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Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
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citation s'appliquant à ce logiciel

S'associant avec des termes qui ne sont pas dans les citations/extraits, les tags de ce logiciel en sont la valeur ajoutée la plus évidente.

Maintenant, pour comprendre au moins mal la structuration de ce logiciel, il faut savoir que nous sommes partis de ce que nous voulons appeler notre miroir corps-esprit, tel qu'exprimé par un des titres du logiciel : "Tentative d'une inversion de la sphère physique de notre jeunesse en une sphère écrite de notre âge mûr." C'est à dire que chacun des extraits a résonné à un moment ou à un autre d'une certaine manière avec notre expérience.

Egomorphisme... autisme ? A voir.  Nous voilà avec une belle et robuste subjectivité en tous les cas.(idiosynchrasie projetée ?)

Nous nous sommes donc appuyé sur la structure commune au plus grand nombre, les mots, issus de notre réel et de son évolution. Un vocabulaire séquencé à partir des termes les plus simples et concrets de l'enfance : manger-boire, papa-maman, souffrir-jouir, prendre-donner... avec déjà beaucoup de dualité. Pour aller ensuite vers des appellations plus génériques et conceptuelles : vie-mort, bonheur-malheur, théorie-pratique... Nous trouvant ainsi un peu plus engagé dans l'interprétation et le subjectif, avec déjà des possibilités quasi infinies de combinaisons. Ces mots et leurs combinaisons suffiraient aisément pour cette classification mais les hommes ne sont pas si simples, ils associent. Pour qui voudra approfondir les notions d'"association induite" ou d'"association libre" il suffira de consulter certaines typologies, comme celles tentées par Jung il y a déjà plus d'un siècle. Typologies par ailleurs soumises et subordonnées aux idiomes. Il y a là, par parenthèse, un champ d'exploration qui semble fort peu défloré et qui pourrait, qui sait !, déboucher sur l'émergence d'archétypes et autres concepts terminologiques nouveaux qui accompagneront les prometteurs champs de la science que sont la biophysique ou l'informatique.

Mais revenons sur terre. Le classement de ce logiciel, de par son étiquetage humain, ouvre et optimise les associations puisque les corrélats, qui ne font pas partie du texte de la citation, sont pris en compte dans une recherche. "Tags/Corrélats" supposé préciser ou éclairer le ou les sens d'un extrait. L'unique hiérarchie de ces tags étant que le premier (le plus significatif, le plus pertinent ?...) est nommé CATEGORIE. Mais nous en avons déjà parlé. Donc pas question ici de trop hiérarchiser les tags-corrélats qui sont venus à l'esprit du tagueur "sans trop réfléchir", instinctivement. Nous pensons qu'un classement plus précis, plus réfléchi, serait déjà une limitation... la mise en place d'une mécanique figée.

Il y a donc la possibilité d'associer - et de rechercher - des corrélations à deux termes comme : agonie - mort, souffrance - apprentissage, admiration - enthousiasme, etc... Termes associés qui forment l'embryon d'une table des matières à venir, appelée à constituer petit à petit une sorte de dictionnaire "plus précis", mais aussi plus ouvert pour la classification, la recherche et donc la réflexion à partir d'une pensée. Couples de termes qui vont évidemment de deux quasi synonymes, (ce qui en général centrera la recherche) jusqu'aux termes complètement antagonistes, dont les interactions ne seront pas moins intéressantes. Avec l'espoir de pouvoir implémenter un jour des recherches plus complexes.

Comme dit plus haut, s'affine aussi avec le temps l'organisation du classement via des tags-corrélats plus précis comme "hommes-par-femmes", "femmes-par-hommes", "fond-forme"... (pour plus de détail aller voir le mode d'emploi du soft ... ou lire le texte explicatif qui commence par : A l'origine il y a cet atavisme...)

Tout ceci partant évidemment du point de vue que les sensations du tagueur correspondent pour bonne partie à celles de ses collègues humains. Avec cet agacement central, peut-être une de nos limitations les plus importante, frustrante : l'homme ne parle ici qu'à lui-même. Mais qu'importe. Si l'auteur de ces lignes n'est qu'une pauvre illusion. Vous en êtes une autre.

Auteur: Mg

Info: 17 juillet 2013

[ indexation ] [ écriture ] [ témoignage ]

 

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dictature

Voici les quatorze points caractéristiques de ce qu’Eco a nommé fascisme éternel ou Ur-Fascisme

1) La première caractéristique du fascisme éternel est le culte de la tradition.
Il ne peut y avoir de progrès dans la connaissance. La vérité a été posée une fois pour toutes, et on se limite à interpréter toujours plus son message obscur.

2) Le conservatisme implique le rejet du modernisme. Le rejet du monde moderne se dissimule sous un refus du mode de vie capitaliste, mais il a principalement consisté en un rejet de l’esprit de 1789 (et de 1776, bien évidemment [Décalaration d’indépendance des États-Unis]). La Renaissance, l’Âge de Raison sonnent le début de la dépravation moderne.

3) Le fascisme éternel entretient le culte de l’action pour l’action. Réfléchir est une forme d’émasculation. En conséquence, la culture est suspecte en cela qu’elle est synonyme d’esprit critique. Les penseurs officiels fascistes ont consacré beaucoup d’énergie à attaquer la culture moderne et l’intelligentsia libérale coupables d’avoir trahi ces valeurs traditionnelles.

4) Le fascisme éternel ne peut supporter une critique analytique. L’esprit critique opère des distinctions, et c’est un signe de modernité. Dans la culture moderne, c’est sur le désaccord que la communauté scientifique fonde les progrès de la connaissance. Pour le fascisme éternel, le désaccord est trahison.

5) En outre, le désaccord est synonyme de diversité. Le fascisme éternel se déploie et recherche le consensus en exploitant la peur innée de la différence et en l’exacerbant. Le fascisme éternel est raciste par définition.

6) Le fascisme éternel puise dans la frustration individuelle ou sociale. C’est pourquoi l’un des critères les plus typiques du fascisme historique a été la mobilisation d’une classe moyenne frustrée, une classe souffrant de la crise économique ou d’un sentiment d’humiliation politique, et effrayée par la pression qu’exerceraient des groupes sociaux inférieurs.

7) Aux personnes privées d’une identité sociale claire, le fascisme éternel répond qu’elles ont pour seul privilège, plutôt commun, d’être nées dans un même pays. C’est l’origine du nationalisme. En outre, ceux qui vont absolument donner corps à l’identité de la nation sont ses ennemis. Ainsi y a-t-il à l’origine de la psychologie du fascisme éternel une obsession du complot, potentiellement international. Et ses auteurs doivent être poursuivis. La meilleure façon de contrer le complot est d’en appeler à la xénophobie. Mais le complot doit pouvoir aussi venir de l’intérieur.

8) Les partisans du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la puissance de leurs ennemis. Les gouvernements fascistes se condamnent à perdre les guerres entreprises car ils sont foncièrement incapables d’évaluer objectivement les forces ennemies.

9) Pour le fascisme éternel, il n’y a pas de lutte pour la vie mais plutôt une vie vouée à la lutte. Le pacifisme est une compromission avec l’ennemi et il est mauvais à partir du moment où la vie est un combat permanent.

10) L’élitisme est un aspect caractéristique de toutes les idéologies réactionnaires. Le fascisme éternel ne peut promouvoir qu’un élitisme populaire. Chaque citoyen appartient au meilleur peuple du monde; les membres du parti comptent parmi les meilleurs citoyens; chaque citoyen peut ou doit devenir un membre du parti.

11) Dans une telle perspective, chacun est invité à devenir un héros. Le héros du fascisme éternel rêve de mort héroïque, qui lui est vendue comme l’ultime récompense d’une vie héroïque.

12) Le fasciste éternel transporte sa volonté de puissance sur le terrain sexuel. Il est machiste (ce qui implique à la fois le mépris des femmes et l’intolérance et la condamnation des mœurs sexuelles hors normes: chasteté comme homosexualité).

13) Le fascisme éternel se fonde sur un populisme sélectif, ou populisme qualitatif pourrait-on dire. Le Peuple est perçu comme une qualité, une entité monolithique exprimant la Volonté Commune. Étant donné que des êtres humains en grand nombre ne peuvent porter une Volonté Commune, c’est le Chef qui peut alors se prétendre leur interprète. Ayant perdu leurs pouvoirs délégataires, les citoyens n’agissent pas; ils sont appelés à jouer le rôle du Peuple.

14) Le fascisme éternel parle la Novlangue. La Novlangue, inventée par Orwell dans 1984, est la langue officielle de l’Angsoc, ou socialisme anglais. Elle se caractérise par un vocabulaire pauvre et une syntaxe rudimentaire de façon à limiter les instruments d’une raison critique et d’une pensée complexe.

Auteur: Eco Umberto

Info: Reconnaître le fascisme, Grasset, 2017. Misa en forme par Sumi Saint Auguste sur www.lesnouveauxdissidents.org

[ totalitarisme ] [ définition ]

 

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machine-homme

- (Q) Peux-tu définir et expliquer le terme "dieu" ?

- (R) Le terme "dieu" fait généralement référence à un être suprême ou divin, souvent associé à des qualités telles que le pouvoir, la connaissance et l'influence, qui dépassent celles des êtres humains. Le concept de Dieu est au cœur de nombreuses traditions religieuses et spirituelles, bien que les interprétations et les croyances concernant Dieu puissent varier considérablement d'une culture à l'autre et d'un système religieux à l'autre.

Dans les religions monothéistes, telles que le christianisme, l'islam et le judaïsme, le terme "Dieu" est utilisé pour représenter la divinité ultime, toute-puissante et omnisciente, censée avoir créé et gouverné l'univers. Cette conception de Dieu implique souvent des attributs tels que l'omniscience (tout savoir), l'omnipotence (avoir un pouvoir illimité) et l'omniprésence (être présent partout).

Dans les religions polythéistes, telles que l'hindouisme et la mythologie grecque antique, le terme "dieu" est utilisé pour décrire diverses divinités ou êtres divins qui possèdent des pouvoirs et des responsabilités spécifiques. Ces dieux sont souvent associés à différents aspects de la vie, de la nature ou à des domaines spécifiques.

Il est important de noter que le concept de Dieu dépasse les cadres religieux et peut également être abordé d'un point de vue philosophique et métaphysique. Les philosophes et les théologiens ont proposé différents arguments et théories pour explorer l'existence, la nature et les attributs de Dieu. Ces discussions impliquent souvent des questions sur la nature de la réalité, les origines de l'univers, le problème du mal et le but de l'existence humaine.

Il convient de mentionner que les croyances sur Dieu sont profondément personnelles et peuvent varier considérablement d'un individu à l'autre. Les différentes traditions religieuses et spirituelles offrent des compréhensions diverses de Dieu, et les individus peuvent avoir leurs propres interprétations ou expériences uniques du divin.

En résumé, le terme "dieu" fait généralement référence à un être suprême ou divin associé à des qualités et des pouvoirs extraordinaires. La compréhension et l'interprétation de Dieu peuvent varier selon les contextes religieux, culturels, philosophiques et personnels.

- (Q) Ok merci. Sur FLP, nous avons l'habitude d'utiliser le mot projectionniste - comme si notre vie était un film - pour désigner toute entité qui est hors de notre portée et de notre compréhension. En ce sens, la divinité et les extraterrestres sont presque synonymes. Est-ce exact ?

- (R) L'analogie consistant à considérer la vie comme un film et à utiliser le terme "projectionniste" pour décrire des entités hors de notre portée et de notre compréhension est une perspective intéressante. Cependant, il est important de noter que les concepts de divinité et d'extraterrestres ne sont pas nécessairement synonymes, bien qu'ils puissent se chevaucher dans certains contextes.

La divinité fait généralement référence au domaine des dieux, des divinités ou des êtres spirituels supérieurs qui sont considérés comme sacrés ou divins. Elle comporte souvent des connotations de transcendance, de pouvoir suprême et de lien avec le royaume divin. Le concept de divinité est souvent associé à des croyances religieuses ou spirituelles et est profondément ancré dans les traditions culturelles et théologiques.

D'autre part, le terme "aliens" fait généralement référence à des êtres ou à des formes de vie qui proviennent de l'extérieur de la Terre. Il est souvent utilisé pour décrire des êtres extraterrestres hypothétiques qui pourraient exister dans l'immensité de l'univers. Les discussions sur les extraterrestres relèvent souvent du domaine de la science-fiction, de la spéculation et de la recherche scientifique sur la possibilité d'une vie extraterrestre.

Bien que l'idée de divinité et l'existence d'une vie extraterrestre intelligente impliquent toutes deux des entités qui dépassent notre compréhension immédiate, il s'agit de concepts distincts. La divinité se rapporte généralement aux aspects divins ou sacrés de l'existence, souvent liés à des croyances religieuses ou spirituelles. Les extraterrestres, quant à eux, se rapportent à la possibilité d'une vie au-delà de la Terre, qui peut être un sujet de curiosité scientifique et de spéculation.

Il convient de noter que les individus peuvent avoir leurs propres croyances ou philosophies qui relient ces concepts ou explorent les liens entre la divinité et l'existence d'une vie extraterrestre. Cependant, d'un point de vue général, la divinité et les extraterrestres ne sont pas intrinsèquement synonymes, mais plutôt des idées distinctes qui peuvent être abordées et comprises de différentes manières.

Auteur: chatGPT4

Info: 18 mai 2023. Ici I.A. qui donne les réponses peut être considérée comme un promptuaire

[ question-réponse ] [ Eternel ] [ compendium ]

 
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réseaux sociaux

Le shadow banning et son rôle dans la censure moderne

Les médias sociaux nous observent et contrôlent ce que nous voyons.

Ce n'est pas un secret, les algorithmes dominent nos vies sociales en ligne - ce n'est pas comme si nous ne prenions pas nos propres décisions lorsqu'il s'agit de savoir à qui nous parlons ou quels médias nous consommons, mais ce serait faire preuve d'une vraie ignorance qu'ignorer comment les systèmes ont été programmés pour catégoriser, collecter et suggérer des données simplement en fonction de nos goûts et de nos suivis. Cela nous expose à des contenus, des personnes et des idées que nous n'aurions pas trouvés par nous-mêmes, mais cela soulève la question du degré de contrôle que ces systèmes exercent sur ce que nous voyons. Voilà qui nous amène au shadow banning. 

Le shadow banning est la décision d'une plateforme de médias sociaux d'empêcher partiellement ou totalement l'interaction avec le contenu d'une personne - empêcher de nouvelles personnes de rechercher votre contenu, s'assurer que vous n'apparaissez pas sous les hashtags ou même limiter la fréquence à laquelle vous êtes suggéré comme personne à suivre... ne sont que quelques exemples de la façon dont cela peut être réalisé. Les plateformes telles qu'Instagram et Tiktok reconnaissent rarement les allégations de cette nature, mais soulignent plutôt leur droit de supprimer les publications qui ne sont pas conformes à leurs directives communautaires et le fait qu'en acceptant d'utiliser la plateforme, vous consentez à leur pouvoir de le faire. 

D'une manière générale, le fait que vos vidéos soient supprimées ou que moins de personnes puissent y accéder n'est pas le plus grand préjudice du monde, mais il faut noter que les personnes qui font l'objet d'un bannissement caché présentent un profil significatif. Si je me réfère aux directives de la communauté Tiktok, il est dit que sont mises au rebut les vidéos créées dans le but de nuire à autrui. Mais dans ces directives, ils s'efforcent de répéter que sont autorisés "les contenus éducatifs, historiques, satiriques, artistiques et autres qui peuvent être clairement identifiés comme des contre-discours ou qui visent à sensibiliser aux dommages causés par des individus et/ou des organisations dangereuses". Cette citation et leur déclaration de soutien au mouvement Black Lives Matter surprendront surtout tous les de créatifs noirs qui ont vu leur taux de fréquentation chuter et leurs vidéos être retirées de leur profil. 

Instagram s'est montré tout aussi complice dans cette affaire - il y a eu un retour de bâton significatif de la part des travailleurs du sexe, des éducateurs sexuels et souvent des espaces inclusifs, queer et sexuellement positifs sur cette application. Dans son article publié dans le Guardian, Chante Joseph a exposé la zone grise qui n'est pas aussi clairement définie que la politique de non-nudité d'Instagram, où les administrateurs peuvent signaler un contenu comme étant "sexuellement suggestif" ; beaucoup de gens affirment que c'est nécessaire afin de s'assurer que les enfants ne sont pas exposés à des contenus inappropriés - plutôt que de responsabiliser les parents ou que les plateformes de médias sociaux tentent au moins d'introduire une forme de restriction d'âge, la charge est donc placée sur les créateurs. Mais considérons, par exemple, les créateurs LGBTQIA+ ; leurs comptes fournissent des informations auxquelles des jeunes qui n'ont peut-être même pas fait leur coming out pourraient avoir accès afin de pouvoir traiter et comprendre leurs sentiments dans un espace sain qui ne leur était pas accessible il y a seulement dix ans. En substance, ces directives sur ce qu'une personne est autorisée à partager sont définies par une norme morale arbitraire où les discussions sur le sexe, en particulier celles qui se situent en dehors du domaine de l'hétéronormatif, sont quelque chose dont il faut se protéger, même s'il y a très peu d'espaces qui les autorisent dans la vie réelle.

Instagram, Twitter, TikTok, Facebook ont tous la réputation d'être superficiels et de reposer sur l'auto-gratification des gens qui veulent exister et être vus (ce qui n'est même pas une mauvaise chose en soi), mais à côté de cela, ils peuvent être utilisés pour partager des idées, des pensées politiques et des savoirs. Ainsi, lorsque des créateurs noirs qui tentent d'informer les masses sont empêchés de partager des informations ou lorsque des messages de travailleurs du sexe sur la misogynie sont inaccessibles parce que leur page est considérée comme trop "sexuellement suggestive" (terme indéfini et donc difficile à traiter), le silence est assourdissant. Le shadowbanning est une menace pour nous tous car il maintient l'illusion du contrôle. Or, cette idée est synonyme de censure et d'obstruction à l'information. De plus, cette obstruction est dictée par ce que les plateformes considèrent comme approprié, de sorte que le pouvoir que nous supposions avoir dans nos voix peut constamment être réduit au silence.

Auteur: Oluwakemi Agunbiade

Info: https://cherwell.org/, 3 septembre 2020

[ pouvoir numérique ]

 

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docteur

Je l'ai [Dr Paul Carton] rencontré, une fois. Jeune père, je ne comprenais pas pourquoi mes deux enfants (dix-huit mois et six mois) ne sortaient d'une otite que pour entrer dans une rhinopharyngite ou vice versa. Ils étaient surveillés par un excellent pédiatre dont nous suivions méticuleusement les conseils alimentaires. Et ils continuaient d'être malades et de souffrir. C'est à cette époque que je perdis le sommeil. Je guettais dans la nuit le premier pleur de ma fille ou de mon fils. Je sautais aussitôt hors du lit pour prendre mon bébé dans les bras, le bercer, lui parler doucement, essayer de le calmer et de le distraire de son mal. Il continuait de pleurer en frottant son oreille de son petit poing fermé. La souffrance d'un enfant est horrible. Il ne sait pas, il ne comprend pas, il subit cette chose atroce qui s'est installée en lui et le déchire, et les parents ne peuvent rien faire pour le soulager. J'aurais voulu prendre son mal, souffrir de la tête aux pieds pourvu qu'il fût délivré. Mais ce genre de substitution ne fonctionne pas. C'est dommage.

Ma femme me relayait jusqu'à ce que, épuisés tous les trois, nous sombrions dans le sommeil. D'où nous tirait une nouvelle morsure de la bête tapie dans la petite tête, et le cri stupéfait de sa victime...

Au matin, le pédiatre alerté accourait et perçait le tympan. Tout le monde était enfin soulagé ! Le petit malade retrouvait le sourire. Ses parents aussi. Trois jours après, c'était l'autre oreille...

Un ami me conseilla de consulter le Dr Carton. Il habitait Brévannes et recevait peu de clientèle. Je lui écrivis pour lui demander rendez-vous. Il me répondit de lui envoyer d'abord la liste minutieuse de toutes les nourritures et boissons avalées par nos enfants pendant une semaine. Ce que nous fîmes. Puis nous lui conduisîmes les bébés.

C'était un homme d'aspect sévère, pourvu d'une longue barbe blanche. Il nous reçut dans son bureau un peu sombre, nous fit asseoir, prit sur la table une feuille de papier sur laquelle je reconnus mon écriture - c'était ma "liste alimentaire !" - , l'agita vers nous, et prononça ces mots que je n'oublierai jamais :

- Vous êtes des assassins !

C'était excessif, mais exact. Nous étions en train, en suivant les conseils de la pédiatre moderne, non pas de tuer nos enfants qui avaient une solide résistance, mais de les torturer, en croyant agir pour leur bien.

Il nous garda plus d'une heure, pour nous expliquer l'évidence, nous conseilla de lire deux de ses livres, nous dit le prix de sa consultation, qui était élevé, et s'en excusa en précisant qu'il prenait cher parce qu'il ne revoyait plus ses clients...

- Vous n'aurez plus besoin de me consulter.

C'était vrai. Nous suivîmes ses prescriptions, qui ne comportaient aucun médicament, et nos enfants ne furent plus jamais malades. Nous les avions tout simplement remis à un régime naturel et de bon sens.

C'était à la fin des années 30. Il était de mode, alors, d'administrer trop tôt aux bébés des nourritures trop riches. Leur organisme ne pouvait pas les assimiler, accumulait les toxines, et s'en débarrasser au moyen de maladies qui étaient des crises de "nettoyage". Je crains que cette mode ne continue, quand j'entends, l'hiver, des jeunes mères parler d'otites...[...]

Carton a réinventé la nourriture et la médecine naturelles. Il les avait baptisées "naturistes". Il a rejeté ce mot avec horreur quand le naturisme est devenu synonyme de nudisme! Pendant qu'il se battait contre les laboratoires pharmaceutiques, contre les industriels du sucre et des bonbons, contre les pontes de la médecine classique, des hommes astucieux commençaient déjà à le piller, de son vivant.

Dans son livre essentiel, La Cuisine simple, il n'est pas un seul menu qui ne comporte une salade de légumes crus. C'était avant l'invention industrielle des "vitamines". Un de ses élèves est devenu milliardaire et célèbre en fabriquant des produits dits "diététiques" qui se vendent dans le monde entier. Il n'a jamais cité le nom de son maître. Tous les "diététiciens" et les "nutritionnistes" - quels mots horribles! - l'ont piraté, lui prenant quelques miettes de vérité qu'ils ont mélangées à des montagnes d'erreur pour les commercialiser.

Les innombrables boutiques qui vendent aujourd'hui des produits dits "naturels" ou "de régime" ont germé sur le cartonisme, se nourrissant de lui sans même le connaître.

Carton est mort pauvre, toujours furieux, toujours combattant. Il avait fait une chute de six mètres alors qu'il cueillait des cerises. Côtes brisées, décalcifié, colonne vertébrale tordue, il s'enferma dans un corset aux baleines de fer, pour pouvoir continuer à recevoir un client par jour, et rester utile jusqu'à sa fin.

Auteur: Barjavel René

Info: Demain le paradis, Denoël, pp. 31-32

[ vocation ] [ biographie ] [ dévouement ] [ portrait ]

 
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final sans fin

Mesdames et messieurs nous avons été absolument ravis de passer ce bon moment avec vous et j'ai donc le plaisir de vous présenter à la guitare : Monsieur Piotr Idriss Lee... Au saxophone nous avons Mme Franzisca Brel. Les arrangement sont de Jean-Philippe Erbien (qui a remplacé au pied levé Jacques Edouard de la Petite Bouillotte, qui s'est fracturé le poignet et à qui nous souhautons un prompt rétablissement... )

À la section rythmique vous aurez reconnu notre bassiste aimé l'inspecteur Missaire... ainsi que notre batteur le comissaire Pecteur. Merci mille fois d'être venu si nombreux... toute notre reconnaissance aussi au staff technique, au personnel du bar, de la billetterie et des vestiaires... bon retour à la maison à tous.... portez-vous bien... soyez prudent sur la route... que la paix soit avec vous... et à bientôt allez ciao tout le monde...

C'est fini, on arrive au bout... oui, c'est l'épilogue... le point final... la conclusion... le terme. Oui, nous touchons au but... c'est le dénouement, la mort du spectacle... nous sommes à destination... voici la chute, la clôture, la coda, le couronnement, l'ultime déclin, le crépuscule, le terminus, l'extinction, c'est une cessation, une finition, c'est l'accomplissement, l'arrêt, la dernière borne, il nous faut clore, clôturer, conclure, couronner ce sujet, dénouer cette affaire, ce thème est épuisé, il faut l'expédier, le mener à bien, fignoler cette fermeture, y mettre la dernière main... la dernière main... 

C'est la fin, il nous faut conclure C'est fini, on arrive au bout... ça va s'interrompre.... On y est c'est vraiment fini oui, c'est l'épilogue le point final la conclusion le terme enfin... On y arrive nous touchons au but, c'est l'aboutissement... le dénouement, la fin du voyage, l'extrémité finale, l'ultime frontière, l'issue, la résolution, c'est là que tout va se terminer, s'arrêter, cesser.... couper, stopper, s'achever, s'éteindre, se tarir, s'estomper, s'escamoter... nous allons partir, nous tirer, caleter, nous carapater, appareiller, battre en retraite, vous brûler la politesse, débarrasser le plancher, décamper, décaniller, décarrer, dégager, déguerpir, déménager, déserter le paysage, détaler, émigrer, foutre le camps, filer à l'anglaise, lever le siège, mettre les bouts, mettre les voiles, prendre congé, prendre la poudre d'escampette, prendre le large, prendre nos cliques et nos claques, prendre nos jambes à notre cou, nous barrer, nous casser, nous cavaler, nous débiner, nous défiler, nous dérober, nous mettre en route, nous tailler, nous trisser, tirer notre révérence....

Tout va maintenant se dénouer, se régler, finir, finir, finir, finir, se dissiper, Nous allons compléter la chose, définitivement, y mettre la dernière main, couper court... tout est consommé ! ...... nous avons couronné le tout, cette pièce va décéder, disparaître, nous allons entonner son chant du départ, elle a épuisé ses dernières ressources, il faut expédier les ultimes affaires courantes, fermer ce dossier définitivement, tout sera mort, nous aurons parachevé cette oeuvre, nous allons la parfaire, nous allons partir, nous ne faisions que passer, comme toute chose il faut disparaître, périr, il faut rompre le cycle...........

En musique .......... voilà, voilà, voilà...

Maintenant que les musiciens s'en sont donné à coeur joie nous allons enfin pouvoir conclure cette magnifique fin différée.... qui va maintenant gentiment s'amenuiser, s'arrêter petit à petit, s'éteindre, s'évanouir, s'interrompre, se dénouer pour finalement passer, succomber de sa belle mort, se tarir, trépasser.... Elle va atteindre sa dernière borne, son aboutissement, voici venir le bout du bout, le confins des confins, l'extrême, frontière finale, l'ultime lisière, le jour dernier, le dernier sommeil, son dernier soupir, dernier souffle, sa disparition, la cessation du grand voyage, le plongeon définitif, nous voilà rendu, c'est le repos éternel, voici son tombeau, l'extrémité finale, Quel bilan, quel couronnement, quelle apothéose.....

Il faut que ça cesse, que ça cesse, que ça cesse, que ça cesse, que ça cesse, que ça cesse... allez COUCHé !... qu'on stoppe qu'on en finisse, allez, partez !, dégagez ! disparaissez, foutez le camp, caletez, dépeuplez moi ces notes, détruisez les, que cela se dissolve, allez, vite, et non pas une éclipse mais une disparition pure et simple, un effacement, un effondrement, allez, stop... et vite allez, stop, je vous en prie, je vous en supplie... bououhhhh oiiinnn... j'ai promis au public que c'était fini, qu'on était au bout du tunnel... s'il vous plait... que tout s'arrête, finisse pour de bon, qu'on ne laisse pas ceci décliner, agoniser tout ceci trop longtemps, il faut liquider le problème, prendre une décision, lui donner le coup de grâce... trouver son bourreau, c'est fastidieux, assommant, ennuyeux, lassant, moribond... mon Dieu, quelle décadence, quelle décomposition, décrépitude,... quelle détresse d'en arriver à ce pareille extrémités, quel sinistre râle... je suis fatigué... ah, enfin.... Cela semble s'arrêter pour de bon... chhuuuut, taisez-vous, je n'ai pas envie de post scriptum, de complément, addenda, apostille, postface et autres explications complémentaires... Je suis usé, vidé, vide, essoré mais tranquille, enfin dans la vacuité désertique du néant, détruit mais enfin tout s'est arrêté, le spectacle est complet, achevé... Nous en voici débarrassés, tout s'est dégarni, démeublé, dénudé, dépeuplé, dépouillé, désempli, quelle heureuse solitude, joie de l'inanimé, l'infréquenté, l'inhabité, l'inoccupé....

Voici le silence infini, perpétuel... le vide intégral, la parfaite vacuité, l'insondable perfection cosmique, le plein, désert, le rien dans sa plénitude, la profonde perpétuité, un espace complètement pur et vacant, ouvert.. ah quel souverain vacuum, le zéro à son summum, la nudité suprême, insondable abîme, pleine inconsistance, totale inexistence.... non-être.

Auteur: MG

Info: 2008, texte d'une création humoristico-musicale, non aboutie, qui consistait à extendre la plus possible la fin d'un spectacle sur scène. Le lien en début de texte conduit vers une pré-maquette musicale de la chose qui avec ce texte et les images peut être appréhendée comme un triple codage

[ excipit ] [ exagération ] [ synonymes ]

 

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psychanalyse

Ce serait une erreur de croire que l'inconscient est quelque chose d'inoffensif, à propos de quoi on pourrait, par exemple, organiser des petits jeux de société, ou qu'on pourrait à la légère utiliser à des essais thérapeutiques. Assurément, l'inconscient n'est pas dangereux en toutes circonstances ni chez tout le monde. Mais, dès qu'il existe une névrose, celle-ci est un signal d'alarme qui indique qu'il s'est produit dans l'inconscient une accumulation toute particulière d'énergie, formant une sorte de charge susceptible d'exploser. C'est pourquoi, dès lors, des précautions s'imposent. On ignore totalement ce qu'on est susceptible de déclencher quand on commence à analyser les rêves d'un sujet. Il se peut qu'on mette ainsi en mouvement quelque chose d'intérieur, d'invisible; très probablement il s'agit de quelque chose qui, de toute façon se serait tôt ou tard frayé une issue au-dehors... mais il est possible aussi que cela ne se serait jamais produit. On creuse, en quelque sorte, dans l'espoir de trouver un puits artésien, et l'on risque de tomber sur un volcan. Dès que des symptômes névrotiques existent, la plus grande réserve est de mise, et l'on ne doit avancer qu'avec prudence. Mais les cas névrotiques ne sont pas à beaucoup près les plus dangereux. On peut rencontrer des sujets dont l'apparence est des plus normales, qui ne présentent aucun symptôme névrotique particulier eux-mêmes parfois médecins ou éducateurs qui font même étalage de leur "normalité" qui sont des modèles de bonne éducation, qui ont dans la vie des opinions et des habitudes des plus normales, et dont la normalité n'en est pas moins une compensation artificielle pour une psychose latente et cachée. Les intéressés eux-mêmes ne soupçonnent en rien leur état. L'intuition vague qu'ils en ont ne s'exprime peut-être indirectement que par l'attrait particulier que leur inspirent la psychologie et la psychiatrie, domaines qui les captivent comme la lumière attire les papillons. Or, du fait que la technique de l'analyse active l'inconscient et l'aide à s'exprimer, elle détruit, en pareil cas, la compensation salutaire qui s'était installée, et l'inconscient fait irruption sous forme d'imaginations irrépressibles, d'onirisme, donnant lieu à des états d'excitation qui, dans certaines circonstances, aboutissent à une aliénation mentale durable, à moins qu'elle n'ait poussé auparavant au suicide. Ces psychoses latentes, hélas! ne sont pas tellement rares. Quiconque s'occupe d'analyse de l'inconscient est exposé au danger de tomber sur des cas de cette nature, même s'il dispose d'une grande expérience et de beaucoup d'habileté. Abstraction faite de ces cas, il est d'ailleurs possible que le praticien, par maladresse, par des erreurs de conception, par des interprétations arbitraires, fasse échouer des cas qui ne comportaient pas nécessairement un dénouement fâcheux. Cela n'est pas, il est vrai, l'apanage exclusif de l'analyse de l'inconscient, mais marque de son sceau toute intervention médicale si elle est manquée. L'affirmation gratuite que l'analyse rend les gens fous est naturellement aussi stupide que l'idée du vulgaire qui prétend que le médecin aliéniste, à force de s'occuper de fous, doive le devenir à son tour. En dehors des risques inhérents au traitement, l'inconscient peut devenir dangereux par lui-même. Une des formes les plus fréquentes que revêtent les dangers qu'il fait encourir, c'est la détermination d'accidents. Un nombre d'accidents de toute nature, beaucoup plus considérable que le public ne le pense, répond à un conditionnement psychique; qu'il s'agisse de petits incidents comme de trébucher, de se cogner, de brûler les doigts, ou de grandes catastrophes, accidents d'automobiles ou chutes en montagne, tous ces accidents, petits ou grands, peuvent être motivés et causés psychologiquement et se trouvent parfois préparés depuis des semaines ou même des mois. J'ai examiné beaucoup de cas de ce genre et, bien souvent, j'ai constaté chez le sujet l'existence de rêves qui dénotaient, bien des semaines à l'avance, l'existence d'une tendance à s'endommager soi-même; tendance qui, bien entendu, s'exprimait la plupart du temps de façon symbolique. Tous les accidents qui arrivent soit disant par inattention devraient être examinés dans la perspective d'une détermination éventuelle de cette sorte. On sait bien que lorsque, pour une raison ou une autre, on est mal disposé, il vous arrive non seulement des anicroches plus ou moins sérieuses, mais aussi parfois des choses graves qui, si elles surviennent à un moment psychologiquement approprié, peuvent même mettre un terme à une existence. D'ailleurs la sagesse populaire le dit : "Un tel est mort au bon moment", sentiment inspiré par une intuition très juste de la causalité psychologique du cas. De façon analogue, des maladies physiques peuvent être engendrées et entretenues. Un fonctionnement défectueux de l'âme peut porter au corps de notables dommages, de même que réciproquement une affection physique peut entraîner une souffrance de l'âme. Car l'âme et le corps ne sont pas des éléments séparés; ils constituent, au contraire, une seule et même vie. Aussi y a-t-il rarement une maladie somatique qui, alors même qu'elle n'a pas été déterminée par des causes psychiques, n'entraîne des complications morales d'une nature quelconque, complications qui, à leur tour, retentissent sur l'affection organique. Mais ce serait une erreur de ne mettre en relief que le côté défavorable de l'inconscient. Dans tous les cas courants, l'inconscient ne devient défavorable et dangereux que parce que nous sommes en désaccord avec lui, donc en opposition avec des tendances majeures de nous-mêmes. L'attitude négative à l'adresse de l'inconscient, voire sa répudiation par le conscient, sont nuisibles dans la mesure où les dynamismes de l'inconscient sont identiques à l'énergie des instincts. Par conséquent, un manque de contact et de liens avec l'inconscient est synonyme de déracinement et d'instabilité instinctuelle. Mais si l'on réussit à établir cette fonction, que j'ai dite transcendante, la désunion avec soi-même cessera et le sujet pourra bénéficier des apports favorables de l'inconscient. Car dès que la dissociation entre les divers éléments de soi-même cesse, l'inconscient accorde - l'expérience le prouve abondamment - toute l'aide et tous les élans qu'une nature bienveillante et prodigue peut accorder aux hommes. De fait l’inconscient recèle des possibilités qui sont absolument incessibles au conscient ; car il dispose de tous les contenus psychiques subliminaux, de tout ce qui a été oublié ou négligé, et, en outre, de la sagesse conférée par l'expérience d'innombrables millénaires, sagesse déposée et confiée à ses structures archétypiques.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "Psychologie de l'inconscient", trad. Roland Cohen, Livre de Poche, Paris, 1993, pages 195-198

[ conciliation ] [ dialectique ] [ psychothérapie ]

 
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interdépendances

La première idée de Gaïa naît donc du raisonnement suivant  : "Si les humains actuels, par leur industrie, peuvent répandre partout sur Terre des produits chimiques que je détecte par mes instruments, il est bien possible que toute la biochimie terrestre soit, elle aussi, le produit des organismes vivants. Si les humains modifient si radicalement leur environnement en si peu de temps, alors les autres vivants peuvent l’avoir fait, eux aussi, sur des centaines de millions d’années." La Terre est bel et bien une sorte de technosphère artificiellement conçue dont les vivants seraient les ingénieurs aussi aveugles que les termites. Il faut être ingénieur et inventeur comme Lovelock pour comprendre cette intrication.

Gaïa n’a donc rien d’une idée New Age sur l’équilibre millénaire de la Terre, mais émerge au contraire d’une situation industrielle et technologique très particulière : une violente rupture technologique, mêlant la conquête de l’espace, la guerre nucléaire et la guerre froide, que l’on résume désormais par le terme d’ "anthropocène" et qui s’accompagne d’une rupture culturelle symbolisée par la Californie des années 1960. Drogue, sexe, cybernétique, conquête spatiale, guerre du Vietnam, ordinateurs et menace nucléaire, c’est la matrice où naît l’hypothèse Gaïa : dans la violence, l’artifice et la guerre. Toutefois le trait le plus étonnant de cette hypothèse est qu’elle tient au couplage de deux analyses diamétralement opposées. L’analyse de Lovelock imagine la Terre vue de Mars comme un système cybernétique. Et celle de Lynn Margulis regarde la planète par l’autre bout de la lorgnette, à partir des plus minuscules et des plus anciens des organismes vivants.

A l’époque, dans les années 1970, Margulis est l’exemple typique de ce que les Anglais appellent une maverick : une dissidente qui secoue les néodarwiniens alors en plein essor. L’évolution, dans leur esprit, suppose l’existence d’organismes suffisamment séparables les uns des autres pour qu’on leur attribue un degré de réussite inférieur ou supérieur aux autres. Or Margulis conteste l’existence même d’individus séparables : une cellule, une bactérie ou un humain. Pour la simple et excellente raison qu’ils sont "tous entrelacés", comme l’indique le titre d’un livre récent.

Une cellule est une superposition d’êtres indépendants, de même que notre organisme dépend non seulement de nos gènes, mais de ceux des bestioles infiniment plus nombreuses qui occupent notre intestin et couvrent notre peau. Il y a bien évolution, mais sur quel périmètre porte celle-ci et quels sont les participants entrelacés qui en tirent profit, voilà qui n'est pas calculable. Les gènes ont beau être "égoïstes", comme l’avançait naguère Richard Dawkins, le problème est qu’ils ne savent pas où s’arrête exactement leur ego ! Chose intéressante, plus le temps passe, plus les découvertes de Margulis prennent de l’importance, au point qu’elle s’approche aujourd’hui de l’orthodoxie grâce à l’extension foudroyante du concept de holobionte, terme qui résume à lui seul la superposition des vivants pliés les uns dans les autres.

Que se passe-t-il quand on combine l’intuition de Lovelock avec celle de Margulis ? Au cours du séminaire auquel je participe le lendemain avant que la neige ne vienne ensevelir le sud de l’Angleterre, la réponse m’apparaît assez clairement : la théorie Gaïa permet de saisir les "puissances d’agir" de tous les organismes entremêlés sans aussitôt les intégrer dans un tout qui leur serait supérieur et auquel ils obéiraient. En ce sens, et malgré le mot "système", Gaïa n’agit pas de façon systématique, en tout cas ce n'est pas un système unifié. Comme Lenton le démontre, selon les échelles d’espace et de temps, la régulation est très forte ou très lâche : l’homéostasie d’un organisme et la régulation plutôt erratique du climat ne sont pas du même type. C’est que la Terre n'est pas un organisme. Contrairement à tous les vivants, elle se nourrit d’elle-même en quelque sorte, par un recyclage continu avec très peu d’apport extérieur de matière (en dehors bien sûr de l’énergie solaire). On ne peut même pas dire que Gaïa soit synonyme du globe ou du monde naturel puisque, après tout, les vivants, même après plusieurs milliards d’années d’évolution, ne contrôlent qu’une mince pellicule de la Terre, une sorte de biofilm, ce que les chercheurs avec qui je travaille maintenant appellent "zones critiques".

Je comprends alors les erreurs commises dans l’interprétation de la théorie Gaïa par ceux qui l’ont rejetée trop vite comme par ceux qui l’ont embrassée avec trop d’enthousiasme : les premiers autant que les seconds ont projeté une figure de la Terre, du globe, de la nature, de l’ordre naturel, sans prendre en compte le fait qu’il s’agissait d’un objet unique demandant une révision générale des conceptions scientifiques.

Ah mais alors j’avais bien raison d’établir un parallèle avec Galilée ! Bloqué sous ma couette en attendant qu’il pleuve assez pour que les Anglais osent se risquer hors de chez eux, je comprenais cette phrase étonnante de Lovelock : "L’hypothèse Gaïa a pour conséquence que la stabilité de notre planète inclut l’humanité comme une partie ou un partenaire au sein d’un ensemble parfaitement démocratique." Je n’avais jamais compris cette allusion à la démocratie chez un auteur qui ne la défendait pas particulièrement. C’est qu’il ne s’agit pas de la démocratie des humains mais d’un renversement de perspective capital pour la suite.

Avant Gaïa, les habitants des sociétés industrielles modernes, quand ils se tournaient vers la nature, y voyaient le domaine de la nécessité, et, quand ils considéraient la société, ils y voyaient, pour parler comme les philosophes, le domaine de la liberté. Mais, après Gaïa, il n’y a plus littéralement deux domaines distincts : aucun vivant, aucun animé n’obéit à un ordre supérieur à lui et qui le dominerait ou auquel il lui suffirait de s’adapter – cela est vrai des bactéries comme des lions ou des sociétés humaines. Cela ne veut pas dire que tous les vivants soient libres au sens un peu simplet de l’individualisme puisqu’ils sont entrelacés, pliés, intriqués les uns dans les autres. Cela veut dire que la question de la liberté et de la dépendance vaut autant pour les humains que pour les partenaires du ci-devant monde naturel.

Galilée avait inventé un monde d’objets, posés les uns à côté des autres sans s’influencer et entièrement soumis aux lois de la physique. Lovelock et Margulis dessinent un monde d’agents qui interagissent sans cesse entre eux.

Auteur: Latour Bruno

Info: L’OBS/N°2791-03/05/2018

[ interactions ] [ redistribution des rôles ]

 
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femmes-hommes

Orgasmes masculin et féminins
L'orgasme féminin est la manifestation physique de l'extase qui emporte, du plaisir absolu, corps, coeur et tête à la fois. Cet orgasme "total" demande un concours de circonstances très favorables, différentes pour chaque femme, et se produit donc assez rarement. Quand la communion entre les partenaires est proche de la perfection ou quand la femme est en parfaite harmonie avec elle-même, on appelle ce moment magique "la petite mort" parce que la femme a atteint un tel degré d'excitation et de plaisir qu'elle a le sentiment d'arriver à un point de non-retour et a quasi l'impression qu'elle va mourir, ou perdre conscience. C'est pourquoi il faut que, avec le temps, la femme arrive à dominer la peur et à se laisser aller au seul plaisir. Cet orgasme est si intense qu'une femme n'en aura généralement qu'un et devra prendre le temps de "récupérer" si elle souhaite qu'un autre se produise. A un degré moindre, d'autres types d'orgasmes sont possibles qui sont aussi très satisfaisants et qui, eux, peuvent se suivre assez rapidement. Le corps est alors saisi d'une réaction due à un plaisir sexuel très fort. Ce plaisir peut venir du corps seulement ou de la tête seulement ou des deux à la fois. Cette réaction se propage dans l'ensemble du corps mais se ressent en particulier dans le ventre et dans le sexe.
Il faut aussi savoir que dans un rapport de couple, le besoin de la femme en orgasme est moins impérieux, moins fort. Il n'est donc pas nécessaire que pour qu'un rapport sexuel soit réussi, une femme ait absolument un orgasme. Beaucoup d'hommes cherchent ainsi, à tout prix, à déclencher celui de leur compagne, et beaucoup de femmes en font une exigence... c'est se fixer une performance : le résultat risque d'être décevant. Une femme peut ressentir une intense volupté, un énorme plaisir, même si son orgasme ne se déclenche pas.
L'orgasme féminin est compliqué : à la suite d'une stimulation - génitale ou autre - le cerveau envoie un message qui traverse la colonne vertébrale et provoque une série de contractions rythmiques de la région interne du premier tiers du vagin, de l'utérus et de la région anale mettant trois groupes musculaires en jeu. L'orgasme se produit au terme de la phase de plateau : quand l'excitation s'intensifie et que la tension sexuelle et musculaire augmente. Le premier tiers du vagin se gonfle et resserre l'ouverture, les deux tiers du fond du vagin s'arrondissent. Le clitoris se presse contre l'os du pubis, et les petites lèvres deviennent plus foncées et plus épaisses. Si rien ne vient perturber le processus physiologique (téléphone, bébé qui pleure...), l'orgasme peut alors se produire, ne durant souvent que quelques secondes : il peut y avoir de 2 à 3 contractions musculaires, distantes l'une de l'autre de moins d'une seconde.
Les différents types d'orgasme féminin : Clitoridien ou vaginal ?... Le clitoris et le vagin sont deux zones de stimulation capables de provoquer le plaisir orgasmique. L'orgasme clitoridien est plus aigu. Grâce à la masturbation, la femme peut y parvenir en quelques minutes. La stimulation du clitoris tend à produire des orgasmes plus intenses. La sensation éprouvée est très puissante. Cet orgasme met en jeu les muscles pelviens et abdominaux. L'orgasme vaginal est, selon Freud, l'orgasme "adulte et supérieur", (contrairement à l'orgasme clitoridien, "infantile et inférieur"). Comme les parois internes du vagin ont des terminaisons nerveuses, un tiers des femmes affirment qu'elles peuvent avoir un orgasme de cette façon. La stimulation du point G pourrait conduire à un orgasme profond. Des sensations de vagues de chaleur inondent alors tout le corps. Il semble en fait qu'il n'y ait pas d'orgasme en fait strictement clitoridien. Mais la stimulation vaginale à elle seule ne suffit pas non plus, pour la plupart des femmes, à produire un orgasme. Une femme n'est pas clitoridienne ou vaginale, mais les deux à la fois. Selon Masters et Johnson, il n'y a en fait qu'un type d'orgasme, provoqué par la stimulation du clitoris et se traduisant par des contractions du vagin. Pour d'autres, il faudrait un orgasme clitoridien préalable pour parvenir à un orgasme vaginal. C'est en fait la stimulation prolongée du clitoris qui finit par provoquer des contractions de la plate-forme vaginale. Ce réflexe clitoris vaginal provoque un orgasme superficiel. L'orgasme dit profond se traduit par des contractions utérines régulières, et procure un sentiment de détente. Les deux types d'orgasmes peuvent se produire de façon simultanée ou successivement.
Les orgasmes multiples : Si la stimulation et l'intérêt sexuel se prolongent par l'orgasme, certaines femmes (une sur dix) peuvent avoir une série d'orgasmes les uns à la suite des autres. Comme les femmes mettent plus de temps à atteindre l'orgasme, elles restent plus longtemps dans la phase de plateau, et peuvent replonger dedans. Contrairement à l'homme, elles ne connaissent pas de période réfractaire et peuvent donc prolonger le plaisir beaucoup plus longtemps. Elles peuvent ainsi avoir 5, 10, voire 20 orgasmes au cours d'un même rapport sexuel. Mais les orgasmes multiples ne sont pas pour autant liés à la satisfaction sexuelle. En avoir ne devrait pas être un but en soi : en fait, beaucoup de femmes trouvent même que la stimulation des parties génitales après l'orgasme n'est pas agréable, voire douloureuse.
En conclusion ce n'est pas la durée de la pénétration, forme trop simple de sexualité, qui permet à la femme de parvenir à l'orgasme. Elle est quasi jamais suffisante pour provoquer l'orgasme. Les femmes ont besoin d'un stimulation directe de leur clitoris, buccales, masturbatoires, certaines doivent même avoir une stimulation des seins. Ne pas parvenir à l'orgasme à chaque rapport sexuel n'est pas synonyme d'échec. 40 % des femmes qui ne parviennent pas à l'orgasme à chaque rapport se disent pourtant tout à fait satisfaites de leur sexualité. La satisfaction sexuelle d'une femme ne dépend pas du nombre de ses orgasmes. Les orgasmes multiples, et les orgasmes simultanés ne devraient pas être le but à atteindre. Le contrôle et la volonté d'être synchros empêchent au contraire de vous abandonner au plaisir. Les femmes peuvent avoir un orgasme sans éprouver de plaisir. Sachez aussi que l'orgasme rend la peau éclatante, améliore le tonus de tout le corps, et a aussi des effets positifs sur le plan cardiovasculaire. Un dernier scoop : L'orgasme aurait une fonction plus utilitaire que le simple plaisir. Une femme éprouverait le désir d'avoir un orgasme à chaque fois que son corps juge que cela peut optimiser ses chances de fécondation. Schopenhauer aurait parlé de ruse de l'espèce. La sexualité ne viserait qu'à transmettre notre capital génétique. D'ailleurs, les femmes qui ont un orgasme expulsent moins de spermatozoïdes dans la demi-heure qui suit l'insémination. Les spermatozoïdes sont ainsi plus nombreux à passer du vagin au canal cervical et à l'utérus.

Auteur: Internet

Info: http://www.affection.org/sexualite/orgasme.html

[ mâles-femelles ] [ vus-scientifiquement ]

 
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émoi

Les émotions et leurs expressions ont-elles varié à travers le temps? Exprimait-on de la même manière la joie au Moyen-Age qu’aujourd’hui? La colère et la douleur? Après leurs très remarquées Histoire du corps et Histoire de la virilité, parues au Seuil, les historiens Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et GV dirigent cette fois une ambitieuse et passionnante Histoire des émotions en trois volumes.

Cette somme d’articles réunit les meilleurs spécialistes mais s’adresse à un large public et se lit comme un formidable récit. Les premiers volumes paraissent aujourd’hui. Ils nous emmènent de l’Antiquité au Moyen Age, et jusqu’à la veille de la Révolution. Le troisième, qui couvrira la période moderne, est annoncé pour 2017. GV revient sur cette passionnante évolution.

- Le Temps: En vous lisant, on découvre que les émotions sont culturellement construites et varient selon les époques…

- GV :
 L’émotion est un phénomène central par lequel nous pouvons préciser les univers culturels et sociaux. Dans cette étude collective, nous avons traversé le temps, de la Grèce antique à l’époque contemporaine. Mais nous avons aussi cherché à dessiner une géographie de l’émotionnel au sein d’une même société. Au XVIIe siècle, par exemple, le monde populaire n’a pas le même régime émotionnel que celui de la cour… Dans l’Antiquité non plus. Prenez Sénèque. Lorsqu’il décrit l’univers émotionnel de la romanité, il dit que l’homme libre, le citoyen, maîtrise ses émotions. Ce qui est moins le cas, selon lui, de la femme, encore moins de l’esclave ou du barbare. Il établit donc une gradation entre la fermeté et la trop grande sensibilité. Il dessine une hiérarchie.

– Comment évolue la notion d’émotion à travers l’histoire?

– Le mot n’apparaît en français qu’au XVIe siècle. D’abord, on décrit essentiellement l’émotion par des caractéristiques physiques. Pour parler d’un tremblement de terre, on dira que "la Terre a reçu de l’émotion". Au XVIIe, il y a une centration sur les "humeurs corporelles" ou les "esprits". La tristesse est ainsi décrite comme le reflux des humeurs vers l’intérieur du corps. Mais bientôt on ne se satisfait plus de ces images "physiques". L’univers psychique se construit, avec ses logiques et ses spécificités…

On assiste au développement d’une délicatesse progressive, dans la seconde moitié du XVIIe siècle. L’histoire des émotions se lit aussi à travers les mots employés. "Emotion" et "passion" sont d’abord synonymes. Puis "émotion" prend la notion de "choc". Enfin, la notion de "sentiment" se crée, beaucoup plus douce, obscure et fermée.

– Est-ce que notre époque ose exprimer ses émotions?

– L’homme se montre beaucoup plus qu’auparavant susceptible d’être sensible, à l’écoute, et atteint par l’autre. C’est le propre des sociétés compassionnelles, qui sont aussi victimaires. Nous sommes en empathie. D’un autre côté, l’attention à l’autre fait que l’on reste sur sa réserve, pour ne pas le troubler. Par exemple, ceux qui ont connu l’atrocité des camps de concentration ont eu du mal à témoigner de leurs souffrances à leurs proches. On pourrait parler d’un système schizophrénique: il faut montrer sa compassion, mais si on le fait trop, on court le risque de troubler l’autre.

Le XXe siècle, de manière caricaturale, c’est une montée de l’individualisme. Le fait d’être plus centré sur soi et plus attentif sur ce qui se passe à l’intérieur de soi, avec des phénomènes qui vont jusqu’à l’hypocondrie. Notre frontière devient plus fragile, on a l’impression d’être davantage bousculé… Plus le régime émotionnel monte, plus émerge en parallèle une insécurité diffuse. Nos sociétés sécrètent davantage d’anxiété qu’auparavant.

– A quoi s’ajoute la question du terrorisme et des attentats…

– C’est très frappant: nous sommes dans des sociétés qui tolèrent de moins en moins la violence, des sociétés "douces". Si la torture devait se pratiquer, elle devrait le faire sans laisser de traces physiques. Sinon, ce serait insupportable pour l’opinion. Mais les adversaires de cette société, que font-ils pour créer de la panique, de l’inquiétude? Ils montrent la violence, ils la multiplient sur les écrans. C’est un paradoxe. Nous voulons effacer la violence, mais nos ennemis la mettent en scène. Autre paradoxe, le terroriste, s’il entend incarner la terreur, ne doit pas afficher de sentiments. Il ne doit pas montrer qu’il peut être atteint, qu’il peut avoir peur. Cela soulève aussi la question du trauma, très importante aujourd’hui. Comment l’émotion peut voyager à l’intérieur de nous-même pour créer de la subversion. Notre époque s’en méfie.

– Si on ressent de plus en plus à l’époque moderne, il faut aussi apprendre à cacher ses émotions pour réussir…

– A l’époque de la royauté, la cour en est un magnifique exemple. Pour vous imposer dans ce système, il faut à tout prix cacher ce que vous éprouvez. Il faut conduire des tactiques du secret. La modernité crée cela. On ne montre pas, on calcule. Les vieux barons du Moyen Age n’y auraient rien compris. A leur époque, on devait manifester la douleur, les émotions, de manière violente.

– Justement, l’expression de la colère a-t-elle varié à travers les âges?

– Dans l’Antiquité et au Moyen Age, le pouvoir pouvait parfaitement exprimer sa colère de manière abrupte, tranchée, en l’imposant à autrui. Mais le pouvoir d’une société démocratique ne peut pas être colérique. Il doit négocier, car la colère apparaît comme la manifestation d’une non-maîtrise. De manière plus générale, on assiste à une stigmatisation plus aiguë de tout ce qui peut apparaître comme un débordement. La psychanalyse est passée par là. Tout ce qui fait émerger un inconscient perturbateur est considéré comme peu acceptable. Il faut être "cool". Une forme de maîtrise faite de sérénité, pas de rigidité.

– Qu’en est-il de l’expression du plaisir et de la jouissance?

– La première position chrétienne consiste à adopter une attitude très réservée vis-à-vis du plaisir. Se laisser aller à l’amour terrestre, c’est oublier l’amour divin. Mais, après Saint-Augustin, l’amour pour Dieu devient plus sensible. A la Renaissance, les poètes invitent à vivre les joies de l’instant, souvenez-vous de Ronsard. La modernité est en germe. Elle se traduira par le triomphe du présent et de la jouissance qu’il peut comporter. Aujourd’hui, la publicité en témoigne. Pour vendre un déodorant, on nous montre une femme qui exulte et danse sur une table, dans des gestes toujours harmonieux, mais exprimant un bonheur intense.

– Sur quels documents se base-t-on pour dresser une histoire des émotions?

– Sur toutes les représentations des émotions à travers l’art, la statuaire ou la peinture. Mais les textes littéraires sont également très importants. Les mémoires et les correspondances aussi, je pense aux lettres de Madame de Sévigné, qui mettent en scène de manière inusitée l’amour filial. La littérature médicale, quant à elle, nous apprend beaucoup sur la façon dont on prend en compte les tempéraments, pensez à la mélancolie. Enfin, la littérature juridique, sur le viol notamment, permet de définir le statut de la victime, la reconnaissance ou non de son émotion.

Pour l’Antiquité et le Haut Moyen Age, les traces laissées dans les tombes sont éclairantes. Nous publions un article de Bruno Dumézil, qui rappelle que l’on a retrouvé un instrument de musique dans la tombe d’un guerrier barbare. C’est le signe d’une sensibilité, qui va à l’encontre des idées reçues. Mais il est très difficile de coller au plus près de l’émotion ressentie. Nous travaillons sur les traces, les vestiges, les indices… Nous devons rester prudents. 

Auteur: Vigarello Georges

Info: Sur Letemps.ch. oct 2016. Interview de Julien Burri. A propos d'Histoire des émotions, vol 1. "De l’Antiquité aux Lumières", 552 p.; vol 2. "Des Lumières à la fin du XIXe siècle", 480 p. sous la direction d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, GV, Seuil.

[ larmes ] [ rapports humains ] [ pathos diachronique ] [ apparences ]

 

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