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colonialisme

Nous avons longé la Seine, en camion, et on nous a parqués derrière des grilles, dans un village kanak reconstitué au milieu du zoo de Vincennes, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles. Leurs cris, leurs bruits nous terrifiaient. [...] Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages. Il fallait faire du feu dans des huttes mal conçues dont le toit laissait passer l'eau qui ne cessait de tomber. Nous devions creuser d'énormes troncs d'arbres, plus durs que la pierre, pour construire des pirogues tandis que les femmes étaient obligés de danser le pilou-pilou à heures fixes. [...] J'étais l'un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m'avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du deuxième mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse, devant notre enclos : Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie.

Auteur: Daeninckx Didier

Info: Cannibale

[ zoo ]

 

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féminisme

D'autant plus troublant, à ce titre, est le cas de Rosa Bonheur (1822-1899), peintre dont la gloire est plus grande aux Etats-Unis qu'en France, et qui eut l'habileté de mener une existence à contre-courant de bien des conventions sans jamais faire scandale. et pourtant, si l'on veut résumer grossièrement les éléments du délit, elle fut:
1) une femme artiste; 2) une peintre qui au lieu de s'attendrir devant des fleurs, des enfants, des humains, prit pour sujet des vaches, des porcs et des lions; 3) qui vécut ouvertement sa vie amoureuse avec des jeunes femmes; 4) qui installa dans le jardin de son château de By, en Seine-et-Marne, une foule de bêtes, dont une lionne en liberté dans le parc et la maison; 5) qui obtint du préfet de police un sauf-conduit spécial pour se travestir en homme... Il y avait là de quoi choquer plus d'un bien-pensant. Au contraire, elle fut honorée, respectée, décorée, comme protégée par son nom magique.

Auteur: Braudeau Michel

Info: Six excentriques, p. 62-63

[ homo ] [ femmes-par-hommes ] [ originale ]

 

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lavage du linge

Dans les sociétés rurales anciennes, la lessive n'était pas une opération quotidienne mais un vaste chantier collectif d'envergure - qu'on appelait la "grande buée" - qui avait lieu deux fois l'an à l'automne et au printemps. Elle durait plusieurs jours et s'accompagnait de festivités qui réunissaient toute la communauté. D'autres petites lessives avaient lieu ponctuellement, en fonction des temps morts du travail agricole. Le lavage s'effectuait de façon sommaire aux points d'eau disponibles avant que des lavoirs couverts ne soient construits - au XIXe siècle pour l'essentiel - dans tous les villages. En ville, la lessive se professionnalise plus tôt, à partir du XVIIe siècle des blanchisseuses professionnelles apparaissent, des bateaux-lavoirs sont installés sur les cours d'eau - on en compte 68 sur la Seine en 1831 - et les lavoirs publics se multiplient. Il s'agissait d'une opération complexe, très ritualisée, fortement genrée et socialement différenciée : les plus riches confiaient leur linge aux lavandières qui allaient tous les jours au lavoir, ou aux blanchisseuses spécialisées.

Auteur: Jarrige François

Info: Dans "La décroissance" n°160 page 10

[ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

événements urbains

Transformer les Parisiens en patinants hallucinés sur des plans de glace fabriqués à coups d’eau glycolée n’a rien de plus sorcier que d’en faire des baigneurs virtuels dans le béton des berges de la Seine ou des participants hébétés de Nuits Blanches. Dans tous les cas, il ne s’agit jamais que d’orchestrer du mieux possible un travail du deuil heureux, celui de la réalité citadine de naguère, avec ses aventures non programmées (et d’ailleurs plus ou moins agréables) et de fugitifs moments de socialité qui ne s’appelaient pas ainsi parce que personne ne savait encore qu’il s’agissait de cela. Plus la ville disparaît de manière irrémédiable, et plus elle se couvre de petits théâtres de consolation où l’on peut faire tout ce que l’on n’avait encore jamais fait : disposer son transat en bordure d’atoll, pique-niquer sur un trottoir comme si c’était de l’herbe, skier sur le parvis de la Défense, bronzer sur des rives inexistantes sous des soleils conceptuels, aller là-bas vivre ensemble au pays qui te ressemble, etc. ; sans quitter notre ordinateur, nos parts de marché, nos maladies de science-fiction et notre stock d’anxiolytiques.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1565-1566

[ déréalisation ] [ échappatoires imaginaires ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

insensibilité

Une fourreuse du passage Dauphine, une soixantaine d'années, à qui j'ai souvent parlé à cause de ses chiens, s'est jetée à la Seine il y a quelques jours. Inconsolable de la mort d'un fils il y a une dizaine d'années. Pertes d'argent. Mauvaises affaires. Mari toujours dehors. Le "Fléau" me parlait de cela ce soir dans mon bureau. Je me suis mis à éclater de rire. Scandalisée de cela. Me traitant de monstre, homme abominable. Je n'en riais que plus fort. C'est vrai, à la fin. Faut-il que je me désole parce que cette femme s'est jetée à l'eau ? Je m'en fiche complètement. Va-t-il falloir aussi que je m'attendrisse sur les tuberculeux, les goitreux, les borgnes, les bancals, les gens qui n'ont qu'un testicule, tous les mal bâtis d'une façon ou d'une autre. C'est agaçant, à la fin. Je m'en fiche complètement. Toutes ces jérémiades à la mode d'aujourd'hui ! C'est comme l'affaire des timbres antituberculeux. Des timbres antituberculeux ? Quel français ! J'attends qu'on vienne m'en offrir dans la rue. Car c'est devenu maintenant une sorte de quête. Je crois bien que je m'offrirai ce plaisir de répondre que je m'en fiche complètement.

Auteur: Léautaud Paul

Info: 19 décembre 1932 II p.1149

[ rejet ] [ sécheresse ] [ hargne ] [ vacherie ] [ misanthropie ]

 

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humour

À la nuit tombante, Botul, qui roulait en maraude dans les chics avenues boisées de Neuilly sur Seine, chargea une jeune cliente dénommée Héloïse Poisson, âgée de 18 ans. Elle lui dit "Cours Désir !", ce que Botul interpréta de façon intempestivement freudienne comme un message libidinal à connotation érotique, énergique incitation à l’aventure duelle. En fait, Héloïse était tout simplement élève du Cours Désir, Rue de Rennes, à Paris, une institution catholique pour jeunes filles rangées, et désirait s’y rendre pour un cours du soir. C’est du moins ce qu’elle prétendit après que le scandale eut éclaté. Que se passa-t-il exactement entre la jouvencelle et le penseur mûr dans le huis clos crépusculaire du taxi ? Rien n’est clair dans cette histoire. On est sûr que la course dura toute la nuit Héloïse ne rentra chez elle au petit matin, vers six heures. C’était la première fois qu’elle découchait. Les époux Poisson accusèrent immédiatement Botul de détournement de mineure. Grâce aux relations d’Émilienne de Queylard, le procureur classa la plainte et l’affaire fut étouffée. Pas entièrement… car Botul n’échappa pas à un procès devant le tribunal professionnel des taxis, où il dut s’expliquer sur cette faute professionnelle : il avait oublié de mettre la capote sur le compteur.

Auteur: Botul Jean-Baptiste

Info: in : Nietzsche et le démon de midi. Botul, pseudo d'un journaliste du Canard, a été doctement cité par BHL à la grande joie de l'auteur de la doctrine botulique

[ allusion ] [ dérision ] [ piège ] [ malentendu ]

 

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Ajouté à la BD par Plouin

végétaux

En attendant, j’imagine que la Seine en crue atteigne les tiroirs de nos Compactus et humidifie leur contenu. Alors l'Herbier se mettrait à germer. Au commencement serait la plantule, laquelle bourgeonnerait sagement dans l'intimité d'un rayonnage, préparant sa grande évasion vers le ciel et la lumière. L'une d'elles passerait sa tige dans l'entrebâillement d'un casier et bientôt, toutes tenteraient une sortie, dans l'ordre fixé par le bel ordonnancement des familles, les myrtes au côté des choux, les bruyères en compagnie des poivrons, tournesols et marguerites ensemble. Une fois dehors, il n'y aurait plus de classification qui tienne : le fragile édifice conceptuel si patiemment édifié par les botanistes s'effondrerait face à l'inexorable poussée des lianes. Les Schizophragma, ces hortensias grimpants aux larges fleurs crème, prendraient appui sur les tuyaux de la climatisation, hissant leurs floraisons jusque dans l'encadrement des fenêtres, leurs feuillages chatouillant les verrières. À l'abri d'une travée, un Moabi d'Afrique centrale commencerait son escalade patiente, musclant sa ramure, se préparant à soulever le toit pour qu’entrent le vent et les rayons du soleil : une fois la toiture repoussée, la végétation s'en donnerait à cœur joie, jaillissant au-dessus des toits de Paris. À soixante-dix mètres de haut, le Moabi concurrencerait Notre-Dame. Ce serait la genèse d'une forêt : la spontanéité du vivant ferait la ruine de l'Herbier, une flore mondialisée, unifiée, sauvage se ferait la malle dans les rues de Paris. Pour le moment, la Seine monte sans danger pour le Jardin des Plantes. Mais prêtez-y attention, l'air de rien, les plantes complotent au bas des trottoirs.

Auteur: Jeanson Marc

Info: Botaniste

[ arbres ] [ science-fiction ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

urbanisme festif

Bien entendu, il n’y a pas davantage de plage, aujourd’hui, sur les bords de la Seine qu’il n’y en avait huit jours avant. L’important est de vérifier si les gens vont accepter d’y croire. Car tout cela n’a rien de futile. Ça s’appelle un programme. […] Contrairement à ce que l’on imagine, Paris n’est pas une enclave pittoresque où résisteraient les derniers adeptes du Parti du progrès universel et pluriel en difficulté. C’est un laboratoire. C’est un terrain d’expérience qui a l’avenir devant lui. Le maire nourrit d’amples ambitions. […] "Il faudra, déclare-t-il, qu’on puisse encore dire du bien dans trente ans de ce que nous décidons maintenant" (mais pourquoi faudrait-il attendre si longtemps pour en dire du mal ?). Ses grands projets se résument à couvrir tout ce que la sensibilité exquise de la modernité ne veut plus voir : périphériques, parkings, hangars de stockage, entrepôts du service municipal des Pompes funèbres. En gros, le réel. Delanoë le fourre sous dalle. Et, par-dessus, il plante tout ce qui fait rêver : murs d’escalade, squats d’artistes, promenades vertes, multiplexes créatifs, lieux d’éducation aux arts de la rue, espaces d’initiation à la musique hip-hop.

Et parasols.

Car il s’agit aussi de réconcilier le Parisien avec son fleuve. Il paraît que jusqu’alors le Parisien tournait le dos à la Seine, ses eaux noires moirées de mazout et ses courants d’air. De temps en temps, il s’accoudait aux parapets pour regarder un suicidé en train de gagner le large avec nonchalance. C’est tout ce qu’il avait comme distraction. Quel chemin parcouru depuis. Maintenant il peut bronzer en bordure de concept et s’initier à la fabrication des nœuds marins dans une station balnéaire non figurative où tout est stylisé, le sable, les pelouses, les oriflammes, les nœuds marins, les murs d’escalade, sa propre personne. Exactement comme dans un quartier piétonnier. Transformer les berges de la Seine en quartier piétonnier idéal, voilà l’exploit des plagistes de la Mairie de Paris. Je le sais, j’étais sur place le dimanche de l’ouverture du concept.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, page 450

[ virtualisation ] [ refoulement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

architecture

Si la civilisation française fut durable, c'est à la pierre qu'elle le dut : le bois d'Europe nordique, le stuc italien, la brique anglaise ou flamande, le béton soviétique sont des matériaux fragiles dont la vieillesse sans patine est précoce et dont les ruines informes auront depuis longtemps disparu que nos édifices seront encore debout. Issus des carrières molles ou dures, roches, marbres, monolithes ou agglomérés forment de surprenantes variétés. Lorsqu'il est question d'une de nos villes, lorsqu'on nous parle d'une de nos provinces, nous pensons d'abord à leur visage de pierre. Truffeau des villages troglodytes de la Loire, murs tendres où la renaissance sculpta ses motifs italiens, murs de l'Anjou et de Touraine, verdâtres comme le teint des héroïnes Balzaciennes. Craies ponctuées de noirs silex, riverains de la Seine, plongeant sous la Manche pour reparaître à Douvres. Doux calcaires du Valois et du Soissonnais. Enfin les produits des vieux massifs cristallins, sombres villages de l'Armorique, noirs étables du Massif central, couleur de pierre à aiguiser. Plaques de schiste des toits d'Auvergne. Mica des entablements alpins scintillants au soleil, gâlets roulés des maisons du Rhône, orgues et tables de lave de la Limagne débités en murs d'enceinte, en donjons incurvés, en abbayes verticales. 

L'histoire de notre art ne s'explique que par là, depuis les maladroits alignements d'Armor jusqu'aux pierres de belle hache, débitées à la scie lisse, de cette île de France qui exportait sa chair pour bâtir les cathédrales anglaises ou les résidences américaines. (Les carrières Buttes Chaumont où les voyous d'Eugène Sue ne se nomment-elles pas les carrières d'Amérique ?) Les noms de leurs pierres sont bien de chez nous : le vergelet, la lamarde, le saint-leu, le conflans.

La France, coin de l'Europe. Pierre d'encoignure, pierre d'attente, pierre de touche. La France, ossature et squelette de l'extrême occident. C'est pourquoi notre fonds national est rude, avare, de grain serré, d'un génie enclin à la résistance et à la pétrification. Matériau résistant au feuilletage superficiel des gelées, pierre éprouvée qui a fait son unité, qui a jeté son eau, comme disent les carriers. Chair bien jointoyée et équarrie.

Profitons de la disette actuelle de ciment, de l'absence de cette hideuse boue durcie, de cette substance plastique sans forme, couleur ni nationalité qu'est le béton.

Auteur: Morand Paul

Info: Chroniques 1931-1954 (2001, 651 p., Grasset, p.371)

[ géographie hexagonale ] [ beauté ] [ type de construction ]

 
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racisme

Comment ontologiser l’antisémitisme ?

Le 18 octobre 1916, Martin Heidegger écrivait à sa fiancée Elfride : "L’enjuivement de notre culture et nos universités est absolument épouvantable et je pense que la race allemande devrait rassembler assez de force intérieure pour parvenir au sommet." ["Die Verjudung unsrer Kultur u. Universitäten ist allerdings schreckerregend u. ich meine die deutsche Rasse sollte noch soviel innere Kraft aufbringen um in die Höhe zu kommen15."]

S’il ne s’agit pas seulement d’un badinage entre amoureux, que devient cette forte pensée dans Sein und Zeit ? Relisons le § 27, description décisive d’une vie inauthentique, caractérisée par la perte d’identité et l’oubli de l’Être. Il n’est plus ici question de collègues juifs, mais toutefois d’un Man intolérable. La promiscuité entre le Dasein et le Man y est décrite en des termes angoissants. En effet, ici, au lieu que le Dasein "jouissant d’une primauté sur les autres, s’attache à les tenir au-dessous de lui" ["das Dasein im Vorrang über die Anderen darauf aus ist, sie niederzuhalten" (p. 126)], au lieu de régner au sommet [cf. supra "in die Höhe"], "il se tient sous l’emprise d’autrui", et ainsi "le On déploie sa véritable dictature" ["entfaltet das Man seine eigentliche Diktatur" (p. 126)], dans un quotidien banal où il est question de journaux et de moyens de transport. Cette aliénation se confirme au § 38 : le On "tentateur" (donc diabolique) procure au Dasein un "rassurement" trompeur, engage à un affairement égarant, et se caractérise par "l’absence de sol" (cf. bodenlos, p. 177), bref, le déracinement (cf. Bewegtheit, ibidem ; en d’autres termes, le cosmopolitisme apatride). Il en résulte une déchéance (Verfallen), dans un monde de la "facticité" et du "commercium". Ce commercium évoque inévitablement l’argent, tout comme la publicité du § 27, dont Martineau prend la peine de préciser qu’elle n’a rien à voir avec la réclame (p. 127, note).

Ainsi, par une simple technique de diffusion sémantique, se trouvent disséminés les éléments d’un thème bien connu : la dictature d’une ploutocratie cosmopolite. La phrase de la lettre à Elfride contre l’enjuivement de l’université que nous citions plus haut était suivie de l’exclamation : "Allerdings das Kapital!" ["Voilà bien le Capital !"], qui renvoie tout à la fois au marxisme et à l’avidité des collègues juifs, ce Man menaçant.

Auteur: Rastier François

Info: Compilation de Stephane Montavon à partir de https://journals.openedition.org/labyrinthe/4031#ftn20 où on pourra retrouver les références du texte

[ philosophie ] [ anti-Heidegger ] [ nazis ]

 
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Ajouté à la BD par miguel