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vie religieuse

Pour nous, Chartreux, la rectitude est évidemment dans la voie tracée par la règle. C’est un grand avantage de mener une vie toute simple comme la nôtre, où ces embarras, ces intrigues et ces ambitions qui troublent le cœur des gens du monde n’ont pas de place. Notre vie est comme le pain azyme, tout pur et tout blanc, que le prêtre va consacrer. Un Chartreux qui fait simplement son devoir est tout prêt pour cette offrande et cette consécration.

La deuxième condition est la solitude du cœur. Notre cœur est un temple plus grand que celui de Jérusalem. Nous devons être seuls dans ce temple avec Dieu et la Sainte Vierge : car celle-ci ne trouble pas la solitude avec Dieu, mais elle l’assure. Il faut qu’il y règne un grand silence et un grand calme : point de bruit, nulle discussion surtout. [...] Non seulement notre cœur ne doit pas être occupé par le souci des autres, mais il ne faut pas qu’il le soit par le souci de nous-mêmes.

Assurément, nous devons regretter nos péchés, et surtout faire tout notre possible pour devenir chaque jour meilleurs, mais la pensée de nos imperfections ne doit nullement nous préoccuper : c’est à Dieu que nous devons penser, et non pas à nous-mêmes. Nous féliciter d’être ceci, nous inquiéter d’être cela : si longtemps que de telles choses nous occupent, Marie ne peut exercer en nous son sacerdoce virginal.

La solitude du cœur ainsi comprise est toute proche de l’abandon, troisième condition pour que l’âme devienne une offrande agréable à Dieu dans les mains de Marie. Il nous faut faire à celle-ci le don de nos soucis, nous en remettre à elle pour toute chose, atteindre l’insouciance de l’enfant.

Auteur: Anonyme moine chartreux

Info: Dans "Amour et silence", éditions du Seuil, 1951, pages 91-93

[ travail spirituel ] [ ascèse ]

 
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christianisme

La formule "immaculée conception" en français remonte au moins à 1525. Elle s’impose peu à peu. Au début du XIXe siècle, elle est courante dans l’Église de France.

Cependant, ce n’est qu’en 1854 que le pape Pie IX promulgue ce dogme comme une vérité infaillible. Le dogme déclare : Marie, en vertu des mérites de Jésus-Christ, a été, dès le premier instant de sa conception, préservée de la tâche du péché originel. Dogme difficile à recevoir pour beaucoup de chrétiens catholiques ou non-catholiques, la foi les obligeant à croire que tous les êtres humains ont été marqués du péché originel et que seul le sacrifice du Christ, accompli sur la Croix, et dont la grâce est communiquée par le baptême, nous en a délivrés. Or, Marie n’a pas été baptisée et le sacrifice de la Croix n’était pas accompli au moment de sa naissance. Ces raisons de refuser le dogme continuent de valoir auprès de beaucoup de protestants et d’orthodoxes.

Mais le dogme de 1854 ne les ignore pas. il affirme au contraire que c’est en rapport au sacrifice du Christ que Marie dans sa conception a été préventivement préservée. Cette vérité est inscrite implicitement dans les paroles de l’Ange qui salue en Marie la "pleine de grâce". [...] Le privilège de Marie signifie que, dans son être le plus profond, elle est au contraire, et par elle-même, dans un état d’Alliance avec Dieu. Et c’est pourquoi Marie est nommée l’Arche d’Alliance.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1858, quatre ans après la proclamation de 1854, se produisit à Lourdes un événement inattendu et peut-être unique dans l’histoire de l’Église : la Vierge elle-même vient confirmer la déclaration romaine, confiant son message à une jeune fille illettrée, enfant d’un pauvre boulanger. [...]

Cette mystérieuse déclaration se répand alors dans le monde entier, plongeant les théologiens et les saints dans un abîme de réflexion, car elle ouvre une fenêtre sur le mystère de la sainte Trinité. Ce fut en particulier l’œuvre d’un prêtre polonais, franciscain, le Père Maximilien Kolbe, missionnaire au Japon. Il fonde à Nagasaki un ordre des Chevaliers de l’Immaculée Conception et construit une chapelle dédiée à l’Immaculée... Ce sera la seule construction qui échappera miraculeusement à la bombe atomique.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 111 à 113

[ historique ] [ réfutation ] [ miracles ]

 

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art religieux

Le genre français, c’est un Jésus glorieux, en robe de brocart pourpré, entr’ouvrant, avec une céleste modestie, son sein, et dévoilant, du bout des doigts, à une visitandine enfarinée d’extase, un énorme cœur d’or couronné d’épines et rutilant comme une cuirasse.

C’est encore le même Jésus plastronné, déployant ses bras pour l’hypothétique embrassement de la multitude inattentive ; c’est l’éternelle Vierge sébacée, en proie à la même recette de désolation séculaire, tenant sur ses genoux, non seulement la tête, mais le corps entier d’un minable Fils, décloué suivant de cagneuses formules. Puis, les innumérables Immaculées Conceptions de Lourdes, en premières communiantes azurées d’un large ruban, offrant au ciel, à mains jointes, l’indubitable innocence de leur émail et de leur carmin.

Enfin, la tourbe polychrôme des subalternes élus : les saints Joseph, nourriciers et frisés, généralement vêtus d’un tartan rayé de bavures de limaces, offrant une fleur de pomme de terre à un poupon bénisseur ; les saints Vincent de Paul en réglisse, ramassant, avec une allégresse réfrénée, de petits monstres en stéarine, pleins de gratitude ; les saints Louis de France ingénus, porteurs de couronnes d’épines sur de petits coussins en peluche ; les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin, les mains croisées sur le virginal surplis, la bouche en cul de poule et les yeux noyés ; les saints François d’Assise, glauques ou céruléens, à force d’amour et de continence, dans le pain d’épice de leur pauvreté ; saint Pierre avec ses clefs, saint Paul avec son glaive, sainte Marie-Madeleine avec sa tête de mort, saint Jean-Baptiste avec son petit mouton, les martyrs palmés, les confesseurs mitrés, les vierges fleuries, les papes aux doigts spatulés d’infaillibles bénédictions, et l’infinie cohue des pompiers de chemins de croix.

Tout cela conditionné et tarifé sagement, confortablement, commercialement, économiquement. Riches ou pauvres, toutes les paroisses peuvent s’approvisionner de pieux simulacres en ces bazars, où se perpétue, pour le chaste assouvissement de l’œil des fidèles, l’indéracinable tradition raphaélique. Ces purgatives images dérivent, en effet, de la grande infusion détersive des madonistes ultramontains. Les avilisseurs italiens du grand Art mystique furent les incontestables ancêtres de ce crépi. Qu’ils eussent ou non le talent divin qu’on a si jobardement exalté sur les lyres de la rengaine, ils n’en furent pas moins les matelassiers du lit de prostitution où le paganisme fornicateur vint dépuceler la Beauté chrétienne. Et voilà leur progéniture !

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 229-230

[ critique ] [ description dégoûtée ] [ christianisme édulcoré ]

 

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magouilles

Il entra et se laissa tomber sur une chaise quelconque, non sans avoir projeté dans la direction du foyer un jet de salive épaisse dont la courbe inexactement calculée s’acheva dans la ficelle d’une carpette vermiculeuse qui garnissait le devant de la cheminée.

Pendant que la vieille se hâtait d’essuyer du pied cette ordure, il graillonna surérogatoirement quelques doléances préalables.

— Ah ! nom de Dieu, c’est rien loin, ce cochon de faubourg Honoré, et pas le rond pour prendre l’omnibus, sans compter qu’il a fallu poser pour l’attendre, ce peintre de mes pieds qui travaille pour les aristos. Il n’était pas encore levé à dix heures. Et pas trop poli avec ça. J’avais bonne envie de l’engueuler. Mais je me suis dit que c’était pour ta fille et que c’est pas trop tôt tout de même qu’elle nous foute un peu de galette depuis six mois qu’elle est à rien faire… Dis donc, vieille poison, y a rien à boire ici ?

L’interpellée lança vers le ciel deux grands bras arides, en accompagnant ce geste d’un très long soupir.

— Hélas ! mon doux Jésus, que répondrai-je à ce pauvre chéri qui se donne tant de mal pour sa malheureuse famille ? Vous êtes témoin, bonne Sainte Vierge, qu’il n’y a plus rien dans la maison, que tout ce qui valait deux sous a été porté au Mont-de-piété et que toutes les reconnaissances ont été engagées pour avoir du pain. Ah ! mon aimable Sauveur, quand me retirerez-vous de ce monde où j’ai déjà tant souffert ?

Le mot "souffert", visiblement travaillé depuis des années, expirait dans un sanglot.

Isidore, étendant la main, saisit à plein poing le jupon de la cafarde, et la secouant avec énergie :

— En voilà assez, hein ? Tu sais que je n’aime pas que tu me fasses ta sale gueule de jésuite. Si c’est une danse qu’y te faut, tu n’as qu’à le dire, tu seras servie illico, et à l’œil. Et puis, c’est pas tout ça, où est-elle, ta bougresse de fille ?

— Mais Zizi, tu sais bien qu’elle devait aller chez la cousine Amédée, au boulevard de Vaugirard, pour tâcher moyen de lui emprunter une pièce de cent sous. Elle m’a dit qu’elle ne serait pas plus d’une heure. Quand tu as frappé, je croyais que c’était elle qui rentrait.

— Tu ne m’avait pas dit ça, vieux corbillard. Sa cousine est une salope qui ne lui foutra pas un radis, puisqu’elle m’a refusé à moi, l’autre jour, en me disant qu’elle n’avait pas d’argent pour les pochardises. Je la retiens, celle-là. Ah ! bon Dieu de bon Dieu ! malheur de malheur ! ajouta-t-il presque à voix basse, c’est bibi qui se charge de lui chambarder sa boîte à punaises, quand viendra la prochaine. Enfin, suffit ! Nous l’attendrons en suçant nos pouces et nous verrons si Mademoiselle des Égards veut bien faire à ses vieux parents l’honneur de les écouter.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 34-35

[ combines ] [ dialogue ] [ farce ]

 

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romantisme

Il s'arrangeait pour mourir chaque fois du vol nuptial. Plus les femmes étaient légères et plus on le trouvait volatil. Tout le vocabulaire qui servait jadis à la fois aux artilleurs et aux amants, on pouvait l'utiliser pour lui : Pierre mettait en batterie, démasquait, foudroyait, démontait. C'était charmant car c'était jeune et, à quelques pluers près, cela arrangeait au fond tout le monde. Celles qu'il avait fait pleurer ou qui le giflaient ou avec qui il s'était vraiment brouillé, il les comptait sur ses doigts, le sémillant garçon. Il était né comme ça, étant d'une époque où l'amour ne déshonorait personne, où l'on ne se privait de rien, où les devoirs et obligations étaient d'un commun accord réduits au minimum. "Il n'y a pas de raison, disait pierre, pour qu'un train de plaisir ne soit pas aussi un train express."Son train était toujours plein et il n'avait jamais eu à déplorer de déraillement. Mais Pierre venait d'avoir trente-cinq ans. N'ayant pas rencontré l'amour, il commençait à le prendre en respect. "Le jour où je trouverai une femme sur laquelle je ne me jeterrai pas, se dit-il, c'est que je serai arrivé à destination." Il sentait qu'il n'aurait pas, ce jour-là, à renoncer à ses mauvaises habitudes, que ce seraient elles qui renonceraient à lui.

Hedwige l'attendait au salon. Le thé fumait sur le plateau ; une robe d'intérieur, du rouge des vieilles soies d'Orient, descendait à beaux plis sur son corps dur, comme une cascade sur un rocher. Cette mise en scène lui fit aussitôt désirer d'être dehors.

 - Sortons, dit-il, prenez un manteau. Je ne pourrai parler qu'en l'air.

Ils allèrent se promener sur la terrasse, à deux pas, par un crépuscule d'hiver, avec les premières lumières de Paris en contrebas et les grands arbres de la forêt qui s'arrêtaient en ligne au bord de la pelouse. Hedwige a accepté de l'accompagner sans faire d'embarras. Elle trouve naturel qu'une main qui n'est pas la sienne écrive son destin sur le mur. Elle s'en remet à Dieu du soin de sa conversation. Suivre Pierre dans ce parc ne l'a pas troublée. Elle est sereine, sage, courageuse. Ce sont les oies qui font sentinelle. Pierre aussi était très maitre de lui, très calme. Penchés l'un vers l'autre par la gravitation, leurs doigts se joignaient pour atteindre à une intelligence plus profonde d'une situation qui les distinguait des autres êtres et les faisait cependant ressembler à tous. Cette fin de jour corail et soufre, ce jardin peuplé de statues nues sous le ciel de neige, ces chênes noirs et balancés par la brise, toutes ces incantations romanesques, loin d'exciter Pierre l'engageaient à la pudeur et à la retenue. Il sentait grandir en lui une attente et il travaillait à la bien remplir car elle mentait au-delà, non de ses voeux, mais ce dont il se croyait capable. Comme le chrétien espère une sainte mort, il espérait une vraie vie. Le respect de ce qui lui arrive et de celle par qui cela est arrive - car Hedwige est innocente et vierge à tous les degrés - lui interdit tout geste agressif. Pour la première fois il prend sont temps et avec un plaisir infini, car il a l'existence devant lui et avance, d'une coulée naturelle, sur la route la plus grande, la plus connue ; une route dont il ignore la géographie et presque le nom, ne l'ayant jamais suivie ; une route faite pour les piètons et où les bolides ne passent pas. Il va frapper à la porte de l'oracle, comme les paysans à la porte de la sainte Vierge, pour demander si sa terre sera fertile. Il quitte le quotidien et entre dans le songe où vivent les enfants, les inventeurs, les fous, les tireurs de gros lots, le songe propice à l'accomplissement des grands desseins, non des petits désirs. C'est pourquoi il a une densité de dormeur, des lenteurs de plongeurs au fond des mers. Hediwge regarde cet homme de toujours comme un homme d'aujourd'hui. Chaque jeunesse de femme n'a qu'un type d'homme comme chaque génération n'a qu'un auteur et chaque auteur n'est jamais fidèle qu'à seul héros. La nuit est venue. Pierre ne sait plus pendant combien de temps il est resté assis sur ce ban sans décroiser les jambes ; près de lui Hedwige n'a pas bougé, elle dont les flexions sont si belles. À leurs pieds, le sol désolé par l'hiver est aride, squelettique et les pierres gelées des balustres se brisent comme des esquilles. En haut la voie lactée ressemble à une piste de caravane usée par d'anciens soleils. 

- Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, dit soudain Pierre, je suis prêt à vous attendre tant qu'il le faudra et je suis décidé à n'épouser personne d'autre que vous.

Hedwige se rapprocha de lui et mit sa tête sur son épaule.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.145, 146, 147)

[ étreinte ] [ passion naissante ] [ bilan ] [ délicatesse ] [ beauté ] [ dimension sacrificielle ]

 

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repentir

Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme

Et comme un soldat répand son sang pour la patrie,

Je voudrais pouvoir mettre mon cœur avec mon âme

Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.



Mais je suis, hélas ! un pauvre pécheur trop indigne,

Ma voix hurlerait parmi le chœur des voix des justes :

Ivre encor du vin amer de la terrestre vigne,

Elle pourrait offenser des oreilles augustes.



Il faut un cœur pur comme l'eau qui jaillit des roches,

Il faut qu'un enfant vêtu de lin soit notre emblème,

Qu'un agneau bêlant n'éveille en nous aucuns reproches,

Que l'innocence nous ceigne un brûlant diadème,



Il faut tout cela pour oser dire vos louanges,

Ô vous Vierge Mère, ô vous Marie Immaculée,

Vous blanche à travers les battements d'ailes des anges,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.



Du moins je ferai savoir à qui voudra l'entendre

Comment il advint qu'une âme des plus égarées,

Grâce à ces regards cléments de votre gloire tendre,

Revint au bercail des Innocences ignorées.



Innocence, ô belle après l'Ignorance inouïe,

Eau claire du cœur après le feu vierge de l'âme,

Paupière de grâce sur la prunelle éblouie,

Désaltèrement du cerf rompu d'amour qui brame !



Ce fut un amant dans toute la force du terme :

Il avait connu toute la chair, infâme ou vierge,

Et la profondeur monstrueuse d'un épiderme,

Et le sang d'un cœur, cire vermeille pour son cierge !



Ce fut un athée, et qui poussait loin sa logique

Tout en méprisant les fadaises qu'elle autorise,

Et comme un forçat qui remâche une vieille chique

Il aimait le jus flasque de la mécréantise.



Ce fut un brutal, ce fut un ivrogne des rues,

Ce fut un mari comme on en rencontre aux barrières ;

Bon que les amours premières fussent disparues,

Mais cela n'excuse en rien l'excès de ses manières.



Ce fut, et quel préjudice ! un Parisien fade,

Vous savez, de ces provinciaux cent fois plus pires

Qui prennent au sérieux la plus sotte cascade,

Sans s'apercevoir, ô leur âme, que tu respires ;



Race de théâtre et de boutique dont les vices

Eux-mêmes, avec leur odeur rance et renfermée,

Lèveraient le cœur à des sauvages leurs complices,

Race de trottoir, race d'égout et de fumée !



Enfin un sot, un infatué de ce temps bête

(Dont l'esprit au fond consiste à boire de la bière)

Et par-dessus tout une folle tête inquiète,

Un cœur à tous vents, vraiment mais vilement sincère.



Mais sans doute, et moi j'inclinerais fort à le croire,

Dans quelque coin bien discret et sûr de ce cœur même,

Il avait gardé comme qui dirait la mémoire

D'avoir été ces petits enfants que Jésus aime.



Avait-il, — et c'est vraiment plus vrai que vraisemblable,

Conservé dans le sanctuaire de sa cervelle

Votre nom, Marie, et votre titre vénérable,

Comme un mauvais prêtre ornerait encor sa chapelle ?



Ou tout bonnement peut-être qu'il était encore,

Malgré tout son vice et tout son crime et tout le reste,

Cet homme très simple qu'au moins sa candeur décore

En comparaison d'un monde autour que Dieu déteste.



Toujours est-il que ce grand pécheur eut des conduites

Folles à ce point d'en devenir trop maladroites

Si bien que les tribunaux s'en mirent, - et les suites !

Et le voyez-vous dans la plus étroite des boîtes ?



Cellules ! Prisons humanitaires ! Il faut taire

Votre horreur fadasse et ce progrès d'hypocrisie...

Puis il s'attendrit, il réfléchit. Par quel mystère,

Ô Marie, ô vous, de toute éternité choisie ?



Puis il se tourna vers votre Fils et vers Sa Mère,

Ô qu'il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite !

Que de larmes, quelle joie, ô Mère ! et pour vous plaire,

Tout de suite aussi le voilà qui bien vite quitte



Tout cet appareil d'orgueil et de pauvres malices,

Ce qu'on nomme esprit et ce qu'on nomme la Science,

Et les rires et les sourires où tu te plisses,

Lèvre des petits exégètes de l'incroyance !



Et le voilà qui s'agenouille et, bien humble, égrène

Entre ses doigts fiers les grains enflammés du Rosaire,

Implorant de Vous, la Mère, et la Sainte, et la Reine,

L'affranchissement d'être ce charnel, ô misère !



Ô qu'il voudrait bien ne plus savoir plus rien du monde

Qu'adorer obscurément la mystique sagesse,

Qu'aimer le cœur de Jésus dans l'extase profonde

De penser à vous en même temps pendant la Messe.



Ô faites cela, faites cette grâce à cette âme,

Ô vous, Vierge Mère, ô vous, Marie Immaculée,

Toute en argent parmi l'argent de l'épithalame,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.

Auteur: Verlaine Paul

Info: Un conte

[ prière ] [ poème ] [ autoportrait distancié ] [ métanoïa ] [ christianisme ] [ catholicisme ]

 

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