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dementia praecox

Souvent, l’anamnèse des patients comporte les notations suivantes : il (ou elle) a toujours été silencieux, enclin à la rumination mentale, effarouché, peu accessible à la société et aux amusements, jamais vraiment joyeux comme les autres. Ces personnes n’avaient donc jamais pu transférer leur libido dans le monde extérieur. Elles deviendront les éléments asociaux des asiles. Leur parole manque de vivacité. Du même ton, avec la même mimique, elles parleront du sujet le plus important comme du plus infime détail. Cependant, lorsque l’entretien touche à leur complexe, la réaction affective peut être très violente.

A certains égards, les malades atteints de démence précoce sont très suggestibles. […] Mais cette suggestibilité diffère de celle des hystériques. Elle me paraît due au fait que le patient ne se rebiffe pas contre telle ou telle influence, du fait de son indifférence du moment […]. Il me semble donc que cette suggestibilité est une absence de résistance. Elle s’inverse facilement en opposition. Le négativisme de la démence précoce est précisément le contraire du transfert. A l’inverse des hystériques, les patients ne sont que faiblement accessibles à l’hypnose. Un essai de psychanalyse nous convaincra de l’absence de transfert ; c’est pourquoi cette méthode n’est pas une thérapeutique de la démence précoce.

[…] ils ne sont jamais gais. Ils n’ont pas le sens de l’humour. Leur rire est superficiel, forcé ou grossièrement érotique, jamais cordial. Souvent d’ailleurs, il n’est pas signe de gaieté, mais dû au fait que le complexe a été touché. […] Avec l’attachement aux êtres disparaît l’attachement pour l’activité, la profession. Les patients se replient sur eux-mêmes, et il me semble particulièrement caractéristique qu’ils ne connaissent pas l’ennui. Il est vrai qu’on peut les éduquer, pour la plupart d’entre eux, à accomplir un travail utile. Pour y parvenir, il faut leur suggérer de travailler. Les patients se soumettent sans trouver de satisfaction à leur activité. Lorsque la suggestion cesse, ils s’arrêtent. Il existe une exception apparente : les patients travaillant du matin au soir, infatigablement, sans trêve. Ces travaux se font alors à la faveur d’un complexe. […]

Les patients n’entretiennent plus un rapport intime avec leurs objets, leur bien. Ce qui les entoure est dépourvu de charme pour eux. Il leur arrive d’exprimer un désir intense d’un objet ; mais l’accomplissement de leur demande reste sans effet. Certains objets sont protégés avec sollicité, mais, à l’occasion, on découvre que l’attachement n’est pas réel. Ainsi, un patient collectionnait des pierres ordinaires, les déclarait précieuses et leur attribuait une valeur énorme. Le tiroir où il les conservait finit par céder sous le poids. Lorsqu’on enleva les pierres, le patient protesta contre cette atteinte à son droit. Mais il ne regretta pas les joyaux perdus, il refit une collection de graviers. Ceux-ci convenaient aussi bien comme symboles de sa fortune que la collection précédente.

Auteur: Karl Abraham

Info: Les différences psychosexuelles entre l’hystérie et la démence précoce (1908), trad. Olivier Mannoni

[ description clinique ]

 
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psychanalyse

Le transfert est déjà en puissance analyse de la suggestion, il est lui-même la possibilité de l’analyse de la suggestion, il est articulation seconde de ce qui, dans la suggestion, s’impose purement et simplement au sujet. En d’autres termes, la ligne d’horizon sur laquelle la suggestion se base est là, au niveau de la demande, celle que fait le sujet à l’analyste par le seul fait qu’il est là.

Cette demande n’est pas sans variété. [...] Mais quelle importance cela a-t-il de savoir la place de la demande ?  - puisque l’analyste, même s’il ne répond pas à la demande, d’être seulement institué, y répond, ce qui est constitutif de tous les effets de suggestion.

[...] Le transfert est ici conçu comme la prise du pouvoir de l’analyste sur le sujet, comme le lien affectif qui fait le sujet dépendre de lui, et dont il est légitime que nous usions pour qu’une interprétation passe. [...] Pour appeler les choses par leur nom, c’est parce que le patient est arrivé à bien nous aimer que nos interprétations sont ingurgitées. Nous sommes sur le plan de la suggestion. Or, bien entendu, Freud n’entend pas se limiter à cela.

On nous dit – Oui, c’est simple, nous allons analyser le transfert, vous verrez, ça fait tout à fait s’évanouir le transfert. [...] Considérer que l’on se distingue de celui qui prend appui sur son pouvoir sur le patient pour faire passer l’interprétation, donc qui suggère, en ceci que l’on va analyser cet effet de pouvoir, qu’est-ce d’autre que de renvoyer la question à l’infini ? – puisque c’est encore à partir du transfert que l’on analysera le fait que le sujet ait accepté l’interprétation. Il n’y a aucune possibilité de sortir par cette voie du cercle infernal de la suggestion. Or, nous supposons justement qu’autre chose est possible. C’est donc que le transfert est autre chose que l’usage d’un pouvoir.

Le transfert est déjà en lui-même un champ ouvert, la possibilité d’une articulation signifiante autre et différente de celle qui enferme le sujet dans la demande [...] C’est quelque chose d’articulé qui est en puissance au-delà de ce qui s’articule sur le plan de la demande, où vous trouverez la ligne de la suggestion. [...]

S’il y a transfert, c’est très précisément pour que cette ligne supérieure [horizon du transfert] soit maintenue sur un autre plan que sur celui de la suggestion, à savoir qu’elle soit visée, non pas comme quelque chose à quoi ne répond aucune satisfaction de la demande, mais comme une articulation signifiante en tant que telle. [...]

Vous me direz – Quelle est l’opération qui fait que nous les maintenons distinctes ? Notre opération est justement abstinente ou abstentionniste. Elle consiste à ne jamais ratifier la demande comme telle.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 427 à 429

[ défini ] [ inconscient ] [ problèmes ]

 

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désir

En se souriant, ils se réjouissaient mutuellement de leur présence, une pure présence, à laquelle on ne pouvait réfléchir, qu’on ne pouvait même connaître. Mais les yeux de Birkin avaient une grimace légèrement ironique.

Elle était étrangement attirée vers lui, comme par un charme. S’agenouillant sur le tapis devant lui, elle noua ses mains derrière ses reins et appuya la tête contre ses cuisses. Richesse ! Richesse ! Elle se sentait submergée par tout un ciel plein de richesses.

- Nous nous aimons, dit-elle, ravie.

- Mieux que cela, répondit-il, en la regardant, le visage rayonnant de plaisir.

Inconsciemment, du bout de ses doigts sensibles, elle suivait la ligne de ses cuisses, y poursuivant un mystérieux courant de vie. Elle avait découvert quelque chose de plus merveilleux que la vie elle-même. C’était l’étrange mystère du mouvement vital, là, sur le derrière de ses cuisses, le long de ses flancs. C’était une étrange réalité de Birkin, l’étoffe même de son être, là sur la chute bien droite de ses cuisses. C’est là qu’elle découvrit qu’il était l’un des fils de Dieu tels qu’ils vivaient au commencement du monde, pas un homme, mais quelque chose d’autre, quelque chose de plus.

C’était un soulagement, enfin. Elle avait eu des amoureux. Elle avait connu la passion ; mais ceci n’était ni l’amour ni la passion. C’était le retour des filles des hommes vers les fils de Dieu, les fils de Dieu étranges et inhumains qui furent au commencement du monde.

Maintenant, son visage était un éblouissement de libre lumière dorée, tandis qu’elle levait les yeux vers lui, et appuyait ses mains en plein sur ses cuisses, par-derrière, comme il se tenait debout devant elle. Il la regardait et ses sourcils épais brillaient comme un diadème au-dessus de ses yeux. Elle était belle comme une fleur merveilleuse nouvellement ouverte à ses genoux, fleur paradisiaque, et non plus une femme, mais une fleur de clarté. Pourtant, il y avait encore en lui un certain embarras. Il n’aimait pas ce rayonnement, cet agenouillement, du moins pas entièrement.

Pour elle, tout était terminé. Elle avait trouvé un fils de Dieu du Commencement du Monde, et lui, il avait trouvé une des plus lumineuses filles des hommes.

Elle suivait avec les mains la ligne de ses reins et de ses cuisses et un feu vivant se transmettait ténébreusement de lui à elle. C’était un flux obscur de passion électrique que, mis en liberté en lui, elle attirait en elle. Elle avait créé un circuit riche et nouveau, un nouveau courant d’énergie passionnelle qui allait de l’un à l’autre depuis les pôles les plus obscurs du corps, en formant un circuit parfait. C’était un sombre feu d’électricité qui jaillissait de lui à elle et les inondait tous deux de satisfaction et de paix somptueuse.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 451 à 453

[ homme-femme ] [ imaginaire ] [ sensations ] [ volupté ]

 

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vitesse

En plaçant l’allocation du temps au cœur du comportement de l’agent, Becker a ouvert une voie très prometteuse pour comprendre les comportements économiques et sociaux, mais aussi et surtout pour une économie politique en rupture avec le modèle des choix rationnels néo-classiques qui ne voient de la valeur que dans les activités marchandes et ignorent totalement toute autre contribution au progrès social, civique ou politique. Cette approche du temps économique constitue une rupture par rapport aux modèles économiques dominants (dans lesquels le temps est absent). Elle propose une nouvelle théorie de la consommation en fournissant la base d’une théorie de l’allocation optimale du temps. Dès lors que, à la suite de Becker, nous admettons que le temps est "un input" qui, au même titre que n’importe quel autre bien participe à la "production" de satisfaction, nous devons admettre l’idée de la substituabilité entre temps et dépense. Nous voyons ici que nous sommes très loin de la conception limitée du temps au simple facteur de production de bien marchands qui se retrouve dans le concept de temps abstrait. Dorénavant, selon le principe des courbes d’indifférence cher aux économistes, notre agent économique aura le choix entre acheter plus de biens ou utiliser plus de temps pour obtenir une même satisfaction en fonction des prix relatifs des biens et du temps. C’est ici que Becker aura été le plus visionnaire car, dès les années 1960 il imaginait que notre temps deviendrait rare et que, en conséquence, son prix allait augmenter. De mon point de vue, il a ainsi parfaitement décrit l’une des conséquences de ce que j’appelle l’accélération technocapitaliste : l’augmentation du prix du temps va entraîner un déplacement des productions à base de temps vers des productions à base de dépenses. Si l’on observe nos comportements de consommation, la plupart des produits et services que nous consommons aujourd’hui, notamment nombre d’objets que l’on considère a priori comme des gadgets, correspondent à une politique d’économie de temps. Le monde technocapitaliste est un monde d’hyper consommation qui s’explique non plus par l’apparition de besoins réellement nouveaux, mais bien plutôt par notre préférence à la dépense plutôt qu’au temps. Une autre conséquence majeure de cette accélération technocapitaliste est que le temps, devenant une ressource toujours plus rare, se transforme en un actif dont les entreprises vont chercher à s’emparer. Cette captation du temps que nous ressentons tous est l’une des causes de la grande transformation anthropologique à laquelle nous assistons : le remplacement d’homo œconomicus par un homme capable d’accepter nombre de limitations à sa liberté en échange de toujours plus de consommation, c’est cet homme que nous appelons homo festivus numericus. Comme les chimistes des cigarettiers étaient payés pour rendre les fumeurs de plus en plus dépendants, des milliers de chercheurs et d’ingénieurs le sont pour capter notre attention, pour transformer notre temps en un actif valorisable. Ainsi, à côté du marché des données, se crée le nouveau marché du temps.

Auteur: Vignes Renaud

Info: https://philitt.fr/2021/11/29/renaud-vignes-notre-temps-est-en-train-de-devenir-inhumain

[ loisirs ] [ travailleurs à domicile ]

 

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individu-collectif

Et dès le début du siècle une nouvelle science, la psychanalyse, explorant le vaste monde de l'inconscient, confirme que la solitude accompagne le processus de civilisation, et qu'elle ne peut que s'accroître dans la société moderne. C'est dans Le malaise de la culture que Freud établit le plus clairement ce fait. Le sentiment de solitude est une forme d'isolement volontaire – tout en étant inconscient – qui est lui-même une stratégie de défense de l'individu face aux agressions de la société civilisée. Celle-ci est en effet de plus en plus contraignante et répressive : "Il est impossible de ne pas voir dans quelle mesure la culture est édifié sur du renoncement pulsionnel, à quel point elle présuppose précisément la non-satisfaction (répression, refoulement et quoi d'autre encore ?) de puissantes pulsions. Ce refusement par la culture exerce sa domination sur le grand domaine des relations des hommes."

Dans l'état de civilisation, de culture, le principe de réalité entre en conflit avec le principe de plaisir, en multipliant les interdits. Dans le monde primitif, la satisfaction de nos instincts n'avait pour limite que notre faiblesse face à la nature et nos capacités physiques. Avec la civilisation, l'organisation sociale met en place une morale répressive qui nous empêche de satisfaire nos instincts naturels égoïstes. C'est pourquoi, selon Freud, "nous serions beaucoup plus heureux si nous l'abandonnions et retournions à des conditions primitives". Mais cela n'est pas possible. Alors les hommes mettent en place inconsciemment des stratégies "d'évitement du déplaisir." Elles sont de deux types contraires : aller vers les autres ou éviter les autres.

[…]

Et puis, il y a une autre stratégie d'isolement : le narcissisme, qui consiste à investir sur le moi toute l'énergie libidinale : "Le stade narcissique consiste en ceci : l'individu en voie de développement,[...] afin de conquérir un objet d'amour, se prend d'abord lui-même, il prend son propre corps pour objet d'amour." C'est le narcissisme primaire. Dans le narcissisme secondaire, c'est le moi entier qui est l'objet de l'investissement de l'énergie. L'individu atteint alors la solitude, il jouit de lui-même. Il s'agit d'une conduite régressive, un retrait de la libido du sujet vers lui-même, souvent causé par une déception due à l'objet extérieur du désir : celui-ci est désinvesti de sa charge libidinale, qui reflue vers le moi. C'est une réaction du moi face à un objet décevant et non fiable. La stratégie de l'ermite rejoint alors celle de Narcisse dans une conduite de bernard-l’hermite qui rentre dans sa coquille. Il se réfugie dans un monde qui, selon Lacan, "ne contient pas d'autrui". Protection bien fragile toutefois : la solitude narcissique est un leurre de plus. Freud l'avait bien vu dans sa description des "types libidinaux", où il décrit le caractère narcissique comme plus indépendant mais plus vulnérable. 

"Le danger du repli narcissique et du désinvestissement de l'objet expose le moi à des angoisses très menaçantes, les angoisses narcissiques", écrit André Green.


Auteur: Minois Georges

Info: Histoire de la solitude et des solitaires. XXe siècle

[ analysés ] [ surmoi ] [ sublimation ] [ vingtième siècle ]

 
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consumérisme

Qu'est-ce que la "liberté économique" ? On pourrait penser que ce concept renvoie à la liberté par rapport aux contraintes de la vie économique : se libérer de la nécessité de travailler pour manger, par exemple, ou de celle de choisir entre acheter des médicaments et payer le loyer.

Mais ce n'est pas le cas. La liberté économique n'est pas apparentée non plus à l'idée habituelle que nous nous faisons de la liberté politique : elle n'a pas de lien étroit avec la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté de réunion... des libertés qui donnent le droit de participer à la vie politique et d'influencer l'action publique. Elle ne désigne pas, par exemple, la satisfaction des besoins fondamentaux pour que l'expression culturelle et politique puisse s'épanouir.

Les grands théoriciens de la liberté économique ne sont pas des démocrates deweyiens ; promouvoir la participation collective à la prise de décision politique ne les intéresse pas. D'ailleurs, il y a antagonisme entre le concept conservateur de liberté économique et toute mesure engageant l'État à relever le niveau de vie de la masse de la population. La liberté économique s'oppose à des idées comme l'assurance maladie universelle, l'éducation publique gratuite et les subventions publiques aux beaux-arts, et elle s'y oppose encore plus si ces mesures doivent être financées par l'impôt progressif et redistributeur. Les politiques sociales mises en oeuvre par décision démocratique, comme dans le New Deal de Roosevelt, la Grande Société de Lyndon Johnson, pour ne rien dire du Chili de Salvador Allende [...], sont par leur nature même, selon ce mode de pensée, des atteintes à la liberté. En revanche, dans cette conception, le régime d'Augusto Pinochet, favorable au " libre marché ", a apporté " la liberté économique " au Chili.

On peut être libre économiquement sans avoir aucun droit d'expression politique, par exemple en vivant (ou d'ailleurs en mourant) sous la botte d'une junte militaire. La liberté économique consiste donc dans la capacité de vivre sa vie économique - et celle-là seulement - dans une sphère échappant au contrôle de l'État, donc réservée à l'interaction des forces privées. [...] C'est une liberté de dépenser. Pour mettre l'idée en perspective, il faut lui donner son vrai nom : la liberté d'acheter. On a tendance à ne pas trop s'attarder sur cette idée, au motif que c'est une absurdité manifeste, une perversion de langage, de dire que faire les magasins est une liberté. [...] La liberté de rechercher une gamme très diversifiée de biens et de services à des prix extrêmement variables, de la boutique haut de gamme à la grande surface et au magasin d'usine, se situe-t-elle vraiment sur le même pied que les autres sens du mot " liberté " ? Il est facile de pouffer devant l'idée même, si éloignée de notre conception progressiste de la liberté, fondement de la noble sphère des prises de décision politique et sociale. Mais on aurait tort de rire. L'étonnant, c'est le nombre de gens qui pensent ainsi, à quel point la notion conservatrice de liberté économique paraît intuitivement juste, et a pénétré en profondeur la vie moderne.

Auteur: Galbraith John Kenneth

Info: L'Etat prédateur : Comment la droite a renoncé au marché libre et pourquoi la gauche devrait en faire autant, Première partie : ENCORE UN DIEU QUI MEURT ; Chapitre 2 : La liberté d'acheter

[ marge de manoeuvre ] [ collectivisme ] [ fabrication du consentement ]

 

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culte hilare

Il y a deux manières de contester avec humour les dogmes religieux: les rejeter en s’en moquant ou, sans s’énerver, les mettre en concurrence pour les relativiser. C’est la différence entre la laïcité de Charlie Hebdo qui répugne à tous les signes religieux et la parodique Église pastafariste qui s’inspire des monothéismes pour s’inventer de nouveaux dogmes, si possible très farfelus. Une démonstration par l’absurde qui, in fine, profite à la communauté scientifique. 

Une création en quatre jours. A l’origine de ce mouvement, un étudiant en physique, Bobby Henderson. En 2005, il écrit une lettre ouverte pour manifester contre la décision de l’État du Kansas d’autoriser dans les cours de science l’enseignement du dessein intelligent, une variante du créationnisme, au même titre que la théorie de l’évolution. Si la foi vaut la preuve, se dit-il, alors n’importe quelle entité surnaturelle peut être mise au programme universitaire. Et pourquoi pas le pastafarisme qui célèbre le "Monstre en spaghetti volant", un Dieu qui ressemble à un plat de pâtes avec deux boulettes de viande en guise d’yeux ? 

L’étudiant lui imagine une genèse: une création de l’Univers en quatre jours – pour que les week-ends soient plus longs - avec quelques imperfections imputables à l’alcool. Car la Créature ne crache pas dans son verre. Ses membres vénèrent les pirates, premiers apôtres d’un monde alors pacifique, portent des passoires sur la tête et finissent leur prière par Ramen, du nom des nouilles japonaises. Ils ont leur fête mais point de commandements, seulement des recommandations qui commencent par "Ce serait mieux si…"

L’étudiant, qui ne reçoit aucune réponse de l’Université, publie sa lettre sur son site. Le message devient viral. La même année, il reçoit 80 000 dollars d’un magazine pour rédiger "L’Evangile du Monstre en spaghetti volant", vendu à 100 000 exemplaires. Le mouvement est perçu comme un "outil de subversion carnavalesque" ou comme "une blague bien plus rationnelle que le créationnisme". Mangas et séries d’animation, comme South Park, citent le pastafarisme, devenu une véritable culture populaire grâce à internet. Sur FB, les communautés pastafaristes se multiplient, chacune adaptant les préceptes à sa culture, ses besoins, ses goûts et ses couleurs. On ne compte plus les blogueurs et les sites consacrés à cet humanisme parodique, dont la mission est de veiller avec humour aux dérives du religieux, tout en apportant ses arguties dans divers débats théologiques. La Suisse romande et la Belgique y comptent plusieurs adeptes. 

Dieu + Dieu ne font jamais quatre. Une anti-religion peut-elle être considérée comme une religion? C’est la question à laquelle ont été confrontés plusieurs pays. Si les Etats-Unis, sauf le Texas, lui refusent le statut d’Eglise, les Pays-Bas et surtout la Nouvelle-Zélande lui ont accordé cette reconnaissance officielle, nécessaire à leur  démonstration: tous les monothéismes ont droit de cité mais aucun ne peut être mis sur le même pied que les faits scientifiques. 

Ce week-end a donc été célébré le premier mariage légal, en tenue de pirates, au large d’Akaroa. La cérémonie a été transmise en direct sur le web. Un premier pas symbolique pour les pastafaristes qui se battent pour faire valoir leurs droits, notamment celui de porter une passoire sur leurs documents officiels, comme d’autres la kippa, le voile ou le turban. De plus en plus d’adeptes obtiennent satisfaction. Chez les pastafaristes, c’est sûr, Dieu est Humour. 

Auteur: Martin Marie-Claude

Info: Le Temps, 19 avril 2016

[ fixisme vs évolutionnisme ] [ rite ridiculisant ] [ oecuménisme joyeux ]

 
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nécessité

Le philosophe produit des idées, le poète des poèmes, l’ecclésiastique des sermons, Le professeur des traités… Le criminel produit des crimes.

Si on regarde de plus près les rapports qui existent entre cette dernière branche de production et la société dans son ensemble, on reviendra de bien des préjugés.

Le criminel ne produit pas que des crimes : c’est lui qui produit le droit pénal, donc le Professeur de droit pénal, et donc l’inévitable traité dans lequel le professeur consigne ses cours afin de les mettre sur le marché en tant que "marchandise".

Il en résulte une augmentation de la richesse nationale, sans parler de la satisfaction intérieure que selon le professeur Roscher, témoin autorisé, le manuscrit du traité procure à son auteur.

Plus : le criminel produit tout l’appareil policier et judiciaire : gendarmes, juges, bourreaux, jurés, etc., et tous ces divers métiers, qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développent différentes facultés de l’esprit humain et créent en même temps de nouveaux besoins et de nouveaux moyens de les satisfaire.

La torture, à elle seule, a engendré les trouvailles mécaniques les plus ingénieuses, dont la Production procure de l’ouvrage à une foule d’honnêtes artisans.

Le criminel crée une sensation qui participe de la morale et du tragique, et ce faisant il fournit un "service" en remuant les sentiments moraux et esthétiques du public.

Il ne produit pas que des traités de droit pénal, des codes pénaux et, partant, des législateurs de droit pénal : il produit aussi de l’art, des belles-lettres, voire des tragédies, témoins non seulement La Faute de Müllner et Les Brigands de Schiller mais aussi Œdipe et Richard III.

Le criminel brise la monotonie et la sécurité quotidienne de la vie bourgeoise, la mettant ainsi à l’abri de la stagnation et suscitant cette incessante tension et agitation sans laquelle l’aiguillon de la concurrence elle-même s’émousserait. Il stimule ainsi les forces productives.

En même temps que le crime retire du marché du travail une part de la population en surnombre et qu’il réduit ainsi la concurrence entre travailleurs et contribue à empêcher les salaires de tomber au-dessous du minimum.

La lutte contre la criminalité absorbe une autre partie de cette même population. Ainsi le criminel opère une de ces "compensations" naturelles qui créent l’équilibre et suscitent une multitude de métiers "utiles".

On peut démontrer par le détail l’influence qu’exerce le criminel sur le développement de la force productive :

- Faute de voleurs, les serrures fussent-elles parvenues à leur stade actuel de perfection ?

- Faute de faux-monnayeurs, la fabrication des billets de banque ?

- Faute de fraudeurs, le microscope eût-il pénétré les sphères du commerce ordinaire (voir Babbage) ?

La chimie appliquée ne doit-elle pas autant aux tromperies et à leur répression qu’aux efforts Légitimes pour améliorer la production ?

En trouvant sans cesse de nouveaux moyens de s’attaquer à la propriété, le crime fait naître sans cesse de nouveaux moyens de la défendre, de sorte qu’il donne à la mécanisation une impulsion tout aussi productive que celle qui résulte des grèves.

En dehors du domaine du crime privé, le marché mondial serait-il né sans crimes nationaux ?

Et les nations elles-mêmes ?

Et depuis Adam, l’arbre du péché n’est-il pas en même temps l’arbre de la science ?

Auteur: Marx Karl

Info:

[ croissance économique ] [ développement culturel ] [ paradoxe ] [ ironie ] [ causes-effets ] [ justification ]

 

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outil technologique

Là où manque l'occasion d'extérioriser un talent, continue Feuerbach, le talent manque aussi ; (là où il n’y a pas d’espace pour l’action, il n'y a pas non plus d’impulsion : l’espace est la condition fondamentale de la vie de l’esprit : où l’espace manque pour extérioriser une capacité, manque aussi la capacité elle-même, etc.) ; et par suite, en conséquence, chaque nouvel appareil ou machine électrique dont la commodité s’installe dans notre privauté ou l’organisation sociale fait la dispense d’une capacité, d’un talent, d’une faculté que nous possédions auparavant ; opère une diminution fatale, une soustraction : chaque progrès technique abêtit la partie correspondante de l'homme, ne lui en laissant que la rhétorique, ainsi que Michelstaedter le rédigeait en 1910 à la lueur d’une lampe à huile : tous les progrès de la civilisation sont autant de régressions de l'individu (et qui se suicidait le lendemain). Nous autres dont la vie se déroule au crépuscule de ce long désenchantement à quoi le principe de rationalisme étroit et positif nous a réduits – régression qui “est essentielle au développement conséquent de la domination”, précise Adorno dans une annotation au Meilleur des mondes – pourrions être les témoins étonnés de ce processus de déperdition parvenu à son terme, si nous n’en étions pas, en notre personne, aussi le résultat.

C’est par définition qu’une victime d’un rétrécissement de la conscience n’en est pas consciente ; (d’où l’intérêt de ces tests de dépistage précoce de l’ESB humaine ou de l’Alzheimer pour en informer l’usager pendant qu’il comprend encore ce qu’on lui dit).

Suivons néanmoins cette idée (que notre conscience est conditionnée par notre présence physique dans le monde, que c’est l’obligation d'être là en personne qui nous fait conscients ; et qu’aussi bien c’est seulement par la conscience que nous pouvons être là en personne) : les appareils et machines de la vie facile, de la satisfaction immédiate et sans peine ne nous dépouillent donc pas seulement des facultés, talents et capacités qu’ils remplacent, mais, en même temps que de la fatigue à les employer, de l'effort et de l'attention indispensables, de la contrainte d’être là en personne ; et donc aussi de la conscience de soi, qui était seulement à l’occasion de cet exercice.

& c'est ici que je vous prie de renouveler votre attention : quand, fatigué, on prend l’ascenseur pour gagner son étage, qu’on est transféré directement de la rue à l’étage, on a forcément moins conscience de rentrer chez soi (et l’on ne peut pas se rendre compte de combien c’en est peu un) ; et l’on n’est pas seulement privé du temps passé avec soi-même en montant l’escalier, et avec la fatigue, du plaisir d’y atteindre, mais aussi bien de l’emploi de ses jambes : de la faculté de rentrer chez soi par ses propres moyens.

(Et c’est pourquoi ce sont des imbéciles ou des inconscients, ceux qui disent : c’est la même chose de recevoir des e-mails que des lettres dans la boîte au rez-de-chaussée : des malheureux surtout qui resteront toute leur existence dans l’ignorance de ce que c’est de remonter l’escalier dans la solitude de cette lettre qui n’est toujours pas venue, ou, enfin, un jour, qui est là avec son écriture dessus. Leur âme restera toujours vide de ces minutes-là, qui sont toute la clarté, toute la lumière, etc., “et nous restons sous leur emprise notre vie durant” ; de ces brefs moments “qui pourtant nous suffisent pour l’éternité” : par où notre existence est à elle-même sa propre éternité ; leur âme restera vide de cet escalier et un jour le néant les avalera comme se referme la porte automatique de l’ascenseur.)

Auteur: Bodinat Baudouin de pseudo

Info: La vie sur terre. Paris : Éditions de l’Encyclopédie des nuisances

[ critique ] [ réducteur d'expérience humaine ] [ appauvrissement sensible ] [ perte du poids de l'incarnation ]

 
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femmes-hommes

La fonction du fantasme, duquel se soutient notre désir, est de nous protéger de la fatale attraction du désir de l'Autre, originellement représenté par la mère - que me veut-elle? quel sorte d'objet suis-je pour elle? que voit-elle en moi? - sans le fantasme, qui est un séquence narrative originelle produite pour colmater le vide de l'inquiétante question, le sujet est sans recours...

Le phantasme originel est un scénario à partir duquel s'articule notre propre désir, mais il reste toujours référent du désir de l'Autre, voilà pourquoi notre désir, c'est toujours le désir de l'Autre, au double sens du génitif objectif et subjectif: ce que l'Autre désire de moi - ce que je désire en l'Autre.

Le désir de l'Autre, par delà le fantasme, reste toujours une question, une énigme, un mystère (sauf pour le sujet pervers qui s’imagine qu’il sait comment faire jouir l’autre...)

Comment se manifeste la différence sexuelle à partir de la formule lacanienne "le désir est toujours le désir de l’Autre ?"

Du côté masculin, pour le dire vite, les choses sont plutôt simples, voire simplistes : "le désir c’est toujours le désir de l’autre" signifie d’abord la compétition, l’envie, la concurrence : je veux ça parce que toi tu veux ça, tant que tu voudras ça, je le voudrai aussi, ce qui confère a priori sa désirabilité à un objet, c’est que quelqu’un d’autre le veuille ; l’objectif final est ici la négation de l’Autre (ce qui in fine ferait perdre toute valeur à l’objet, mais c’est précisément le paradoxe du désir envisagé du point de vue masculin).

Du côté féminin, "le désir est toujours le désir de l’Autre" s’entend plutôt : ce que je désire, je le désire à travers l’autre, à la fois dans le sens de: "laisser le soin à l’autre de le faire, posséder et jouir pour moi..." (mon mari, mon fils, mon amour, qui réussissent pour moi...) ; et aussi dans le sens de "mon désir est ce qu’il désire, la satisfaction de son désir comblera mon désir..." (Antigone, par exemple, qui désire satisfaire au désir de l’Autre en accomplissant le rituel funéraire pour son frère...)

La thèse qui en découle: que l’homme tendrait à agir directement en assumant son acte, tandis qu’une femme préfère agir par procuration, laissant l’autre faire à sa place (ou manipulant l’autre pour qu’il fasse...) peut apparaître ici comme un cliché donnant corps à la fameuse image de la femme dissimulée derrière chaque homme qui agit...

Et si pourtant ce cliché éculé était malgré tout ce qui pointe le plus sûrement vers la nature originellement féminine de la notion même de sujet ?

Et si le geste constitutif du sujet émergeant de sa gangue subjective n’était pas cette forme revendiquée d’autonomie de "faire quelque chose", mais bien plutôt la substitution primordiale qui laisse l’Autre faire pour moi, à ma place ?

Les femmes, bien plus que les hommes, ont cette capacité de "jouir par procuration", éprouver une intense satisfaction dans la conscience aiguë que leur "bien-aimé" jouit ou réussit d’une manière ou d’une autre à atteindre ses buts.

En ce sens précis, la "ruse de la raison" hégélienne repose sur la nature constitutivement féminine de ce que Hegel a appelé "raison".

La raison qui se cache tout en se réalisant elle-même dans l’apparente confusion des motifs et des actes égoïstes apparaît donc comme une variante hegelienne de la célèbre formule: "Cherchez la femme!", nous permettant ainsi de restituer sa complexité originelle à l’opposition courante entre l’homme "actif" et la femme "passive" ; la femme peut bien continuer à paraître passive tout en étant réellement active à travers l’Autre, tandis que l’homme peut bien se montrer actif alors qu’en vérité, il subit sa passivité, déniée, à travers l’Autre...

Auteur: Dubuis Santini Christian

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[ mimétisme ] [ mâles-femelles ] [ femmes-par-hommes ]

 

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