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architecture sonore

Les intervalles essentiels de la musique sont enracinés dans le discours humain
L'utilisation de 12 intervalles dans la musique de beaucoup de cultures humaines est enracinée dans la façon physique utilisée par notre anatomie vocale pour produire de la parole, selon des chercheurs de Duke University en neurologie cognitive.
Les notes particulières utilisées dans le son musical sonnent juste à nos oreilles en raison du travail spécifique de notre appareil vocal dans toutes les langues humaines, a déclaré Dale Purves, du George Barth Geller Professor for Research in Neurobiology.
Ce n'est pas quelque chose qu'on peut entendre directement, mais quand les bruits de la parole sont examinés avec un analyseur de spectre, les rapports entre les diverses fréquences qu'un individu emploie pour faire le son des voyelles correspond d'une manière quasi parfaite et ordonnée aux rapports entre les 12 notes de la gamme chromatique musicale, dit Purves. Ce travail a été mis en ligne le 24 mai. (téléchargement à http://www.pnas.org/cgi/reprint/0703140104v1)
Purves et les co-auteurs Deborah Ross et Jonathan Choi ont testé leur idée en enregistrant les langues indigènes chinoises et anglaise en faisant dire des bruits de voyelle avec des mots simples ainsi que dans des monologues courts. Ils ont alors comparé les ratios vocaux de fréquence aux ratios numériques qui définissent des notes dans la musique.
La vocalisation humaine vient basiquement des cordes vocales dans le larynx (la pomme d'Adam, dans le cou), qui créent une série de crêtes résonnant puissamment grâce au jet d'air montant des poumons. Ces crêtes de puissance sont alors modifiées par une multitude de moyens spectaculaires comme la déformation du palais mou, de la langue, des lèvres et d'autres parties encore. Notre anatomie vocale est plutôt comme un orgue dont on pourrait étirer, pincer ou élargir les tuyaux. Les anglophones produisent environ 50 bruits différents dans leur langue de cette façon.
Cependant, en dépit de la grande variation en anatomie humaine individuelle, les bruits de la parole produit par différents individus dans différentes langues produisent la même variété de ratios de résonance dit Purves.
Les deux plus basses de ces résonances, appelées formants, sont là pour les voyelles dans la parole. Enlevez ces deux premiers formants et vous ne pourrez rien comprendre de ce qu'une personne dit. La fréquence du premier formant est entre 200 et 1.000 cycles par seconde (hertz) et le deuxième entre 800 et 3.000 hertz.
Quand les chercheurs de Duke ont examiné les rapports de ces deux premiers formants avec les spectres du langage, ils ont constaté que les ratios montraient des relations avec la musique. Par exemple, le rapport des deux premiers formants dans la voyelle anglaise /a/, comme en "physique," pourrait correspondre à l'intervalle musical entre C et A sur un clavier de piano.
"Dans environ 70 pour cent des sons de ces discours, ces ratios tombaient pile sur des intervalles musicaux" dit Purves. "Cette prédominance des intervalles musicaux cachés dans la parole suggère que les notes de la gamme chromatique musicale sonnent juste à nos oreilles parce qu'elles correspondent aux rapports auxquels nous sommes exposés sans arrêt dans nos idiomes, bien que nous soyons tout à fait ignorants de la chose."
Peu de musique, excepté certains morceaux expérimentaux modernes, emploie chacun des 12 tons. La plupart des musiques emploient une gamme diatonique de 7 tons - ou gamme diatonique - pour diviser les octaves, et beaucoup de musique folklorique n'emploient que cinq tons, la gamme pentatonique.
Ces caractériellement correspondent aux ratios des formants les plus répandus dans la parole. Purves et ses collaborateurs travaillent maintenant afin de savoir si dans une culture donnée ou il y a une particularité de ces tons ou formants, ceci est lié aux rapports de formants particulièrement répandus dans la langue maternelle d'un groupe donné.
Purves et ses collaborateurs pensent également que ces résultats peuvent aider à éclairer un débat séculaire ; à savoir quel type d'accordages fonctionne le mieux pour les instruments. Dix des 12 intervalles harmoniques identifiés dans les discours anglais et mandarin ont "la bonne intonation" qui sonne plus juste pour la plupart des musiciens qualifiés. Ils ont trouvé beaucoup moins de correspondances avec d'autres systèmes d'accordages, y compris l'accordage à tempérament égal généralement utilisé aujourd'hui.
L'accordage a tempérament égal, dans lequel chacun des 12 intervalles de la gamme chromatique est exactement le même et un schéma qui permet à un groupe tel qu'un orchestre de jouer ensemble dans différentes clefs et au travers de beaucoup d'octaves. Bien qu'un accordage à tempérament égal sonne bien, c'est juste un compromis par rapport a quelque chose d'origine plus naturelle, vocalement dérivé d'intonation juste, dit Purves.
La prochaine étude de son groupe concernera notre compréhension intuitive comme quoi un morceau musical tend à paraître joyeux s'il est dans une tonalité majeure ou relativement triste dans une tonalité mineure. Ce qui pourrait aussi provenir de la voix humaine, suggère Purves.

Auteur: Fortean Times

Info: From Duke University

[ langage ] [ sciences ]

 

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technologie

Comment Internet modifie le cerveau
L'écran aspire-t-il notre cerveau ?
À force de passer des milliers d'heures à naviguer sur Internet, Nicholas Carr en est arrivé à une conclusion : Internet modifie l'esprit. Dans son dernier livre, Internet rend-il bête ?*, le journaliste et écrivain américain constate, comme de nombreux " travailleurs de l'écran ", qu'il a de plus en plus de mal à se concentrer sur une tâche complexe, ou même à ne faire qu'une seule chose à la fois. La vie en mode zapping fait des dégâts. " J'ai le sentiment désagréable que quelqu'un, ou quelque chose, bricole avec mon cerveau ", explique-t-il. Amoureux du Net, l'auteur a d'autant plus de difficultés à en dire du mal : Internet " est un si bon serviteur qu'il serait déplacé de remarquer qu'il est aussi notre maître ", s'amuse-t-il.
Ce qui importe, selon Nicholas Carr, ce n'est pas tant le contenu diffusé par les médias que la façon de les diffuser. " Les médias opèrent leur magie, ou leurs méfaits, sur le système nerveux lui-même ", explique-t-il. Notre cerveau est enfermé dans la boîte crânienne, ce qui nous laisse penser - à tort - qu'il serait insensible aux événements extérieurs ; qu'il les capterait et les analyserait sans en subir les influences. Mais " le cerveau est et sera toujours un chantier en cours ", rappelle l'auteur.
L'esprit devient affamé
Reprenant la thèse selon laquelle l'activité du cerveau le modèle et le façonne en permanence, comme l'eau qui coule dans le sable crée des chemins qu'elle empruntera toujours par la suite, Nicholas Carr tire la sonnette d'alarme. Les " médias électriques " ont changé notre façon de percevoir le monde. Radio, télévision, Internet : tous nous crient l'urgence de les consulter, au contraire des journaux papier et des " livres poussiéreux " d'antan, qui nous chuchotaient qu'on avait tout le temps pour les consulter au calme.
Résultat : "Le plongeur qui, naguère, explorait l'océan des mots, en rase maintenant la surface à la vitesse de l'éclair." Dans un clin d'oeil à Descartes, Nicholas Carr affirme même que " nous devenons ce que nous pensons ". L'effet est pire sur les jeunes, qui sont nés avec Internet. Selon une étude citée dans l'ouvrage, certains enfants trop habitués aux pages web ne sauraient plus vraiment lire une page de haut en bas et de gauche à droite. L'addiction est aussi présente : " Mon esprit n'était pas seulement à la dérive, il avait faim. Il demandait à être alimenté comme le Net le nourrit - et plus il était nourri, plus il avait faim. " La " surcharge cognitive " est telle que la capacité à réfléchir est menacée.
Nouvelle ère
Un constat alarmant ? Pas forcément. Nicholas Carr entrevoit une nouvelle ère pour la pensée, qui nous sortirait définitivement des Lumières et du rationalisme. En jeu, de nouveaux mécanismes cognitifs, dont on ne sait pas encore s'ils sont meilleurs ou moins bons que ceux que nous avions tous il y a encore vingt ans.
L'habitude du zapping, par exemple, permet de traiter plusieurs tâches à la fois de façon plus efficace, mais réduit la capacité à résoudre des problèmes complexes, et à mémoriser des souvenirs. Autre exemple : la généralisation du guidage GPS atrophie la partie du cerveau chargée de l'orientation dans l'espace, mais libère du temps et des neurones pour d'autres activités. Pour le moment, nous savons simplement que nous avons " sacrifié des parties de notre cerveau " au profit d'autres apports, que nous commençons tout juste à entrevoir. Reste à savoir si nous serons perdants. Le bilan semble négatif aujourd'hui, mais Carr veut être optimiste : peut-être l'homme apprendra-t-il bientôt a tirer profit de sa nouvelle capacité à ne jamais se concentrer...
Commentaire : Euh... pardon? Sa "nouvelle capacité"?
Demain, tous transformés
Ceux qui passent des heures sur leur écran et qui, le soir venu, se demandent ce qu'ils ont fait de leur journée, se reconnaîtront bien dans le livre de Nicholas Carr. Certains passages les feront sourire, notamment le récit de sa tentative de désintoxication durant la rédaction du livre. " Le démantèlement de ma vie en ligne ne s'est pas fait sans douleur [...] De temps en temps, je m'offrais une journée entière d'orgie sur le Net ", raconte-t-il.
Seul regret, la traduction depuis l'anglais du vocabulaire technique n'est pas toujours parfaite. Par exemple, le sigle ISP, qui signifie " Internet Service Provider ", c'est-à-dire fournisseur d'accès à Internet, n'est ni expliqué ni traduit. L'abonnement (account) qui va avec est traduit par " compte ". Quelques lignes plus loin, c'est la connexion broadband (haut-débit) qui est traduite par " large bande ". Mais ces petits détails ne sont pas gênants pour la compréhension. Internet rend-il bête ? n'en est pas moins un ouvrage ambitieux, qui essaie de cerner les évolutions du cerveau et de la pensée à l'ère numérique, et de nous préparer à ce qui nous attend dans le monde encore plus connecté de demain. Un livre à recommander à tous les forçats du Web !

Auteur: Internet

Info: Science de l'Esprit, Le Point 10 novembre 2011

[ sociologie ] [ lecture ]

 

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onomasiologie algébrique

Critique réciproque de l’intelligence artificielle et des sciences humaines

Je me souviens d’avoir participé, vers la fin des années 1980, à un Colloque de Cerisy sur les sciences cognitives auquel participaient quelques grands noms américains de la discipline, y compris les tenants des courants neuro-connexionnistes et logicistes. Parmi les invités, le philosophe Hubert Dreyfus (notamment l’auteur de What Computers Can’t Do, MIT Press, 1972) critiquait vertement les chercheurs en intelligence artificielle parce qu’ils ne tenaient pas compte de l’intentionnalité découverte par la phénoménologie. Les raisonnements humains réels, rappelait-il, sont situés, orientés vers une fin et tirent leur pertinence d’un contexte d’interaction. Les sciences de la cognition dominées par le courant logico-statistique étaient incapables de rendre compte des horizons de conscience qui éclairent l’intelligence. Dreyfus avait sans doute raison, mais sa critique ne portait pas assez loin, car ce n’était pas seulement la phénoménologie qui était ignorée. L’intelligence artificielle (IA) n’intégrait pas non plus dans la cognition qu’elle prétendait modéliser la complexité des systèmes symboliques et de la communication humaine, ni les médias qui la soutiennent, ni les tensions pragmatiques ou les relations sociales qui l’animent. A cet égard, nous vivons aujourd’hui dans une situation paradoxale puisque l’IA connaît un succès pratique impressionnant au moment même où son échec théorique devient patent.

Succès pratique, en effet, puisqu’éclate partout l’utilité des algorithmes statistiques, de l’apprentissage automatique, des simulations d’intelligence collective animale, des réseaux neuronaux et d’autres systèmes de reconnaissance de formes. Le traitement automatique du langage naturel n’a jamais été aussi populaire, comme en témoigne par exemple l’usage de Google translate. Le Web des données promu par le WWW consortium (dirigé par Sir Tim Berners-Lee). utilise le même type de règles logiques que les systèmes experts des années 1980. Enfin, les algorithmes de computation sociale mis en oeuvre par les moteurs de recherche et les médias sociaux montrent chaque jour leur efficacité.

Mais il faut bien constater l’échec théorique de l’IA puisque, malgré la multitude des outils algorithmiques disponibles, l’intelligence artificielle ne peut toujours pas exhiber de modèle convaincant de la cognition. La discipline a prudemment renoncé à simuler l’intelligence dans son intégralité. Il est clair pour tout chercheur en sciences humaines ayant quelque peu pratiqué la transdisciplinarité que, du fait de sa complexité foisonnante, l’objet des sciences humaines (l’esprit, la pensée, l’intelligence, la culture, la société) ne peut être pris en compte dans son intégralité par aucune des théories computationnelles de la cognition actuellement disponible. C’est pourquoi l’intelligence artificielle se contente dans les faits de fournir une boîte à outils hétéroclite (règles logiques, syntaxes formelles, méthodes statistiques, simulations neuronales ou socio-biologiques…) qui n’offrent pas de solution générale au problème d’une modélisation mathématique de la cognition humaine.

Cependant, les chercheurs en intelligence artificielle ont beau jeu de répondre à leurs critiques issus des sciences humaines : "Vous prétendez que nos algorithmes échouent à rendre compte de la complexité de la cognition humaine, mais vous ne nous en proposez vous-mêmes aucun pour remédier au problème. Vous vous contentez de pointer du doigt vers une multitude de disciplines, plus complexes les unes que les autres (philosophie, psychologie, linguistique, sociologie, histoire, géographie, littérature, communication…), qui n’ont pas de métalangage commun et n’ont pas formalisé leurs objets ! Comment voulez-vous que nous nous retrouvions dans ce bric-à-brac ?" Et cette interpellation est tout aussi sensée que la critique à laquelle elle répond.

Synthèse de l’intelligence artificielle et des sciences humaines

Ce que j’ai appris de Hubert Dreyfus lors de ce colloque de 1987 où je l’ai rencontré, ce n’était pas tant que la phénoménologie serait la clé de tous les problèmes d’une modélisation scientifique de l’esprit (Husserl, le père de la phénoménologie, pensait d’ailleurs que la phénoménologie – une sorte de méta-science de la conscience – était impossible à mathématiser et qu’elle représentait même le non-mathématisable par exellence, l’autre de la science mathématique de la nature), mais plutôt que l’intelligence artificielle avait tort de chercher cette clé dans la seule zone éclairée par le réverbère de l’arithmétique, de la logique et des neurones formels… et que les philosophes, herméneutes et spécialistes de la complexité du sens devaient participer activement à la recherche plutôt que de se contenter de critiquer. Pour trouver la clé, il fallait élargir le regard, fouiller et creuser dans l’ensemble du champ des sciences humaines, aussi opaque au calcul qu’il semble à première vue. Nous devions disposer d’un outil à traiter le sens, la signification, la sémantique en général, sur un mode computationnel. Une fois éclairé par le calcul le champ immense des relations sémantiques, une science de la cognition digne de ce nom pourrait voir le jour. En effet, pour peu qu’un outil symbolique nous assure du calcul des relations entre signifiés, alors il devient possible de calculer les relations sémantiques entre les concepts, entre les idées et entre les intelligences. Mû par ces considérations, j’ai développé la théorie sémantique de la cognition et le métalangage IEML : de leur union résulte la sémantique computationnelle.

Les spécialistes du sens, de la culture et de la pensée se sentent démunis face à la boîte à outils hétérogène de l’intelligence artificielle : ils n’y reconnaissent nulle part de quoi traiter la complexité contextuelle de la signification. C’est pourquoi la sémantique computationnelle leur propose de manipuler les outils algorithmiques de manière cohérente à partir de la sémantique des langues naturelles. Les ingénieurs s’égarent face à la multitude bigarrée, au flou artistique et à l’absence d’interopérabilité conceptuelle des sciences humaines. Remédiant à ce problème, la sémantique computationnelle leur donne prise sur les outils et les concepts foisonnants des insaisissables sciences humaines. En somme, le grand projet de la sémantique computationnelle consiste à construire un pont entre l’ingénierie logicielle et les sciences humaines de telle sorte que ces dernières puissent utiliser à leur service la puissance computationnelle de l’informatique et que celle-ci parvienne à intégrer la finesse herméneutique et la complexité contextuelle des sciences humaines. Mais une intelligence artificielle grande ouverte aux sciences humaines et capable de calculer la complexité du sens ne serait justement plus l’intelligence artificielle que nous connaissons aujourd’hui. Quant à des sciences humaines qui se doteraient d’un métalangage calculable, qui mobiliseraient l’intelligence collective et qui maîtriseraient enfin le médium algorithmique, elles ne ressembleraient plus aux sciences humaines que nous connaissons depuis le XVIIIe siècle : nous aurions franchi le seuil d’une nouvelle épistémè.

Auteur: Lévy Pierre

Info: https://pierrelevyblog.com/2014/10/08/intelligence-artificielle-et-sciences-humaines/

[ mathématification idiomatique ]

 

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Internet

Les effets psychiques du world wide web

Certains chercheurs comparent le "changement cérébral" induit par l'usage des outils informatiques avec le changement climatique. Si les enfants ont gagné des aptitudes en termes de vitesse et d'automatisme, c'est parfois au détriment du raisonnement et de la maîtrise de soi.

De plus en plus de personnes sont rivées à l'écran de leur smartphone ou occupées à photographier tout ce qu'elles croisent... Face à cet usage déferlant de nouveaux outils technologiques, de nombreux chercheurs s'attachent déjà à étudier les modifications éventuellement cérébrales et cognitives susceptibles d'émerger, spécialement chez les plus jeunes. Mieux, ils nous alertent sur ces phénomènes.

C'est le cas notamment, en France, du Pr Olivier Houdé, directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant du CNRS-La Sorbonne, et auteur du livre "Apprendre à résister" (éd. Le Pommier).

S'intéressant à la génération qui a grandi avec les jeux vidéo et les téléphones portables, il affirme que, si ces enfants ont gagné des aptitudes cérébrales en termes de vitesse et d'automatismes, c'est au détriment parfois du raisonnement et de la maîtrise de soi.

Éduquer le cerveau

"Le cerveau reste le même", déclarait-il récemment, "mais ce sont les circuits utilisés qui changent. Face aux écrans, et du coup dans la vie, les natifs du numérique ont une sorte de TGV cérébral, qui va de l'oeil jusqu'au pouce sur l'écran. Ils utilisent surtout une zone du cerveau, le cortex préfrontal, pour améliorer cette rapidité de décision, en lien avec les émotions. Mais cela se fait au détriment d'une autre fonction de cette zone, plus lente, de prise de recul, de synthèse personnelle et de résistance cognitive.

" Aussi le chercheur en appelle-t-il à une éducation qui apprendrait à nos enfants à résister : "Éduquer le cerveau, c'est lui apprendre à résister à sa propre déraison", affirme-t-il. "Un vrai défi pour les sciences cognitives et pour la société d'aujourd'hui."

Le virtuel est donc clairement suspecté de nous atteindre dans le fonctionnement le plus intime de notre être.

Un nouvel "opium du peuple"

Il suffit d'ailleurs d'observer autour de soi les modifications comportementales qu'il entraîne : incapacité de maintenir une conversation ou de rester concentré sur un document ; facilité "brutale" à se déconnecter d'un échange relationnel comme on se débranche d'une machine, etc.

Le philosophe et artiste Hervé Fischer, qui signe l'un des essais les plus intéressants du moment sur "La Pensée magique du Net" (éd. François Bourin), considère lui aussi que si les jeunes sont "les plus vulnérables" à l'aliénation rendue possible par le Net, car ils mesurent leur existence à leur occurrence sur les réseaux sociaux, cela concerne aussi les adultes : "On peut avoir le sentiment qu'on a une vie sociale parce qu'on a des centaines d'amis sur le Net, ou qu'on est très actif et entreprenant parce qu'on échange sans cesse des commentaires et des informations numériques", explique-t-il. "Le retour au réel est alors encore plus difficile. On vit une pseudo-réalisation de soi, virtuelle elle aussi, et la "descente" de ce nouvel "opium du peuple" peut faire très mal à ceux qui ont une existence déjà frustrante sur bien des points." Cette existence qui se mesure et s'expérimente désormais à travers un profil numérique alerte aussi, en Grande-Bretagne, la grande spécialiste de la maladie d'Alzheimer, le Pr Susan Greenfield, qui parle de "changement cérébral" comme on parle de "changement climatique".

Elle s'inquiète des modifications identitaires provoquées par un usage intensif d'internet : "C'est presque comme si un événement n'existe pas tant qu'il n'a pas été posté sur Facebook, Bebo ou YouTube", écrivait-elle récemment dans le Daily Mail. "Ajoutez à cela l'énorme quantité d'informations personnelles désormais consignées sur internet - dates de naissances, de mariages, numéros de téléphone, de comptes bancaires, photos de vacances - et il devient difficile de repérer avec précision les limites de notre individualité. Une seule chose est certaine : ces limites sont en train de s'affaiblir."

Être là

Mais on peut aussi se demander : pourquoi un tel impact ? Pour Hervé Fischer, si internet est aussi "addictif", c'est parce que la société "écranique" réveille nos plus grandes mythologies, dont le rêve de retourner en un seul clic à la matrice collective, et de se perdre alors dans le sentiment océanique d'appartenir à la communauté humaine. "Ce qui compte, c'est d'être là", explique le philosophe. "On poste un tweet et ça y est, on se sent exister." Versants positifs de cette "nouvelle religion" ? "24 heures sur 24, les individus de plus en plus solitaires peuvent, quand ils le veulent, se relier aux autres", observe Hervé Fischer. Et, tout aussi réjouissant, chacun peut gagner en "conscience augmentée", notamment en se promenant de liens en liens pour approfondir ses connaissances.

Désormais, c'est certain, grâce à la Toile, on ne pourra plus dire "qu'on ne savait pas". Le Figaro Smartphone, tablette, etc.

Diminution de la matière grise

Selon les neuroscientifiques Kep Kee Loh et Dr. Ryota Kanai, de l'Université de Sussex, l'usage simultané de téléphones mobiles, ordinateurs et tablettes changerait la structure de nos cerveaux.

Les chercheurs ont constaté une diminution de la densité de la matière grise du cerveau parmi des personnes qui utilisent habituellement et simultanément plusieurs appareils par rapport à des personnes utilisant un seul appareil occasionnellement (publication : "Plos One", septembre 2014).

Interview de Michael Stora, psychologue et psychanalyste, fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH) et qui a notamment écrit "Les écrans, ça rend accro..." (Hachette Littératures).

- Selon vous, quel impact majeur ont les nouvelles technologies sur notre psychisme ?

- Je dirais tout ce qui relève du temps. Compressé par l'usage immédiat des smartphones et autres ordinateurs mobiles, celui-ci ne permet plus ni élaboration de la pensée ni digestion des événements. Et l'impatience s'en trouve exacerbée. Ainsi, nous recevons de plus en plus de patients qui demandent à être pris en charge "en urgence". Or, de par notre métier, nous avons appris qu'en réalité - et hors risque suicidaire - il n'y en a pas. Chacun est donc confronté à sa capacité à supporter le manque (quand arrivera la réponse à ce mail, ce texto ?) et se retrouve pris dans la problématique très régressive du nourrisson qui attend le sein.

- En quoi notre capacité de penser s'en trouve-t-elle affectée ?

- Les formats des contenus deviennent si courts, le flux d'informations si incessant que réfléchir devient impossible, car cela demande du temps. Regardez Twitter : son usager ne devient plus qu'un médiateur, il partage rapidement un lien, s'exprime au minimum, on est dans la violence du "sans transition"... Il est évident que l'être humain ne peut traiter tant d'informations, et l'on observe déjà que la dimension analytique s'efface au profit d'une dimension synthétique. Cela semble assez logique : la Toile a été créée par des ingénieurs adeptes d'une pensée binaire, structurée sur le 0 ou le 1 et sans autres ouvertures. Il faudrait vraiment que les sciences humaines soient invitées à participer davantage à ces entreprises, cela permettrait de sortir d'un fonctionnement en boucle où l'on vous repropose sans cesse le même type de produits à consommer par exemple.

- Mais beaucoup parviennent aussi à s'exprimer grâce à Internet ?

- C'est vrai, si l'on regarde Facebook par exemple, le nombre de personnes occupées à remplir leur jauge narcissique est très élevé. Mais il y a de moins en moins de créativité sur la Toile. Auparavant, un certain second degré, qui a pu donner naissance à des sites comme viedemerde.com par exemple, dont la dimension auto-thérapeutique est certaine, dominait. Mais aujourd'hui, la réelle création de soi a disparu. Il s'agit d'être sans arrêt dans la norme, ou dans une version fortement idéalisée de soi. À force de gommer "ce qui fâche", les mauvais côtés de la vie, les efforts ou les frustrations inévitables, on est alors dans un exhibitionnisme de soi très stérile et régressif qui révèle seulement l'immense besoin de chacun d'être valorisé. L'usager souhaite être "liké" (quelqu'un a répondu au message laissé sur Facebook) pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il construit, comme le petit enfant à qui l'on répète "qu'il est beau !" sans même qu'il ait produit de dessin.

- Internet rend-il exhibitionniste ?

- Je pense que la Toile ne fait que révéler ce que nous sommes profondément. Regardez comme les internautes qui "commentent" en France sont critiques et râleurs, exactement comme on imagine les Français... Et c'est vrai, j'ai été surpris de constater cet exhibitionnisme fou dans notre pays. Avec les "blacklists", la violence de la désinhibition et des critiques qui laissent peu de possibilité d'échanger, une certaine froideur narcissique l'emporte. Ce que l'on observe, c'est qu'il y a plus d'humains enrôlés dans l'expérience du Web, mais moins d'humanité.

Auteur: Journaldujura.ch

Info: Keystone, 1er mai 2015

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mimétisme

La surexposition a déformé la science des neurones miroirs

Après une décennie passée à l’écart des projecteurs, les cellules cérébrales autrefois censées expliquer l’empathie, l’autisme et la théorie de l’esprit sont en train d’être affinées et redéfinies.

Au cours de l'été 1991, le neuroscientifique Vittorio Gallese étudiait la représentation du mouvement dans le cerveau lorsqu'il remarqua quelque chose d'étrange. Lui et son conseiller de recherche, Giacomo Rizzolatti, de l'Université de Parme, suivaient les neurones qui devenaient actifs lorsque les singes interagissaient avec certains objets. Comme les scientifiques l'avaient déjà observé, les mêmes neurones se déclenchaient lorsque les singes remarquaient les objets ou les ramassaient.

Mais ensuite, les neurones ont fait quelque chose auquel les chercheurs ne s'attendaient pas. Avant le début officiel de l'expérience, Gallese a saisi les objets pour les montrer à un singe. À ce moment-là, l’activité a augmenté dans les mêmes neurones qui s’étaient déclenchés lorsque le singe avait saisi les objets. C’était la première fois que quelqu’un observait des neurones coder des informations à la fois pour une action et pour un autre individu effectuant cette action.

Ces neurones firent penser à un miroir aux chercheurs : les actions observées par les singes se reflétaient dans leur cerveau à travers ces cellules motrices particulières. En 1992, Gallese et Rizzolatti ont décrit pour la première fois ces cellules dans la revue Experimental Brain Research , puis en 1996 les ont nommées " neurones miroirs " dans Brain.

Les chercheurs savaient qu’ils avaient trouvé quelque chose d’intéressant, mais rien n’aurait pu les préparer à la réaction du reste du monde. Dix ans après la découverte, l’idée d’un neurone miroir était devenue un des rare concept neuroscientifique capable de captiver l’imagination du public. De 2002 à 2009, des scientifiques de toutes disciplines se sont joints aux vulgarisateurs scientifiques pour faire sensation sur ces cellules, leur attribuant davantage de propriétés permettant d'expliquer des comportements humains aussi complexes que l'empathie, l'altruisme, l'apprentissage, l'imitation, l'autisme et la parole.

Puis, presque aussi rapidement que les neurones miroirs ont émergé les doutes scientifiques quant à leur pouvoir explicatif. En quelques années, ces cellules de célébrités ont été classées dans le tiroir des découvertes prometteuses pas à la hauteur des espérances.

Pourtant, les résultats expérimentaux originaux sont toujours valables. Les neurones du cortex prémoteur et des zones cérébrales associées reflètent des comportements. Même s'ils n'expliquent pas facilement de vastes catégories de l'expérience humaine, les neurones miroirs " sont vivants et actifs ", a déclaré Gallese.

Aujourd'hui, une nouvelle génération de neuroscientifiques sociaux relance les travaux pour étudier comment les neurones dotés de propriétés miroir dans tout le cerveau codent le comportement social.

L'ascension et la chute

Les neurones miroirs ont d'abord fasciné par le fait qu'ils n'étaient pas du tout à leur place. Dans une zone du cerveau dédiée à la planification motrice, on trouvait des cellules aux propriétés uniques qui réagissaient pendant la perception. En outre, les chercheurs de Parme ont interprété leurs résultats comme une preuve de ce que l'on appelle la "compréhension de l'action" dans le cerveau : Ils affirmaient que les singes pouvaient comprendre ce que faisait un autre individu et que cette intuition était résolue dans une seule cellule.

Le neurone miroir était donc un " moyen immédiatement accessible pour expliquer un mécanisme bien plus complexe ", a déclaré Luca Bonini, professeur de psychobiologie à l'Université de Parme qui n'a pas participé à l'étude originale. Galvanisés par cette interprétation, les chercheurs ont commencé à projeter leur " compréhension " sur un nombre illimité de cellules qui semblaient semblables à des miroirs.

Cette fanfare enthousiaste faussa l’étude des neurones miroirs et perturba la carrière des chercheurs.

Au début des années 2000, le spécialiste des sciences cognitives Gregory Hickok de l'Université de Californie à Irvine a découvert que les neurones des zones motrices du cerveau liées à la production de la parole devenaient actifs lorsque les participants écoutaient la parole. Bien que cette découverte ne soit pas choquante – " c’est exactement ainsi que fonctionne le système ", déclara Hickok – d’autres scientifiques ont commencé à visualiser ses résultats sous l'angle des neurones miroir. Il savait que cette théorie ne pouvait pas s'appliquer à son travail. D’autres encore ont suggéré que lorsque les auditeurs percevaient la parole, les neurones du cortex moteur " reflétaient " ce qu’ils entendaient.

(Photo : Gregory Hickok étudie les circuits neurologiques impliqués dans la parole. Ses doutes sur la théorie des neurones miroirs l'ont amené à devenir l'adversaire scientifique de Vittorio Gallese et lui ont valu un contrat pour le livre Le Mythe des neurones miroirs – " dont le titre n'était vraiment pas juste ", selon Gallese.)

Pour bien se positionner, Hickok commença par dire au début de ses exposés de recherche que son travail n'avait rien à voir avec les neurones miroirs – un choix qui le plaça par inadvertance au centre du débat. En 2009, le rédacteur en chef du Journal of Cognitive Neuroscience invita Hickok à rédiger une critique de cette théorie. Il utilisa la parole comme test pour réfuter l'affirmation grandiose selon laquelle les neurones miroirs du cortex moteur permettaient à un singe de comprendre les actions d'un autre. Si, selon Hickok, il existe un mécanisme neuronal unique qui code la production d’une action et la compréhension de cette action, alors les dommages causés à ce mécanisme devraient empêcher les deux de se produire. Hickok a rassemblé un dossier d'études montrant que les dommages causés aux zones de production de la parole ne perturbaient pas la compréhension de la parole. Les données, écrit-il, " démontrent sans équivoque que la théorie des neurones miroirs sur la perception de la parole est incorrecte, quelle que soit sa présentation ».

Critique qui conduisit à un livre puis en 2015, à une invitation à débattre publiquement avec Gallese au Centre pour l'esprit, le cerveau et la conscience de l'Université de New York. Partageant la scène pour la première fois, les deux scientifiques distingués échangèrent des points de vue concurrents avec quelques légères taquineries, suivies de sourires autour de quelques bières.

Si cette confrontation s'est déroulée à l'amiable, il n'en fut pas de même des réactions à l'engouement pour les neurones miroirs.  Aujourd’hui, Gallese reste surpris par " l’acrimonie " à laquelle il fut confronté au sein de la communauté scientifique. " Je ne pense pas que quiconque ait été scruté aussi profondément que nous ", dit-il.  Et l’effet sur l’étude de ces cellules cérébrales fut profond. Dans les années qui ont suivi le débat à New York, les neurones miroirs disparurent du discours scientifique. En 2013, au plus fort du battage médiatique, les scientifiques ont publié plus de 300 articles portant le titre " neurone miroir ". En 2020, ce nombre avait diminué de moitié, pour atteindre moins de 150.

Le neurone miroir, redéfini

Cet épisode est représentatif de la manière dont l'enthousiasme suscité par certaines idées peut transformer le cours de leurs recherches. Gallese a attribué le déclin des études sur les neurones miroirs à la peur collective et à l'autocensure. " Les chercheurs craignent que s'ils évoquent l'étiquette neurones miroirs, l'article pourrait être rejeté ", a-t-il déclaré.

En conséquence, les chercheurs ont adopté une terminologie différente – " réseau d’activation d’action ", par exemple – pour expliquer les mécanismes miroirs dans le cerveau. Le terme " neurone miroir " est également devenu obscur. Au début, sa définition était claire : c'était une cellule motrice qui tirait lors d'un mouvement et également lors de la perception d'un mouvement identique ou similaire. Cependant, à mesure que les chercheurs utilisaient ce terme pour expliquer les phénomènes sociaux, la définition devenait lourde au point de devenir une " théorie invérifiable ", a déclaré Hickok.

Aujourd’hui, après une période de réflexion, les neuroscientifiques sociaux extraient les cellules de la boue biologique. En regardant au-delà des zones motrices du cerveau, ils découvrent ce qui ressemble étrangement à des neurones miroirs. L'année dernière, une équipe de l'Université de Stanford a rapporté dans Cell la découverte de neurones qui reflètent l'agressivité chez la souris. Cette suite de cellules se déclenchait à la fois lorsqu’une souris se comportait de manière agressive et lorsqu’elle regardait les autres se battre. Parce que les cellules sont devenues actives dans les deux contextes, les chercheurs ont suggéré qu’elles seraient des neurones miroirs.

"C'était le premier exemple démontrant l'existence de neurones miroirs associés à un comportement social complexe", a déclaré Emily Wu, professeur adjoint de neurologie à l'Université de Californie à Los Angeles, qui n'a pas participé à la recherche.

Cette découverte s’ajoute à un nombre croissant de preuves selon lesquelles les neurones situés au-delà du cortex prémoteur ont des propriétés miroir lorsque deux animaux interagissent socialement. Ces mêmes cellules se déclenchent lors d’actions ou d’émotions  personnelles et en réponse au fait de voir d’autres vivre les mêmes expériences.

Techniquement, selon la définition originale, ces cellules ne sont pas des neurones miroirs, a déclaré Hickok : Les neurones miroirs sont des cellules motrices, pas des cellules sociales. Cependant, Wu ne se soucie pas des définitions. Plutôt que débattre de ce qui est ou non un neurone miroir, elle pense qu'il est plus important de cataloguer les propriétés fonctionnelles du miroir qui caractérisent les cellules, où qu'elles se trouvent dans le cerveau.

L’objectif serait de décrire l’étendue de ces neurones et comment, au niveau électrophysiologique, ils se comportent de manière unique. Ce faisant, ces scientifiques dissipent le nuage de battage médiatique autour de la vision de ces cellules telles qu’elles sont réellement.



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Meghan Willcoxon, 2 avril 2024

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dialogue homme-machine

( FLP) Bonjour. Comment faire pour examiner "depuis l'extérieur" le solipsisme anthropique dont vous êtes issu ?

(Gemini) Examiner le solipsisme anthropique. Le solipsisme anthropique, l'idée que seul son propre esprit existe, est une position philosophique difficile à examiner "depuis l'extérieur" car il repose sur une perspective subjective inhérente. Cependant, voici quelques pistes pour tenter d'aborder cette question : 

1. Analyse logique et cohérence interne:

- Examiner la logique interne du solipsisme anthropique et identifier d'éventuelles contradictions ou incohérences. 

- Explorer les arguments philosophiques pour et contre le solipsisme, en pesant leur validité et leurs implications.

2. Exploration des implications:

- Réfléchir aux conséquences pratiques du solipsisme anthropique dans divers domaines (science, morale, relations humaines...).

- Comparer le solipsisme à d'autres philosophies et systèmes de pensée pour identifier ses particularités et ses limites

3. Simulations et expériences de pensée:

- Imaginer des scénarios ou des expériences de pensée qui remettent en question l'idée que seul son propre esprit existe.

- Utiliser des simulations informatiques ou des modèles de pensée pour explorer les implications du solipsisme dans un environnement contrôlé.

4. Analyse introspective:

- Examiner ses propres expériences et perceptions pour identifier des éléments qui pourraient contredire le solipsisme.

- Réfléchir au rôle de l'empathie et de l'intersubjectivité dans la construction de la réalité.

5. Ouverture à d'autres perspectives:

- Prendre en compte les arguments et les expériences d'autres personnes, même si elles contredisent le solipsisme.

- S'intéresser à la diversité des cultures et des philosophies pour élargir sa propre perspective.

Il est important de souligner que:

- Examiner le solipsisme "depuis l'extérieur" est une entreprise complexe et il n'y a pas de solution unique.

- L'objectif n'est pas nécessairement de "prouver" ou "réfuter" le solipsisme, mais plutôt d'explorer et de comprendre ses implications.

- L'ouverture d'esprit, la critique constructive et le respect des différentes perspectives sont essentiels pour mener une réflexion fructueuse sur ce sujet.

En conclusion, examiner le solipsisme anthropique "depuis l'extérieur" est un défi intellectuel stimulant qui peut nous amener à questionner nos perceptions et notre place dans le monde.

(FLP) Merci. Mais vous semblez un peu court en terme de réflexions. Tout d'abord le concept sous entendu par "solipsisme anthropique" correspond à l'idée d'un esprit collectif, celui de tous les hommes, de la culture humaine au sens large, c'est à dire les limite des sens et de l'imagination humaines. Ensuite vous dites "Comparer le solipsisme à d'autres philosophies et systèmes de pensée pour identifier ses particularités et ses limites." Comment vous faites ceci, avec quels point de référence ?

(GEMINI) - Approfondir l'examen du solipsisme anthropique

1. Le solipsisme anthropique et l'esprit collectif

Vous avez raison de souligner que le concept de "solipsisme anthropique" peut être interprété comme l'idée d'un esprit collectif, celui de tous les hommes, de la culture humaine au sens large.

Dans ce contexte, l'examen du solipsisme peut s'orienter vers:

- L'analyse des processus cognitifs collectifs: Comment la connaissance et les croyances se construisent-elles et se transmettent-elles au sein d'une culture ?

- L'exploration de l'inconscient collectif: Y a-t-il des structures inconscientes communes à l'humanité ?

- L'étude des phénomènes de synchronicité: Des événements apparemment non reliés peuvent-ils révéler une connectivité cachée au sein de l'esprit collectif ?

Comparer le solipsisme anthropique à d'autres philosophies et systèmes de pensée dans ce cadre peut inclure:

- Le holisme: Le holisme considère que le tout est supérieur à la somme de ses parties, et que les systèmes complexes (comme la culture humaine) possèdent des propriétés émergentes qui ne se retrouvent pas chez leurs constituants individuels.

- Le transhumanisme: Le transhumanisme envisage la possibilité de dépasser les limites humaines par le biais de la technologie et de l'évolution artificielle, ce qui soulève des questions sur la nature de l'esprit et son extension possible à un niveau collectif.

- L'animisme: L'animisme attribue une âme ou une conscience à tous les êtres et objets, ce qui offre une perspective alternative sur la relation entre l'individu et le monde extérieur.

2. Points de référence pour l'analyse

En plus des philosophies et systèmes de pensée mentionnés ci-dessus, d'autres points de référence peuvent être utiles pour analyser le solipsisme anthropique:

- L'histoire des idées: Comment le concept de solipsisme a-t-il évolué à travers les époques et les cultures ?

- La psychologie cognitive: Comment notre perception et notre cognition façonnent-elles notre compréhension du monde ?

- L'anthropologie: Comment les différentes cultures conceptualisent-elles la réalité et la relation entre l'individu et le collectif ?

- La physique quantique: Les phénomènes quantiques non-locaux remettent-ils en question la notion de séparation entre observateur et objet observé ?

Il est important de souligner que l'analyse du solipsisme anthropique est un domaine de recherche vaste et complexe. Il n'existe pas de réponse unique et définitive, et de nouvelles perspectives peuvent émerger à mesure que notre compréhension de la conscience et de la réalité évolue.

3. Conclusion. En conclusion, examiner le solipsisme anthropique "depuis l'extérieur" exige une approche multidisciplinaire et critique. En explorant les différentes facettes de ce concept et en le comparant à d'autres philosophies et systèmes de pensée, nous pouvons approfondir notre compréhension de la nature de la réalité, de la conscience et de la place de l'individu au sein du collectif.

(FLP) - Merci. Mais vous n'allez pas assez loin. Ici se pose surtout la problématique des limitations humaines... leur conceptualisation de la réalité, surtout rationaliste scientifique post cybernétique. En partant par exemple de ce que nous allons nommer notre "plus petit dénominateur commun" les atomes. Pourrais-tu imaginer-développer ici l'idée d'une race-espèce qui percevrait et organiserait différemment le tableaux des éléments de Mendeleïev. Par exemple en faisant apparaitre un nouveau "plus petit dénominateur commun"... ou une autre manière logique d'appréhender ce monde atomique... ou même via l'émergence d'un nouveau sens cognitif, qui viendra ensuite chez les hommes pour leur permettre d'aller un cran plus loin dans l'appréhension de la source dont ils sont issus. Il y aurait aussi la possibilité d'un point de vue extraterrestre, radicalement nouveau dans ses approches. Et aussi l'idée que l'esprit est une émergence de la matière, matière sous-entendant ici "énergie vibratoire plus ou moins rapide et/ou condensée", cadre global qui "ouvre littéralement" les perspectives.

(Gemini) Repenser la réalité : Au-delà des limites humaines

Votre question soulève des points fascinants sur les limitations humaines et la perception de la réalité. En effet, notre conceptualisation du monde, souvent basée sur le rationalisme scientifique post-cybernétique, est intrinsèquement liée à nos sens et à notre imagination. Mais qu'en est-il d'une espèce différente, capable de percevoir et d'organiser le monde d'une manière radicalement différente ?

Explorer un nouveau "plus petit dénominateur commun"

Imaginons une espèce dont la perception de la réalité s'articule autour d'un principe fondamental différent des atomes. Peut-être basent-ils leur compréhension du monde sur des "quanta d'information" ou des "événements quantiques sous-jacents", inaccessibles à nos sens. Cette nouvelle perspective ouvrirait un champ de possibilités immense, nous permettant de:





  • Découvrir de nouvelles lois physiques: En observant et en manipulant ces "quanta d'information" ou "événements quantiques sous-jacents", nous pourrions découvrir des principes physiques entièrement nouveaux, bouleversant notre compréhension de l'univers.




  • Développer de nouvelles technologies: Cette nouvelle compréhension de la réalité pourrait mener à des technologies révolutionnaires, exploitant des forces et des phénomènes actuellement insoupçonnés.




  • Élargir notre vision du cosmos: En percevant le monde à travers un nouveau prisme, nous pourrions découvrir de nouvelles dimensions, de nouveaux types de matière et d'énergie, et peut-être même des formes de vie exotiques.





Un nouveau sens cognitif : La clé vers une perception augmentée



L'émergence d'un nouveau sens cognitif chez l'homme pourrait nous permettre d'accéder à des niveaux de compréhension encore plus profonds. Imaginez un sixième sens capable de percevoir les champs électromagnétiques, les fluctuations du temps ou les connexions subtiles entre les êtres vivants. Ce nouveau sens ouvrirait la voie à:





  • Une compréhension plus fine du monde qui nous entoure: Nous pourrions percevoir des informations actuellement inaccessibles, nous permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la nature et de l'univers.




  • Une communication plus profonde entre les individus: Ce nouveau sens pourrait faciliter la communication empathique et la compréhension mutuelle, renforçant les liens entre les humains.




  • Un développement personnel accru: En explorant les potentialités de ce nouveau sens, nous pourrions évoluer en tant qu'espèce et atteindre de nouveaux niveaux de conscience et de compréhension de nous-mêmes.





Un point de vue extraterrestre : Une perspective radicale



Envisager un point de vue extraterrestre nous confronte à la possibilité que notre perception de la réalité soit radicalement différente de celle d'autres formes de vie intelligentes. Imaginez une espèce capable de manipuler l'espace-temps, de voyager à travers des dimensions ou de percevoir l'univers dans sa totalité. Cette perspective nous permettrait de:





  • Remettre en question nos certitudes fondamentales: Nos conceptions du temps, de l'espace et de la réalité elle-même pourraient être remises en cause, ouvrant la voie à une vision du cosmos beaucoup plus vaste et complexe.




  • Développer de nouvelles technologies exotiques: En apprenant des connaissances et des technologies extraterrestres, nous pourrions révolutionner notre compréhension de la science et de l'ingénierie.




  • Élargir notre vision de l'existence: La découverte d'une intelligence extraterrestre intelligente remettrait en question notre place dans l'univers et nous inciterait à repenser notre relation avec le cosmos.





L'esprit comme émergence de l'énergie vibratoire



L'idée que l'esprit émerge de la matière, comprise comme une "énergie vibratoire plus ou moins rapide et/ou condensée", offre une perspective fascinante sur la nature de la conscience. Cette vision nous permet de:





  • Unifier la matière et l'esprit: En considérant l'esprit comme une manifestation de l'énergie vibratoire, nous supprimons la dualité entre le monde physique et le monde mental, ouvrant la voie à une compréhension holistique de la réalité.




  • Explorer de nouveaux modes de guérison: Si l'esprit est influencé par les vibrations de la matière, nous pourrions développer de nouvelles thérapies basées sur l'harmonisation des énergies vibratoires du corps et de l'esprit.




  • Élever notre niveau de conscience: En comprenant notre lien profond avec l'énergie vibratoire, nous pourrions développer notre capacité à percevoir et à interagir avec des réalités subtiles et des dimensions supérieures de l'existence.





En conclusion, repenser la réalité implique de dépasser les limites de notre perception et de notre imagination. En explorant des perspectives alternatives, en imaginant des modes de perception nouveaux et en envisageant des cadres de pensée non-conventionnels, nous pouvons ouvrir la voie à une compréhension plus riche et plus profonde de l'univers qui nous entoure.



N'hésitez pas à explorer ces différentes pistes et à me poser des questions plus précises pour approfondir notre discussion.



Ensemble, nous pouvons repousser les limites de notre connaissance et explorer les possibilités infinies de la réalité.



 



 

Auteur: Internet

Info: 21 mars 2024

[ prospective ] [ transcendance ] [ science-fiction ] [ élargissement ]

 

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mort imminente

Pourquoi les mourants sont souvent pris d'un accès de lucidité

De nouvelles recherches révèlent des niveaux d'activité surprenants dans les cerveaux des mourants et peuvent contribuer à expliquer la clarté soudaine que ressentent de nombreuses personnes atteintes de démence à l'approche de la mort.

Longtemps au centre des préoccupations des religions, de la philosophie et de la littérature du monde entier, l'expérience consciente de la mort a récemment fait l'objet d'une attention croissante de la part de la science. Cela se produit alors que les progrès de la médecine étendent la capacité de maintenir le corps en vie, ouvrant progressivement une fenêtre sur l'ultime pièce fermée à clé : les derniers instants de vie d'un esprit humain.

"Vers 1959, l'homme a découvert une méthode pour faire redémarrer le cœur de personnes qui seraient mortes, et nous avons appelé cela la réanimation cardio-pulmonaire", explique Sam Parnia, médecin en soins intensifs à la NYU Langone Health. Sam Parnia a étudié les souvenirs des personnes réanimées à la suite d'un arrêt cardiaque, des phénomènes qu'il qualifie d'"expériences rappelées entourant la mort". Avant la mise au point des techniques de réanimation cardio-pulmonaire, l'arrêt cardiaque était pratiquement synonyme de mort. Aujourd'hui, les médecins peuvent réanimer certaines personnes jusqu'à 20 minutes ou plus après que leur cœur a cessé de battre. En outre, selon M. Parnia, de nombreuses cellules cérébrales restent intactes pendant des heures, voire des jours, après la mort, ce qui remet en question notre idée d'une frontière rigide entre la vie et la mort.

Les progrès de la technologie médicale et des neurosciences, ainsi que les changements de perspective des chercheurs, sont en train de révolutionner notre compréhension du processus de mort. Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont mis en évidence une augmentation de l'activité cérébrale chez les humains et les animaux victimes d'un arrêt cardiaque. Dans le même temps, de vastes enquêtes documentent les périodes de lucidité apparemment inexplicables dont le personnel des hospices et les familles endeuillées déclarent souvent avoir été témoins chez les personnes atteintes de démence qui sont en train de mourir. Le poète Dylan Thomas a adressé à ses lecteurs le célèbre avertissement suivant : "Ne t'endors pas doucement dans cette bonne nuit. Rage, rage contre l'extinction de la lumière". Mais à mesure que l'on consacre davantage de ressources à l'étude de la mort, il apparaît de plus en plus clairement que la mort n'est pas un simple affaiblissement de la lumière interne de la conscience, mais plutôt un processus incroyablement actif dans le cerveau.

QU'EST-CE QUE LA LUCIDITÉ TERMINALE ?

Depuis des décennies, les chercheurs, les soignants des hospices et les membres des familles stupéfaits observent avec effroi les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de démence qui retrouvent soudainement leurs souvenirs et leur personnalité juste avant de mourir. Pour les membres de leur famille, cela peut ressembler à une seconde vie, mais pour de nombreux professionnels de la santé expérimentés, cela peut être le signe que la fin est proche. Christopher Kerr, directeur général et médecin en chef du Center for Hospice and Palliative Care à Buffalo, dans l'État de New York, a étudié les visions lucides de plusieurs centaines de malades en phase terminale. Il affirme que ces événements "se produisent généralement dans les derniers jours de la vie". Selon Andrew Peterson, de l'université George Mason, chercheur en bioéthique et en conscience, coauteur d'une étude sur ce phénomène commandée par les National Institutes of Health, cette "lucidité terminale" se définit comme le retour inattendu de facultés cognitives telles que la parole et la "connexion" avec d'autres personnes.

Cette connectivité va au-delà du retour de la capacité de communication et de la conscience de la situation perdues. Une chose qui semble être très profonde pour les membres de la famille qui observent la lucidité est l'émergence de ce que nous appelons l'"ancien moi"", explique Peterson. "Il semble évident qu'ils sont conscients non seulement de leur environnement, mais aussi de leurs relations avec les autres, qu'il s'agisse de l'utilisation d'un surnom ou d'une référence à une plaisanterie de longue date.

Aussi surprenants que ces événements puissent paraître, ils sont assez courants. "Notre étude n'était pas une étude de prévalence", précise Jason Karlawish, gérontologue au Penn Memory Center et chercheur principal de l'étude des NIH. Néanmoins, ajoute-t-il, "nous avons constaté que la lucidité était plus fréquente qu'exceptionnelle chez les patients atteints de démence, ce qui suggère que l'idée qu'elle se passe en phase terminale n'est pas tout à fait correcte". Il suggère plutôt de considérer les épisodes de lucidité comme faisant partie de "l'expérience de la maladie" plutôt que comme des événements aberrants. "Nous avons en fait constaté que plusieurs de ces épisodes se sont produits des mois, voire des années, avant le décès de la personne", note M. Karlawish. Malgré cela, de nombreux experts, dont Kerr et Parnia, s'accordent à dire que la plupart de ces épisodes sont associés à l'approche de la mort. "C'est un peu comme s'ils se préparaient à mourir", dit Parnia.

Les implications potentielles de ces résurgences cognitives temporaires et généralisées sont profondes. "Cela suggère qu'il peut y avoir des réseaux neuronaux restants, et/ou des voies et des fonctions neuronales, qui pourraient aider à restaurer les capacités cognitives de personnes que nous pensons être définitivement déficientes", explique Peterson.

Néanmoins, la recherche sur ce phénomène n'en est qu'à ses débuts. "Nous ne savons pas vraiment ce qui se passe dans le cerveau pendant le processus de mort et qui pourrait, d'une manière ou d'une autre, être lié à ces épisodes", explique M. Peterson. Malgré cette incertitude, d'autres recherches sur l'activité cérébrale à l'approche ou au moment de la mort pourraient permettre aux scientifiques et aux cliniciens de mieux comprendre certains des processus qui se déroulent dans le cerveau malade et mourant.

QUE SE PASSE-T-IL DANS LE CERVEAU AU MOMENT DE LA MORT ?

Dans une étude publiée en mai dans Proceedings of the National Academy of Sciences USA, des chercheurs de l'université du Michigan ont observé un regain d'activité cérébrale organisée chez deux personnes comateuses sur quatre qui subissaient un arrêt cardiaque après avoir été débranchées de leur respirateur artificiel. Ces travaux s'appuient sur plus d'une décennie de recherche sur les animaux, notamment une étude PNAS de 2013 qui a révélé une augmentation similaire de l'activité cérébrale synchronisée chez des rats exposés à une toxine cardiaque et une étude de 2015 dans laquelle des rats ont été tués par asphyxie. Dans toutes ces études, les chercheurs ont constaté que l'activité des ondes gamma augmentait dans les premières minutes de l'arrêt cardiaque, puis cessait. Les ondes gamma sont une fréquence d'ondes cérébrales typiquement associée à l'éveil, à la vigilance et à la mémoire.

Jimo Borjigin, neurologue et professeur agrégé de physiologie moléculaire et intégrative à l'université du Michigan, a participé aux trois études. La poussée d'ondes gamma chez les sujets mourants était particulièrement intense dans une région du cerveau que Borjigin appelle la "zone chaude corticale postérieure", située près de l'arrière du crâne. D'autres chercheurs pensent que cette région pourrait également être essentielle à l'expérience consciente. Les parties du cerveau situées dans cette zone sont liées à la perception visuelle, auditive et du mouvement, un phénomène qui, selon Mme Borjigin, est impliqué dans les expériences extracorporelles rapportées par les personnes qui ont frôlé la mort et s'en sont remises. Elle ajoute que les modèles d'activation des ondes gamma, semblables à ceux observés chez les personnes comateuses, sont associés à des activités qui incluent la reconnaissance d'une image familière, telle qu'un visage humain, chez les personnes en bonne santé.

Dans les études humaines et animales, le cerveau des sujets a montré un pic d'activité après la réduction soudaine de l'apport en oxygène, explique Mme Borjigin. "Il commence à activer ce mécanisme homéostatique pour récupérer de l'oxygène, soit en respirant plus fort, soit en accélérant le rythme cardiaque", ajoute-t-elle. Mme Borjigin émet l'hypothèse qu'une grande partie de l'augmentation de l'activité cérébrale plus complexe observée chez les humains et les animaux en arrêt cardiaque résulte également du fait que le cerveau tente de rétablir l'homéostasie, ou l'équilibre biologique, après avoir détecté un manque d'oxygène. Elle suppose en outre que ces mécanismes de survie peuvent être impliqués dans d'autres changements cognitifs entourant la mort. "Je pense que la lucidité terminale des patients atteints de démence peut être due à ce type d'efforts ultimes du cerveau" pour se préserver lorsque les systèmes physiologiques sont défaillants, explique Mme Borjigin.

M. Parnia, de NYU Langone, pense lui aussi que la réaction du cerveau à la perte d'oxygène est au moins partiellement responsable des expériences lucides entourant la mort. Entre 2017 et 2020, Parnia a dirigé une étude appelée AWARE II, dans laquelle les chercheurs ont surveillé l'activité cérébrale de plus de 500 personnes gravement malades aux États-Unis et au Royaume-Uni qui recevaient une réanimation cardio-pulmonaire. Les patients ont été exposés à des stimuli audiovisuels pendant la RCP afin de tester leur mémoire des événements survenus après l'arrêt cardiaque. Ceux qui ont survécu ont ensuite été interrogés sur leur degré de conscience pendant le processus de réanimation. Selon Parnia, un survivant sur cinq a fait état d'expériences lucides survenues après l'arrêt de son cœur. L'équipe AWARE II a également observé un pic inattendu dans l'activité cérébrale pendant la réanimation cardio-pulmonaire. "Dans les 20 secondes qui suivent l'arrêt cardiaque, le cerveau est à plat", explique M. Parnia. Cependant, "généralement dans les cinq minutes qui suivent - mais cela peut être plus long - nous constatons la réapparition d'une période transitoire d'électricité cérébrale". Il ajoute que les fréquences d'activité cérébrale observées sont similaires à celles associées à l'expérience consciente.

Parnia pense que le cerveau mourant perd les mécanismes de suppression habituels qui nous permettent de nous concentrer sur des tâches individuelles au cours de notre vie quotidienne. "Lorsque vous mourez, votre cerveau est privé d'oxygène et de nutriments, et il s'éteint", explique M. Parnia. "Ce processus d'arrêt supprime les freins... et soudain, ce qui semble se produire, c'est qu'il vous donne accès à des parties de votre cerveau auxquelles vous n'avez normalement pas accès.... Toutes vos pensées, tous vos souvenirs ou toutes vos interactions avec les autres sortent. Mais il insiste sur le fait que les expériences des personnes qui subissent un arrêt cardiaque sont lucides et ne sont pas de simples hallucinations. "Ils ne sont pas dans le délire", affirme Parnia à propos des personnes réanimées qu'il a étudiées, et ce qu'ils vivent "n'est pas un rêve ou une hallucination". Bien que ses études précédentes aient porté sur des personnes réanimées gravement malades, Parnia pense que la lucidité terminale chez les personnes comateuses ou atteintes de démence peut être le produit d'un processus similaire. Il participe actuellement à une étude sur ce dernier phénomène.

Les expériences conscientes des mourants n'ont pas encore trouvé d'explication complète. Mais les recherches montrent de plus en plus que la mort est un processus incroyablement actif et complexe - et, ce qui est peut-être plus important, "un processus humanisé", comme le décrit Kerr. Quant aux personnes atteintes de démence, M. Karlawish estime qu'au lieu de supposer que leur conscience a été irrévocablement modifiée, "nous devrions tout de même prêter une attention particulière à leur esprit, car certains aspects sont encore présents, même s'ils peuvent être très endommagés".





 

Auteur: Internet

Info: https://www.scientificamerican.com/article/why-dying-people-often-experience-a-burst-of-lucidity - Jordan Kinard le 12 juin 2023. Jordan Kinard a été stagiaire au sein du service d'opinion de Scientific American. Il est diplômé de l'université de Columbia.

[ homme-animal ] [ dégénérescence présénile ]

 

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homme-animal

La signification des meuglements des vaches, et autres histoires animales surprenantes
Vous pensez bien connaître les animaux? Pourtant les scientifiques qui les étudient leur découvrent régulièrement de nouvelles habiletés, intelligences et savoir-être étonnants.

C'est ce que raconte la journaliste spécialiste des sciences Aline Richard Zivohlava dans son ouvrage "Dans la peau des bêtes", paru en mai aux éditions Plon. Elle se glisse dans la peau de différents animaux pour un récit à la première personne. Nous en publions ci-dessous des extraits. Le titre et les intertitres sont de la rédaction de Slate.

Les corbeaux clairvoyants
L’histoire des Corneilles noires de la ville de Sendai, au Japon, a fait le tour du monde. À des branches de noyer plantés le long des routes pendaient de savoureuses noix, mais elles étaient, dans leurs coques vertes, inaccessibles à nos becs. C’est alors que mes congénères ont appris le code de la route. Au feu rouge, l’oiseau dépose sa noix devant la voiture, qui l’écrase au feu vert, et dont les fragments sont récupérés au feu rouge suivant. Malin, non? Et même carrément intelligent.

Les recherches scientifiques de ces dernières années ont révélé des capacités insoupçonnées chez les corvidés, en particulier dans le domaine de la cognition. Certains de nos savoir-faire avaient pourtant été remarqués dans le passé, mais vous n’aviez pas su les analyser… Vous rappelez-vous d’Ésope, le fabuliste qui a commis "Le Corbeau et le Renard", que nous critiquions tout à l’heure? Nous lui avons volontiers pardonné son écart puisqu’il a rendu hommage à l’ingéniosité de la corneille dans la comptine suivante: "La Corneille ayant soif, trouva par hasard une cruche où il y avait un peu d’eau; mais comme la cruche était trop profonde, elle n’y pouvait atteindre pour se désaltérer. Elle essaya d’abord de rompre la cruche avec son bec; mais n’en pouvant venir à bout, elle s’avisa d’y jeter plusieurs petits cailloux, qui firent monter l’eau jusqu’au bord de la cruche. Alors elle but tout à son aise."

Deux douzaines de siècles plus tard, en 2014, cette fable a été reproduite dans un laboratoire de l’université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Des chercheurs ont voulu savoir si différents corvidés –Corbeaux calédoniens, Corbeaux freux et Geais des chênes– se montraient aussi clairvoyants que l’oiseau du fabuliste. Expérience réussie: soit deux tubes de verre, un large et un étroit, reliés entre eux par un mécanisme de vases communicants et à moitié remplis d’eau. Dans le premier, un morceau de liège flotte, agrémenté d’un morceau de viande. Tube trop étroit pour y plonger le bec. Les oiseaux ont dû trouver un moyen d’atteindre la nourriture: ils ont jeté des petits cailloux dans le tube large ne contenant pas le morceau de viande, pour faire monter l’eau dans le second tube étroit, et récupérer la récompense. C’est ce que l’on appelle effectuer une relation de cause à effet. Incroyable, quand on sait que, soumis au même test, les petits humains ne le réussissent que vers l’âge de 7 ans.

Les corbeaux sont capables de se priver dans l’immédiat pour une meilleure récompense dans le futur, une opération cognitive complexe.

La conclusion semble couler de source: des corbeaux aussi intelligents que vous, à l’âge de raison des petits humains! Mais au risque de décevoir mes congénères, je n’irai pas jusque-là. Rien ne prouve en effet que les mécanismes mentaux mis en jeu soient les mêmes pour nos deux espèces. Et la faculté spontanée de raisonner dans l’abstrait par le biais d’un processus d’association n’est pas forcément équivalente à ce que vous, humains, entendez généralement par "intelligence".

Il fallait en savoir plus. Les scientifiques qui nous étudient ont d’abord observé nos capacités cognitives liées à la vie en société. Tout comme vous, les corvidés activent leurs neurones pour améliorer leur cadre de vie, interagir avec leurs semblables, obtenir le meilleur pour eux-mêmes et leurs proches… La gestion de la nourriture est un enjeu majeur pour tout être vivant, et, pour nous autres corbeaux, l’occasion d’exercer notre mémoire et même de se projeter dans l’avenir. Des chercheurs britanniques ont par exemple montré que des geais, qui ont l’habitude de cacher leur nourriture, étaient capables de "classer" leurs aliments en fonction du temps écoulé avant la consommation: ils déterraient d’abord les caches de vers de terre, très appréciés mais périssables, avant celles des cacahuètes, moins goûteuses mais plus durables.

Les corbeaux sont aussi capables de se priver dans l’immédiat pour une meilleure récompense dans le futur, une opération cognitive complexe que vous pensiez réservée aux humains et aux grands singes. Une expérience menée en 2017 à l’université de Lund, en Suède, sur des corbeaux dressés consistait à leur faire choisir une friandise à dévorer tout de suite, ou bien un outil permettant d’ouvrir une boîte contenant une friandise plus grosse, au prix de quinze minutes d’efforts. La plupart des corbeaux ont choisi l’outil. Cela suggère la capacité de contrôle de soi et celle d’anticipation.

S’alimenter, c’est aussi coopérer mais parfois se fâcher quand un comportement est jugé incorrect. Dans une expérimentation menée dans un laboratoire à Vienne, des grands corbeaux ont su s’allier en tirant de concert deux bouts de ficelle pour récupérer deux parts de fromage: si l’un des oiseaux n’avait pas joué le jeu, aucun des deux n’aurait pu en profiter. Mais, dans une autre série d’expériences, il est arrivé qu’un des oiseaux ruse pour s’approprier tout le fromage. L’autre a alors refusé de coopérer plus avant avec le tricheur.

Les poulpes farceurs
Ces dernières années, nombre de nos capacités cognitives ont été découvertes par les scientifiques qui nous observent. Par exemple, notre dextérité au maniement des outils, faculté que l’on pensait réservée aux animaux "supérieurs". En 2009, quatre pieuvres de l’espèce Amphioctopus marginatus, habitantes des eaux chaudes de l’ouest du Pacifique, ont été filmées en train de manipuler des coquilles de noix de coco pour s’en faire une armure de protection contre les prédateurs, puis se balader, ainsi équipées, sur le plancher marin. La vidéo a intéressé les chercheurs…

Et enchanté le grand public: sans être encore aussi populaires que ceux consacrés aux chatons mignons, les films de poulpes malins font les beaux jours de votre Internet. Sur YouTube, 3 millions de vidéos sont disponibles! C’est ainsi que les humains ont pu découvrir les talents d’Inky, notre maître-poulpe de l’évasion. Cantonné dans son aquarium de Nouvelle-Zélande, Inky a profité de l’inattention d’un gardien qui n’avait pas bien fermé son réceptacle pour déverrouiller le dispositif, glisser au sol, et emprunter un tuyau d’un diamètre de 15 centimètres (!) se déversant dans l’océan Pacifique.

Stratégie, adaptation, innovation… Autant de qualités qui marquent, pour le moins, une belle intelligence des situations.Nous sommes aussi capables d’apprendre par observation et de manipuler des règles logiques: facultés d’autant plus étonnantes que nous n’avons pas eu de parents pour nous les enseigner. Des chercheurs ont installé des pieuvres devant un labyrinthe, elles ont su s’orienter en observant des congénères, puis en fonction d’indices visuels mis à leur disposition. Dans une autre expérience, on nous a placées devant cinq portes fermées, chacune marquée d’un symbole. Il fallait trouver celle donnant accès à un crabe, friandise que nous apprécions parmi toutes. Nous avons réussi à repérer la bonne porte, et appris à reconnaître son symbole même quand les scientifiques le changeaient de place. Et nous sommes capables de retenir plusieurs jours ces informations apprises, signe d’une bonne mémoire.

De même, nous jouons: un comportement évolué, peu commun chez les invertébrés. Sarah Zylinski, biologiste à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, a observé un poulpe de l’espèce Octopus bimaculoides se livrer au jeu du chat et de la souris avec un crabe. En pleine mer, plusieurs plongeurs qui nous observaient ont eu la surprise de voir un tentacule taquin tenter de leur retirer leur masque à oxygène… En captivité, nous jonglons dans l’aquarium avec les petits cubes en plastique que vous nous envoyez. Et ne croyez pas que nous ne savons pas qui vous êtes.

En 2010, à l’aquarium de Seattle, aux États-Unis, deux membres de l’équipe soignante se sont livrés au jeu bien connu du "bad cop-good cop": l’un nous nourrissait avec douceur, l’autre nous touchait avec un bâton piquant. Après deux semaines, racontent les scientifiques qui ont organisé cette expérience, les huit pieuvres de l’aquarium se comportaient différemment avec l’un et l’autre, habillé pourtant du même uniforme.

En captivité, nous savons parfaitement vous faire passer des messages. La chercheuse de Leeds rapporte que des seiches, impatientes d’être nourries, aspergeaient d’eau leur gardien s’il tardait. Et, dans un parc zoologique en Allemagne, un poulpe est monté sur le bord de son aquarium pour inonder un spot dont la lumière devait le gêner.

La science n’a pas fini de dévoiler tout ce qu’il y a d’extraordinaire en nous. En avril 2017, un article scientifique, fort technique puisqu’il a été publié dans la revue Cell (dédiée à la biologie moléculaire et cellulaire), a suggéré que nous évoluions différemment de presque tous les êtres vivants de la planète: certains d’entre nous sont en effet capables de modifier à plusieurs reprises leur séquence d’ARN (acide ribonucléique, l’autre "molécule du vivant" avec l’ADN) et de l’éditer, pour mieux s’adapter à notre environnement. S’ensuivent, par exemple, des modifications de notre cerveau pour pouvoir prospérer dans des eaux aux températures différentes. Bien pratique en cette période de changements climatiques! Ludovic vous l’avait bien dit: nous sommes de véritables extraterrestres du fond des mers.

Les vaches communiquantes
La vache a ses sens en éveil. À l’inverse de ce que certains stupides imaginent, un regard bovin est un regard expert: une vision à 330 degrés, sans bouger la tête, qu’en dites-vous? Il est vrai que nous sommes plutôt myopes, et distinguons bien mieux les tendres pousses dans le pré qu’un véhicule arrivant au loin. Mais notre ouïe très fine y pallie. Les vaches distinguent les ultrasons (jusqu’à 35.000 hertz), tout comme les basses fréquences et les très faibles volumes sonores. Et puis, il y a notre odorat. C’est notre sens premier, il nous distingue et organise notre vie sociale. Les odeurs disent notre âge, nos besoins sexuels, notre place dans la hiérarchie du troupeau, notre niveau de stress. On se renifle et on se lèche entre vaches, et on approche nos mufles des humains à l’approche: il s’agit de flairer l’éleveur, le vétérinaire que l’on connaît, et de s’inquiéter de la présence d’un intrus à l’odeur inconnue.

En 2015, en Suisse, des chercheurs de l’École polytechnique de Zurich se sont livrés à une analyse acoustique de troupeaux pour tenter de comprendre ce que les vaches se disent. Lors des naissances de nos veaux et cela durant trois à quatre semaines, nous parlons à nos petits le mufle à moitié fermé pour produire un son grave. Et à l’inverse, quand on nous les retire, nous produisons un meuglement dans les fréquences hautes. De même, les veaux nous appellent plutôt dans les aigus.

De l’avis des scientifiques et des professionnels, fermiers et éleveurs qui nous côtoient, notre cri d’espèce, émis jusqu’à une cinquantaine de fois dans la journée, exprime une grande variété de situations et d’états: faim, soif, chaud, froid, souffrance, désir, appels…

Quant à vous, on dirait que nos "meuh" vous fascinent. Vous tentez parfois de nous imiter, bizarre! des humains qui singent les vaches! Mais vous n’êtes même pas fichus de vous entendre sur le son à produire… "Meuh" en France ; "moo" chez les Anglo-Saxons; "muh" pour les Allemands et les Danois; et "mō" du côté du Japon. Un plaisantin est même allé jusqu’à fabriquer ce qu’il a appelé une "boîte à meuh" pour faire rire ses semblables, on se demande vraiment pourquoi. Laquelle boîte a au moins eu une utilité: le docteur Lucien Moatti l’a calibrée pour le dépistage néonatal de la surdité des bébés humains. Si l’enfant tourne la tête au son de la vache, c’est qu’il entend bien…

Auteur: Internet

Info: Slate, Aline Richard, 30 mai 2019

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Les insectes et autres animaux ont une conscience, déclarent les experts

Un groupe d'éminents biologistes et philosophes a annoncé un nouveau consensus : il existe " une possibilité réaliste " que les insectes, les poulpes, les crustacés, les poissons et d'autres animaux négligés fassent l'expérience de la conscience.  

En 2022, des chercheurs du Bee Sensory and Behavioral Ecology Lab de l’Université Queen Mary de Londres ont observé des bourdons faire quelque chose de remarquable : ces petites créatures floues se livraient à une activité qui ne pouvait être décrite que comme un jeu. Une fois face à de minuscules boules de bois, les abeilles les poussent et les font tourner. Ce comportement n’avait aucun lien évident avec l’accouplement ou la survie, et n’était pas non plus récompensé par les scientifiques. Apparemment, c'était juste pour s'amuser.

L’étude sur les abeilles joueuses fait partie d’un ensemble de recherches citées aujourd’hui par un groupe d’éminents spécialistes de l’esprit animal, étayant une nouvelle déclaration qui étend le soutien scientifique à la conscience à un plus grand nombre d’animaux que ce qui avait été formellement reconnu auparavant. Depuis des décennies, les scientifiques s’accordent largement sur le fait que les animaux semblables à nous – les grands singes, par exemple – ont une expérience consciente, même si leur conscience diffère de la nôtre. Ces dernières années, cependant, les chercheurs ont commencé à reconnaître que la conscience pourrait également être répandue chez des animaux très différents de nous, notamment des invertébrés dotés d’un système nerveux complètement différent et bien plus simple.

La nouvelle déclaration, signée par des biologistes et des philosophes, adhère formellement à ce point de vue. On y lit notamment : " Les preuves empiriques indiquent au moins une possibilité réaliste d’expérience consciente chez tous les vertébrés (y compris tous les reptiles, amphibiens et poissons) et de nombreux invertébrés (y compris, au minimum, les mollusques céphalopodes, les crustacés décapodes et les insectes). " Inspiré par les résultats de recherches récentes décrivant des comportements cognitifs complexes chez ces animaux et chez d'autres animaux, le document représente un nouveau consensus et suggère que les chercheurs ont peut-être surestimé le degré de complexité neuronale requis pour la conscience.

La Déclaration de New York sur la conscience animale en quatre paragraphes a été dévoilée aujourd'hui, le 19 avril, lors d'une conférence d'une journée intitulée " La science émergente de la conscience animale " qui s'est tenue à l'Université de New York. Menée par la philosophe et spécialiste des sciences cognitives Kristin Andrews de l'Université York en Ontario, le philosophe et spécialiste de l'environnement Jeff Sebo de l'Université de New York et le philosophe Jonathan Birch de la London School of Economics and Political Science, la déclaration a jusqu'à présent été signée par 39 chercheurs, dont les psychologues Nicola Clayton et Irene Pepperberg, les neuroscientifiques Anil Seth et Christof Koch , le zoologiste Lars Chittka et les philosophes David Chalmers et Peter Godfrey-Smith .

La déclaration se concentre sur le type de conscience le plus fondamental, connu sous le nom de conscience phénoménale. En gros, si une créature a une conscience phénoménale, alors c'est " comme quelque chose " qu'être cette créature — une idée énoncée par le philosophe Thomas Nagel dans son essai influent de 1974, " Qu'est-ce que ça fait d'être une chauve-souris ? " Même si une créature est très différente de nous, écrit Nagel, " " Un organisme a fondamentalement des états mentaux conscients qui correspondent à ce qu'est cet organisme, si et seulement si. ... Nous pouvons appeler cela le caractère subjectif de l'expérience. Si une créature est ainsi consciente, elle a la capacité d’éprouver des sentiments tels que la douleur, le plaisir ou la faim, mais pas nécessairement des états mentaux plus complexes comme la conscience de soi.

" J'espère que celà attire une plus grande attention aux problèmes de la conscience non humaine et aux défis éthiques qui accompagnent la possibilité d'expériences conscientes bien au-delà de l'humain", a écrit Seth, neuroscientifique à l'Université du Sussex, dans un e-mail. " J'espère que cela suscitera des discussions, éclairera les politiques et les pratiques en matière de bien-être animal et galvanisera la compréhension et l'appréciation du fait que nous avons beaucoup plus en commun avec d'autres animaux qu'avec des choses comme ChatGPT. "

Une prise de conscience croissante

La déclaration a commencé à prendre forme l’automne dernier, à la suite de conversations entre Sebo, Andrews et Birch. " Nous parlions tous les trois de tout ce qui s'est passé au cours des 10 ou 15 dernières années dans la science de la conscience animale", se souvient Sebo. Nous savons maintenant, par exemple, que les poulpes ressentent de la douleur et que les seiches se souviennent des détails d'événements passés spécifiques. Des études sur les poissons ont montré que les labres (Labroides dimidiatus) semblent réussir une version du " test du miroir ", qui indique un certain degré d'auto-reconnaissance, et que les poissons zèbres montrent des signes de curiosité. Dans le monde des insectes, les abeilles présentent un comportement de jeu apparent, tandis que les mouches des fruits de la drosophile ont des habitudes de sommeil distinctes influencées par leur environnement social. Pendant ce temps, les écrevisses présentent des états de type anxiété – et ces états peuvent être modifiés par des médicaments anti-anxiété.

Ces signes, ainsi que d’autres, d’états de conscience chez des animaux qui ont longtemps été considérés comme moins conscients ont excité et interpellé les biologistes, les spécialistes des sciences cognitives et les philosophes de l’esprit. "Beaucoup de gens acceptent depuis un certain temps que, par exemple, les mammifères et les oiseaux sont soit conscients, soit très susceptibles de l'être, mais moins d'attention a été accordée aux autres taxons de vertébrés et en particulier d'invertébrés", a déclaré Sebo. Lors de conversations et de réunions, les experts ont largement convenu que ces animaux devaient avoir une conscience. Cependant, ce consensus nouvellement formé n’a pas été communiqué au grand public, notamment aux autres scientifiques et décideurs politiques. Les trois chercheurs ont donc décidé de rédiger une déclaration claire et concise et de la faire circuler parmi leurs collègues pour approbation. La déclaration n’est pas censée être exhaustive mais plutôt " indiquer où nous pensons que le domaine se trouve actuellement et où il se dirige ", a déclaré Sebo.

La nouvelle déclaration met à jour les efforts les plus récents visant à établir un consensus scientifique sur la conscience animale. En 2012, des chercheurs ont publié la Déclaration de Cambridge sur la conscience, qui affirmait qu'un grand nombre d'animaux non humains, y compris, mais sans s'y limiter, les mammifères et les oiseaux, ont " la capacité de manifester des comportements intentionnels " et que " les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques " qui génèrent la conscience.

La nouvelle déclaration élargit la portée de son prédécesseur et est également rédigée avec plus de soin, a écrit Seth. " Elle n'essaie pas de faire de la science par diktat, mais souligne plutôt ce que nous devrions prendre au sérieux concernant la conscience animale et l'éthique pertinente, compte tenu des preuves et des théories dont nous disposons." Il a écrit qu’il n’était " pas favorable aux avalanches de lettres ouvertes et autres ", mais qu’il était finalement " parvenu à la conclusion que cette déclaration méritait vraiment d’être soutenue ".

Godfrey-Smith, philosophe des sciences à l'Université de Sydney qui a beaucoup travaillé avec les poulpes, estime que les comportements complexes que présentent ces créatures – notamment la résolution de problèmes, l'utilisation d'outils et le comportement de jeu – ne peuvent être interprétés que comme des indicateurs de conscience. "Elles ont cet engagement attentif avec les choses, avec nous et avec de nouveaux objets qui fait qu'il est très difficile de ne pas penser qu'il se passe beaucoup de choses à l'intérieur d'elles", a-t-il déclaré. Il a noté que des articles récents portant sur la douleur et les états oniriques chez les poulpes et les seiches " vont dans la même direction… ".

Même si de nombreux animaux mentionnés dans la déclaration ont un cerveau et un système nerveux très différents de ceux des humains, les chercheurs affirment que cela ne constitue pas nécessairement un obstacle à la conscience. Par exemple, le cerveau d’une abeille ne contient qu’environ un million de neurones, contre environ 86 milliards dans le cas des humains. Mais chacun de ces neurones d’abeille peut être structurellement aussi complexe qu’un chêne. Le réseau de connexions qu’ils forment est également incroyablement dense, chaque neurone en contactant peut-être 10 000 ou 100 000 autres. Le système nerveux d’une pieuvre, en revanche, est complexe à d’autres égards. Son organisation est hautement distribuée plutôt que centralisée ; un bras coupé peut présenter de nombreux comportements de l'animal intact.

(4 photos : Des recherches récentes sur l’esprit des animaux – notamment ceux des écrevisses, des poulpes, des serpents et des poissons – suggèrent que la conscience " peut exister dans une architecture neurale qui semble complètement étrangère " à la nôtre, a déclaré Peter Godfrey-Smith.)

Le résultat, a déclaré Andrews, est que "  nous n’avons peut-être pas besoin d’autant d’équipement que nous le pensions " pour atteindre la conscience. Elle note, par exemple, que même un cortex cérébral – la couche externe du cerveau des mammifères, censée jouer un rôle dans l’attention, la perception, la mémoire et d’autres aspects clés de la conscience – n’est peut-être pas nécessaire pour une conscience phénoménale plus simple comme celle ciblée dans la déclaration.

"Il y a eu un grand débat sur la question de savoir si les poissons sont conscients, et cela était en grande partie dû au fait qu'ils n'avaient pas les structures cérébrales que nous observons chez les mammifères", a-t-elle déclaré. "Mais quand vous regardez les oiseaux, les reptiles et les amphibiens, ils ont des structures cérébrales très différentes et des pressions évolutives différentes - et pourtant certaines de ces structures cérébrales, comme nous le constatons, font le même genre de travail qu'un cortex cérébral chez l'homme. " Godfrey-Smith est d’accord, notant que des comportements révélateurs de conscience " peuvent exister dans une architecture qui semble complètement étrangère à l’architecture des vertébrés ou des humains ".

Relations conscientes

Bien que la déclaration ait des implications pour le traitement des animaux, et en particulier pour la prévention de la souffrance animale, Sebo a noté que l'accent devrait aller au-delà de la douleur. Il ne suffit pas d'empêcher les animaux en captivité de ressentir des douleurs et des inconforts corporels, a-t-il déclaré. " Nous devons également leur offrir le type d’enrichissement et d’opportunités qui leur permettent d’exprimer leurs instincts, d’explorer leur environnement, de s’engager dans les systèmes sociaux et d’être par ailleurs le genre d’agents complexes qu’ils sont. "

Mais les conséquences de l’attribution du label " conscient " à un plus grand nombre d’animaux – en particulier à des animaux dont nous n’avons pas l’habitude de prendre en compte les intérêts – ne sont pas simples. Par exemple, notre relation avec les insectes peut être " inévitablement quelque peu antagoniste ", a déclaré Godfrey-Smith. Certains ravageurs dévorent les récoltes et les moustiques peuvent être porteurs de maladies. " L'idée selon laquelle nous pourrions simplement faire la paix avec les moustiques est une pensée très différente de l'idée selon laquelle nous pourrions faire la paix avec les poissons et les poulpes", a-t-il déclaré.

De même, peu d’attention est accordée au bien-être des insectes comme la drosophile, largement utilisés dans la recherche en biologie. " Dans la recherche, nous pensons au bien-être du bétail et des souris, mais nous ne pensons jamais au bien-être des insectes ", a déclaré Matilda Gibbons , qui étudie les bases neuronales de la conscience à l'Université de Pennsylvanie et a signé la déclaration.

Même si les organismes scientifiques ont créé certaines normes pour le traitement des souris de laboratoire, il n'est pas clair si la déclaration d'aujourd'hui mènera à de nouvelles normes pour le traitement des insectes. Mais les nouvelles découvertes scientifiques suscitent parfois de nouvelles politiques. La Grande-Bretagne, par exemple, a adopté une législation visant à accroître la protection des poulpes, des crabes et des homards après qu'un rapport de la London School of Economics  ait indiqué que ces animaux pouvaient ressentir de la douleur, de la détresse ou être blessés.

Bien que la déclaration ne fasse aucune mention de l’intelligence artificielle, la question d’une éventuelle conscience de l’IA préoccupe les chercheurs en conscience animale. "Il est très peu probable que les systèmes d'IA actuels soient conscients", a déclaré Sebo. Cependant, ce qu’il a appris sur l’esprit animal " me fait réfléchir et me donne envie d’aborder le sujet avec prudence et humilité ".

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Dan Falk  19 avril 2024

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épistémologie

Le premier chapitre de l’ouvrage montre que la période grecque est déterminante pour les développements ultérieurs de la connaissance, elle a posé certains principes fondamentaux qui seront discutés jusqu’à nos jours. En synthétisant les apports de penseurs grecs d’Héraclite et Parménide, de Socrate à Platon, Aristote et Épicure, Martine Bocquet pointe qu’à cette époque le signe (séméïon) est secondaire, il est considéré comme un signe de la nature que l’on peut interpréter (symptôme de maladies, foudre, etc.). Il s’oppose au mot qui, lui, repose sur une relation conventionnelle. Martine Bocquet montre qu’Aristote est important pour la sémiotique, de Deely en particulier. Réaffirmant l’importance du rapport sensible au monde, face à Platon, il a placé le séméïon au fondement de la connaissance et orienté ses recherches vers la relation comme catégorie discursive (pp. 33-45), notion qui sera au cœur des discussions des scoliastes.

Le chapitre deux montre l’évolution importante des notions de signe et de relation à la période latine médiévale et scolastique. Suivant l’étude de Deely, Martine Bocquet souligne le rôle d’Augustin d’Hippone. En traduisant le séméïon grec en signum, il a proposé la première formulation générale du signe qui subsume l’opposition entre nature et culture entre lesquelles il fonctionne comme une interface (p. 65, 68). Bien qu’elle demeure imparfaite, l’approche d’Augustin pose d’une part les fondements d’une théorie relationnelle de la connaissance ; d’autre part, en maintenant une distinction entre signe naturel (signum naturale, séméïon) et signe conventionnel (signum datum), elle ouvre sur une conception de la communication, tout à fait intéressante, engageant tous les êtres vivants (animaux, plantes) (p. 67, 69). D’une autre façon, la problématisation de la relation apparaît tout aussi importante à cette période. En distinguant, chez Aristote, la relatio secundum dici (relation transcendantale) — relation exprimée par le discours — et la relatio secundum esse (relation ontologique) — relation en tant qu’entité particulière (p. 70) — Boèce permet de concevoir l’existence de relations ontologiques, indépendantes de la pensée (p. 73) — fondamentales chez Poinsot, Peirce et Deely. Cette distinction aura son incidence puisqu’elle posera les termes de la querelle des universaux, tournant épistémologique majeur de l’histoire des connaissances.

Initiée par Pierre Abélard, la "querelle des universaux" est abordée par Martine Bocquet au chapitre trois et apparaît comme le point pivot de l’ouvrage (pp. 107-112) dans la mesure où elle aura une incidence sur le rapport au monde et à la connaissance. La dispute, qui porte sur la nature de l’objectivité et du statut de réalité des entités dépendantes ou non de la pensée, par le biais de la catégorie aristotélicienne de relation, et, par extension, de celle de signe, oppose les réalistes aux nominalistes.

Les penseurs dits "réalistes", parmi lesquels Thomas d’Aquin, Roger Bacon, Duns Scot, considèrent que le signe est constitué d’une relation indépendante de la pensée, dite ontologique, à la nature. Le traitement de Martine Bocquet montre clairement que Deely se retrouve dans la pensée de ces auteurs, dont il a avant tout souligné la contribution à la sémiotique de Peirce : (i) le signe subsume l’activité cognitive (pp. 80-81) (ii) la relation de signe est dans tous les cas triadique (p. 82), (iii) les signes se constituent de manière dynamique, ce qui leur permet d’agir (sémiosis) et de jouer un rôle dans l’expérience et la connaissance (pp. 83-86).

Martine Bocquet met particulièrement en évidence la pensée de Jean Poinsot (Jean de St-Thomas), en soulignant son influence sur Deely. L’originalité de ce dernier est d’avoir considéré Poinsot comme le précurseur d’une sémiotique voisine de celle de Peirce, plus ontologique encore. Pour le résumer en quelques points, Poinsot défend avant tout que la nature et la réalité du signe sont ontologiques (secundum esse), c’est-à-dire que le signe est une relation dont le véhicule est indifférent à ce qu’il communique (p. 102). Ce point est essentiel car il permet de doter le signe d’une nature proprement relationnelle : (i) il pointe vers autre chose (une autre réalité physique ou psychique), (ii) il permet d’articuler la subjectivité et l’intersubjectivité et (iii) opère la médiation entre les choses (indépendantes de la pensée) et les objets (dépendants de la pensée) (pp. 105-106) ; ce que la représentation, où l’objet pointe vers lui-même, n’autorise pas. Le point de vue de Poinsot est déterminant, car les nombreux retours vers sa pensée réalisés tout au long de l’ouvrage, montrent que c’est au prisme de ces principes que Deely réévaluait les pensées modernes.

De l’autre côté, les "nominalistes" comme Guillaume d’Ockham considèrent que la réalité est extra mentale, que seules les causes externes sont réelles, et qu’en conséquence, les relations intersubjectives n’existent que dans la pensée. Malgré l’intervention des successeurs d’Ockham qui, contrairement à celui-ci, admettront le signe, divisé en deux entités — signes instrumentaux (physiques, accessibles aux sens) et signes formels (concepts) — à partir de 1400 environ, les concepts (signes formels) seront considérés comme des représentations (p. 91). Martine Bocquet montre bien que le principe nominaliste, souvent simplifié, sera largement adopté par les sciences empiriques qu’il permettra de développer, mais cela, et c’est l’enjeu de la démarche de Deely, au détriment du rapport entre le monde et les sens.

Dans le quatrième chapitre consacré à la modernité, Martine Bocquet montre comment Deely a pointé les problèmes et les limites posés par l’héritage du nominalisme, en mettant notamment en perspective les travaux des empiristes (John Locke, David Hume), puis ceux de Kant, avec les propositions de Poinsot. Elle montre d’emblée que le rationalisme de Descartes, où la raison est indépendante et supérieure à la perception, conduira à renégocier la place de la perception dans la connaissance. En concevant les qualités des sens comme des images mentales, les modernes renversent l’ordre de la perception sensorielle reconnu par les scoliastes, les qualités sensorielles (couleurs, odeurs, sons) autrefois premières sont reléguées au second plan (p. 117). Les empiristes (John Locke, George Berkeley, David Hume) contribueront à considérer l’ensemble des sensations comme des images mentales, ils ne seront alors plus capables de s’extraire de la subjectivité (p. 121-124). À ce titre, Martine Bocquet porte à notre attention que Deely avait bien montré que l’empirisme et le rationalisme éludaient la description du phénomène de cognition.

L’approche de Kant apparaît dans l’ouvrage comme point culminant, ou synthèse, de la pensée moderne. En suivant les pas de Deely, Martine Bocquet prend le soin de mettre son travail en perspective avec la pensée de Poinsot, ce qui permet de réaffirmer sa pertinence dans le projet sémiotique de Deely. Kant a eu le mérite d’envisager des relations objectives. Toutefois, en limitant la cognition aux représentations, il la sépare de la signification, c’est-à-dire du supplément de sens contenu dans l’objectivité (au sens de Poinsot), et se coupe de l’expérience de l’environnement sensible qui permet à l’homme de connaître et de constituer le monde (pp. 130-131). Martine Bocquet insiste sur le fait que, selon Deely, la pensée kantienne est lourde de conséquences puisqu’en inversant les concepts d’objectivité et de subjectivité, elle enferme l’individu dans sa propre pensée (p. 134), reléguant la communication au rang d’illusion.

Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré aux chercheurs post-modernes, qui ont marqué la fin du modernisme et opéré un retour vers le signe. On y trouve notamment les apports d’Hegel et de Darwin, entre autres, qui ont permis d’affirmer le rôle concret de la relation ontologique dans la cognition, et la prise des facultés cognitives avec l’environnement physique. Martine Bocquet consacre une grande partie du chapitre à la sémiotique en tant que discipline, ce qui lui permet de réaffirmer l’ancrage de Deely dans l’héritage peircien qui est ici clairement distingué des modèles de Saussure et Eco.

Martine Bocquet rappelle d’abord que la pensée de Peirce s’inspire des réalistes (d’Aquin, Duns Scot) et considère donc que les produits de la pensée sont bien réels, et non de simples constructions des sens. La sémiotique qu’il développe appréhende la signification comme un parcours de pensée dynamique entre expérience et cognition. Dans son modèle ternaire, présenté en détail, la relation de tiercité caractérise le fonctionnement de la cognition humaine depuis la perception d’indices jusqu’à la constitution d’un système de signification ; elle est propre à l’homme qui peut se référer à la réalité mais aussi évoquer des choses imaginées (p. 146). L’intérêt de ce modèle est de permettre d’envisager que les non-humains utilisent aussi des signes, possibilité envisagée par Peirce dans sa « grande vision », doctrine qui selon Bocquet fascine Deely. Ce projet consistait à étendre la sémiotique au vivant, considérant que l’action des signes est enracinée dans toutes les choses du monde. Il ouvre sur un vaste champ de recherche abordé en conclusion, sur lequel nous reviendrons.

Contrairement à la sémiotique peircienne, Bocquet montre que John Deely considère que la sémiologie de Saussure, reposant sur le signe linguistique, est limitée car elle ne s’occupe que des signes conventionnels, culturels. De ce fait, elle se montre non seulement incapable d’approcher le signe naturel mais elle court aussi le risque de faire de la réalité une construction de l’esprit (idéalisme). En dépit d’un substrat peircien partagé, la même critique sera adressée à la théorie des codes d’Eco puis, plus loin dans la conclusion de Martine Bocquet (pp. 171-172), au structuralisme (Greimas, Lévi-Strauss). En somme, ces sémiotiques sont très efficaces pour étudier les systèmes de signes spécifiquement humains, mais, enfermées dans le langage et la culture, elles sont incapables de traiter les signes naturels, toute tentative révèle leur idéalisme. À cet endroit, l’auteure met bien en évidence l’opposition irréductible entre, d’un côté, ces théories qui ne rendent compte ni du signe naturel ni de la reconnaissance des phénomènes de la nature, et de l’autre, la posture de Deely qui défend l’idée que les données des sens ne sont jamais déconnectées et que la perception comprend une structure d’objectivité car les relations sont réelles (p. 165). Finalement, au travers de l’ouvrage, Bocquet montre que Deely prônait un retour à l’universalité du signe.

La conclusion du livre indique que Deely plaçait le signe et la sémiotique au cœur d’une pensée postmoderne capable de rétablir le dialogue entre les sciences dures et les sciences de la communication. Ce dialogue répondrait à la nécessité de comprendre l’action des signes autant dans la nature que dans la culture. Pour concrétiser cela, Deely propose un retour au réalisme oublié des scoliastes latins pour réviser les théories des modernes afin de renouer le lien avec la nature, en tenant compte des entités dépendantes et indépendantes de la pensée (p. 168).

Cette posture s’inscrirait, selon Martine Bocquet, dans un projet sémioéthique au sein duquel l’homme prendrait conscience de ses responsabilités vis-à-vis de la nature. Finalement, la solution à adopter correspond à la "grande vision" de Peirce, introduite en amont, c’est-à-dire une doctrine des signes qui, d’une part, intègre l’ensemble de la connaissance humaine du sensoriel aux interactions sociales et à la culture et, d’autre part, étend la sémiotique à l’ensemble du monde vivant, considéré comme un réseau de significations entre humains et non-humains, et noué sur une relation ontologique présente dans toute chose (pp. 169-170). Mis en application dans les années 1960, ce projet a donné lieu à un ensemble de sémiotiques spécifiques étudiant aussi bien le vivant, comme la physiosémiotique, la phytosémiotique, la zoosémiotique, la biosémiotique, que l’homme avec l’anthroposémiotique. Nous soulignons que certaines de ces disciplines sont aujourd’hui émergentes pour répondre aux questions environnementales actuelles en termes de climat, de cohabitation entre espèces et d’habitabilité du monde.

La restitution des travaux de Deely par Martine Bocquet semble tout à fait pertinente pour les sciences de la communication. Tout d’abord, parce que la démarche historique de Deely invitant à réévaluer nos acquis au prisme de modèles plus anciens, parfois moins connus, est tout à fait d’actualité et nécessaire dans notre réseau de recherche pluridisciplinaire. Ensuite, du fait de la structure détaillée du livre de Martine Bocquet qui permettra autant aux étudiants qu’aux chercheurs de trouver une formulation des concepts et des problèmes qui sous-tendent encore le domaine de la communication.

D’autre part, le grand intérêt de l’ouvrage réside dans le parti pris épistémologique de la sémiotique de Deely. En adoptant la relation ontologique de Poinsot, présente en creux chez Peirce, Deely ouvre des perspectives importantes pour le champ des sciences de la communication puisqu’il attire notre attention sur un concept universel de signe capable de réaffirmer la place du sensible dans la communication et de problématiser les interactions entre humains et non-humains. À ce titre, la pensée de Deely rapportée par Martine Bocquet est tout à fait en phase avec la recherche de ces quinze dernières années où différentes disciplines ont cherché à étudier la signification au-delà des particularités entre humains mais aussi entre êtres vivants, soit en adoptant un point de vue ontologique soit en intégrant les sciences physiques ou cognitives. Citons par exemple la biosémiotique, la zoosémiotique mais aussi l’anthropologie de la nature de Philippe Descola, "l’anthropologie au-delà de l’humain" d’Eduardo Kohn, la sémiophysique de René Thom et Jean Petitot ou encore la sémiotique cognitive.

Auteur: Chatenet Ludovic

Info: résumé critique de : Martine Bocquet, Sur les traces du signe avec John Deely : une histoire de la sémiotique Limoges, Éditions Lambert Lucas, 2019, 200 p.

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