamais vraiment compris ce que cela devait être pour lui de vivre dans sa tête". Son père solipsistiquement incliné aurait compris ce dilemme. "Une fois que nous avons admis que toute théorie physique n'est essentiellement qu'un modèle pour le monde de l'expérience, conclut Everett dans la version inédite de sa thèse, nous devons renoncer à tout espoir de trouver quelque chose comme la théorie correcte... simplement parce que la totalité de l'expérience ne nous est jamais accessible."

Auteur: Byrne Peter

Info: 21 octobre 2008, https://www.scientificamerican.com/article/hugh-everett-biography/. Publié à l'origine dans le numéro de décembre 2007 de Scientific American

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