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citation s'appliquant à ce logiciel

Les mots du web en équation. Du désordre peut naître l'ordre. Ce principe, souvent constaté dans la nature, s'applique aussi aux comportements des internautes sur la Toile. C'est ce que viennent de découvrir des physiciens du Centre de physique théorique, à Marseille, en collaboration avec des équipes italiennes.

Les chercheurs se sont penchés sur certains sites internet où les utilisateurs annotent par des mots-clés, couramment appelés tags, le contenu de pages web. Peu à peu, ces mots-clés constituent une gigantesque base de données qui permet de faire des recherches très précises sur l'ensemble des sites annotés. En étudiant de près la structure de cette base de données, construite sans concertation des internautes entre eux, les scientifiques se sont rendu compte qu'elle était loin d'être anarchique.

"Preuve en est la taille du dictionnaire de mots-clés utilisés par la communauté, note Alain Barrat. Celui-ci grandit de manière régulière, en suivant une équation bien précise." L'étape suivante pour les chercheurs a été de retrouver mathématiquement pourquoi ils observaient une telle propriété. "Chaque individu est complexe, explique Alain Barrat. Mais l'action cumulée et non coordonnée de plusieurs millions d'entre eux va faire émerger des comportements qu'on peut modéliser par des concepts mathématiques simples."

Ainsi, nos physiciens ont montré que la structure de la base de données pouvait être reconstruite à partir d'une succession de marches aléatoires, un concept courant en physique statistique qui décrit différentes trajectoires obtenues par une série de déplacements dans des directions choisies au hasard. Pour les chercheurs, une seule explication. Selon eux, il existerait un réseau sémantique sous-jacent qui relierait entre eux les mots-clés et dans lequel les internautes "marcheraient" au hasard.

"C'est une idée qui existe depuis longtemps en linguistique, explique Alain Barrat. Sans en avoir conscience, chaque internaute associerait au mot-clé principal "évident" d'une page web un autre mot-clé bien à lui." À l'annotation "fleur" pour une page de botanique par exemple, l'un va associer le mot "rose", l'autre le mot "pétale", etc. "Répété par l'ensemble des utilisateurs, ce mécanisme permet d'expliquer nos observations, ajoute le chercheur.

Un résultat théorique qui pourrait un jour déboucher sur des applications bien concrètes. Notamment la lutte contre le spamdexing ou référencement abusif. Certains spameurs n'hésitent pas, en effet, à infiltrer les sites en question en ajoutant une longue liste de mots-clés sans rapport avec la page mais qui renvoient discrètement vers des sites commerciaux. "C'est un comportement qui va contre les règles établies par la communauté d'internautes, commente Alain Barrat. Si on parvient à bien modéliser le fonctionnement normal de ce réseau d'utilisateurs, alors tout phénomène bizarre qui s'en écartera sera rejeté." Les pollueurs n'ont qu'à bien se tenir.

Auteur: Mira Pierre

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[ étiquetage ] [ métalangage ] [ collectif ] [ sur-discours ] [ pré-mémétique ]

 

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barbarie ordinaire

Tu me demandes ce que tu dois principalement éviter? — La foule. Tu ne peux encore t'y livrer impunément. Moi, pour mon compte, j'avouerai ma faiblesse. Jamais je ne rentre chez moi tel que j'en suis sorti. Toujours quelque trouble que j'avais assoupi en moi se réveille, quelque tentation chassée reparaît. Ce qu'éprouvent ces malades réduits par un long état de faiblesse à ne pouvoir sans accident quitter le logis, nous arrive à nous de qui l'âme est convalescente d'une longue maladie. Il n'est pas bon de se répandre dans une nombreuse société. Là tout nous prêche le vice, ou nous l'imprime, ou à notre insu nous entache. Et plus nos liaisons s'étendent, plus le danger se multiplie. Mais rien n'est funeste à la morale comme l'habitude des spectacles. C'est là que les vices nous surprennent plus aisément par l'attrait du plaisir. Que penses-tu que je veuille dire que j'en sors plus attaché à l'argent, à l'ambition, à la mollesse, ajoute même plus cruel et plus inhumain pour avoir été au milieu des hommes.

Le hasard vient de me conduire au spectacle de midi : je m'attendais à des jeux, à des facéties, à quelque délassement qui repose les yeux du sang humain. Loin de là : tous les combats précédents avaient été pure clémence. Cette fois, plus de badinage : c'est l'homicide dans sa crudité. Le corps n'a rien pour se couvrir ; il est tout entier exposé aux coups, et pas un ne porte à faux. La foule préfère cela aux gladiateurs ordinaires et même extraordinaires. Et n'a-t-elle pas raison? ni casque ni bouclier qui repousse le fer. A quoi servent ces armures, cette escrime, toutes ces ruses? à marchander avec la mort. Le matin c'est aux lions et aux ours qu'on livre des hommes, à midi, c'est aux spectateurs. On met aux prises ceux qui ont tué avec d'autres qui les tueront, et tout vainqueur est réservé pour une nouvelle boucherie. L'issue de la lutte est la mort; le fer et le feu font la besogne. Cela, pour occuper les intermèdes. "Mais cet homme-ci a commis un vol ! — Eh bien, il mérite le gibet. — C'est un assassin ! — Tout assassin doit subir la peine du talion. Mais toi qu'as-tu fait, malheureux, qui te condamne à un tel spectacle? — Les fouets! le feu! la mort ! s'écrie-t-on. En voilà un qui s'enferre trop mollement, qui tombe avec peu de fermeté, qui meurt de mauvaise grâce !" — Le fouet les renvoie aux blessures ; et des deux côtés ces poitrines nues doivent d'elles-mêmes s'offrir aux coups. Le spectacle est-il suspendu? Par passe-temps qu'on égorge encore, pour ne pas être à ne rien faire.

Auteur: Sénèque

Info: Lettre à Lucilius, début lettre no VII. Trad J. Baillard

[ jeux du cirque ] [ mise à mort ]

 

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translation

Lisez le texte relatif au sixième trait du neuvième hexagramme : "la femme est mise en danger par la persévérance" (Wilhelm). Cette fameuse persévérance se rapporte au même caractère (tchen), signifiant droiture ou pureté, que l'on trouve au début du Yi King. On peut aussi se demander pourquoi cette persévérance est un risque pour une femme... En revanche, ici, Philastre a bien compris qu'il ne s'agit plus de "perfection" mais de "pureté". Pour ma part, j'aurais tendance à préciser "chasteté"...
Voyez au quinzième hexagramme, le cinquième trait (bien saisi par Philastre et par Harlez) où nous pouvons lire : sans richesse se servir de son voisinage. Wilhelm non seulement intervertit les phrases, mais inverse le sens en traduisant : "Ne pas se vanter de sa richesse auprès de son prochain"... De même, il traduit "voie du ciel" (sixième trait du vingt-sixième hexagramme) là où n'est pas écrit "tao" (voie) mais '"influence", comme l'a bien vu Philastre. Observez le premier trait du trente-cinquième hexagramme, là où je lis "générosité" et Philastre " magnanimité", Wilhelm choisit "demeurer abandonné". autre contresens, le "rire" au premier trait du quarante-cinquième hexagramme. On aura compris qu'il vaut mieux choisir une traduction qui a vieilli dans son style un peu suranné (Philastre) que celle plus moderne, psychologique et plus accrocheuse de Wilhelm, pourtant la plus connue et la plus réputée.
Alors qu'un connaisseur comme Marcel Granet signalait en toute vérité bonne à dire que la civilisation chinoise était caractérisée par la formule "ni Dieu, ni Loi", le pasteur Wilhelm, dans sa version bien occidentalisée, dès le premier hexagramme affirme que le ciel est "Dieu le souverain suprême". Or, il n'y a jamais eu de monothéisme (typique des gens du Livre) dans l'histoire de la Chine. Même plus tard, les nombreux "dieux" taoïstes (du dieu des fossés au dieu des latrines...) sont de multiples énergies différentes qui ne renvoient pas au "Seigneur Dieu" de Wilhelm.
Autres exemples. Au deuxième trait du troisième hexagramme, il s'agit de mariage et nous lisons que le jeune fille vierge "n'est pas accordée" alors que le bon pasteur traduit : "Elle n'engage pas sa foi"... Au quatrième trait du douzième hexagramme, Wilhelm traduit "bonheur" par "bénédiction". Toujours des thèmes religieux qui n'existent pas dans l'original. Au commentaire de l'image du quarantième hexagramme, il traduit "pardonne les fautes et absout le péché", alors que "péché" n'existe pas en Chine et qu'il suffisait de dire "comprend et pardonne les fautes". Sans parler de la pudibonderie chrétienne où "fesses" devient "cuisses" (troisième trait du quarante-quatrième hexagramme). Sans oublier toutes ses notes avec citations des... Évangiles. Même les jésuites, qui se sont passionnés pour la traduction chinoise, n'auraient jamais osé soutenir de telles traductions conditionnées par la croyance monothéiste.

Auteur: Daniel Giraud

Info: Yi King : Texte et interprétation, in Traductions et trahisons

[ manipulation ] [ nord-sud ] [ interprétation ] [ transposition ]

 

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langage commun

Les lettres ont d'abord été des images. Les deux premières lettres de notre alphabet, qui lui donnent son nom, étaient à l'origine,  respectivement, une tête de taureau, et une maison.

A toutes les époques, s'exprime le souci, derrière les signes abstraits de notre alphabet, de retrouver une dimension figurative. Peintres, calligraphes, graphistes ou publicitaires, illustrateurs de livres pour enfants, écrivains et poètes, réintroduisent dans la lettre les images perdues.

Rappel de l'origine figurative de notre alphabet à travers l'histoire de l'aleph au travers de trois phases dans l'évolution qui mène de l'image à la lettre, du dessin à l'alphabet.

Dans un premier temps, le dessin représente le plus fidèlement possible un objet réel. Ce type d'écriture suppose qu'il existe autant de signes que d'objets.

Pour éviter la multiplicité des signes, on inventa certains procédés. Le premier consiste à permettre au dessin non seulement de signifier l'objet dessiné mais aussi certaines réalités rattachées au même objet : aussi, en Mésopotamie, pays entouré de montagnes, le signe  signifie montagne mais aussi frontière et, au-delà de la frontière, l'étranger. On passe ainsi du pictogramme à l'idéogramme.

A l'étape suivante, le son du signe initial est préservé mais il ne renvoie plus à l'image ou à l'objet mais seulement au son prononcé. Le signe devient phonogramme et s'associe à d'autres signes-sons comme dans les rébus pour former des mots.

La dernière étape consiste à garder le signe en ne le référant plus ni à l'image, ni au son de l'objet désigné, juste au début du son. Par le principe de l'acrophonie* naît alors l'alphabet.

C'est ainsi que le signe aleph permettant de désigner le bœuf ne signifie plus que le son "a".

Au commencement était donc le bœuf ou le taureau. Le bœuf avait une grande importance dans une civilisation rurale : force motrice, symbole d'énergie.

Chez les Egyptiens, le hiéroglyphe du taureau est un "déterminatif " permettant de préciser que le signe précédent désigne du bétail. Le taureau est alors dessiné sur pieds.

Chez les Phéniciens, le aleph ne représente plus qu'une image stylisée de la tête du taureau avec quelques variantes : parallèlement, au moment où l'image se réduit, elle se met à représenter au-delà du taureau, tout ce qu'il symbolise : force, énergie, vigueur. 

La phase suivante aboutit à la disparition de l'image figurative. La tête devient un simple trait sur lequel reposent les cornes : 

Ensuite le signe tourne à 90°, les cornes traversant la tête. 

Enfin, après un nouveau pivotement à 90 degrés la forme est complètement retournée et donne le alpha grec, d'où provient le "A" de notre alphabet : 

Auteur: Internet

Info: https://musicienintervenant.pagesperso-orange.fr/Templates/musiquepeintureletrsign.htm. *n.f. Énonciation d'une lettre de l'alphabet à l'aide d'un mot dont la lettre initiale représente cette lettre (ex. A comme Anatole).

[ émergence ] [ analogies ] [ caractères ] [ logotypes ] [ communication picturale ]

 
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moyen âge

Chez les historiens médiévistes, qui en restent les principaux utilisateurs, la notion de féodalité renvoie schématiquement à trois usages différents. Un usage traditionnel (François-Louis Ganshof, Robert Boutruche), politique et juridique, désigne par féodalité les liens féodo-vassaliques, c'est-à-dire les relations hiérarchisées internes à l’aristocratie, fondées sur la fidélité (manifestée par le serment, auquel s'ajoute parfois le rituel de l'hommage), l'échange de services (la protection, l'aide et le conseil) et la possession partagée d'un fief (à la fois bien foncier et ensemble de droits seigneuriaux), entre seigneurs et vassaux. Cette organisation de la classe dominante constituerait la caractéristique majeure de la société européenne médiévale, pour certains dès l'époque carolingienne, pour d'autres plus tard, à l'âge justement désigné comme féodal. C'est cet usage traditionnel de la notion qui a fait l'objet du plus grand nombre de critiques, d'abord de la part d'historiens plus sensibles à la primauté du rapport de domination seigneurial sur les paysans (Rodney Hilton, Georges Duby, Robert Fossier), ensuite de la part d'historiens influencés par l'anthropologie et plus attentifs aux modalités non féodales de la régulation sociale à l'échelle des sociétés locales (Fredric Cheyette, Patrick Geary, Stephen White, Dominique Barthélemy) ou aux solidarités coutumières à l'échelle des royaumes (Susan Reynolds). Un deuxième usage, plus large et plus fréquent depuis les travaux de Marc Bloch et Georges Duby recourt au terme féodalité ou à l'expression société féodale pour définir une société où la domination sur la terre et les hommes est exercée à l'échelle locale au profit d'une aristocratie à la fois foncière et guerrière, laïque et ecclésiastique, à l'écart de toute souveraineté de type étatique. Dans ce cadre, la féodalité au sens traditionnel n'est plus que l'un des instruments de la reproduction de la domination aristocratique parmi d'autres, telles que la guerre vicinale, la culture de la faide (vendetta entre familles) ou l'élaboration de systèmes de représentations spécifiques comme "l'idéologie des trois ordres” clergé, noblesse et Tiers état . Un troisième usage (Guy Bois, Ludolf Kuchenbuch. Chris Wickham), souvent d'inspiration marxiste, emploie indifféremment féodalité ou féodalisme pour caractériser un régime social fondé sur l'appropriation du surproduit paysan par la classe aristocratique (laïque et ecclésiastique) à travers le grand domaine puis la seigneurie. Dans ce cadre aussi la féodalité au sens traditionnel est généralement considérée comme la principale modalité de redistribution de la "rente seigneuriale" au sein du groupe dominant (Pierre Bonnassie). Des considérations chronologiques variées sont associées à chacune de ces conceptions de la féodalité, les unes englobant l'ensemble de la période médiévale. de la chute de l'Empire romain à l'avènement des États modernes (tantôt situé aux XIVe- XVIe siècles, tantôt repoussé au XVIIIe siècle), les autres une période plus restreinte censée correspondre à la dissolution maximale de l'autorité publique entre l’effondrement de l’Empire carolingien et le renouveau monarchique capétien au XIIe siècle.

Auteur: Gauvard Claude

Info: Dictionnaire de l'historien

[ tour d'horizon ] [ sociologie ] [ pouvoirs ]

 

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sauveur

Soleil fanfaron tes tiédeurs m’indifférent – bonjour, à plus tard !



Tu n’éclaires qu’en surface : moi, surface comme abîme je les transperce !



Dis-moi Terre ! On dirait que tu attends quelque chose de mes mains,

Dis-moi, vieille toque, qu’escomptes-tu ?

 

Vous, femmes et hommes, j’aimerais tellement vous dire mon amour et c’est impossible !

Tellement vous dire cette chose en moi et en vous, et c’est impossible !

Tellement vous faire sentir cette fièvre en moi, ce battement de mes nuits et mes jours !



Sachez-le, je ne dispense ni leçons ni charité médiocre,

Quand je donne c’est moi-même que je donne, sans hésiter.



Toi l’impotent, qui branle des rotules,

Enlève-moi ce foulard autour des joues que je t’injecte du remontant dans le gosier,

Ouvre grand les paumes, relève le rabat de tes poches,

Allez pas de chichis, j’ai dit, j’ai des réserves inépuisables,

Tout ce qui est à moi j’en fait cadeau.



Peu m’importe qui tu es, pour moi là n’est pas l’essentiel,

Ce que tu feras ou seras viendra seulement de ce que je t’inculquerai.



 Sur l’esclave des champs de coton, le nettoyeur de toilettes, je me penche,

Leur applique un baiser familial sur la joue droite.

Passe serment au fond de mon cœur de ne jamais les renier.



 Les femmes mûres pour la grossesse je leur fais des enfants deux fois plus forts, deux fois plus vifs

(A l’heure qu’il est j’éjacule le sperme de républiques mille fois plus arrogantes).



Y a-t-il un moribond, vite je me hâte, vite je tourne la poignée de la porte,

Repousse les draps au bout du lit,

Renvoie chez eux prêtre et médecin.



Je passe mes bras autour de l’affaibli, avec ma volonté de fer je le redresse,

Tiens, prend mon cou, désespéré,

Je jure que tu ne sombreras pas ! suspends tout ton poids à mes épaules !



 Mon souffle conquérant te dilate, flotte ! Je suis ta bouée,

D’une force en armes j’investis la moindre de tes chambres,

Ils sont mes amants, mes négateurs de tombes.



Tu peux dormir – nous monterons la garde toute la nuit eux et moi,

Doute ni décès ne s’essaieront à t’atteindre,

Tu es dans mon étreinte, remis en ma possession,

Et lorsque à l’aube tu renaîtras tu verras de tes propres yeux ce que je dis.

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Chanson de moi-même, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, pages 121-122

[ surhomme ] [ vitalité conquérante ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

consumérisme

Qu'est-ce que la "liberté économique" ? On pourrait penser que ce concept renvoie à la liberté par rapport aux contraintes de la vie économique : se libérer de la nécessité de travailler pour manger, par exemple, ou de celle de choisir entre acheter des médicaments et payer le loyer.

Mais ce n'est pas le cas. La liberté économique n'est pas apparentée non plus à l'idée habituelle que nous nous faisons de la liberté politique : elle n'a pas de lien étroit avec la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté de réunion... des libertés qui donnent le droit de participer à la vie politique et d'influencer l'action publique. Elle ne désigne pas, par exemple, la satisfaction des besoins fondamentaux pour que l'expression culturelle et politique puisse s'épanouir.

Les grands théoriciens de la liberté économique ne sont pas des démocrates deweyiens ; promouvoir la participation collective à la prise de décision politique ne les intéresse pas. D'ailleurs, il y a antagonisme entre le concept conservateur de liberté économique et toute mesure engageant l'État à relever le niveau de vie de la masse de la population. La liberté économique s'oppose à des idées comme l'assurance maladie universelle, l'éducation publique gratuite et les subventions publiques aux beaux-arts, et elle s'y oppose encore plus si ces mesures doivent être financées par l'impôt progressif et redistributeur. Les politiques sociales mises en oeuvre par décision démocratique, comme dans le New Deal de Roosevelt, la Grande Société de Lyndon Johnson, pour ne rien dire du Chili de Salvador Allende [...], sont par leur nature même, selon ce mode de pensée, des atteintes à la liberté. En revanche, dans cette conception, le régime d'Augusto Pinochet, favorable au " libre marché ", a apporté " la liberté économique " au Chili.

On peut être libre économiquement sans avoir aucun droit d'expression politique, par exemple en vivant (ou d'ailleurs en mourant) sous la botte d'une junte militaire. La liberté économique consiste donc dans la capacité de vivre sa vie économique - et celle-là seulement - dans une sphère échappant au contrôle de l'État, donc réservée à l'interaction des forces privées. [...] C'est une liberté de dépenser. Pour mettre l'idée en perspective, il faut lui donner son vrai nom : la liberté d'acheter. On a tendance à ne pas trop s'attarder sur cette idée, au motif que c'est une absurdité manifeste, une perversion de langage, de dire que faire les magasins est une liberté. [...] La liberté de rechercher une gamme très diversifiée de biens et de services à des prix extrêmement variables, de la boutique haut de gamme à la grande surface et au magasin d'usine, se situe-t-elle vraiment sur le même pied que les autres sens du mot " liberté " ? Il est facile de pouffer devant l'idée même, si éloignée de notre conception progressiste de la liberté, fondement de la noble sphère des prises de décision politique et sociale. Mais on aurait tort de rire. L'étonnant, c'est le nombre de gens qui pensent ainsi, à quel point la notion conservatrice de liberté économique paraît intuitivement juste, et a pénétré en profondeur la vie moderne.

Auteur: Galbraith John Kenneth

Info: L'Etat prédateur : Comment la droite a renoncé au marché libre et pourquoi la gauche devrait en faire autant, Première partie : ENCORE UN DIEU QUI MEURT ; Chapitre 2 : La liberté d'acheter

[ marge de manoeuvre ] [ collectivisme ] [ fabrication du consentement ]

 

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ontologie linguistique

En 1867, Charles Sanders Peirce, alors âgé de vingt-huit ans, publie On a New List of Categories (1.545-1.559). Dans ce texte étonnant, il esquisse le fondement métaphysique d'une philosophique séméiotique et il entreprend l'élaboration d'une définition et d'une classification scientifique des signes. Le texte commence par une étude de la substance et de l'être et Peirce y formule l'hypothèse de l'existence des trois catégories fondamentales de l'être, qu'il nommera ultérieurement Priméité, Secondéité et Tiercéité, et grâce auxquelles il définit le representamen.

Un representamen est une relation triadique dans laquelle un fondement est relié à un objet par le biais d'un interprétant. La définition peircéenne du representamen est intentionnellement formelle et générale. Peirce prétendait alors que la sémiotique était une science de base et qu'elle constituait le fondement de la logique, de la psychologie et de la sociologie. Dans ses écrits ultérieurs, il a indiqué qu'il préférait utiliser le mot "signe" pour désigner les representamen dont la pensée et l'action humaines sont les interprétants. Comme il existe trois types de representamen ou de relations-signe, il s'ensuit qu'il existe trois sciences séméiotiques subsidiaires. Premièrement la grammaire formelle qui est l'étude des fondements des signes étudié en eux-mêmes et indépendamment de leurs relations avec leurs objets ou leurs interprétants. Deuxièmement la logique ou critique qui est l'étude de la relation des signes à leurs objets. Troisièmement la rhétorique formelle qui est l'étude de la relation des signes et de leurs interprétants.

Peirce a repris ces termes à la philosophie grecque et à la philosophie médiévale, mais il est évident qu'il a anticipé sur la syntaxe, la sémantique et la pragmatique. C'est également dans cet article de 1867 que Peirce a introduit la tripartition des signes en "indice", "icône" et "symbole". Il tient la séméiotique pour une science première par rapport à la logique et il considère qu'elle constitue une base pour la logique des termes, des propositions et des arguments. La séméiotique fonde également les trois formes de raisonnement qu'on utilise dans les sciences : hypothèse, déduction et induction. A la même époque que cet article sur les catégories, Peirce a écrit et publié toute une série d'articles particulièrement brillants dans lesquels il a développé sa théorie de manière plus détaillée, et dégagé plus complètement ses applications à l'étude de la logique, de l'histoire et de la méthodologie des sciences.

Il a également appliqué cette séméiotique à la psychologie et à la théorie des sociétés. L'homme est un signe. En fait l'homme est un signe extérieur, un signe dans le monde. Le corps de l'homme et ses actions constituent le médium matériel de l'homme-signe, tout comme l'encre et les sons constituent le médium matériel du langage. Les sensations et les émotions sont des "mots constitutionnels" (2.426, 5.291). Pendant les six années qui suivirent, Peirce en vint à penser que l'homme est un dialogue de signes, dans lequel le doute pose les questions tandis que les actions et les croyances sont les interprétants. Ces croyances et ces actions seront ultérieurement traduites en une conversation avec la société des signes. Peirce a esquissé une théorie de l'éthique dans laquelle ce sont des normes séméiotiques qui régissent la communauté en expansion où cette conversation a lieu.

Auteur: Savan David

Info: La séméiotique de Charles S. Peirce. https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1980_num_14_58_1844. Les références entre parenthèses qui suivent les citations renvoient au volume et au numéro de paragraphe des Collected Papers de Peirce, sélectionnés et présentés par Paul Weiss et Charles Hartsone, et publiés par Harvard University Press en 8 volumes, 1932- 1954. Trad : F. Peraldi

[ communication ] [ pouvoir sémantique ] [ sémiotique ]

 

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emplacement

La configuration du mobilier est une image fidèle des structures familiales et sociales d'une époque. L'intérieur bourgeois type est d'ordre patriarcal : c'est l'ensemble salle à manger chambre à coucher. Les meubles, divers dans leur fonction, mais fortement intégrés, gravitent autour du buffet ou du lit de milieu. Il y a tendance à l'accumulation et à l'occupation de l'espace, à sa clôture. Unifonctionnalité, inamovibilité, présence imposante et étiquette hiérarchique. Chaque pièce a une destination stricte qui correspond aux diverses fonctions de la cellule familiale, et plus loin renvoie à une conception de la personne comme d'un assemblage équilibré de facultés distinctes. Les meubles se regardent, se gênent, s'impliquent dans une unité qui est moins spatiale que d'ordre moral. Ils s'ordonnent autour d'un axe qui assure la chronologie régulière des conduites : la présence toujours symbolisée de la famille à elle-même. Dans cet espace privé, chaque meuble, chaque pièce à son tour intériorise sa fonction et en revêt la dignité symbolique, la maison entière parachevant l'intégration des relations personnelles dans le groupe semi-clos de la famille. Tout ceci compose un organisme dont la structure est la relation patriarcale de tradition et d'autorité, et dont le cœur est la relation affective complexe qui lie tous ses membres. Ce foyer est un espace spécifique qui tient peu compte d'un aménagement objectif, car les meubles et les objets y ont d’abord pour fonction de personnifier les relations humaines, de peupler l’espace qu’ils partagent et d’avoir une âme. La dimension réelle où ils vivent est captive de la dimension morale qu’ils ont à signifier. Ils ont aussi peu d’autonomie dans cet espace que les divers membres de la famille en ont que les divers membres de la famille en ont dans la société. Êtres et objets sont d’ailleurs liés, les objets prenant dans cette collusion une densité, une valeur affective qu’on est convenu d’appeler leur "présence". Ce qui fait la profondeur des maisons d’enfance, leur prégnance dans le souvenir, est évidemment cette structure complexe d’intériorité où les objets dépeignent à nos yeux les bornes d'une configuration symbolique appelée demeure. La césure entre intérieur et extérieur, leur opposition formelle sous le signe social de la propriété et sous le signe psychologique de l’immanence de la famille fait de cet espace traditionnel une transcendance close. Anthropomorphiques, ces dieux lares que sont les objets se font, incarnant dans l’espace les liens affectifs et la permanence, du groupe, doucement immortel, jusqu’à ce qu’une génération moderne les relègue ou les disperse ou parfois les réinstaure dans une actualité nostalgique de vieux objets. Comme les dieux souvent, les meubles aussi ont parfois la chance d’une existence seconde, passant de l’usage naïf au baroque culturel. L’ordre de la salle à manger et de la chambre à coucher, cette structure mobilière liée à la structure immobilière de la maison est encore celle que propage la publicité dans un vaste public. Lévitan et les galeries Barbès proposent toujours au goût collectif les normes de l’ensemble "décoratif", même si les lignes se sont "stylisées", même si le décor a perdu de son affection. Si ces meubles se vendent, ce n’est pas qu’ils soient moins chers, c’est qu’ils soient moins chers, c’est qu’ils portent en eux la certitude officielle du groupe et la sanction bourgeoise. C’est aussi que ces meubles monuments (buffet, lit, armoire) et leur agencement réciproque répondant à une persistance des structures familiales traditionnelles dans de très larges couches de la société moderne.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p., p.21, 22, 23)

[ formes ] [ signes ] [ évolution ] [ esthétique ]

 
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consommation singularisante

Si l’idéologie contre-culturelle s’est parfaitement diluée dans la rhétorique publicitaire, c’est parce que cette dernière tenait déjà un rôle central dans les déclamations bravaches des groupes les plus individualistes et libertaires. Citons ici Jerry Rubin, dont les écrits regorgent de formules qu’on croirait sorties d’une réclame pour chaussures de sport : "La révolution, c’était la création de nouveaux hommes et femmes. La révolution voulait dire une nouvelle vie. Sur terre. Aujourd’hui. La vie, c’est l’acte de vivre. La révolution est l’acte de révolution." Le langage qu’ont développé certains groupes de la nouvelle gauche comme les yippies et les Diggers est fait de phrases courtes et percutantes, qui s’enchaînent sans construction argumentative ni volonté démonstrative. C’est un langage constitué d’assertions provocantes et définitives, qui, selon Julie Stephens, ressemble davantage "à un pastiche du jargon publicitaire et des films de cowboys qu’à un discours de gauche". La filiation sémantique est évidente entre ce phrasé de la nouvelle gauche américaine et les slogans devenus habituels chez les grandes marques depuis plusieurs décennies. Le "Do It !" de Jerry Rubin est devenu le "Just Do It" de Nike. Depuis le tournant des années 1960, les fondamentaux de cette rhétorique sont immuables : spontanéité expressiviste et individualisme intransigeant. Les exemples sont innombrables : "Apple, think different", "Sprite, n’écoute que toi", "Reebok : I am what I am", "McDonald’s : venez comme vous êtes"… Le discours publicitaire typique célèbre désormais l’envie d’être ou de "devenir soi-même" et honore la marchandise tel un outil de libération.

L’anticonformisme est devenu l’axe fondamental de la communication corporate. Aucune entreprise n’illustre mieux cet état de fait qu’Apple, qui caracole en tête du palmarès des multinationales au plus fort capital de marque depuis des décennies. Tout le storytellingd’Apple est depuis les débuts de l’entreprise consacré à la construction et à l’entretien de son image de rebelle. Pour un spot télévisé intitulé 1984, année de sortie du Macintosh, Apple a diligenté le réalisateur Ridley Scott afin de mettre en scène un univers industriel et dystopique où, sur écran géant, un big brother inspiré du célèbre roman de George Orwell délivre un discours dominateur à une foule aliénée et léthargique. Dans cet auditorium débarque une jeune femme athlétique pourchassée par des soldats. Vêtue d’un short rouge et d’un t-shirt blanc à l’effigie de Macintosh, l’héroïne rassemble ses forces et détruit l’écran géant d’un coup de masse. Une voix off commente alors : "Le 24 janvier 1984, Apple Computer présentera son Macintosh. Et vous verrez pourquoi 1984 ne sera pas comme 1984." Dans cet imaginaire, la force totalitaire, Big Brother, renvoie à IBM PC, la grande entreprise froide, industrielle et désincarnée. Apple est le libérateur, qui arrache l’ordinateur des griffes des grandes entreprises et du gouvernement pour le rendre accessible au peuple. Dans ce storytelling, qui s’est poursuivi tout au long de l’histoire d’Apple, l’entreprise n’est pas une institution privée à la recherche de profit, mais une force révolutionnaire visant à "aider les gens du commun à s’élever au-dessus des institutions les plus puissantes". Toute la rhétorique d’Apple à travers les décennies n’est que la reformulation du crédo contreculturel in a nutshell : l’utilisateur d’Apple, contrairement au conformiste PC, est un artiste, un rebelle, un irréductible et insaisissable individu – "Think different".

Chez les marques rebelles, championnes de l’anticonformisme de marché, l’entreprise ne parle plus par la bouche d’un maître de cérémonie encravaté ou d’un bon père de famille, comme il était d’usage dans la première moitié du XXe siècle. Elle s’offre pour représentants des rockers, des rappeurs ou toute autre incarnation de la rébellion du jour. Avec le retournement des années 1960, les marques qui souffraient jusqu’alors d’être associées aux marges les plus déviantes de la société jouissent désormais d’un inestimable capital symbolique.

Auteur: Galluzzo Anthony

Info: Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020

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Ajouté à la BD par Coli Masson