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exploration

Et je m’en vais, quittant l’espace,

Au jardin des grandeurs en friche,

Sarcler l’illusoire constance

Et les causes qui trop s’affichent.

Tu vois, Infini, je lis seul

Ton manuel où tout s’invente,

Ton herbier sauvage et sans feuilles,

Ton livre de problèmes aux racines géantes.

Auteur: Mandelstam Ossip

Info: Les Poèmes de Moscou, CIté In L'échelle de Jacob de Ludmila Oulitskaïa

[ priméité ] [ poème ]

 

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scénario

L’image devient sombre.

Une comptine est chantée par une voix d’enfant.

Un, deux, trois, nous irons au bois

On suit un promeneur. On ne voit pas son visage.

Quatre, cinq, six, qu’la peur nous unisse !

Une forme humaine passe furtivement entre la caméra et le promeneur qui semble égaré.

Sept, huit, neuf, ce n’est pas du bluff

Le promeneur aperçoit quelque chose hors champ qui l’effraie. Il panique et se met à courir.

Dix, onze, douze, un seul aura l'flouze !

Sur l’écran s’affiche : "NE REVIENS PAS !"

Auteur: Le Roy Philip

Info: 1, 2, 3, nous irons au bois

[ accroche ] [ suspense ] [ thriller ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

libéralisme roi

Ce n’est pas un hasard si la pensée post-moderne s’est déployée, depuis les années 1980, très exactement en parallèle avec le capitalisme spéculatif et si elle fait figure aujourd’hui de "critique officielle" dans les départements universitaires de sciences sociales ou humaines. Les vrais dissidents, remarquez-le, ne passent jamais à la télé et n’ont pas de postes dans les universités. Quant aux idéologies qui s’affichent comme contestataires, tel le marxisme de jadis et ce qu’il en reste, ou tel encore le néo-conservatisme et l’écologisme, elles se heurtent à la puissante muraille que dresse devant elles l’esprit malin du capitalisme spéculatif : la dynamique radicalement progressiste qui l’anime. Car spéculer, c’est croire résolument en l’avenir, c’est être optimiste quant aux moyens que nous trouverons pour résoudre les problèmes du moment, c’est parier sur un futur meilleur et y investir dès aujourd’hui, c’est croire que l’homme lui-même peut être amélioré, augmenté.

- Quelle idéologie peut faire le poids et promettre un avenir radieux face à cette déferlante "progressiste" ?

Aucune, et c’est pourquoi soit elles sont absorbées par le capitalisme spéculatif dont elles deviennent un relais de croyance – comme l’écologie devenue l’"économie verte" par exemple –, soit elles sont soupçonnées de tourner le dos au "progrès" – comme le néo-conservatisme –, et elles deviennent son ennemi-repoussoir le plus efficace.

Auteur: Gomez Pierre-Yves

Info: Interviewé par Thibault Isabel sur l'inactuelle.fr

[ récupération capitalistique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

écrivain-sur-écrivain

Mais l’éclectisme de Gacougnol est attesté surtout par la présence de Folantin*, le peintre naturaliste et préalable dont le succès, longtemps captif, se déchaîne.

On trouverait malaisément une chose plus instructive que le calendrier de ses produits.

Après une série liminaire de petits paysages pisseux égratignés avec labeur dans des banlieues sans verdure ; après le demi-triomphe d’un tableau de genre, où les amours indécises d’un jeune maçon et d’une brocheuse dessalée, au sein d’un garno, se coagulaient sous les yeux en mastic blafard, ainsi qu’un fromage visité déjà ; Folantin, lassé de ne paraître point un penseur, s’avisa de répandre un peu de morale philosophique sur ses enduits.

On vit poindre alors, à l’inexprimable découragement de plusieurs fantoches de l’appui-main, la surprenante image d’un cocu en cassonade reconduisant, bougeoir en main, avec la plus froide politesse, un individu sébacé qu’il vient de surprendre, après minuit, aux bras de sa femme. Cela s’appelait : En ménage !. Mais la louange fut moindre que pour le garno dont la vogue, hélas ! périclitait, et il fallut trouver autre chose.

Changeant tout à fait son tube d’épaule, il peignit, décidément, un grand seigneur, un enfant de tous les preux dont il étudia le type chez un authentique gentilhomme qui s’est donné la fonction de ramasser les bouts de cigares de la Poésie contemporaine sans parchemins.

L’optimate fut représenté, bien malgré lui, sur un bidet, lisant des vers de vingt-cinq pieds. Or, il arriva, contre toute attente sublunaire, que ce portrait allégorique fut une manière de bas chef-d’œuvre, et la noblesse de France, — la première du monde, jadis, — une fois de plus, se vérifia si charogne que le simulacre engendré par Folantin, confronté à l’original, procura quelques instants, l’hallucination de la force.

L’heureux peintre érigea son front parmi les étoiles et put s’annexer quelques disciples. Impossible de le nier. Si ennemi qu’on pût être de Folantin et de son odieuse peinture documentée à la manière d’un roman de la sotte école, son personnage avait une tenue équestre sur ce vase devenu comme un piédestal.

À partir de cet instant, le maître nouveau repoussa du pied les châssis de faible étendue et se précipita aux vastes toiles.

On s’est bousculé autour de sa Messe noire et de ses Trappistes en prière, crépis énormes, léchotés au petit blaireau, qu’il faut scruter par centimètre carré, au moyen d’une loupe de géologue ou de numismate, sans espoir de réaliser la vision béatifique d’un ensemble.

Le premier de ces engins paraît avoir été calculé pour le branle et pour le brandon d’une récente portée de bourgeois que démange la convoitise des lubricités de l’enfer. L’habile homme, toutefois, se croyant, quand même, désigné pour instruire ses contemporains, c’est, en même temps, le prodige d’une sorte de jocrisserie peinturière s’exaspérant jusqu’à devenir tourbillon, mais tourbillon noir, combien fétide et profanant !

Les Trappistes en prière ont voulu être le contre-pied, le rebrousse-poil de la précédente révélation. Folantin, dont la crête augmente et dont la moutarde s’affiche de plus en plus, tenait à montrer comment un artiste assez audacieux pour baiser le croupion du Diable savait, en revanche, tripoter l’extase.

Folantin, tout à coup sorcier, découvrit le Catholicisme !

Clairvoyance peu récompensée. La vindicative bondieuserie de Saint-Sulpice, appelée en duel, lui passa son goupillon au travers du cœur. Cette fois encore, pourtant, il bénéficia du renouveau de crédit que semblent avoir les préoccupations religieuses, aux approches de la fin du siècle, et sa robe d’initiateur n’est pas devenue l’humble veste qu’on aurait pu croire, après un tel coup.

La forme extérieure de ce pontife est analogue à celle d’un de ces arbres très pauvres, noyers d’Amérique ou vernis du Japon, dont l’ombre est pâle et le fruit vénéneux ou illusoire. Il est fier, surtout, de ses mains qu’il juge extraordinaires, "des mains de très maigre infante, aux doigts fluets et menus". Telles sont ses amicales expressions, car il ne se veut aucun mal.

— Je me fais à moi-même, déclarait-il à un reporter, l’effet d’un chat courtois, très poli, presque aimable, mais nerveux, prêt à sortir ses griffes au moindre mot.

Le chat paraît être, en effet, sa bête, moins la grâce de ce félin. Il est capable de guetter indéfiniment sa proie, et même la proie des autres, avec une douceur féroce que ne déconcerte nul outrage. Il accueille tout sur la pointe d’un demi-sourire figé, laissant tomber, de loin en loin, quelques minces phrases métalliques et tréfilées qui font, parfois, les auditeurs incertains d’écouter un être vivant.

Il est celui qui "ne s’emballe pas". Le pli dédaigneux de sa lèvre est acquis, pour l’éternité, à tout lyrisme, à tout enthousiasme, à toute véhémence du cœur, et sa plus visible passion est de paraître un fil de rasoir dans un torrent.

— Celui-là, c’est l’Envieux ! dit, un jour, avec précision, Barbey d’Aurevilly qui l’assomma de ce mot.

Sa malignité, cependant, est circonspecte. Très soigneux de sa renommée, qu’il cultive en secret, comme un cactus frileux et rare, il ne néglige pas de prendre contact avec des journalistes qu’il pense avoir le droit de mépriser ou avec certains confrères pleins de candeur dont il subtilise les conceptions. On tient pour sûre l’histoire malpropre de cette esquisse de la Messe noire carottée pour quelques louis à un artiste mourant de misère, — ébauche superbe qu’il se hâta d’avilir de son pinceau, après avoir ignominieusement congédié le malheureux qui lui faisait une telle aumône.

Auteur: Bloy Léon

Info: A propos de *Joris-Karl Huysmans, dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 193-196

[ résumé de l'œuvre ] [ description ] [ critique ] [ dénigrement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

infox

Avons-nous une information économique indépendante? Cet ouvrage est un guide sans complaisance pour comprendre l’était réel de l’économie — inflation, chômage, propriété, retraites, contenus sponsorisés — loin du chichi et du marketing.

Si vous avez fait le plein d’essence dernièrement, vous avez vu la pompe indiquer 130, voire 140 francs suivant la taille de votre réservoir. Pourtant, votre coût de la vie est mal reflété par les statistiques de l’inflation. Celle-ci était déjà une réalité de votre quotidien avant le Covid et avant la guerre en Ukraine, mais l’indice officiel ne vous renseignait que peu sur votre pouvoir d’achat.

L'immobilier s'est envolé

Depuis quelques années, vous avez sans doute constaté que les prix de l’immobilier ont fortement augmenté en Suisse. Vous aurez noté que certes, les taux hypothécaires s’affichent au plancher, à 1%, mais que les jeunes couples peinent à emprunter à la banque pour acquérir un bien à 1 million, s’ils gagnent moins de 180'000 francs. Peut-être avez-vous vu passer le fait qu’en Suisse, la part des ménages propriétaires de leur logement est tombée de 48% à 37% sur la décennie. Ailleurs, les problématiques sont similaires. En France, le logement ne pèse que 6% dans l’indice calculé par l’Insee, alors que chez une partie des locataires, la part des loyers est de 20% du budget et chez une partie des propriétaires, le remboursement des emprunts s’élève à 25% du budget.

Les primes maladies en forte hausse

Vous avez peut-être aussi vu que les primes maladie en Suisse se sont envolées (de 70%) alors même que l’inflation officielle était donnée à 0%, entre 2008 et 2018, et que les salaires n’ont pas été ajustés en conséquence. Vous avez peut-être cherché l’indice des primes maladie de la Confédération, calculé séparément, mais vous avez vu que même lui traduit mal l’impact beaucoup plus fort des hausses de primes sur les bas revenus que sur les hauts revenus, et que son utilité s’avère limitée.

Vous aurez peut-être vu que le nombre de ménages subventionnés pour payer l’assurance maladie a doublé depuis 1996, ce qui peut étonner dans un pays aussi riche que la Suisse. Le nombre de bénéficiaires a augmenté deux fois plus vite que la population, et le montant du subside moyen versé par assuré a triplé depuis 1996.

Et l'inflation, dans tout ça?

Une statistique de l’inflation qui, dans les pays développés, n’informe pas sur le coût de la vie, car elle exclut à peu près tout ce qui monte (assurances, logement, bourse, et dont l’indice étroit exclut l’alimentation et l’énergie): qu’est-ce que cela apporte, à part une image lustrée, peu en phase avec le quotidien de millions de ménages et peu propice à une adaptation des salaires?

Vous avez peut-être constaté que vos avoirs de 2ème pilier n’avaient pas beaucoup bénéficié de l’envolée phénoménale de la bourse ces dix dernières années. La priorité des caisses de pension a été d’alimenter les réserves pour longévité, et c’est tant mieux, mais ça met à mal le lieu commun qui veut que "quand la bourse monte, on est tous gagnants".

Les salariés, grands perdants du siècle

Vous saviez peut-être qu’à cotisations égales, les assurés d’aujourd’hui toucheront 30% moins de deuxième pilier que les générations précédentes. Et que la part de la population directement exposée à la bourse via des portefeuilles d’investissements ne dépasse pas les 10% aux Etats-Unis et probablement aussi en Europe, confirmant que la bourse n’est pas une richesse collective et que la stagnation des salaires a détérioré le pouvoir d’achat de ceux, largement majoritaires, qui dépendent exclusivement de ce revenu.

Peut-être avez-vous également noté que les chiffres du chômage en Suisse, donnés à 2,5%, n’incluent pas les inactifs et les fins de droit, sortis des statistiques, et ne tiennent pas compte du phénomène de sous-emploi, des CDD chez les jeunes ou du chômage des seniors, qui sont en nette hausse.

Dans cet ouvrage il est question de tous ces chiffres qui minimisent les aspects moins reluisants de notre économie, et dont j’observe la faible valeur informative depuis deux décennies de journalisme économique.

Les fake news économiques, un fléau moderne

Tout cela pour dire que la désinformation économique existe dans les pays développés. Les statistiques officielles sont aussi enjolivées, parfois: les déficits budgétaires européens ont été retouchés par tous les pays de l’UE, et pas seulement par la Grèce. On fait dire beaucoup de choses à une statistique de PIB, alors que sa croissance est souvent surestimée par une inflation calculée trop bas.

On publie le chiffre initial du PIB, puis sa version révisée et plus correcte vient plus tard ; mais seul le chiffre initial, souvent trop flatteur, sera largement diffusé. Un PIB devrait être complété par nombre d’indicateurs démographiques et de développement humain si l’on veut avoir une image réaliste de la performance d’un pays.

Du côté corporate, lorsqu’on lit un rapport annuel d’entreprise, on comprend vite que tant de transparence va nous noyer. Parfois, certains rapports annuels font 500 pages, et pourtant, l’essentiel n’y figure pas toujours, ou n’est pas facile à trouver. Les comptes de Credit Suisse ne disaient rien de l’exposition au fonds spéculatif Archegos, qui lui a valu une perte de 5 milliards.

Les comptes d’UBS ne disaient pas un mot de l’exposition aux subprimes américains, qui a duré des années et a constitué une part majeure des profits du groupe. Chez la plupart des multinationales, beaucoup trop de pages technico-légales noient l’information pertinente des comptes, et encore plus de pages sur la responsabilité sociale et environnementale assomment le lecteur par un marketing qui confine dans certains cas au greenwashing. C’est pourquoi j’ai voulu attirer l’attention des lecteurs, à travers cet ouvrage ici résumé, sur les nombreuses imperfections de l’information économique et financière.

Comment bien s'informer aujourd'hui en matière économique?

De nombreux autres exemples sont abordés dans le livre, et notamment le cas des fuites des paradis fiscaux divulgués par des consortiums de journalistes sur la base de sources anonymes, la question du financement des médias et des conflits d’intérêts potentiels, la manipulation des cours de l’or et ses conséquences, les campagnes de désinformation orchestrées par des agences de propagande de plus en plus actives, l’essor du marketing et de la publicité qui ne pose nul problème en soi, sauf quand ces contenus pénètrent l’information économique indépendante, et aussi l’essor des entreprises en tant que médias, avec des moyens démultipliés, et la question de l’indépendance de l’information.

Comment bien s’informer aujourd’hui en matière économique? Cet ouvrage sans complaisance se veut un guide face à toutes ces façons qu’a l’information, dans les pays développés, de se brouiller, de se diluer, de s’embellir, de perdre son indépendance, son objectivité, son utilité sociale et son rôle au service de l’intérêt public. La politisation des chiffres et l’embellissement des statistiques officielles sont souvent masquées par l’extrême mathématisation des indices.

On croirait qu’il s’agit de sciences dures, apolitiques, alors qu’en réalité, derrière chaque chiffre, il y a des postulats et des choix de société. Mieux s’informer sur l’état réel de nos sociétés, recouper les informations, n’a jamais été aussi primordial. Après avoir lu cet ouvrage, vous ne prendrez plus les statistiques officielles ou les concepts à la mode pour argent comptant. Et c’est tout ce que je vous souhaite. 

Auteur: Zaki Myret

Info: Désinformation économique, février 2022, éditions Favre. https://www.blick.ch/

[ idées fausses ] [ hyperinflation ] [ contrevérités ] [ euphémismes ] [ pouvoir informationnel ] [ soft power financier ] [ Helvétie ] [ dissimulation ]

 

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psychosomatique

Le jumeau maléfique de l'effet placebo fait des ravages, selon l'essayiste états-unien Stewart Justman, pourfendeur du diagnostic qui rend malade Comme les héros des feuilletons télévisés, l’effet placebo a un jumeau maléfique: il s’appelle "nocebo". Le placebo, rappelons-le, est ce phénomène troublant qui veut qu’un bonbon lambda avalé en croyant prendre un médicament authentique peut apporter les mêmes bienfaits que le vrai remède, grâce à la suggestion. Le nocebo fonctionne sur le même mécanisme, mais avec l’effet inverse: il fait du mal. Dites-moi que j’ai ingurgité une denrée avariée, mes boyaux se tordront. Magique? Pas vraiment: le cerveau ayant pour tâche de gérer les fonctions du corps, il n’est pas étonnant que l’information qu’il absorbe infléchisse le processus. Dans The Nocebo Effect*, Stewart Justman, essayiste états-unien partageant son œuvre entre l’histoire de la littérature et la médecine (avec des passerelles fréquentes entre les deux), évoque les ravages du nocebo dans des territoires médicaux aussi différents que l’anorexie, le syndrome de fatigue chronique, la dépression, le trouble dissociatif de l’identité, l’hyperactivité, les cancers du sein et de la prostate. Parfois, le mal est un effet direct de l’imagination, aiguillée par la propagande pharmaceutique ou par les campagnes de prévention: "Une fois mises sur le marché, des idées sur telle ou telle maladie sont en mesure de susciter la maladie elle-même", constate Justman: un diagnostic peut déployer son potentiel nocif en "semant des suggestions dans l’esprit du patient". Est-ce fréquent? La question est apparemment très peu étudiée, en partie car il est éthiquement difficile de mener des expériences consistant à créer des problèmes chez les sujets. Des indications sur le "jumeau maléfique" se nichent toutefois dans les études sur l’effet placebo. Dans une étude troublante, publiée dans l’International Journal of Clinical Practice en 1998, l’Anglais A. F. Cooper découvrait par exemple, avec un groupe de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, que ceux à qui l’on administrait une brève leçon de choses sur la maladie se portaient moins bien que ceux qu’on se bornait à soigner, sans rien leur dire. Il apparaît que, aussi longtemps que les habitants de Hong Kong n’étaient pas au courant de l’existence de l’anorexie en Occident, ce trouble ne se manifestait pas parmi eux, mais une fois que la notion a atteint la presse et la conscience du public dans les années 1990, le phénomène a explosé Dans d’autres cas, c’est le dépistage à grande échelle qui fait des dégâts, débouchant sur des traitements qui se révèlent plus nuisibles – voire plus meurtriers – que le mal qu’ils sont censés soigner. Les mises en garde viennent du champ médical lui-même, qui s’inquiète des effets pervers de la traque systématique aux cancers du sein et de la prostate: on y revient plus loin. Qu’il agisse directement sur l’individu via la suggestion ou qu’il déploie ses conséquences à travers une prise en charge médico-sociale, l’effet nocebo résulte d’un phénomène de "surdiagnostic": Overdiagnosis and Its Costs ("Le surdiagnostic et ses coûts") est le sous-titre du livre de Stewart Justman. Morphine et neurasthénie Comment ça marche? Le rapport de cause à effet semble s’afficher parfois de manière évidente. "Il apparaît que, aussi longtemps que les habitants de Hong Kong n’étaient pas au courant de l’existence de l’anorexie en Occident, ce trouble ne se manifestait pas parmi eux, mais une fois que la notion a atteint la presse et la conscience du public dans les années 1990, le phénomène a explosé", comme si "les personnes atteintes façonnaient inconsciemment leurs symptômes selon le modèle fourni par les médias". Il en va d’une manière semblable pour la neurasthénie, syndrome à la mode au cours de la Belle Epoque, "qui s’épanouit auprès des couches aisées, jusqu’à sa disparition au début du vingtième siècle". Identifié par le neurologue états-unien George Beard en 1869, le trouble était défini comme "une maladie englobante, dont le symptôme clé était une fatigue mentale et musculaire", mais dont les manifestations possibles remplissaient une liste de 70 entrées. "L’existence brève et spectaculaire de la neurasthénie témoigne de la manière dont une appellation a le pouvoir d’organiser et de mobiliser des symptômes", relève Justman. Certains maux paraissent ainsi atteindre les corps par une contagion socio-culturelle. Placebo et nocebo montrent que l’acte médical, loin d’être une simple interaction physique, est en réalité une "procédure sociale" à part entière: "Des expériences montrent que même un médicament aussi puissant que la morphine produit un effet plus important lorsqu’il est administré ouvertement, dans le cadre d’un rituel médical, que lorsqu’on le donne aux patients à leur insu." Exemple saisissant de la production d’un syndrome via le cérémoniel thérapeutique: le trouble dit "de la personnalité multiple", qui n’émerge le plus souvent qu’au moment où le soignant demande au patient de nommer ses alters egos. Sommeil et désarroi Faut-il parler de maladies imaginaires, de troubles socialement manufaturés à partir de néant? Dans le cas des symptômes de dépression, Justman suggère plutôt qu’il s’agit souvent d’états inhérents à la normalité de l’existence, qui se retrouvent médicalisés, c’est-à-dire transformés en pathologies. C’est "le désarroi commun et passager, produit par la vie elle-même, qui se résoudrait spontanément si on ne faisait rien"; ce sont "des constantes de la condition humaine", ou en tout cas "des difficultés qui se rattachent à la nature même de la civilisation". Le DSM-5, dernière édition du catalogue états-unien (et international) des troubles psychiques et de leurs symptômes, "intègre, à contrecœur, l’argument selon lequel ce qu’on appelle dépression peut être en fait une réponse justifiée à la vie elle-même". On pourrait, bien sûr, retourner la question: faut-il accepter le désarroi ordinaire en tant que composante inévitable de la normalité, ou peut-on aspirer à s’en débarrasser? Comme les sociologues Allan V. Horwitz et Jerome C. Wakefield Stewart, auteurs de Tristesse ou dépression? Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses (2007), Justman défend l’existence de la mélancolie dans l’expérience humaine. D’autres cultivent le rêve utopiste de l’éradication de tout chagrin. Le problème, c’est que la médicalisation du malheur ordinaire aurait plutôt tendance à accroître la portée de ce dernier. "Ironiquement, un des effets du surdiagnostic de la dépression est que les antidépresseurs en vogue perturbent le sommeil", note Justman. Or, "un des facteurs de guérison les plus importants dans nos vies réside dans notre capacité de sombrer chaque soir dans l’endormissement réparateur"… La conscience est surestimée Y a-t-il donc un équilibre, un "bon" seuil de médicalisation à ne pas dépasser? La question est particulièrement lancinante dans le cas des cancers du sein et de la prostate. Dans les deux cas, le dépistage massif conduit à détecter et à traiter une quantité de cancers "dormants" ou "indolents" qui seraient inoffensifs et avec lesquels on vivrait sans problème. Le sein: selon une étude publiée en 2013 dans le British Medical Journal par le chirurgien Michael Baum, pour chaque décès évité par la mammographie on peut s’attendre à un chiffre de un à trois décès supplémentaires liés aux soins donnés aux femmes dépistées pour des cancers inoffensifs. La prostate: selon une étude européenne de 2009-2012, le dépistage réduit la mortalité engendrée par ce cancer, mais on compte 33 hommes rendus impuissants ou incontinents par une intervention non nécessaire pour chaque homme sauvé… Que faire? Eliminer les dépistages, plus nuisibles que bénéfiques comme le suggèrent plusieurs chercheurs? Brûler le DSM, véritable machine à surdiagnostiquer (et dénoncé en tant que tel par Robert Spitzer et Allen Frances, deux responsables successifs de la task force qui en coordonne la rédaction)? Arrêter net les campagnes d’information, sources majeures d’effets nocebo? Dans son élan, Justman jette peut-être quelques bébés avec l’eau du bain (notamment dans le domaine du traumatisme psychique). On retiendra néanmoins son éloge paradoxal de l’inconscience: nous vivons sous l’emprise d’un "culte de la conscientisation", mais "la conscience est surestimée". Notre cerveau fait son travail de gestion de la vie dans le silence des processus inconscients, où il n’est sans doute pas anodin de trop le déranger. Il travaille à notre insu, par habitude. Il est vrai que l’habitude a mauvaise presse. Et pourtant – la philosophie confucéenne et taoïste en avait l’intuition, les neurosciences le savent aujourd’hui –, "l’habitude est hautement opérationnelle, même dans des faits d’excellence".

Auteur: Ulmi Nic

Info: in le temps online du 15.9.2015 sous Effet nocebo: le patient qui en savait trop, *The Nocebo Effect. Overdiagnosis and Its Cost, par Stewart Justman, Palgrave Macmillan, 272 p

[ grégaire ] [ influençabilité ] [ corps-esprit ]

 

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