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juvéniles divinités

La terre est aujourd'hui comme un radeau qui sombre.

Les dieux, ces parvenus, règnent, et, seuls debout,

Composent leur grandeur de la chute de tout.

Leur banquet resplendit sur la terre et l'affame.

Ils dévorent l'amour, l'âme, la chair, la femme,



Le bien, le mal, le faux, le vrai, l'immensité.

Ils sont hideux au fond de la sérénité.

Quels festins ! Comme ils sont contents ! Comme ils s'entourent

De vertiges, de feux, d'ombre ! Comme ils savourent

La gloire d'être grands, d'être dieux, d'être seuls !

Comme ils raillent les vieux géants dans leurs linceuls !

Toutes les vérités premières sont tuées.



Les heures, qui ne sont que des prostituées,

Viennent chanter chez eux, montrant de vils appas,

Leur offrant l'avenir sacré, qu'elles n'ont pas.



[...]



Toute la terre tremble à leurs métamorphoses ;

La forêt, où le jour pâle pénètre peu,

Quand elle voit un monstre a peur de voir un dieu.

Quelle joie ils se font avec l'univers triste !

Comme ils sont convaincus que rien hors d'eux n'existe !

Comme ils se sentent forts, immortels, éternels !

Quelle tranquillité d'être les criminels,

Les tyrans, les bourreaux, les dogmes, les idoles !



[...]



Et les hommes ? Que font les hommes ? Ils frissonnent.

Les clairons dans les camps et dans les temples sonnent,

L'encens et les bûchers fument, et le destin

Du fond de l'ombre immense écrase tout, lointain ;



Et les blêmes vivants passent, larves, pygmées ;

Ils regardent l'Olympe à travers les fumées,

Et se taisent, sachant que le sort est sur eux,

D'autant plus éblouis qu'ils sont plus ténébreux ;

Leur seule volonté c'est de ne pas comprendre ;

Ils acceptent tout, vie et tombeau, flamme et cendre,

Tout ce que font les rois, tout ce que les dieux font,

Tant le frémissement des âmes est profond !

Auteur: Hugo Victor

Info: La Légende des Siècles. Le cycle des Titans.

[ poème ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

tromperie

Il est une plante qui donne de grandes fleurs blanches, qui se replient la nuit en prenant la forme d'un doigt : la Datura.
Les graines de cette plante, qui nous vient du nouveau monde, contiennent un psychotrope puissant, la scopolamine. Administrée à forte dose c'est la mort.
Avec des doses plus faibles et répétées : des lésions irréversibles dans l'encéphale. Les effets avec des petites doses bien contrôlée sont alors : confusion, perte de mémoire, perte de jugement, obéissance à n'importe quel ordre. En général avec perte de tout souvenir de ce qui a pu être faite sous l'effet de la drogue. Une personne intoxiquée à la scopolamine (moins d'un demi-milligramme suffit) conserve une allure et un comportement apparemment normaux. On peut ainsi délivrer les doses de toutes sortes de manière, par inhalation, diluées dans une boisson. Un reportage en Colombie montre une prostituée d'une vingtaine d'année qui utilise la scopolamine depuis plusieurs années. Elle raconte comment elle entourloupe ses clients : "Je leur donne dans une boisson, ou je leur souffle la poudre sous leur nez pour qu'ils la respirent". Et use aussi de cette une technique plus élaborée. Après s'être bouché les trous de nez avec du coton pour éviter de respirer la drogue, elle en passe sur sa lèvre supérieure. Quand elle embrasse un client, celui-ci absorbe aussitôt cette "poudre du diable" en inspirant et l'effet est immédiat. Elle ajoute qu'elle ne sait combien d'hommes elle a ainsi drogués, dépouillés et rejetés à la rue sans qu'ils se souviennent même de l'avoir rencontrée. D'autres malfrats utilisent cette drogue pour dépouiller des gens, violer des femmes (qui ne s'en souviendront pas). Tout ceci étant confirmé lors de l'interview d'une responsable du centre de toxicologie de l'université de Bogota lors du même reportage. La police colombienne confirme tous ces aspects. Dans la même émission les journalistes interviewent un narcotrafiquant qui leur fournit cette drogue sous l'aspect d'une poudre blanche, de l'extrait des graines de Datura, décoloré par voie chimique. Il ést fait état de plusieurs enquêtes auprès de personnes de divers milieux qui ont été victimes de gens sachant manier cette drogue. Les voleurs peuvent alors tranquillement les emmener dans leur banque et leur demander de vider leur compte. Leurs victimes s'exécutent sans garder aucun souvenir de la façon dont elles se sont fait arnaquer.

Auteur: Mg

Info: 20 octobre 2013

[ astuce ] [ drogue ]

 

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illusion théologique

Il en résulte, en second lieu, que les hommes agissent toujours en vue d’une fin, savoir, leur utilité propre, objet naturel de leur désir ; et de là vient que pour toutes les actions possibles ils ne demandent jamais à en connaître que les causes finales, et dès qu’ils les connaissent, ils restent en repos, n’ayant plus dans l’esprit aucun motif d’incertitude …
Or, les hommes venant à rencontrer hors d’eux et en eux-mêmes un grand nombre de moyens qui leur sont d’un grand secours pour se procurer les choses utiles, par exemple les yeux pour voir, les dents pour mâcher, les végétaux et les animaux pour se nourrir, le soleil pour s’éclairer, la mer pour nourrir les poissons, etc., ils ne considèrent plus tous les êtres de la nature que comme des moyens à leur usage ; et sachant bien d’ailleurs qu’ils ont rencontré, mais non préparé ces moyens, c’est pour eux une raison de croire qu’il existe un autre être qui les a disposés en leur faveur.
Du moment, en effet, qu’ils ont considéré les choses comme des moyens, ils n’ont pu croire qu’elles se fussent faites elles-mêmes, mais ils ont dû conclure qu’il y a un maître ou plusieurs maîtres de la nature, doués de liberté, comme l’homme, qui ont pris soin de toutes choses en faveur de l’humanité et ont tout fait pour son usage. Et c’est ainsi que n’ayant rien pu apprendre sur le caractère de ces puissances, ils en ont jugé par leur propre caractère ; d’où ils ont été amenés à croire que si les dieux règlent tout pour l’usage des hommes, c’est afin de se les attacher et d’en recevoir les plus grands honneurs ; et chacun dès lors a inventé, suivant son caractère, des moyens divers d’honorer Dieu, afin d’obtenir que Dieu l’aimât d’un amour de prédilection, et fît servir la nature entière à la satisfaction de ses aveugles désirs et de sa cupidité insatiable. Voilà donc comment ce préjugé s’est tourné en superstition et a jeté dans les âmes de profondes racines, et c’est ce qui a produit cette tendance universelle à concevoir des causes finales et à les rechercher. Mais tous ces efforts pour montrer que la nature ne fait rien en vain, c’est-à-dire rien d’inutile aux hommes, n’ont abouti qu’à un résultat, c’est de montrer que la nature et les dieux et les hommes sont privés de raison.

Auteur: Spinoza Baruch

Info: Éthique, appendice de la première partie

[ anthropocentrisme ] [ animisme moderne ] [ interprétation du monde ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

théorie-pratique

- Le jeune Tchitcherine est celui qui évoqua les narcotiques politiques. L'opium du peuple.

Wimpe lui rendit son sourire. Un vieux, très vieux sourire, apte à refroidir même le feu vivant au cœur de la Terre.

- La dialectique marxiste ? Ce n'est pas un opiacé, hein ?

- C'est l'antidote.

- Non. Ça peut aller dans les deux sens. Le vendeur de drogue peut savoir tout ce qui va arriver à Tchitcherine, et décider que c'est sans importance, ou bien, suivant la velleïté du moment, il décide de mettre à l'abri le jeune imbécile.

- Le problème fondamental... a toujours été de faire mourir les autres pour soi. Qu'est-ce qui vaut assez pour qu'un homme donne sa vie ? C'est là que la religion a eu l'avantage pendant des siècles. La religion a toujours été une question de mort. Elle n'était pas utilisée comme un opiacé mais plutôt comme une technique - elle faisait mourir les gens pour un ensemble particulier de croyances sur la mort. Pervers, natürlich, mais qui es-tu pour juger ? C'était un bon argument tant que ça marchait. Mais depuis que c'est devenu impossible de mourir pour cette mort là, nous avons une version laïque - la tienne. Mourir pour aider l'Histoire à atteindre sa forme prédestinée. Mourir en sachant que son acte apportera une fin meilleure et rapprochée. Suicide révolutionnaire, très bien. Mais regarde : si les changements de l'Histoire sont inévitables, pourquoi ne pas éviter de mourir ? Vaslav ? Si ça doit arriver de toute façon, quelle importance ?"

- Mais tu n'as jamais eu ce choix à faire, n'est-ce pas ?

- Si jamais j'avais à le faire, tu peux être sûr...

- Tu ne sais pas. Pas avant que tu y sois, Wimpe. Tu ne peux pas le dire.

- Tout ça n'est pas très dialectique.

- Je ne sais pas ce que c'est.

- Donc, jusqu'à la décision, dit Wimpe curieux mais prudent, un homme pourrait encore être parfaitement pur...

- Il peut être n'importe quoi. Je ne m'en soucie pas. Mais il n'est réel qu'aux points de décision. Le temps entre les deux n'a pas d'importance.

- Réel pour un marxiste.

- Non. Réel pour lui-même.

Wimpe reste dubitatif.

- Je suis passé par là. Pas toi. 

Auteur: Pynchon Thomas

Info: Gravity's Rainbow

[ décider ] [ trancher ] [ dialogue ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

self-estime

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris qu’en toutes circonstances, j’étais à la bonne place, au bon moment. Et, alors, j’ai pu me relaxer.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Estime de soi.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnelle, n’étaient rien d’autre qu’un signal lorsque je vais à l’encontre de mes convictions.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Authenticité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de vouloir une vie différente et j’ai commencé à voir que tout ce qui m’arrive contribue à ma croissance personnelle.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Maturité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à percevoir l’abus dans le fait de forcer une situation, ou une personne, dans le seul but d’obtenir ce que je veux, sachant très bien que ni la personne ni moi-même ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Respect.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à me libérer de tout ce qui ne m’était pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie. Au début, ma raison appelait ça de l’égoïsme.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Amour Propre.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé d’avoir peur du temps libre et j’ai arrêté de faire de grand plans, j’ai abandonné les méga – projets du futur. Aujourd’hui, je fais ce qui est correct, ce que j’aime, quand ça me plaît et à mon rythme.

Aujourd’hui, je sais que ça s’appelle … Simplicité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de chercher à toujours avoir raison et me suis rendu compte de toutes les fois où je me suis trompé.

Aujourd’hui, j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe.

Aujourd’hui, je vis une seule journée à la fois, et ça s’appelle … Plénitude.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir, mais si je la mets au service de mon cœur, elle devient un allié très précieux.

Tout ceci c’est le Savoir Vivre !

Auteur: Kim McMillen

Info: Le jour où je me suis aimé pour de vrai. Lu par Charlie Chaplin le jour de ses 70 ans

[ poème ]

 

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vieillesse

J’ai compté mes années et j'ai découvert qu’à partir de maintenant, j’ai moins de temps à vivre que ce que j’ai vécu jusqu’à présent…

Je me sens comme ce petit garçon qui a gagné un paquet de friandises: la première il la mangea avec plaisir, mais quand il s’aperçut qu’il lui en restait peu, il commença réellement à les savourer profondément.

Je n’ai plus de temps pour des réunions sans fin où nous discutons de lois, des règles, des procédures et des règlements, en sachant que cela n’aboutira à rien.

Je n’ai plus de temps pour supporter des gens stupides qui, malgré leur âge chronologique n’ont pas grandi.

Je n’ai plus de temps pour faire face à la médiocrité.

Je ne veux plus assister à des réunions où défilent des égos démesurés.

Je ne tolère plus les manipulateurs et opportunistes.

Je suis mal à l´aise avec les jaloux, qui cherchent à nuire aux plus capables, d’usurper leurs places, leurs talents et leurs réalisations.

Je déteste assister aux effets pervers qu’engendre la lutte pour un poste de haut rang.

Les gens ne discutent pas du contenu, seulement les titres.

Moi, mon temps est trop précieux pour discuter des titres.

Je veux l’essentiel, mon âme est dans l’urgence… il y a de moins en moins de friandises dans le paquet…

Je veux vivre à côté de gens humains, très humains, qui savent rire de leurs erreurs, qui ne se gonflent pas de leurs triomphes, qui ne se sentent pas élu avant l’heure, qui ne fuient pas leurs responsabilités, qui défendent la dignité humaine, et qui veulent marcher à côté de la vérité et l’honnêteté.

L’essentiel est ce que tu fais pour que la vie en vaille la peine.

Je veux m'entourer de gens qui peuvent toucher le cœur des autres… des gens à qui les coups durs de la vie leurs ont appris à grandir avec de la douceur dans l’âme.

Oui… je suis pressé de vivre avec l’intensité que la maturité peut m'apporter.

J’ai l’intention de ne pas perdre une seule partie des friandises qu´il me reste…

Je suis sûr qu’elles seront plus exquises que toutes celles que j´ai mangées jusqu’à présent.

Mon objectif est d’être enfin satisfait et en paix avec mes proches et ma conscience.

J’espère que la vôtre sera la même, parce que de toute façon, vous y arriverez…

Auteur: Andrade Mario Paul de Morais dit Mario de

Info:

[ maturité ] [ dégustation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

humanité

Chez les primates sociaux, la force brute, la ruse, l’intelligence manœuvrière, l’empathie et l’art de nouer des alliances – bref, toute la palette des comportements politiques – sont utilisés communément. Ce qui implique des sociétés régulées par le sexe et/ou par la baffe (voire le meurtre), avec comme limite acceptable aux comportements extrêmes, l’intérêt supérieur du groupe. Des sociétés qui reposent également sur un minimum d’équité où même les plus forts ont intérêt au partage, ne serait-ce que pour maintenir leur position. Ce fait politique (au sens de l’organisation permettant l’exercice du pouvoir) explique pourquoi dans une société aussi violente que celle des chimpanzés, ce sont souvent des vieilles femelles, beaucoup plus faibles physiquement que les jeunes mâles, qui dirigent le groupe. Elles allient une expérience précieuse à la survie de tous à une grande capacité à nouer des alliances, tout en sachant maintenir le dissensus à un niveau acceptable.
Mais s’il n’existe pas de différences comportementales fondamentales entre l’animal et l’homme, nous avons cependant la possibilité de partager des constructions mentales beaucoup plus élaborées. Sans doute sont-elles apparues et finalement sélectionnées par l’évolution pour l’énorme avantage qu’elles représentent (le partage d’un même univers mental sur l’habitus des différentes proies, et sur les actions coordonnées qu’il convient d’appliquer pour aller à leur contact en se servant de l’environnement immédiat).
Cependant, toutes les armes étant à double tranchant, il nous est possible également de créer des univers mentaux éloignés de la réalité, voire totalement déconnectés, comme le démontrent les idéologies mortifères passées ou présentes.
Dans nos sociétés ‘modernes’ immensément complexes et peuplées, il est bien plus facile de tricher (voir d’opter pour un comportement sociopathe), que dans un clan de quelques dizaines d’individus où chacun agit sous le regard de tous. Il semble même, que plus vous êtes riche moins vous êtes moral ! Comme tendraient à le démontrer les expériences du professeur Paul Piff de l’université de Berkeley, qui mettent en évidence une plus grande cupidité et un comportement moins respectueux des règles pour les catégories à hauts revenus.
Et de fait, les classes les plus favorisées (les 0,1% et leurs affidés du 1%) peuvent désormais partager un même univers mental, ainsi que les artefacts qui vont avec (‘marchés’, havres fiscaux, etc). Ce faisant, ils inversent les valeurs ; les bases biologiques de nos comportements comme l’altruisme, la morale ou la simple décence – toutes choses héritées de l’état de nature – ne leur sont plus nécessaires. Pire, ces bases deviennent dans leur univers mental, des faiblesses empêchant une prédation sans limites. Loin des discours de façade, ne sont-ils pas les vrais maîtres du monde ?

Auteur: Boulant Roberto

Info: Blog Jorion, 16 janv. 2017

[ ethnologie ] [ oligarchie ] [ question ] [ éthologie ]

 

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penseurs

Question : Gómez Dávila entretenait une méfiance vis-à-vis de la philosophie qu’il réduisait volontiers à une simple rhétorique. Pourquoi cette critique de la philosophie chez lui sachant que son œuvre n’est pas seulement un exercice littéraire mais bien la défense de vues proprement philosophiques ?

Réponse : En paphrasant Pascal, je dirai que se méfier de la philosophie, c’est vraiment philosopher. Cette méfiance, en dehors de son aspect proprement méthodologique, tient certainement à la fois à son scepticisme et à son fidéisme. Méfiant par tempérament des nouveautés philosophiques et des systèmes totalisants de la modernité ou post-modernité. Il s’agit là de la même défiance que l’on trouvait chez certains, dont il est l’héritier, à l’égard de ceux que l’on appelait les "Philosophes" au XVIIIe.

L’ "anti-philosophie", ou la critique des "philosophes" est une caractéristique des penseurs contre-révolutionnaires et réactionnaires – à commencer par Joseph de Maistre – mais aussi des penseurs non-systématiques, existentiaux pour ne pas dire "existentialistes" (Pascal encore une fois, Kierkegaard, Nietzsche, Wittgenstein, etc.). Sa méfiance dans les pouvoirs de la raison, ou du rationalisme, de parvenir, seuls, à une quelconque vérité également. Ici, c’est l’héritier du romantisme, allemand mais pas seulement si l’on se souvient des critiques de Rousseau contre le culte de la science et de la raison de ses contemporains, autre facette des anti-Lumières. À l’instar d’un Pascal et d’un Rousseau ou Novalis, Gómez Dávila place la foi d’une part, puis le sentiment, la sensibilité ou l’intuition d’autre part, au-dessus de la raison et surtout de la ratiocination. Mais par ailleurs et paradoxalement, c’est également un héritier des Lumières et surtout de Voltaire par la dimension critique et même sarcastique de son œuvre, la liberté de sa pensée et le "grand style" de son écriture.

Pour finir, justement à propos de style, ce n’est pas tant la rhétorique qu’il méprise chez certains philosophes que le "jargon" c’est-à-dire, "l’impureté", voire l’absence, de style propre à l’expression technique du spécialiste (je renvoie sur ce sujet au paragraphe 101 du Gai savoir de Nietzsche dédié à Voltaire). Or selon Gómez Dávila, ainsi qu’il l’exprime à plusieurs reprises, la philosophie a besoin, pour sortir de sa routine académique et se revivifier, d’amateurs, de non-spécialistes ou "aficionados" tels que Socrate, Descartes, Hume, Kierkegaard, Nietzsche, etc. Pour lui, ainsi que j’ai essayé de le démontrer dans l’ouvrage en suivant l’interprétation de Pierre Hadot, la philosophie est plus une manière de vivre qu’une profession ; ou, si elle était un métier, ce serait un "métier de vivre" pour reprendre la belle formule de Pavese. Il y a incontestablement une dimension existentielle de la philosophie qui échappe, par définition, aux universitaires.

Auteur: Rabier Michaël

Info: https://philitt.fr/2021/03/05/

[ historique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

guitare

Cher Monsieur Reinhardt,
En Juillet dernier, je fus convié à participer à New York à un colloque sur la paix dans le monde. Le soir venu, avec quelques amis, nous nous sommes rendus au Café Society à Greenwich village afin d'assister au concert donné par Duke Ellington, car on nous avait informé que vous étiez maintenant membre de son orchestre et telle ne fut pas notre surprise de constater votre absence.
À la fin du concert, j'allais féliciter Monsieur Ellington pour sa prestation pianistique et la grande qualité de son orchestre.
Il nous présenta la très chaleureuse Rosetta Tharpe qui assurait la première partie de la soirée. C'est une femme très douée, pourvue de grandes qualités morales s'accompagnant d'une étrange guitare, possédant en son centre une espèce de couvercle de métal vibrant engendrant un son envoûtant correspondant parfaitement à son répertoire au caractère très spirituel.
Vous pensant quelque peu souffrant, j'interrogeais Monsieur Ellington, qui eut l'air navré de ne pas satisfaire ma requête, ne sachant pas où vous étiez présentement. Il me rassura sur votre état de santé et me confia que la veille au soir vous étiez dans une " forme électrique" (c'est le terme qu'il a employé). J'en déduisis que vous étiez en bonne santé tout en constatant que Monsieur Ellington avait une conception quelque peu personnelle de l'électricité. Très posément, il me fit votre éloge vantant vos qualités d'expressions hors normes laissant même ses propres musiciens dont le jovial Fred Guy, subjugués par votre facilité à changer de tonalité dans l'improvisation.
J'ai cru comprendre que vos habitudes étaient peu compatibles avec la rigueur imposée par les tournées américaines et comme je vous comprends : toute ma vie, j'ai lutté pour la liberté et je continue à lutter contre toutes les contraintes susceptibles de juguler l'esprit créatif si cher au musicien comme au scientifique.
Vous et moi sommes de la famille des déracinés, quelque part nous sommes des incompris et je serais le plus heureux des hommes le jour où je vous serrerais la main. Et ce jour-là, nous pourrions échanger, si vous n'y voyez pas offense quelques notes, vous et votre guitare que beaucoup considèrent comme exceptionnelle et moi avec mon violon, un Aegidius Klotz de très bonne facture que ma mère avait exigé de mon père qu'il l'achetât afin que j'entreprenne une carrière de violoniste, car tels étaient ses désirs... J'en joue encore un peu à l'occasion lorsque j'ai besoin de ressentir, et je pense que vous me rejoindrez sur ce thème, la sphéricité du tout qui est si peu de chose comparé au vide créateur.
Nous nous rencontrerons un jour, j'en suis sûr, car rien n'est établi.
Sincèrement vôtre.

Auteur: Einstein Albert

Info: Lettre du 15 Septembre 1946

[ jazz ]

 

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femmes-hommes

Une femme de trente ans a d'irrésistibles attraits pour un jeune homme; et rien de plus naturel, de plus fortement tissu, de mieux préétabli que les attachements profonds dont tant d'exemples nous sont offerts dans le monde entre une femme comme la marquise et un jeune homme tel que Vandenesse. En effet, une jeune fille a trop d'illusions, trop d'inexpérience, et le sexe est trop complice de son amour, pour qu'un jeune homme puisse en être flatté; tandis qu'une femme connaît toute l'étendue des sacrifices à faire. Là, où l'une est entraînée par la curiosité, par des séductions étrangères à celles de l'amour, l'autre obéit à un sentiment consciencieux. L'une cède, l'autre choisit. Ce choix n'est-il pas déjà une immense flatterie? Armée d'un savoir presque toujours chèrement payé par des malheurs, en se donnant, la femme expérimentée semble donner plus qu'elle-même; tandis que la jeune fille, ignorante et crédule, ne sachant rien, ne peut rien comparer rien apprécier; elle accepte l'amour et l'étudie. L'une nous instruit, nous conseille à un âge où l'on aime à se laisser guider, où l'obéissance est un plaisir; l'autre veut tout apprendre et se montre naïve là où l'autre est tendre. Celle-là ne vous présente qu'un seul triomphe, celle-ci vous oblige à des combats perpétuels. La première n'a que des larmes et des plaisirs, la seconde a des voluptés et des remords. Pour qu'une jeune fille soit la maîtresse, elle doit être trop corrompue, et on l'abandonne alors avec horreur; tandis qu'une femme a mille moyens de conserver tout à la fois son pouvoir et sa dignité. L'une, trop soumise, vous offre les tristes sécurités du repos; l'autre perd trop pour ne pas demander à l'amour ses mille métamorphoses. L'une se déshonore toute seule, l'autre tue à votre profit une famille entière. La jeune fille n'a qu'une coquetterie, et croit avoir tout dit quand elle a quitté son vêtement; mais la femme en a d'innombrables et se cache sous mille voiles; enfin elle caresse toutes les vanités, et la novice n'en flatte qu'une. Il s'émeut d'ailleurs des indécisions, des terreurs, des craintes, des troubles et des orages, chez la femme de trente ans, qui ne se rencontrent jamais dans l'amour d'une jeune fille. Arrivée à cet âge, la femme demande à un jeune homme de lui restituer l'estime qu'elle lui a sacrifiée ; elle ne vit que pour lui, s'occupe de son avenir, lui veut une belle vie, la lui ordonne glorieuse ; elle obéit, elle prie et commande, s'abaisse et s'élève, et sait consoler en mille occasions, où la jeune fille ne sait que gémir. Enfin, outre tous les avantages de sa position, la femme de trente ans peut se faire jeune fille, jouer tous les rôles, être pudique, et s'embellit même d'un malheur. Entre elles deux se trouve l'incommensurable différence du prévu à l'imprévu, de la force à la faiblesse. La femme de trente ans satisfait tout, et la jeune fille, sous peine de ne pas être, doit ne rien satisfaire. Ces idées se développent au coeur d'un jeune homme, et composent chez lui la plus forte des passions, car elle réunit les sentiments factices créés par les moeurs, aux sentiments réels de la nature.

Auteur: Balzac Honoré de

Info: La femme de trente ans, p.148, GF no69

[ femmes-par-homme ] [ trentenaire ]

 

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