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communisme

Le nom de Gramsci revient sans cesse depuis plusieurs mois, dans les médias, sur les réseaux sociaux, il est cité en permanence. Qui est-il et quelle est sa pensée?
Gramsci distingue deux types de sociétés. Pour faire simple, celles où il suffit, comme en Russie, de prendre le central téléphonique et le palais présidentiel pour prendre le pouvoir. La bataille pour "l’hégémonie" vient après, ce sont les sociétés "orientales" qui fonctionnent ainsi… Et celles, plus complexes, où le pouvoir est protégé par des tranchées et des casemates, qui représentent des institutions culturelles ou des lieux de productions intellectuelles, de sens, qui favorisent le consentement. Dans ce cas, avant d’atteindre le central téléphonique, il faut prendre ces lieux de pouvoir. C’est ce que l’on appelle le front culturel, c’est le cas des sociétés occidentales comme la société française, italienne ou allemande d’alors.
Au contraire de François Hollande et de François Lenglet, Antonio Gramsci ne croit pas à l’économicisme*, c’est-à-dire à la réduction de l’histoire à l’économique. Il perçoit la force des représentations individuelles et collectives, la force de l’idéologie… Ce refus de l’économicisme mène à ouvrir le "front culturel", c’est-à-dire à développer une bataille qui porter sur la représentation du monde tel qu’on le souhaite, sur la vision du monde…
Le front culturel consiste à écrire des articles au sein d’un journal, voire à créer un journal, à produire des biens culturels (pièces de théâtre, chansons, films etc…) qui contribuent à convaincre les gens qu’il y a d’autres évidences que celles produites jusque-là par la société capitaliste.
L’hégémonie, c’est l’addition de la capacité à convaincre et à contraindre
La classe ouvrière doit produire, selon Gramsci, ses propres références. Ses intellectuels, doivent être des "intellectuels organiques", doivent faire de la classe ouvrière la "classe politique" chargée d’accomplir la vraie révolution: c’est-à-dire une réforme éthique et morale complète. L’hégémonie, c’est l’addition de la capacité à convaincre et à contraindre.
Convaincre c’est faire entrer des idées dans le sens commun, qui est l’ensemble des évidences que l’on ne questionne pas.
La crise (organique), c’est le moment où le système économique et les évidences qui peuplent l’univers mental de chacun "divorcent". Et l'on voit deux choses: le consentement à accepter les effets matériels du système économique s’affaiblit (on voit alors des grèves, des mouvements d’occupation des places comme Occupy Wall Street, Indignados, etc); et la coercition augmente: on assiste alots à la répression de grèves, aux arrestations de syndicalistes etc…
Au contraire, un "bloc historique" voit le jour lorsqu’un mode de production et un système idéologique s’imbriquent parfaitement, se recoupent: le bloc historique néolibéral des années 1980 à la fin des années 2000 par exemple. Car le néolibéralisme n’est pas qu’une affaire économique, il est aussi une affaire éthique et morale.
A travers ces écrits, il devient le grand penseur des crises, casquette qui lui donne tant de pertinence aujourd’hui, et surtout depuis 2007 et 2008 que la crise financière propage ses effets. Dans ces Cahiers, il apporte à l’œuvre de Marx l'une des révisions ou l’un des compléments les plus riches de l’histoire du marxisme. Pour beaucoup de socialistes, il faut attendre que les lois de Marx sur les contradictions du capitalisme se concrétisent pour que la Révolution advienne. La Révolution d’Octobre, selon Gramsci, invalide cette thèse. Elle se fait "contre le Capital", du nom du grand livre de Karl Marx.
Le penseur italien fait partie du patrimoine intellectuel de l’Europe. Il a forgé des outils qui sont utiles aujourd’hui pour analyser le monde, comprendre comment les gens le voient et participent à la vie sociale, comment individus et médias interagissent, comment les représentations et les identités se forment continuellement et magmatiquement. Il a donné naissance à des écoles de pensée foisonnantes et utiles pour qui veut agir sur le monde.

Auteur: Brustier Gaël

Info: *Doctrine visant à considérer l'économie comme centrale dans le fonctionnement

[ socialisme ]

 

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peur du vide

En 1930, John Maynard Keynes avait prédit que d’ici la fin du siècle, les technologies seraient suffisamment avancées pour que des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis mettent en place une semaine de travail de 15 heures. Tout laisse à penser qu’il avait raison. En termes technologiques, nous en sommes tout à fait capables. Et pourtant cela n’est pas arrivé. Au contraire, la technologie a été mobilisée dans le but de trouver des moyens de nous faire travailler plus. Pour cela, des emplois effectivement inutiles, ont dû être créés. Des populations entières, en Europe et en Amérique du Nord particulièrement, passent toute leur vie professionnelle à effectuer des tâches dont ils pensent secrètement qu’elles n’ont vraiment pas lieu d’être effectuées. Les dommages moraux et spirituels que cette situation engendre sont profonds. Ils sont une cicatrice sur notre âme collective. Et pourtant presque personne n’en parle.

Pourquoi l’utopie promise par Keynes — et qui était encore très attendue dans les années 60 — ne s’est-elle jamais matérialisée ? La réponse standard aujourd’hui est qu’il n’a pas pris en compte la croissance massive du consumérisme. Entre moins d’heures passées à travailler et plus de jouets et de plaisirs, nous avons collectivement opté pour la deuxième alternative. Il s’agit d’une jolie fable morale, sauf qu’en l’analysant, ne serait-ce qu’un court instant, nous comprenons que cela n’est pas vrai. Oui, nous avons été les témoins de la création d’une grande variété d’emplois et d’industries depuis les années 20, mais très peu d’entre eux ont un rapport avec la production et la distribution de sushis, d’iPhones ou de baskets à la mode.

Quels sont donc ces nouveaux emplois précisément ? Un rapport récent comparant l’emploi aux États-Unis entre 1910 et 2000 nous en donne une image claire et nette (il faut au passage souligner qu’un rapport similaire a été produit sur l’emploi au Royaume-Uni). Au cours du siècle dernier, le nombre de travailleurs, employés dans l’industrie ou l’agriculture a considérablement chuté. Parallèlement, les emplois de "professionnels, administrateurs, managers, vendeurs et employés de l’industrie des services" ont triplé, passant "de un quart à trois quarts des employés totaux". En d’autres termes, les métiers productifs, comme prédit, ont pu être largement automatisés (même si vous comptez les employés de l’industrie en Inde et Chine, ce type de travailleurs ne représente pas un pourcentage aussi large qu’avant).

Mais plutôt que de permettre une réduction massive des heures de travail pour libérer la population mondiale afin qu’elle poursuive ses propres projets, plaisirs, visions et idées, nous avons pu observer le gonflement, non seulement des industries de "service", mais aussi du secteur administratif, et la création de nouvelles industries comme les services financiers, le télémarketing, ou l’expansion sans précédent de secteurs comme le droit corporatiste, les administrations universitaires et de santé, les ressources humaines ou encore les relations publiques. Et ces chiffres ne prennent pas en compte tous ceux qui assurent un soutien administratif, technique ou sécuritaire à toutes ces industries, voire à toutes les autres industries annexes rattachées à celles-ci (les toiletteurs pour chiens, les livreurs de pizzas ouverts toute la nuit) qui n’existent que parce que tous les autres passent la majeure partie de leur temps à travailler pour les premières.

C’est ce que je propose d’appeler des "métiers à la con".

C’est comme si quelqu’un inventait des emplois inutiles, dans le seul but de continuer à nous faire tous travailler. Et c’est ici que réside tout le mystère. Dans un système capitaliste, c’est précisément ce qui n’est pas censé se produire. Dans les anciens et inefficaces états socialistes, comme l’URSS, où l’emploi était considéré à la fois comme un droit et un devoir sacré, le système fabriquait autant d’emploi que nécessaire (c’est une des raisons pour lesquelles il fallait trois personnes dans les supermarchés pour vous servir un morceau de viande). Mais, bien sûr, c’est précisément le genre de problème que la compétition de marché est censée régler. Selon les théories économiques, en tout cas, la dernière chose qu’une entreprise recherchant le profit va faire, c’est de débourser de l’argent à des employés qu’elle ne devrait pas payer. C’est pourtant ce qui se produit, d’une certaine façon.

Alors que les entreprises s’engagent dans des campagnes de restrictions impitoyables, ces licenciements touchent principalement la classe des gens qui produisent, déplacent, réparent ou maintiennent les choses; alors qu’à travers une étrange alchimie que personne ne peut expliquer, le nombre de "gratte-papier" semble gonfler, et de plus en plus d’employés finissent, à l’instar des travailleurs de l’ex-URSS, par travailler 40 ou 50 heures par semaine, mais avec un temps effectif de travail utile de 15 heures, exactement comme Keynes l’avait prédit, puisque le reste de leur temps consiste à organiser ou à participer à des séminaires de motivation, à mettre à jour leur profil Facebook ou à télécharger des séries télévisées.

La réponse n’est de toute évidence pas économique : elle est morale et politique. La classe dirigeante a compris qu’une population heureuse, productive et bénéficiant de temps libre est un danger mortel (pensez à ce qui s’est passé lorsque cela a commencé à se réaliser dans les années 60). Et, d’un autre côté, le sentiment selon lequel le travail étant une valeur morale intrinsèque et que quiconque refusant de se soumettre à une forme intense de travail pendant ses journées ne mérite rien, est extraordinairement pratique pour eux.

Autrefois, considérant l’augmentation apparemment infinie des responsabilités administratives dans les départements universitaires britanniques, j’en ai déduit une vision possible de l’enfer. L’enfer, c’est un groupe d’individus qui passent le plus clair de leur temps à effectuer des tâches qu’ils n’aiment pas et pour lesquelles ils ne sont pas spécialement doués. Disons qu’ils ont été engagés parce qu’ils étaient de très bons menuisiers, et qu’ils découvrent ensuite qu’ils doivent passer une grande partie de leur temps à cuire du poisson. Effectuer cette tâche n’est pas non plus indispensable, mais au moins il y a une quantité très limitée de poissons à faire cuire. Et pourtant, ils deviennent tous complètement obsédés par le fait que certains de leurs collègues passent peut-être plus de temps à faire de la menuiserie sans contribuer de manière équitable à faire frire du poisson et, très rapidement, des piles entières de poisson mal cuits et inutiles envahissent l’atelier, et cuire du poisson est devenu l’activité principale.

Auteur: Graeber David

Info: Thought Info http://partage-le.com/2016/01/a-propos-des-metiers-a-la-con-par-david-graeber/

[ déséquilibre ] [ absurde ] [ diminution du travail ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson