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xénophobie

L'étranger est-il, ainsi que le prétendent certains, un rêveur tiraillé entre le regret de son pays d'origine et l'avidité de découvrir de nouvelles contrées, entre la nécessité de ne faire partie d'aucune communauté et le désir de vivre en symbiose avec la tribu à laquelle il s'est incorporé ? Ou est-il, comme l'écrit Baudelaire, cet homme énigmatique qui n'a ni père, ni mère, ni sœur, ni frère, ni amis, qui ignore sous quelle latitude est situé sa patrie, qui hait l'or et n'aime que les nuages, "les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages" ? Représente-t-il un danger, car il vient de ces rivages que nous ne connaissons pas et apporte avec lui son lot de misères ? Nous nous disons que nous en avons assez des nôtres et nous voyons d'un mauvais œil l'irruption de celui-là que nous ne comprenons pas et ne ferons jamais l'effort de comprendre. Il ne peut être notre alter ego, il peut au contraire être notre cauchemar, tant nous le tenons pour un envahisseur. Nous sommes fiers de nos œillères, parce que sans elles nous ne serions plus ni qui nous sommes, parce que nous nous définissions en nous opposant à ce quidam qui ne nous ressemble pas : nous ne voulons pas nous projeter sur lui, nous ne voulons pas de cette "autrement" qu'il nous propose.

Auteur: Lê Linda

Info: Par Ailleurs, (Exils), p 24

[ question ] [ interrogation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vanités

Élevons un peu notre pensée. Qu'est-ce que le désir de la gloire chez les hommes, à bord de cette terre qui vogue dans l'espace infini où elle naufragera un jour ? Il me semble voir à bord d'un gros vaisseau destiné au naufrage, ou plutôt dont le naufrage est continuel et déjà commencé, de nombreux passagers desquels pas un n'arrivera, et dont les premiers morts ont un désir insensé d'occuper la mémoire des survivants, de ceux qui vont bientôt disparaître et s'abîmer à leur tour. Il est vrai qu'à le voir de près, le vaisseau est immense, que les passagers d'un pont ne connaissent pas ceux d'un autre pont, et que la poupe ignore la proue ; cela fait l'illusion d'un monde. Il est vrai encore qu'en même temps qu'on meurt en un coin du vaisseau, on danse, on se marie, on fête les naissances tout à côté, et que l'équipage se reproduit et ne diminue pas. Mais, qu'importe ? il n'est pas moins voué tout entier à un seul et même terme. Nul ne sortira de cette masse flottante pour aller porter son nom ni celui de ses semblables sur les rivages inconnus, sur les continents et les îles sans nombre qui étoilent le merveilleux azur. Tout se passe entre soi et à huis-clos. Est-ce la peine ? - J'ai fait la paraphrase, mais Pascal a rendu d'un mot cette pensée : "Combien de royaumes nous ignorent !"

Auteur: Sainte-Beuve Charles-Augustin

Info: Mes Poisons, Collection Romantique, José Corti 1988 p.138

[ égoïsmes ]

 

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idéologies

Le parallélisme entre ces trois "anti" [antisémitisme, antiprotestantisme, anticléricalisme] est tel que, lorsqu’on prend la peine de les analyser, on est surpris de découvrir, chez tous les trois, les mêmes éléments, les mêmes facteurs ou les mêmes griefs, qu’il est aisé de classer sous les mêmes chefs ou les mêmes rubriques. […]

Essayons de les classer. Ce sont :


  1. Les antipathies religieuses ou irréligieuses, les passions sectaires, l’intolérance des croyances d’autrui, la prétention d’user de l’autorité de la loi et de la puissance publique contre ceux qui ne pensent point comme nous ;

  2. Les antipathies de races ou les préjugés nationaux ; un nationalisme jaloux, qui accuse les divers groupes confessionnels de dénaturer l’esprit français, de compromettre l’unité nationale ou l’unité morale du pays ;

  3. Les rivalités et les rancunes économiques ; la concurrence vitale et la lutte pour la richesse ; le désir d’évincer des concurrents gênants ; l’accusation réciproque de tenir trop de place dans le pays et d’accaparer une trop grande part de la fortune nationale ;

  4. Les antipathies et les rancunes politiques ; la passion du pouvoir et l’ambition d’en écarter des adversaires détestés ; l’accusation réciproque de tendre au monopole des emplois publics et de préparer l’asservissement du pays et de l’Etat.


[…] chez la plupart de leurs adeptes, l’antisémitisme, l’antiprotestantisme, l’anticléricalisme se couvrent, également, de mobiles désintéressés et de passions nobles. Par là s’expliquent leur vogue auprès de tant d’esprits simples et leur ascendant sur tant d’âmes droites.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, page 79

[ ressemblances ] [ points communs ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

transhumances planétaires

Tandis que la lointaine civilisation chinoise retarde l’heure de sa mort en se tournant vers son propre passé, tandis que l’Inde répand, pour soulager sa fièvre, une religion sur l’Asie, l’ombre noie peu à peu les rivages où s’est écoulée l’éclatante et virile jeunesse du monde occidental. Les flux et les reflux, depuis le début de l’histoire, balancent l’océan des peuples du plateau de l’Iran aux terres fraîches et salubres qui regardent l’Atlantique. Des invasions silencieuses ont accumulé dans les plaines du nord de l’Europe les réserves d’hommes qui renouvelleront l’innocence des peuples méridionaux quand un contact trop énervant avec l’Asie affaiblira leur foi dans leur propre intelligence. On a vu les Phéniciens apporter à la Grèce et à l’Italie, avec la science et l’idéal de la Chaldée et de l’Égypte, l’écho indien des ivresses mystiques par qui le saint frisson de la vie universelle est entré dans l’ordre occidental. On a vu la Grèce, entraînée par Alexandre, déposer dans l’âme trouble et lasse de l’Inde, l’étincelle inspiratrice. Rome doit subir à son tour le sensualisme de l’Asie quand elle lui porte la paix… Le mouvement épuisait peu à peu son rythme. Il était nécessaire qu’un grand repos succédât à la dépense d’énergie d’où sortit l’avenir du monde, et que la nature de l’homme se repliât sur elle-même pour imposer à son esprit trop tendu, à ses sens pervertis, l’oubli de leurs conquêtes et le désir de remonter à leurs sources naturelles.

Auteur: Faure Elie

Info: Histoire de l'art. L'art médiéval

[ migrations mondiales ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

judaïsme

Les juifs sont-ils vraiment, partout, les promoteurs de la sécularisation ou de la déchristianisation des peuples modernes ? n’est-ce point là une œuvre qui remonte au XVIIIe siècle et à la Révolution, c’est-à-dire à une époque où les juifs n’avaient aucune influence chez nous, où les plus fougueux antisémites n’oseraient parler de prépondérance juive ? Est-ce que le XVIIIe siècle, est-ce que la Révolution ont jamais été imbus de l’esprit juif ? Et puisqu’on se plaît à identifier l’action d’Israël et celle de la franc-maçonnerie, cette assimilation entre l’Alliance israélite universelle et le Grand Orient, entre l’esprit juif et l’esprit maçonnique, est-elle justifiée ? […] Venue d’Angleterre, au commencement du XVIIIe siècle, et d’abord cantonnée dans les couches aristocratiques, la maçonnerie continentale, malgré ses fastueuses maximes de fraternité universelle, est restée longtemps fermée aux juifs. […]

L’obstination des antisémites à identifier les francs-maçons et les juifs, dans ce qu’ils appellent la judéo-maçonnerie, montre seulement leur mauvaise foi ou leur ignorance. Si l’histoire et les faits interdisent de considérer la maçonnerie comme une institution juive, fondée ou dirigée par les juifs, dans un intérêt juif, l’antisémitisme se rabat sur la parenté de l’esprit juif et de l’esprit maçonnique. A l’entendre, les loges, sur le continent au moins, en pays latin surtout, ne seraient plus que de dociles instruments aux mains d’Israël. Lorsque, rompant avec les traditions maçonniques, le Grand Orient rejetait l’autorité du Grand Architecte de l’Univers, les loges françaises auraient obéi aux suggestions de l’esprit juif, comme si la Synagogue avait abjuré son antique monothéisme, et comme si le juif, en révolte contre le Dieu de ses pères, n’aspirait plus qu’à détrôner Jéhovah.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 102-103

[ sociétés occultes ] [ démythification ] [ réfutation ] [ anti-complotisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

mouvement idéologique

Il est un autre parti, ou si l’on aime mieux, une autre doctrine, qui s’allie souvent au socialisme et qui, aux esprits libres, inspire plus de répugnance encore, parti tout négatif, fait de préjugés invétérés, d’autoritarisme jacobin et de haines sectaires, le tout recouvert d’un menteur vernis de libéralisme et paré d’une pédantesque défroque scientifique. On sent que nous voulons parler de l’anticléricalisme.

S’il n’avait d’autre but que de défendre, contre des prétentions surannées, la souveraineté de l’Etat et l’indépendance de la société civile, nous ne serions pas des derniers à combattre, avec lui, les adversaires attardés de la liberté politique ou de la liberté de penser. Mais, à cela, ne se bornent pas, aujourd’hui, chez la plupart de ses adeptes, les efforts de l’anticléricalisme. Pour la plupart d’entre eux, "clérical" est devenu synonyme de catholique ; tout homme fidèle à la vieille Eglise est un adversaire secret ou déclaré, qui doit être tenu en suspicion, et qui mérite d’être écarté de toute fonction publique. Au lieu d’un instrument d’émancipation, l’anticléricalisme s’est ainsi montré un agent de discorde et d’oppression. Bien plus, l’anticléricalisme, chez nombre de ses fervents, emporté, à son tour, par un zèle fanatique, en vient à s’attaquer, par-delà le clergé et par-delà l’Eglise, à tout vestige de l’idée chrétienne, à toute trace du sentiment religieux, à la notion même de Dieu, comme à de périlleuses et d’immorales superstitions, que l’Etat doit s’efforcer de déraciner. L’anticléricalisme finit ainsi par devenir une sorte de cléricalisme retourné, animé, lui aussi, d’un esprit de secte, intolérant des croyances d’autrui et jaloux, à son tour, d’employer contre elles l’autorité publique et l’ascendant du pouvoir.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, page 65

[ description ] [ contradiction ]

 

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science-fiction

Le passé est une chose qui ne peut pas exister, Gaëtan, mais la chose est difficile à expliquer. Le temps est un tout qui grandit sans cesse, et ses racines profondes ne plongent pas plus dans le passé que son écorce nouvelle. Je tiens beaucoup au rôle vivifiant de l'écorce. Nous nous apercevrons, quand le passé aura pris suffisamment d'épaisseur, que nous avons déjà accompli les grandes choses qui semblent appartenir à l'avenir, que nous avons déjà atteint les étoiles et les rivages intérieurs les plus profonds ; nous comprendrons que toutes les actions du monde sont simultanées, et que toutes les actions d'une même vie individuelle sont simultanées. Nous saurons que nous sommes dans la fleur de l'enfance et, en même temps, au coeur de la maturité ; que l'expérience de la mort est contemporaine de toutes nos autres expériences, et que (comme Adam) nous avons tous les âges en même temps.
" Kzing glouwk ! " s'exclama bruyamment Gaëtan en ganymédien. (J'ai horreur de ce genre d'expression.)
" Nous comprendrons qu'Aristote et saint Augustin étaient plus mûrs et plus avancés dans l'expérience et la connaissance que Darwin, Freud ou Marx ou Einstein, ces types d'enfants précoces ; que saint Thomas d'Aquin venait après Descartes et Kant ; et qu'il façonna ce qu'ils n'avaient fait que dégrossir. "
" Zzhblug elepnyin ! ", proféra uniment Gaëtan dans son san simonéen natal. (Je n'aime pas l'entendre parler de cette façon.)
" Nous comprendrons que le premier homme est toujours vivant et se porte bien, et que le dernier homme est né depuis longtemps", poursuivis-je. "Nous saurons tout sur les Vikings de Ganymède, qui vécurent avant Ur et après Leif Ericson."
" Bougre de bougre ! ", s'écria Gaëtan en langage vulgaire. "Ne te mêle pas de ces sornettes, machine : (Je me demande, cependant, comment tu as fait pour comprendre le passage en ganymédien.) Tu as tes ordres ; exécutes-les !

Auteur: Lafferty Raphaël Aloysius

Info: Tous à Estrevin !

[ relatif ] [ unicité ] [ profondeur ] [ quantique ] [ humour ]

 

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panthéisme

Ils portent des noms gutturaux. Ils s'appellent Tséfayok, Lafko, Yatsé, Yuras, Tchakval, Ksafak, pour les hommes... Waka, Chayatakara, Tellapakatcha, Samakanika, Kamankar, Yerfa, pour les femmes. Ils sont petits, un mètre cinquante en moyenne, avec un gros torse et des pieds de canard gluant de crasse. Ils sont nus, mais sans pilosité, les femmes comme les hommes, avec, en revanche, une tignasse noire pleine de poux, et le corps enduit de graisse de phoque. Ils empestent terriblement. Ils ne rient pas, ou très rarement. L'ethnologue José Emperaire, qui a recueilli in extremis l'essentiel du vocabulaire de cette langue moribonde, souligne que s'ils avaient trente façons de nommer des vents différents, ils n'en avaient en revanche aucune pour exprimer la beauté, la gaieté, le bonheur. Quant à la bonté, n'en parlons pas. Leurs dieux sont terrifiants. Ce sont des dieux qui n'existent que pour les écraser !
Le premier, le plus puissant, c'est Ayayéma. C'est lui qui déclenche les tempêtes, les naufrages, les accidents, les incendies. Le deuxième, tout aussi effrayant. s'appelle Kwatcho. Il règne sur la nuit et les rivages. S'il surprend un Alakuf la nuit hors du tchelo, il lui crève les yeux et l'étrangle. On ne le voit jamais. Il n'attaque que par-derrière. Enfin, Mwono, le troisième larron, fait énormément de bruit. C'est lui qui précipite les valanches, les blocs de glacier, les pans de montagne, les coulées de boue, les rochers, et ces funestes tourbillon de vent, les williwaw, qui tombent sur les malheureux Alakalufs. Imaginons une nuit de campement d'hiver, qui n'en finit pas, dans un chenal, sur une grève, des milliers et des milliers de nuits tout aussi intensément obscures de la tempête, qui n'a d'autre abri que sa hutte de peau, avec, par-dessus le marché, ces trois divinités infernales qui le guettent pour l'achever. Chose étrange : mis en présence du Christ rédempteur et de l'Évangile prêché par les missionnaires, c'est-à-dire une religion de compassion et de recours, les Alakalufs la refuseront, la fuiront, contrairement aux Yaghans et aux Onas, qui, d'ailleurs, en mourront tout autant...

Auteur: Raspail Jean

Info: Adios, Tierra del Fuego

[ naturalisme ]

 

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christianisme

On reproche à la morale catholique et à la morale chrétienne, chose grave à une époque comme la nôtre, d’être en opposition avec la nature et avec les instincts naturels, d’être une morale mystique, ou encore une morale ascétique, quelques-uns disent une morale monastique. Nous voilà bien loin de la morale relâchée de tout à l’heure. Accusation plus grave encore et d’autant plus redoutable qu’elle est plus spécieuse, on va répétant, autour de nous, que la morale religieuse est une morale égoïste, une morale antisociale, qui donne pour but, à la vie de l’homme, son salut personnel.

En effet, le catholicisme, les Eglises chrétiennes en général, pour ne pas dire toutes les religions, avec l’islam et le bouddhisme, donnent comme but, à l’activité et à la piété du croyant, son salut personnel. Il se peut que, par là même, cette morale religieuse se trouve, à vos yeux, entachée d’une sorte d’égoïsme ; mais, faut-il le rappeler ? l’esprit humain n’est pas d’une logique telle que, dans ses actes, le chrétien en soit toujours à considérer la récompense qu’il espère obtenir. Cette morale religieuse qui s’inspire de la charité, non moins que de l’espérance, sommes-nous, vraiment, en droit de la déclarer inférieure ? Sommes-nous certains qu’elle soit moins efficace que la morale sans sanction de tels de nos philosophes ?

[…] Pouvons-nous soutenir que les âmes pieuses sont, moralement, inférieures aux autres ? Il se trouve, sans doute, parmi vous, plus d’une personne qui, ayant reçu une éducation religieuse, et ayant eu pleine foi dans sa religion, a été prise, plus tard, de l’esprit de doute. Je fais appel à leur conscience, et je leur demande si, le jour où elles ont cessé d’espérer en la vie éternelle, leur moralité inférieure en est devenue plus forte ou plus délicate.

Je poserai la même question, sous une autre forme : sommes-nous certains que, dans les écoles ou dans les familles où l’on a renoncé à transmettre à l’enfant la notion d’un Dieu invisible, partout présent, qui sait tout et qui voit tout, on ait élevé le niveau de la moralité de l’enfant ?

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 203-204

[ critiques ] [ réfutation ] [ comparaison ]

 

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politique

Entendez-vous, par démocratie, la Révolution en révolte perpétuelle contre toute autorité, contre toute religion et toute croyance, l’Eglise catholique est incompatible avec la démocratie. De même, entendez-vous, par démocratie, une puissance illimitée, qui prétend à une omnipotence absolue, qui ne reconnaît d’autre droit et d’autre règle que la volonté du grand nombre, l’Eglise, le christianisme, toute religion, pour ne pas dire toute philosophie, sont inconciliables avec cette manière de comprendre la démocratie. Entendez-vous encore, par démocratie, le socialisme, le collectivisme, le communisme athée d’aujourd’hui, qui prétendent borner la destinée de l’homme à cette terre et lui interdire tout rêve de l’au-delà, l’Eglise, le christianisme, la religion sont incompatibles avec une pareille démocratie. Mais est-ce la seule manière dont on puisse entendre la démocratie ? Ne peut-on la concevoir d’une façon tout autre, et certaines nations, comme les Etats-Unis, ne nous en offrent-elles pas la preuve vivante ? Ne voyons-nous pas, par les exemples de la grande République américaine, que la démocratie n’est inconciliable ni avec la religion, ni avec le christianisme, ni même avec le catholicisme ? Et comment y aurait-il, entre eux, incompatibilité, alors que les grandes idées d’égalité et de fraternité ont leurs plus anciennes et leurs plus profondes racines dans le christianisme, dans la Bible juive et dans l’Evangile chrétien ? 

Il y a bien eu, entre l’Eglise d’un côté, et la démocratie de l’autre, une longue lutte, comme un grand duel, qui a rempli toute l’histoire du XIXe siècle. A cela, il y avait des raisons multiples, des raisons historiques surtout. L’Eglise personnifiait, en face de la Révolution, la tradition et l’autorité. L’Eglise, attaquée par les uns comme une barrière, a été défendue par les autres comme un rempart. Un fait, en soi-même d’importance secondaire, le pouvoir temporel des papes, contribuait à envenimer et à prolonger cette lutte. Le pape, souverain temporel, voyait sa petite monarchie menacée par la Révolution et par la démocratie issue de la Révolution ; il se trouvait, naturellement, enclin à regarder la démocratie comme l’adversaire de la papauté. Aussi est-ce, en grande partie, le long combat pour la défense du pouvoir temporel qui, entre l’Eglise et la démocratie, a creusé un fossé si large et si profond.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 244-246

[ temporel-éternel ] [ conciliation ] [ idées modernes ] [ historique ]

 

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