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femmes-hommes

Lorsque Adam et moi avions fait l'amour pour la première fois, j'avais eu la sensation d'arriver quelque part - entre ses bras, j'étais rentrée chez moi. En revanche, dès que Hunter me toucha, je me sentis arrachée à tout ce à quoi je pensais appartenir, à tout ce qui préexistait, y compris la simple notion du temps. Je le compris immédiatement: désormais, ma vie ne serait qu'attente, nostalgie et journées interminables, passées à le désirer près de moi.
Ce que j'entrevoyais à ce moment-là n'était peut-être rien d'autre que cette vérité douloureuse : il fallait apprendre à vivre en dehors de l'illusion. Aucun être ne pouvait fusionner totalement avec un autre. On ne rentrait jamais chez soi. Il n'y avait ni racines ni arbre auxquels se raccrocher.
Il fallait apprendre à aimer sans se sentir à l'abri, sans se sentir lié au sol. Il fallait accepter d'être projeté dans les ténèbres, là où nul ne peut prévoir ce qui peut se passer.

Auteur: Marciano Francesca

Info: L'africaine

[ passion ] [ détachement ] [ rencontre ]

 

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au-delà

Cependant mon père fut atteint d’une maladie qui le conduisit en peu de jours au tombeau. Il expira dans mes bras. J’appris à connaître la mort sur les lèvres de celui qui m’avait donné la vie. Cette impression fut grande ; elle dure encore. C’est la première fois que l’immortalité de l’âme s’est présentée clairement à mes yeux. Je ne puis croire que ce corps inanimé était en moi l’auteur de la pensée ; je sentis qu’elle devait venir d’une autre source, et, dans une sainte douleur, qui approchait de la joie, j’espérai me joindre un jour à l’esprit de mon père.

Un autre phénomène me confirma dans cette haute idée. Les traits paternels avaient pris au cercueil quelque chose de sublime. Pourquoi cet étonnant mystère ne serait-il pas l’indice de notre immortalité ? Pourquoi la mort, qui sait tout, n’aurait-elle pas gravé sur le front de sa victime les secrets d’un autre univers ? Pourquoi n’y aurait-il pas dans la tombe quelque grande vision de l’éternité ?

Auteur: Chateaubriand François-René de

Info: René (1805)

[ cadavre ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rêve lucide

Dans un de mes songes, je me retrouvai dans une salle de cours, au beau milieu d’une bagarre; les gens se lançaient des meubles et se bousculaient. Un colosse de trois mètres de haut m’avait agrippé et je me débattais afin de pouvoir fuir ce monstre. C’est à ce moment que je compris que je rêvais. Au milieu de la scène je me dis: "Qu’est-ce que j’ai créé là? Un monstre!"

Je constatai que c’était ma création, que j’en étais responsable, mais je voulais quand même m’enfuir. Je savais que la solution résidait dans l’acceptation et qu’il me suffisait de dire: "D’accord, tu es à moi" pour qu’il se transforme; je l’avais déjà fait au cours d’expériences antérieures. Mais, quand je le regardai, je sentis de la répulsion et je voulus tout simplement m’enfuir. Je réussis cependant à trouver de l’amour dans mon coeur et je dis des mots d’amour et d’acceptation à mon monstre. Je le sentis alors se fondre en moi et la bagarre disparut. Je m’éveillai en me sentant merveilleusement revivifié.

Auteur: LaBerge Stephen

Info: “Awake in Your Sleep,” (forthcoming, Tarcher, 1984).

[ cauchemar ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

écrivain-sur-écrivain

Je n'ai jamais ni rencontré cet homme ni eu de relation directe avec lui. C'est seulement lorsqu'il est mort que j'ai compris qu'il était de moi la personne la plus proche, celle qui m'était la plus chère et la plus nécessaire. Je suis écrivain et, comme tous les écrivains, vaniteux et jaloux. Du moins, en ce qui me concerne, je suis un écrivain de la sorte. Il ne m'est pourtant jamais venu à l'esprit de me comparer à lui, jamais. Tout ce qu'il produisait (ce qu'il produisait de bon et de vrai) était tel que plus il écrivait, mieux je m'en portais. J'envie l'art, l'esprit aussi, mais en fait de cœur, je n'éprouve que de la joie. Je considérais qu'il était un ami, que je ne manquerai pas de le rencontrer et qu'il ne tenait qu'à moi que l'occasion se présente. Et soudain, au déjeuner, j'étais en retard et déjeunais seul ce jour-là, je lus qu'il était mort. Je sentis qu'un point d'appui venait de lâcher. Je restais confus un instant avant de comprendre à quel point il m'était cher. Je le pleurai et je le pleure encore. 

Auteur: Tolstoï Léon

Info: à propos de Dostoïevski, cité par Andreï Zonine dans La Vie de Léon Tolstoï

[ regrets ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

affrontement

Je me disais : si elle gagne, elle ne m'aime pas. Et je songeais à la gardeuse de dindons que j'avais baisée quatre fois au bord de la mare. Dans ma poche, je palpais nerveusement mon petit canif à manche de corne. Luce, un à un, me chipa tous mes pions, et je me sentis nu devant elle. Mais, soudain, je lui pris une tour. Une tour ! Et j'entendis mon cœur s'entr'ouvrir pour laisser entrer cette tour.

Luce était devenue grave. Je songeais : Si l'on faisait coup nul, rien ne serait désespéré. Mais coup sur coup, elle me vola une tour et un cheval ! Échec au Roi ! Elle leva son front déjà glorieux. Elle me regardait, un mince poignard d'or dans chaque œil. Elle était moite d'orgueil. Je bougeai encore quelques pièces, puis ce fut la fin. La gardeuse de dindons, une rainette, un volubilis passaient en cavalcade devant mes yeux obscurs. Échec et mat ! Je me levai. J'avais mon canif dans la main. Je la frappai en plein visage. Aussitôt, ses joues tombèrent sur le sol. Mais avant de s'évanouir, elle me cria encore une fois :

— Échec et mat !

Auteur: Delteil Joseph

Info: Littérature Nouvelle Série, nº 10, Octobre 1923, p. 8

[ homme-femme ] [ jeu ] [ fierté ] [ échiquier ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

non-voyant

La beauté, c'est quelque chose de chaud et doux, ou une certaine harmonie. J'ai perdu la vue à l'âge de 6 ans, mais je percevais encore les couleurs. Et puis j'ai perdu les couleurs. Ça a été très dur. Quand mes enfants sont nés, j'ai fait comme toutes les mamans : j'ai trouvé qu'ils étaient les plus beaux du monde. Je les ai touchés, sentis, écoutés. Maintenant qu'ils ont grandi, je fais encore comme toutes les mamans : je les touche moins... Je sais que Gaëlle est belle. Elle a presque 18 ans, c'est une grande jeune fille brune, mince et coquette. Damien, lui, a 14 ans. Il est passionné de dessin depuis qu'il est tout petit. C'est une grande frustration, de ne pas voir ce qu'il dessine. Alors il me le raconte.
Enfant, il me faisait même toucher ses dessins. Peut-être qu'il deviendra un grand dessinateur, dont je serai très fière sans jamais avoir vu ses oeuvres... C'est compliqué, pour une femme, de ne pas pouvoir se voir. Mais je fais attention à l'image que je renvoie. Et mes enfants ne se gênent pas pour me faire remarquer quand je suis mal habillée ! Je trouve ça bien. Nous vivons dans un monde très visuel. C'est un important sujet de discussion, à la maison. Mais mon mari et moi, nous ne voudrions pas que nos enfants oublient d'écouter, de sentir, de développer autre chose, et qu'ils soient happés par ce monde...

Auteur: Claudite

Info: in Aveugle de Sophie Calle, Actes Sud 2011, à la question : qu'est-ce que la beauté pour vous

[ témoignage ]

 

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nouveau monde

Je n’eus pas plutôt mis le pied dans cette nouvelle terre, que je me sentis tout affamé ; si bien qu’après avoir attaché mes Gansas [oies], et ma machine au premier arbre que je rencontrais, je ne pensais plus qu’à satisfaire mon ventre. Pour cet effet, je fouillais tout aussitôt dans mes pochettes, pour en tirer les provisions dont j’ai parlé ci-devant. Mais au lieu des perdrix et des chapons que je pensais y avoir mis, je n’y trouvais qu’un mélange confus de feuilles sèches, parmi de la mousse, du poil de chèvre, des crottes de brebis et de semblables ordures. Il m’en arriva de même de mon vin de Canarie, qui se tourna en une puante et vilaine liqueur, telle à peu près du pissat de cheval, ou quelque autre bête ; d’où vous pouvez bien juger, que toutes ces choses n’étaient qu’illusions de malins esprits, et de quelle force j’en aurais été servi, si je m’y fusse fié. Mais tandis que je m’amusais à considérer de si étranges métamorphoses, j’ouïs un grand bruit que faisaient mes oiseaux ; qui battaient des ailes derrière moi, et me tournant tout en même temps, je vis comme ils se jetaient à corps perdu sur un certain arbrisseau, qui s’était fortuitement embarrassé dans l’étendue de leurs cordages, je pris garde qu’ils en mangeaient les feuilles avec une grande avidité, et m’en étonnais d’autant plus, que je ne les avais jamais vu jusqu’alors, se repaître d’aucune forme de mangeaille...

Auteur: Godwin Francis

Info: L'homme dans la Lune

[ exploration ] [ voyage spatial ] [ science-fiction ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

lire

Chez lui, la lecture avait même pris une place qu'il n'avait jamais accordée à un être humain. Pourquoi perdre son temps dans de vains et quotidiens bavardages quand on peut entrer en communion avec les meilleurs, les plus excitants penseurs de toutes les époques ? Pourquoi peupler sa vie d'êtres médiocres, attachants certes, mais faibles raisonneurs, quand on a le choix de rendre visite à Platon, Sénèque et Proust ? Le culte de ce que le monde appelait communément la réalité, la matière solide de l'existence, lui était étranger. L'air triomphant avec lequel ses contemporains se jetaient dans le combat du quotidien le faisait sourire. Il n'avait jamais compris ce qu'il pouvait y avoir d'héroïque à affronter la surface plane et lisse de la condition humaine dans sa plus banale expression. Enfant, ses parents lui avaient souvent reproché de fuir la réalité comme s'ils avaient décelé quelque couardise dans son comportement qui consistait à s'acquitter le plus vite possible des tâches incontournables de tous les jours afin de pouvoir retourner à ses livres et à sa rêverie. Il s'étaient sentis blessés de l'ennui qu'il affichait ouvertement face à cette dimension de la vie qui était leur unique territoire. [...] Au lieu de fuir, il était en marche vers quelque chose. Mais comment aurait-il pu décrire ce vaste univers de la pensée dans lequel il s'était aventuré à quelqu'un qui n'avait jamais ouvert un livre de sa vie avec plaisir, qui ne savait pas ce que c'était. [...] Kouros s'était alors très vite habitué à voler du temps. Il lisait dans les toilettes où personne ne le dérangeait. il lisait dans la nature prétextant d'autres besognes pour pouvoir s'éloigner.

Auteur: Henrichs Bertina

Info: La joueuse d'échecs

[ motivation ] [ élitisme ] [ cloître littéraire ]

 

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hommes anciens

Je pense aux gestes oubliés, aux multiples gestes et propos de nos ancêtres, tombés peu à peu en désuétude, dans l’oubli, tombés un à un de l’arbre du temps. J’ai trouvé ce soir une bougie sur une table, et pour m’amuser je l’ai allumée et j’ai fait quelques pas avec elle dans le couloir. Elle allait s’éteindre quand je vis ma main gauche se lever d’elle-même, se replier encre, protéger la flamme par un écran vivant qui éloignait les courants d’air. Tandis que la flamme se redressait, forte de nouveau, je pensais que ce geste avait été notre geste à tous (je pensais tous et je pensais bien, ou je sentis bien) pendant des milliers d’années, durant l’Âge du Feu, jusqu’à ce qu’on nous l’ait changé par l’électricité. J’imaginais d’autres gestes, celui des femmes relevant le bas de leurs jupes, celui des hommes cherchant le pommeau de leur épée. Comme les mots disparus de notre enfance, entendus pour la dernière fois dans la bouche des vieux parents qui nous quittaient l’un après l’autre. Chez moi personne ne dit plus "la commode en camphrier", personne ne parle plus des "trépieds". Comme les airs de l’époque, les valses des années vingt, les polkas qui attendrissaient nos grands-parents.

Je pense à ces objets, ces boîtes, ces ustensiles qu’on découvre parfois dans les greniers, les cuisines, les fonds de placards, et dont personne ne sait plus à quoi ils pouvaient bien servir. Vanité de croire que nous comprenons les œuvres du temps : il enterre ses morts et garde les clefs. Seuls les rêves, la poésie, le jeu — allumer une bougie et se promener avec elle dans le couloir — nous font approcher parfois de ce que nous étions avant d’être ce que nous ne savons pas si nous sommes.

Auteur: Cortazar Julio

Info: Marelle

[ routines ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

déclaration d'amour

Parthénice, il n'est rien qui résiste à tes charmes:
Ton empire est égal à l'empire des dieux;
Et qui pourrait te voir sans te rendre les armes,
Ou bien serait sans âme, ou bien serait sans yeux.

Pour moi, je l'avouerai, sitôt que je t'ai vue,
Je ne résistai point, je me rendis à toi:
Mes sens furent charmés, ma raison fut vaincue,
Et mon coeur tout entier se rangea sous ta loi.

Je vis sans déplaisir ma franchise asservie;
Sa perte n'eut pour moi rien de rude et d'affreux;
J'en perdis tout ensemble et l'usage et l'envie:
Je me sentis esclave, et je me crus heureux.

Je vis que tes beautés n'avaient pas de pareilles:
Tes yeux par leur éclat éblouissaient les miens;
La douceur de ta voix enchanta mes oreilles;
Les noeuds de tes cheveux devinrent mes liens.

Je ne m'arrêtai pas à ces beautés sensibles,
Je découvris en toi de plus rares trésors;
Je vis et j'admirai les beautés invisibles
Qui rendent ton esprit aussi beau que ton corps.

Ce fut lors que voyant ton mérite adorable,
Je sentis tous mes sens t'adorer tour à tour:
Je ne voyais en toi rien qui ne fût aimable,
Je ne sentais en moi rien qui ne fût amour.

Ainsi je fis d'aimer l'heureux apprentissage;
Je m'y suis plu depuis, j'en aime la douceur;
J'ai toujours dans l'esprit tes yeux et ton visage,
J'ai toujours Parthénice au milieu de mon coeur.

Oui, depuis que tes yeux allumèrent ma
Je respire bien moins en moi-même qu'en
L'amour semble avoir pris la place de mon
Et je ne vivrais plus, s'il n'était plus en moi.

Vous qui n'avez point vu l'illustre Parthénice,
Bois, fontaines, rochers, agréable séjour,
Souffrez que jusqu'ici son beau nom retentisse,
Et n'oubliez jamais sa gloire et mon amour.

Auteur: Racine Jean

Info: Stances à Parthénice, le 2 juin 1661 ?

[ poème ]

 

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