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famille de mots

Le mot "globe" est assez tardif. Selon le Bloch & Von Warburg, il apparaît au XIVè s., est usuel au  XVIIè s. où il a déjà les acceptions principales d’un "corps sphérique, ou sphéroïdal".

À la différence de la sphère ou de la boule, qui s’accompagnent d’une exacte définition géométrique, le globe est une approximation, usitée en géographie, en astronomie et en anatomie ("globe utérin").

"Global" quant à lui est attesté pour la première fois en 1840, soit en pleine révolution industrielle, ce qui n’est sans doute pas un hasard.

Selon le Gaffiot, globus désigne une masse, un amas, un amoncellement. Tacite parle de globus nubium, "amas de nuages". C’est aussi, on s’en souvient,  l’une des acceptions de la Gestion, déployée à partir de la racine gerere, qui désigne la "masse", le "tas". Congerere, c’est "entasser", d’où les congères, les amas de neige portée par le vent.

L’étymologie de globus est différente de celle d’orbis, qui a aussi pour significations dérivées "la terre" (chez Ovide) et le monde. Car Orbis désigne, par opposition à la rotondité de globus, un cercle ou un disque plat ou creux (selon le Dictionnaire étymologique de la langue latine de Ernout et Meillet). Orbis désigne la courbure, un mouvement circulaire, et bien entendu la révolution d’un astre. Et, comme si orbis assumait la perte de matière à quoi le conduit le creux de son acception initiale, c’est un terme spontanément métaphorique, qui peut désigner le cours circulaire d’événements, le tour d’une discussion (chez Cicéron) ; per omnes in orbem imperium ibat, chez Tite-Live, signifie "l’autorité se transmettait à tous en faisant le tour"… Orbis suggère le creuxglobus le dense, la foule, et le peloton en langage militaire.

La distinction est subtile, mais elle a son importance.

Ce qu’il importe de comprendre, pour commencer, c’est que le globe, contrairement au cercle, est une vague vue de l’esprit. Le cercle est une notion bien définie, il désigne une forme précise, calculable et manipulable par et pour le calcul, tandis que le globe est une pure évaluation. Or, comme si l’idée de globe souffrait de son approximation initiale,  elle ne peut s’appliquer à la "Terre" qu’en faisant abstraction de son abstraction même. Concevoir "la Terre" comme "globe" (je dis "la Terre" par commodité, pour employer une expression triviale, qui elle-même est déjà la conséquence d’une façon globale d’envisager le monde), au sens d’une sphère artificielle sur laquelle le regard se pose en surplomb et que l’on manipule à son gré en la faisant tourner sur son axe, c’est s’engager à maintenir l’intégrale intégrité du monde que l’on conçoit ainsi, ce à quoi on ne peut parvenir qu’en faisant abstraction de tout ce qui risquerait de récuser cette intégrité.

Et les exemples de ce qui récuse cette intégrité abondent. Ainsi  l’énonciation de Wittgenstein, dans le Tractatus logico-philosophicus, selon qui  "le monde se dissout en faits". Le monde wittgensteinien est incompatible avec une conception du monde comme "globe".

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/gober-le-globe-les-romains-les-bretons

[ historique ] [ impact conceptuel ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

captation technologique

Conformément à l’aphorisme de Ludwig Wittgenstein que je cite abondamment dans cette étude, selon lequel "le monde est l’ensemble des faits et non des choses", la structure du monde ainsi que d’un langage correctement – non pathologiquement – institué, et partant celle du réel se situant à leur interface est d’être relationnelle. Suivant notre perspective moniste, le cerveau humain inscrit dans un semblable écrin reçoit son plein oxygène de cette structure relationnelle dans laquelle il doit impérativement évoluer sous peine de dépérir. Le cadre circonscrivant les écrans est établi au prix de quatre coups de ciseaux qui le délimitent, et le désarriment du réel en constituant un pseudo-réel appauvri de substitution. Pseudo-réel appauvri : on imagine bien la destructivité d’une semblable chose, d’où l’interaction intersubjective a totalement disparu, quand on a compris que seule l’intersubjectivité effective contribue à l’institution et la vascularisation du sujet.

D’où provient donc une telle fascination pour les images, et pis encore, pour les images animées, véritable trou noir qui aspire irrémédiablement le sujet fragile ? Le problème provient des conditions de notre inscription au sein du monde, sous le sceau de notre finitude, dont l’horizon ultime est une certitude lancinante : celle de notre propre mort. Dans ce cadre, notre cerveau est soumis à un stress cognitif permanent lié à la profusion d’informations chaotiques qu’il reçoit du monde, en permanence et sans aucun répit. Pour y faire face, il ne cesse d’analyser, de classer, d’évaluer et de comparer les informations reçues avec celles déjà connues, en cherchant à établir des vecteurs de causalité qui permettraient d’anticiper les différents types de finalités éventuellement présentes en leur sein. Tout ceci est effectué à l’aune d’une grille référentielle simple mais constante : ceci ou cela va-t-il vers l’accroissement de mon être, donc vers la vie, ou vers une atteinte à ma propre vitalité, psychique, physique, affective, etc… donc vers la mort, ou au moins une logique mortifère ? Ce stress cognitif est épuisant et cherche en permanence un répit quel qu’il soit. L’image, et bien plus encore l’image animée, comporte en elle-même des inférences causales préétablies par le peintre, le photographe, le cinéaste, qui l’orientent téléologiquement a priori, sous le surplomb de l’intentionnalité du geste artistique initial. Le spectateur est existentiellement à l’abri du surgissement de tout événement chaotique relevant de la constitution naturelle du sens causal, dont l’établissement dans la vie réelle relève toujours d’une construction a posteriori. Ceci ligote le spectateur dans sa dimension de sujet en le livrant à une irrémédiable passivité dont on peut certes retenir le bénéfice d’un mimétisme cathartique pour un sujet déjà correctement institué, mais dont la destructivité pour un sujet fragile ou incomplètement advenu à lui-même est incalculable. La raison en est double : pour que la catharsis puisse s’établir, en premier lieu, il faut que l’identification à soi-même soit rendue possible par un soi déjà constitué dans sa quasi plénitude ; par ailleurs, la représentation (re-présentation) est toujours arrimée à un référent initial et premier dans l’ordre de l’expérience, en raison d’une simple évidence : le monde nous précède fondamentalement, chronologiquement et ontologiquement. Si la représentation se trouve en situation de précéder le référent initial, les polarités cognitives s’inversent de façon extrêmement destructrice, le monde devenant une représentation de la représentation : doublement éloigné dans l’ordre de l’absence, où les conditions initiales permettant l’émergence du sujet – la triade fondamentale Je-Tu-Il – sont condamnées à une indistinction létale.

Enfin, last but not least, la caractéristique essentielle à retenir de l’art comme élément constituant sans lequel il disparaîtrait en tant que tel, est qu’il repose sur l’éviction de toute forme d’intersubjectivité réelle comme je l’ai signalé plus haut, le spectateur étant consigné à une indépassable passivité réceptive. Les diverses tentatives contemporaines pour briser cet effet de structure se signalent surtout par le fait qu’elles démontrent son intangibilité, sous peine de condamner l’art à l’insignifiance d’une gesticulation dépourvue de propos, du fait de l’effraction du réel en son sein.

J’en conclus qu’il est impératif de supprimer toute forme d’écran, quelle qu’en soit la nature, dans l’entourage des personnes atteintes de troubles autistiques sévères. J’ai pu vérifier, durant mon travail avec Raphaël, à quel point leur influence était délétère sur les progrès de son développement subjectal, en régression nette par rapport aux séances précédentes si par malheur il avait visionné quelque film : il était à nouveau sujet à des écholalies et des comportements erratiques à nouveau difficilement maîtrisables, nécessitant un effort supplémentaire conséquent de notre part à lui et à moi pour récupérer le terrain ainsi perdu.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, pages 44-46

[ parodie désubjectivante ] [ dangers ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

Chaque ville, comme Laudomia, a à ses côtés une autre ville dont les habitants portent les mêmes noms : c'est la Laudomia des morts, le cimetière. Mais la dotation spéciale de Laudomia doit être au-delà de cette dualité, triple, c'est-à-dire qu'elle inclut une troisième Laudomia qui est celle de l'enfant à naître. Les propriétés de la ville double sont bien connues. Plus la Laudomia des vivants afflue et s'étend, plus l'étendue des tombes à l'extérieur des murs s'accroît. Les rues de la Laudomia des morts sont juste assez larges pour que le chariot du fossoyeur puisse y tourner, avec des bâtiments sans fenêtres les bordent ; mais le tracé des rues et l'ordre des habitations reprennent ceux de la Laudomia des vivants, et comme dans celle-ci les familles sont de plus en plus serrées dans des niches denses et superposées. Les après-midi de beau temps, la population vivante rend visite aux morts et déchiffre leurs noms sur leurs dalles de pierre : comme la ville des vivants, celle-ci communique une histoire de difficultés, de colère, d'illusions, de sentiments, sauf qu'ici tout est devenu une nécessité, sorti de l'écrin, encastré, mis en ordre. Et pour se sentir en sécurité, la Laudomia vivante a besoin de chercher une explication d'elle-même dans la Laudomia des morts, même au risque de trouver plus ou moins : des explications pour plus d'une Laudomia, pour différentes villes qui auraient pu être et n'ont pas été, ou des raisons partielles, contradictoires, décevantes.

C'est à juste titre que Laudomia attribue une résidence tout aussi importante à ceux qui ne sont pas encore nés ; Bien sûr, l'espace n'est pas proportionnel à leur nombre, qui est censé être infini, mais comme il s'agit d'un lieu vide, entouré d'une architecture toute de niches, de renfoncements et de rainures, et que l'on peut attribuer aux enfants à naître la taille que l'on veut, les imaginer aussi gros que des souris ou des vers à soie ou des fourmis ou des œufs de fourmis, rien n'empêche de les imaginer debout ou accroupis sur chaque surplomb ou étagère qui dépasse des murs, sur chaque chapiteau ou plinthe, en rang ou éparpillés, et contempler dans une tache de marbre toute la Laudomia dans cent ou mille ans, peuplée de multitudes habillées de façon inédite, toutes par exemple en barracanes aubergines, ou toutes avec des plumes de dinde sur leurs turbans, et reconnaissent leurs propres descendants et ceux des familles alliées et ennemies, des débiteurs et des créanciers, qui vont et viennent perpétuant trafics, vengeances, engagements amoureux ou d'intérêt. Les vivants de Laudomia fréquentent la maison des non-nés, les interrogent ; les pas résonnent sous les voûtes vides ; les questions sont formulées en silence : et c'est toujours d'eux-mêmes que les vivants s'enquièrent, et non de ceux qui vont venir ; les uns se soucient de laisser d'illustres souvenirs d'eux-mêmes, les autres de faire oublier leur honte ; tous voudraient suivre le fil des conséquences de leurs actes ; mais plus ils aiguisent leur regard, moins ils reconnaissent une trace continue ; les non-nés de Laudomia apparaissent ponctuels comme des grains de poussière, détachés de l'avant et de l'après. La Laudomia des enfants à naître n'apporte, comme celle des morts, aucune sécurité aux habitants de la Laudomia vivante, mais seulement de la consternation. Aux pensées des visiteurs, deux routes finissent par s'ouvrir, et l'on ne sait laquelle recèle le plus d'angoisse : Soit ils pensent que le nombre des enfants à naître dépasse de loin celui de tous les vivants et de tous les morts, et alors dans chaque pore de la pierre il y a des foules invisibles, entassées sur les pentes d'un entonnoir comme sur les marches d'un stade, et comme à chaque génération les descendants de Laudomia se multiplient, dans chaque entonnoir s'ouvrent des centaines d'autrese entonnoirs, chacun avec des millions de personnes qui doivent naître et tendre le cou et ouvrir la bouche pour ne pas suffoquer ; ou bien ils pensent que Laudomia disparaîtra elle aussi, personne ne sait quand, et tous ses citoyens avec elle, c'est-à-dire que les générations se succéderont jusqu'à ce qu'elles atteignent un chiffre et n'iront pas plus loin, et alors la Laudomia des morts et celle des non-nés sont comme les deux ampoules d'un sablier qui ne se retourne pas, chaque passage entre la naissance et la mort est un grain de sable qui passe par le goulot d'étranglement, et il y aura un dernier habitant de Laudomia à naître, un dernier grain à tomber qui est maintenant là à attendre au sommet du tas.

Auteur: Calvino Italo

Info: Les villes invisibles

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Ajouté à la BD par miguel

protestantisme

Depuis le mois de mai 1520, des troubles avaient éclaté dans une petite ville de Saxe, au nord de l’Erzgebirge et du pays hussite : Zwickau. Un prêtre, un illuminé, Thomas Münzer, s’appuyant sur les artisans et de préférence sur les drapiers, avait tenté d’établir là un "royaume du Christ" : royaume sans roi, sans magistrat, sans autorité spirituelle ou temporelle, sans loi non plus, ni Église ni culte, et dont les libres sujets, ressortissant directement à l’Écriture, éprouveraient les bienfaits d’un communisme dont le rêve édénique hantait les esprits simples. Le magistrat de Zwickau, effrayé, réagit durement. Des arrestations en masse brisèrent le mouvement. Münzer s’enfuit. Ses lieutenants l’imitèrent. Et le 27 décembre 1521, trois d’entre eux, le foulon Nicolas Storch, Thomas Drechsel et Marcus Thomae dit Strübner, entraient à Wittemberg comme dans un asile sûr. Il y avait trois semaines que Luther, après sa première fugue, avait regagné sa chambre de la Wartbourg.

Sitôt installés dans la ville, les trois apôtres commencèrent à remplir leur mission d’hommes de Dieu, comblés des grâces et des révélations directes de l’Esprit. Bientôt, l’étrangeté de leurs doctrines, leur assurance de visionnaires, le mélange de considération et de dédain avec lequel ils parlaient de Luther, réformateur timoré et tout juste bon à fournir aux vrais prophètes, pour leur saut dans l’absolu, le tremplin d’une doctrine terre à terre — tout cela, et leurs déclamations contre la science génératrice d’inégalité, leurs apologies du travail manuel, leurs excitations à briser les images qui allaient remuer, au fond des âmes populaires, ce vieux legs de croyances et de superstitions, héritées et transmises par les femmes, les guérisseurs, les inspirés et dont nous ne saurons jamais rien de précis — mais nous ne risquons guère d’exagérer ses prises sur les hommes de ce temps : voilà qui conquit, en quelques semaines, aux fugitifs de Zwickau, aux "prophètes Cygnæens", la faveur inquiétante des Wittembergeois. Au premier rang de leurs auditoires Carlstadt, embrasé soudain de la grâce nouvelle, apportait aux illuminés sans diplômes l’appréciable adhésion d’un savant et, comme nous dirions, d’un intellectuel connu et représentatif.

Bientôt les prophètes passèrent aux actes. Se ruant sur les Églises, ils les saccagèrent abominablement. N’était-il point écrit : "Tu ne feras point d’images taillées ?" Le malaise grandissait. Personne ne tentait de s’opposer à Storch et à ses acolytes. Mélanchton ne savait que faire. L’assurance magnifique des nouveaux venus en imposait à ce timide, toujours inquiet de laisser passer à côté de lui, sans le reconnaître à temps pour le saluer, l’Esprit de Dieu... Se tournant vers Luther, il l’appelait : lui seul, dans ce chaos, était capable de voir clair, de remettre en place les choses et les gens. Lui seul, avec sa lucidité de prophète authentique.

Luther n’hésita point. Il partit. Par peur d’être devancé, supplanté dans la faveur du peuple par des rivaux, des concurrents ? Quelle sottise ? Parce que, pour Luther, le devoir était de se rendre où l’appelait Mélanchton et ce troupeau chrétien dont il avait la charge. Parce que sa conviction d’ailleurs lui dictait sa conduite : les prophètes n’étaient point de Dieu ; donc ils étaient du diable ; du moins Satan se servait d’eux contre la vérité ; il les fallait mettre à nu et démasquer. Parce qu’enfin, contre nos hommes que déjà le magistrat de Zwickau avait poursuivis, beaucoup réclamaient des mesures de rigueur ; et cela, non, Luther ne pouvait le souffrir. Ce fut son premier souci : pas de sang, pas de supplices ! Dès le 17 janvier 1522, il écrivait à Spalatin : "Je ne voudrais pas qu’ils fussent emprisonnés, surtout par ceux qui se réclament de nous... Sans verser le sang, sans tirer le glaive, qu’on n’en doute pas : nous éteindrons gentiment ces deux bouts de brandons fumants... Mais toi, veille bien à ce que notre Prince ne souille pas ses mains dans le sang de ces nouveaux Prophètes !" Sa foi dans la Parole lui dictait ces lignes. Mais de cette Parole, précisément, Dieu ne l’avait-il pas fait héraut et exégète ? La dresser comme un mur devant les entreprises sournoises de Satan, n’était-ce pas pour lui une stricte obligation ? Que pesaient, en face, les convenances de l’Électeur, les ménagements vis-à-vis de l’Empire, les prudences politiques ? Le 6 mars, Luther arrivait à Wittemberg. La veille, de Borna, il avait adressé à Frédéric sa lettre fameuse. Trois jours plus tard, le dimanche 9, il montait en chaire. Il prenait la parole. Il la garda huit jours.

Pendant huit jours il prêcha, avec une simplicité, une force, une clarté irrésistibles, une modération singulière aussi, un sens supérieur de la mesure et de l’équité. Hommes, femmes, savants et gens du peuple, tous purent à leur aise rassasier leur appétit d’enthousiasme avec un génie fait, à la fois, pour séduire et dominer. En Luther ils retrouvèrent un héros, leur héros. Et taillé à la bonne mesure physique du héros, du tribun puissant, un peu vulgaire, solide sur ces bases et dont la poitrine sonne au choc des poings fermés. Mais, enfoncés sous la voûte surplombante d’un front bien dégagé, les yeux de Luther lançaient leurs étranges flammes, et dans sa parole passait en vibrations toniques cette allégresse que versent, depuis des siècles, aux hommes brusquement mis sur pied, les cloches bondissantes en haut des beffrois.

Ainsi, en une semaine, les cœurs furent reconquis, les violents même touchés par cette force tranquille. Il avait eu raison de le proclamer : prêchée par lui, la Parole était souveraine. Et puis, comme ailleurs aussi les esprits se troublaient et se laissaient séduire, il partit. On le vit, on l’entendit, on subit sa puissance à Altenbourg, à Borna, à Zwickau même, à Erfurt aussi et à Weimar. Partout le succès, les foules subjuguées, la même démonstration d’une force et d’une modération pleine de maîtrise. L’idéalisme magnifique qui animait Luther, se révélait à tous comme une force unique de conquête et de domination. Chaque voyage valait une victoire.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 150 à 152

[ dérives ] [ modération ]

 

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