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gangsters néolibéraux

Les démocraties occidentales, loin de combattre la mafia, la laissent au contraire croître, car les flux d’argent que le crime organisé reverse dans les secteurs clefs de l’économie libérale (banques, pétrole, armement, immobilier) permettent à cette économie de survivre à ses crises. L’accumulation du capital mafieux trouve ainsi sa justification dans les systèmes complexes que ces démocraties ont mis en place, de confiscation du pouvoir populaire par l’intermédiaire du droit législatif et procédural. Ce droit législatif n'est que poudre aux yeux, destinée à camoufler le vrai horizon de la logique néo-libérale, qui est la seule accumulation de Capital. Une accumulation qui a changé de nature ces dernières années. De vitesse plutôt, car dès la fin des Trente Glorieuses, le Capital sonnait déjà le glas des sociétés civiles. L’accumulation avait été telle, qu’il ne trouvait plus de lieux où s’investir : la société n’était pas assez riche, investir dans la santé, l’industrie ou les services ne pouvait suffire à résorber l’immense richesse dégagée.

Alors l’argent des riches trouva d’autres lieux où garantir sa croissance démesurée. Avec, en France par exemple, la complicité des socialistes dans les années 80, qui furent les premiers à "libérer" les marchés financiers pour permettre aux banques d’inventer les formes arithmétiques de gains colossaux. Les groupes de pression s’organisèrent, lobbies multiples, intellectuels, politiques, économiques, qui ne visaient qu’à aider le Capital à concentrer ses intérêts sur le court terme, au mépris du développement du Bien Commun.

Des flux de richesses colossales furent ainsi détournés de la société réelle vers le secteur financier, provoquant l’appauvrissement généralisé des économies - et de la citoyenneté, ne l’oublions jamais. Des milliers de milliards de dollars envolés, désertèrent brusquement le commerce et l’industrie, financiarisation de l’économie qui s'engagea vers la pure spéculation financière, par exemple via le vol des richesses naturelles du monde (aujourd’hui, le grand jeu est celui du rachat des terres cultivables à des fins de spéculation). Plutôt que la mondialisation, cet immense élan de destruction massive des économies mondiales conduisit d’abord à la désindustrialisation du monde occidental. Une désindustrialisation qui achevait en outre le grand rêve revanchard des capitalistes : écraser enfin, liquider les classes laborieuses, coupables désormais de s’accrocher aux piètres protections sociales qu’elles avaient gagnées…

Les villes elles-mêmes durent se plier à leurs nouvelles exigences de gentrification. Les quartiers de la classe ouvrière furent transformés en ghettos, tandis qu’une élite sans foi ni loi développait ses produits financiers, dérivés de dérivés de dérivés de la vraie richesse. L’industrie financière était née, où l’argent se reproduisait comme par miracle. Des générations d'économistes et de politiciens nous ont enseigné depuis plus de trente ans que ce modèle, seul, devait nous sauver. Un modèle mathématique élégant, qui n’a cessé depuis de ruiner nos vies. Mais un modèle dont les conséquences politiques ont été considérables et qui s’est traduit par une démocratie entièrement vidée de son sens. 

Auteur: Lecinsky Thelonious K.

Info: Democracy and Conspiracy, Samanthowatan University Press, 2010

[ argent nomade ] [ pouvoir occulte ]

 
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protestantisme

La guerre des paysans : le grand reniement de Martin Luther. Ainsi le veut la tradition. Peut-être oui, peut-être non ?

Nous n’avons pas à dire ce que fut le soulèvement de 1524-1525, ni comment d’autres révoltes l’avaient précédé, ni quels hommes, d’origines et de tendances très diverses y prirent part, soit comme chefs, soit comme exécutants. Mais que, dès le début, Martin Luther ait été mis en cause et par les deux partis à la fois, il faudrait être naïf pour en marquer quelque surprise. Aux yeux des uns, il était tout naturellement le père et l’auteur de la sédition ; ses doctrines, ses prédications, son exemple funeste l’avaient provoquée ; et si l’on devait réprimer les mutins, encore plus fallait-il châtier le suppôt de Satan qui, ayant semé le vent sur la paisible Allemagne récoltait la tempête. Les autres, non moins naturellement, saluaient en Luther l’avocat d’office de tous les opprimés, le patron-né de tous les révoltés, l’adversaire obligé de toutes les tyrannies. Et d’ailleurs, n’étaient-ils pas, eux les paysans, les véritables champions de l’Évangile contre les Princes ? En tête de leurs articles, ne revendiquaient-ils pas le droit d’élire des pasteurs   qui, traduisant clairement la Sainte Parole et la prêchant sans adultération, leur donnassent occasion de prier, d’entretenir en eux la véritable foi ? Ne soyons pas surpris qu’à la fin d’avril 1525, Luther, intervenant enfin, ait publié sa fameuse Exhortation à la paix à propos des douze articles des paysans de Souabe, et aussi, contre l’esprit de meurtre et de brigandage des autres paysans ameutés.

Le plan est net, la thèse simple. Une courte introduction ; puis, deux discussions séparées, l’une, avec les princes, l’autre, beaucoup plus longue, avec les paysans ; pour conclure, quelques phrases d’exhortation aux deux partis. Or, que veut Luther ? Examiner ce qu’ont de juste, ou d’injuste, les demandes des paysans ? Arbitrer un différend politico-social ? En aucune façon. Traiter un point de religion, oui.

Les paysans articulent : "Nous ne sommes ni des rebelles, ni des révoltés, mais les porte-parole de l’Évangile. Ce que nous réclamons, l’Évangile nous justifie de le réclamer." Voilà la prétention contre laquelle Luther s’élève uniquement, mais avec une violence, une passion, une fougue incomparables. Aux Princes, il dit peu de choses, et vagues : que ceux d’entre eux ont tort, qui défendent de prêcher l’Évangile ; tort aussi, ceux qui accablent leurs peuples de fardeaux trop pesants. Ils devraient reculer devant la colère qu’ils déchaînent, traiter les paysans "comme l’homme sensé traite les gens ivres ou hors de leur bon sens". Ce serait prudence ; justice aussi, au sens humain du mot ; l’autorité n’est pas instituée pour faire servir les sujets à l’assouvissement des caprices du maître. Mais une fois ce pâle discours au conditionnel terminé, quelle voix claire et sonore retrouve Martin Luther, sitôt qu’il harangue, qu’il accable les paysans ! Pour eux, avec eux, l’Évangile ? Quelle monstrueuse sottise ! Qu’on le brûle, lui, Luther, qu’on le torture, qu’on le mette en morceaux — tant qu’il lui restera un souffle, il clamera la vérité : l’Évangile ne justifie pas, mais condamne la révolte. Toute révolte.

Ils disent, les paysans : "Nous avons raison, ils ont tort. Nous sommes opprimés et ils sont injustes." Il se peut. Luther va plus loin. Il dit : je le crois. Et puis après ? "Ni la méchanceté, ni l’injustice n’excusent la révolte." L’Évangile enseigne : "Ne résistez pas à celui qui vous fait du mal ; si quelqu’un te frappe à la joue droite, tends l’autre. " Luther a-t-il jamais tiré l’épée ? prêché la révolte ? Non, mais l’obéissance. Et c’est pour cela, précisément, qu’en dépit du pape et des tyrans, Dieu a protégé sa vie et favorisé les progrès de son Évangile. Ceux qui "veulent suivre la nature et ne pas supporter le mal", ce sont les païens. Les chrétiens, eux, ne combattent pas avec l’épée ou l’arquebuse. Leurs armes sont la croix et la patience. Et si l’autorité qui les opprime est réellement injuste, ils peuvent être sans crainte : Dieu lui fera expier durement son injustice. En attendant, qu’ils se courbent, obéissent et souffrent, en silence.

Voilà la doctrine de l’Exhortation à la paix. Et certes, il est facile d’ironiser, facile de souligner le contraste et son énorme comique : ici tumulte, hurlements de haine, campagnes remplies de cris de rage et de lueurs d’incendie ; et là, le Dr Martin Luther, les yeux au ciel, jouant de toute son âme et de ses joues gonflées, comme s’il ne voyait et n’entendait que lui, son petit air de flageolet chrétien. Il est facile. Mais il y a une chose qu’on n’a pas le droit de dire : c’est que Luther en mauvaise passe invente sur-le-champ, en 1525, des arguments pharisaïques.

Sa doctrine ? Elle ne naît pas, comme un expédient, de la révolte paysanne. N’inspire-t-elle pas, déjà, la lettre à Frédéric  du 5 mars 1522 ? "Celui-là seul qui l’a instituée de ses mains peut détruire et ruiner l’Autorité : autrement, c’est la révolte, c’est contre Dieu !" N’anime-t-elle pas, d’un bout à l’autre, le traité de 1523 sur l’Autorité séculière : royaume du Christ, royaume du monde, et dans ce royaume, à ses rois l’obéissance absolue, même si l’ordre est injuste ? Car le proverbe dit vrai : qui rend les coups a tort ; et nul ne doit juger sa propre cause. Non, en vérité, Luther n’invente rien en 1525, lorsqu’il crie aux serfs de se résigner, aux paysans de s’incliner. Et quand il ajoute : la seule liberté dont vous deviez vous soucier, c’est la liberté intérieure ; les seuls droits que vous puissiez légitimement revendiquer, ce sont ceux de votre spiritualité — ces formules, brandies sur la tête de rustres poussés à bout et qui se battent comme des bêtes pour leur vie, peuvent bien sembler énormes de dérision. Luther, en s’y tenant avec obstination est logique avec lui-même : Luther, le vrai Luther, celui de Leipzig, de Worms, de la Wartbourg.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 160 à 162

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Ajouté à la BD par Coli Masson