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déshumanisation technique

Ayant éliminé l’humain de la sphère de la production (robots, automates, algorithmes), les machines le remplacent dans sa reproduction. Comme dans tous les aspects de la vie 4.0, le progrès est implacable : toujours moins d’humain. Ce que la loi de bioéthique valide en autorisant les femmes à faire des enfants sans partenaire masculin. Comme s’en glorifie Anne, consultante en ressources humaines, à L’Obs : "J’ai fait ma petite fille toute seule, en Belgique." Alice, cinq ans, est sûrement fière d’avoir une maman si forte — Toute seule ! mais avec un laboratoire, des médecins, un traitement de stimulation ovarienne, un dispositif de fécondation in vitro. L’autonomie assistée par la technologie et l’expertise. L’indépendance, c’est la dépendance.

Le plus facile à évincer était le père. Son compte est réglé. Alice en réclame un, paraît-il, mais les générations futures auront oublié ce détail. Qui plus est, cette disparition s’opère au nom du droit, ce qui renforce la bonne conscience de ceux que leur standing politique préoccupe.

Puis il faut dire que ces accouplements à visée reproductrice étaient atrocement mammifères. Pensons aux religieuses et aux "a‑sexuelles", elles aussi victimes de "stérilité sociale" et privées de leur "liberté procréative" en raison de leur chasteté. Grâce à la technologie, elles pourront enfanter comme Marie et devenir des vierges augmentées.

D’après sociologues et gynécologues, les écrans éteignent la vie sexuelle. Selon une étude de l’université de Cambridge, les couples anglais ont 40 % de rapports sexuels de moins en 2010 qu’en 1990. À ce rythme, c’est fini en 2030. Aux États-Unis, les couples ont neuf fois moins de rapports sexuels dans les années 2010 que vingt ans avant, et les "Millenials" (nés après 1990) sont les plus touchés. La plupart reconnaissent consacrer plus de temps à leur smartphone qu’à leur partenaire. On le savait depuis les années soixante, la natalité baisse avec la télé. Avec Internet, le porno est à portée de vue permanente des adolescents. Selon les spécialistes, cela en détourne beaucoup de la sexualité avec des humains en chair et en os.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Alertez les bébés ! ", éditions Service compris, 2020, pages 74-75

[ recomposition parentale ] [ légalité du désir ] [ reproduction ] [ statistiques ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

évolution psychologique

L’amour génital est même doublement artificiel. Premièrement son interférence constante avec une satisfaction sexuelle libre (génitale et prégénitale) établit des résistances externes puis internes contre le plaisir, et favorise ainsi le développement des passions, pour que l’homme puisse, à certains moments privilégiés, vaincre ces résistances. Deuxièmement, l’obligation de faire preuve de considération et de gratitude de façon prolongée et durable nous force à régresser à la forme archaïque, infantile de l’amour tendre, voire nous empêche de jamais nous en éloigner. L’homme peut donc être considéré comme un animal qui, même à l’âge mûr, s’attarde à une forme d’amour infantile.

Il est intéressant de savoir que les anatomistes ont découvert des faits semblables bien avant nous. Ils ont découvert que, sur le plan anatomique, l’homme ressemble à l’embryon du singe plutôt qu’au singe adulte. Les anatomistes en ont conclu que l’homme présente un retard du développement biologique, que du point de vue de sa structure c’est un fœtus, ou plutôt qu’il est fœtalisé, mais que nonobstant il a atteint un fonctionnement génital complet. Il y a beaucoup d’autres exemples dans le règne animal où un embryon acquiert des fonctions génitales bisexuelles pleinement développées ; ce sont des embryons dits néoténiques. L’amour génital est le parallèle exact de ces formes. On trouve une fonction génitale pleinement développée, associée à un comportement infantile ; en d’autres termes, l’homme est un embryon néoténique, non seulement sur le plan anatomique, mais aussi sur le plan psychique.

Ce raisonnement explique certaines particularités de la génitalité chez l’homme. On sait à quel point l’amour génital est instable, surtout si on le compare aux éternelles formes "prégénitales". Fonction phylogénétiquement nouvelle, il n’est pas encore solidement établi ; l’homme n’a pas encore eu assez de temps, pour ainsi dire, pour s’adapter à cette forme d’amour, en fait il doit y être éduqué à chaque nouvelle génération. L’amour oral par exemple ne demande manifestement aucune éducation de cette sorte. Et réciproquement, l’amour oral ne risque pas la faillite, tandis que l’amour génital est beaucoup plus précaire.

Auteur: Balint Michael

Info: Dans Amour primaire et technique psychanalytique, Payot, 2001

[ opposition amour-tendresse ] [ hypothèse ]

 
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réalisation métaphysique

Il est des ignorants qui s’imaginent qu’on "s’initie" soi-même, ce qui est en quelque sorte une contradiction dans les termes ; oubliant, s’ils l’ont jamais su, que le mot initium signifie "entrée" ou "commencement", ils confondent le fait même de l’initiation, entendue au sens strictement étymologique, avec le travail à accomplir ultérieurement pour que cette initiation, de virtuelle qu’elle a été tout d’abord, devienne plus ou moins pleinement effective. L’initiation, ainsi comprise, est ce que toutes les traditions s’accordent à désigner comme la "seconde naissance" ; comment un être pourrait-il bien agir par luimême avant d’être né ? Nous savons bien ce qu’on pourra objecter à cela : si l’être est vraiment "qualifié", il porte déjà en lui les possibilités qu’il s’agit de développer ; pourquoi, s’il en est ainsi, ne pourrait-il pas les réaliser par son propre effort, sans aucune intervention extérieure ? C’est là, en effet, une chose qu’il est permis d’envisager théoriquement, à la condition de la concevoir comme le cas d’un homme "deux fois né" dès le premier moment de son existence individuelle ; mais, s’il n’y a pas à cela d’impossibilité de principe, il n’y en a pas moins une impossibilité de fait, en ce sens que cela est contraire à l’ordre établi pour notre monde, tout au moins dans ses conditions actuelles. Nous ne sommes pas à l’époque primordiale où tous les hommes possédaient normalement et spontanément un état qui est aujourd’hui attaché à un haut degré d’initiation ; et d’ailleurs, à vrai dire, le mot même d’initiation, dans une telle époque, ne pouvait avoir aucun sens. Nous sommes dans le Kali-Yuga, c’est-à-dire dans un temps où la connaissance spirituelle est devenue cachée, et où quelques-uns seulement peuvent encore l’atteindre, pourvu qu’ils se placent dans les conditions voulues pour l’obtenir ; or, une de ces conditions est précisément celle dont nous parlons, comme une autre condition est un effort dont les hommes des premiers âges n’avaient non plus nul besoin, puisque le développement spirituel s’accomplissait en eux tout aussi naturellement que le développement corporel.

Auteur: Guénon René

Info: Dans "Aperçus sur l'initiation", Éditions Traditionnelles, 1964, page 32

[ erreur ] [ âge d'or ] [ décadence ] [ progrès déspiritualisant ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

surhomme de synthèse

Je me suis enrôlé dans la police à l’âge de douze ans. J’ai poursuivi mes études normalement mais c’est à ce moment qu’il faut entreprendre la série d’injections d’hormones de croissance ainsi que l’entraînement spécial pendant les vacances et les week-ends si l’on veut être déclaré bon pour le service actif. (Ce n’était pas un engagement irréversible. J’aurais pu changer d’orientation plus tard et rembourser ce qu’on avait investi sur moi, en versements d’une centaine de dollars par semaine pendant les trente années suivantes. Ou j’aurais pu échouer aux tests psychologiques – auquel cas on m’aurait exclu sans que je doive un centime. Mais les tests que l’on passe avant même de commencer ont tendance à éliminer quiconque est susceptible de faire l’un ou l’autre.) C’est logique. Plutôt que de limiter le recrutement à des hommes et à des femmes qui remplissent un certain nombre de critères physiques, on choisit les candidats en fonction de leur intelligence et de leurs aptitudes psychologiques – et ensuite, on ajoute, de manière artificielle, les caractéristiques physiques secondaires mais utiles, telles que la taille, la force et l’agilité.

Nous sommes donc des monstres, fabriqués et conditionnés pour remplir les exigences de notre travail. Mais moins que les soldats et les athlètes professionnels. Et bien moins encore que les membres des gangs de rues – qui n’hésitent pas un instant à utiliser des facteurs de croissance illégaux qui abaissent leur espérance de vie à environ trente ans. Sans armes, mais bourrés d’un mélange de Berserker et de Timewarp – qui les rend insensibles à la douleur ainsi qu’à la plupart des traumatismes physiques, et qui divise leur temps de réaction par vingt – ils peuvent liquider en cinq minutes une centaine de personnes dans une foule avant de se mettre à l’abri pour redescendre et affronter les deux semaines d’effets secondaires qui les attendent. [...]

Oui, nous sommes des monstres. Mais si nous avons des problèmes, cela vient du fait que nous sommes restés encore bien trop humains.

Auteur: Egan Greg

Info: Dans "Axiomatique", trad. de l'anglais (Australie) par Sylvie Denis, Francs Lustman, Quarante-Deux, Francis Valéry, éditions Le Bélial, 2022, pages 96-97

[ sur-mesure ] [ drogue ] [ pharmacopée ] [ limites ]

 

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pouvoir sémantique temporel

Le fait est général: on sait que toutes les religions ont fait la fortune d'une langue qu'elles ont maintenue contre vents et marées. C'est le cas du sanscrit pour le brahmanisme, du latin pour le catholicisme, de l'hébreu pour la religion israélite, etc. Mais la Réforme a ceci de particulier qu'au contraire de toutes ces religions elle a toujours adopté la langue parlée par le peuple et non pas une langue morte ou en passe de le devenir. Ainsi, la traduction de la Bible en allemand a joué un rôle non négligeable dans l'histoire linguistique et politique et des Etats allemands, et le même fait apparaît, nous venons de le voir, au pays de Galles. La religion peut donc sauver une langue, mais son intervention est ambiguë car elle restreint en même temps cette langue à certains secteurs, ceux précisément qui lui abandonne la langue dominante. Le fait est flagrant pour le pays de Galles où, face à l'anglais langue officielle de l'administration et de l'école, le gallois restera du XVIe au XIXe siècle la langue des écoles parallèles; mais il est assez général, Mostefa Lacheraf signale par exemple qu'en Algérie "chez le peuple la langue française fut décrétée langue d'ici-bas, par opposition à l'arabe qui devenait langue du mérite spirituel dans l'autre vie" et cette "sauvegarde d'une langue peut donc se transformer assez vite en une autre forme d'enterrement. La langue dominante (ici le français) occupe le domaine profane, c'est-à-dire tout ce qui concerne la vie quotidienne, l'administration, la justice, les techniques, la politique, les études, etc. tandis que la langue dominée (ici l'arabe) est refoulée vers le domaine sacré. Ainsi l'opposition langue dominée-langue dominante se trouve convertie en opposition entre ancien et nouveau: la langue dominée est plus ou moins obligée de s'assumer comme langue confessionnelle, rétrograde, du moins est-ce l'image que les mass media lui renvoient d'elle-même. Il s'est produit dans l'hexagone un phénomène semblable avec le breton, présenté par la IIIe République laïque et glottophage comme la langue des curés (voir chapitre VII).

Auteur: Calvet Louis-Jean

Info: Linguistique et colonialisme

[ langage ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

religion

Un lecteur d'une première version de ce chapitre s'en est plaint, disant qu'en traitant l'éventualité de Dieu comme une hypothèse scientifique de plus, - à évaluer selon les normes de la science en particulier et de la pensée rationnelle en général, Dawkins et moi négligeons cette affirmation très répandue des croyants comme quoi leur foi est totalement au-delà de la raison, et qu'il ne s'agit donc pas d'une question à laquelle s'appliquent des méthodes de test aussi banales. Ce n'est pas seulement désobligeant, prétendait-il, mais strictement injustifié que de simplement supposer que la méthode scientifique continue à s'appliquer avec toute sa force dans ce domaine de la vérité.

Très bien, examinons l'objection. Je doute que le défenseur de la religion la trouve intéressante, une fois que nous l'aurons investiguée avec attention.

Le philosophe Ronaldo de Souza a un jour décrit de façon mémorable la théologie philosophique comme "du tennis intellectuel sans filet", et je reconnais volontiers que j'ai effectivement supposé sans commentaire ni question jusqu'à présent que le filet du jugement rationnel était bien présent. Mais nous pouvons l'enlever si vous le voulez vraiment.

A vous de servir donc. 

Quoi que vous argumentiez, supposons que je vous réplique grossièrement comme suit : "Ce que vous dites implique que Dieu est un sandwich au jambon emballé dans du papier d'aluminium. Ce n'est pas vraiment un Dieu à adorer !". Si vous rétorquez en demandant de savoir comment je peux justifier logiquement mon affirmation selon laquelle votre mise en jeu a une implication aussi absurde, je vous répondrai : "Aha, vous voulez donc enlever le filet pour mes retours, mais pas pour vos services ?

Dans les deux cas, le filet est mis ou pas. S'il est enlevé, il n'y a pas cette règle et tout le monde peut dire n'importe quoi, jeu de dupes s'il en est. Je vous donne donc le bénéfice de l'hypothèse comme quoi  vous ne perdriez pas votre temps, ou le mien, en jouant sans filet.

Auteur: Dennett Daniel C.

Info: Darwin's Dangerous Idea: Evolution and the Meanings of Life

[ débat ] [ dualité prison ] [ sacré intouchable ] [ rationalisme impuissant ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

pré-romantisme

La structure sociologique du "Sturm und Drang" était encore plus complexe que celle des formes de préromantisme d'Europe  occidentale, non seulement parce que la classe moyenne et l'intelligentsia allemandes ne s'étaient jamais identifiées assez étroitement aux Lumières pour garder les yeux fixés sur les objectifs du mouvement et ne pas s'en écarter, mais aussi parce que leur lutte contre le rationalisme du régime absolutiste était en même temps une lutte contre les tendances progressistes de l'époque. Ces classes n'ont jamais pris conscience du fait que le rationalisme des princes représentait un danger moins grave pour l'avenir que l'anti-rationalisme de leurs propres concurrents. D'ennemis du despotisme, elles sont donc devenues les instruments de la réaction et n'ont fait que promouvoir les intérêts des classes privilégiées en s'attaquant à la centralisation bureaucratique. Certes, leur lutte n'était pas dirigée contre les tendances au nivellement social du système, avec lesquelles les intérêts de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie étaient en conflit, mais contre son influence généralisatrice et la violation de toute la diversité et de la distinction intellectuelles.  Elles défendaient les droits de la vie, de l'être individuel, de la croissance naturelle et du développement organique, contre le formalisme rigide de l'administration rationalisée, ce qui signifiait non seulement la négation de l'État bureaucratique avec sa généralisation mécanique et son enrégimentement, mais aussi la répudiation du réformisme planificateur et régulateur des Lumières. Et bien que l'idée de la vie spontanée et irrationnelle soit encore de nature indéfinie et fluctuante et certainement hostile aux Lumières, mais pas encore nettement conservatrice dans son objectif, elle contenait déjà l'essence de toute la philosophie du conservatisme. Il n'était pas nécessaire d'attribuer à ce principe de "vie" une surrationalité mystique, par rapport à laquelle le rationalisme de la pensée éclairée semblait contre nature, inflexible et doctrinaire, et de représenter la naissance des institutions politiques et sociales à partir de la "vie" historique comme une croissance "naturelle", c'est-à-dire surhumaine et surrationnelle, afin de protéger ces institutions contre toutes les attaques arbitraires et d'assurer la pérennité du système dominant.

Auteur: Hauser Arnold

Info: Histoire sociale de l'art, volume 3 : Rococo, classicisme et romantisme.

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

urbanisme festif

Bien entendu, il n’y a pas davantage de plage, aujourd’hui, sur les bords de la Seine qu’il n’y en avait huit jours avant. L’important est de vérifier si les gens vont accepter d’y croire. Car tout cela n’a rien de futile. Ça s’appelle un programme. […] Contrairement à ce que l’on imagine, Paris n’est pas une enclave pittoresque où résisteraient les derniers adeptes du Parti du progrès universel et pluriel en difficulté. C’est un laboratoire. C’est un terrain d’expérience qui a l’avenir devant lui. Le maire nourrit d’amples ambitions. […] "Il faudra, déclare-t-il, qu’on puisse encore dire du bien dans trente ans de ce que nous décidons maintenant" (mais pourquoi faudrait-il attendre si longtemps pour en dire du mal ?). Ses grands projets se résument à couvrir tout ce que la sensibilité exquise de la modernité ne veut plus voir : périphériques, parkings, hangars de stockage, entrepôts du service municipal des Pompes funèbres. En gros, le réel. Delanoë le fourre sous dalle. Et, par-dessus, il plante tout ce qui fait rêver : murs d’escalade, squats d’artistes, promenades vertes, multiplexes créatifs, lieux d’éducation aux arts de la rue, espaces d’initiation à la musique hip-hop.

Et parasols.

Car il s’agit aussi de réconcilier le Parisien avec son fleuve. Il paraît que jusqu’alors le Parisien tournait le dos à la Seine, ses eaux noires moirées de mazout et ses courants d’air. De temps en temps, il s’accoudait aux parapets pour regarder un suicidé en train de gagner le large avec nonchalance. C’est tout ce qu’il avait comme distraction. Quel chemin parcouru depuis. Maintenant il peut bronzer en bordure de concept et s’initier à la fabrication des nœuds marins dans une station balnéaire non figurative où tout est stylisé, le sable, les pelouses, les oriflammes, les nœuds marins, les murs d’escalade, sa propre personne. Exactement comme dans un quartier piétonnier. Transformer les berges de la Seine en quartier piétonnier idéal, voilà l’exploit des plagistes de la Mairie de Paris. Je le sais, j’étais sur place le dimanche de l’ouverture du concept.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, page 450

[ virtualisation ] [ refoulement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

climatosceptiques

Ils savent, ils entendent, mais au fond, ils n'y croient pas. C'est là, je crois, qu'il faut aller chercher l'origine profonde du climato-scepticisme. Ce n'est pas un scepticisme qui porte sur la solidité des connaissances mais un scepticisme sur la position dans l'existence. S'ils doutent ou s'ils dénient, c'est parce qu'ils prennent ceux qui crient à temps et à contre temps qu'il faut changer totalement et radicalement de mode de vie pour des zozos dans plus de crédit que Philippus le Prophète qui effraie Tintin dans l'Etoile Mystérieuse avec son gong et son drap blanc. "Le changement de vie total et radical", mais ils l'ont déjà accompli, justement, en devenant résolument modernes ! Si la modernité n'était pas si profondément religieuse, l'appel à s'ajuster à la Terre serait facilement entendu. Mais comme elle a hérité de l'Apocalypse simplement décalée d'un cran dans le futur, elle ne suscite qu'un haussement d'épaules ou qu'une réponse indignée. "Comment pouvez-vous venir nous prêcher encore une fois l'Apocalypse. Où est-il écrit dans les Livres qu'il y aura une apocalypse après la première ? La modernité est ce qu'on nous a promis, ce que nous avons conquis, parfois par la violence, et vous prétendez nous l'arracher ? Nous dire que nous nous sommes trompés sur le sens de la promesse ? Que la Terre promise de la modernité devrait rester promise ! C'est insensé".

Et en effet, il n'est écrit nulle part que l'Apocalypse puisse être suivie d'une autre. D'où cette certitude indéracinable, ce calme total, cette froideur de marbre, de ceux qui lisent pourtant tous les jours l'annonce de catastrophes diverses. Il semble qu'ils aient droit à cett terre qu'on leur a en effet promise, mais cette terre n'a rien de terrestre, puisque ce qui est nié, justement, c'est qu'elle ait une histoire, une historicité, une rétroaction, des capacités, bref, des puissances d'agir. Tout tremble, mais pas eux, pas le sol sur lequel ils ont les pieds posés. Le cadre où se déroule leur histoire est forcément stable. La fin du monde n'est qu'une idée.

Auteur: Latour Bruno

Info: Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique

[ anthropocène ]

 

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gamins

L’enfant ne remonte pas à la plus haute Antiquité. En réalité, il est d’invention récente, guère plus de deux cent ans. L’enfance, avant, c’était le bas âge et on n’en parlait pas, on attendait que ça passe. Puis l’enfance est arrivée. Et, avec elle, l’enfant et ses sortilèges. Il fut alors convenu que l’enfant était le meilleur revers de la médaille humaine et l’enfance le stade le plus enviable de la vie. L’enfant devint l’avenir de l’homme. En se prosternant devant lui, tous ceux qui n’étaient plus des enfants commencèrent à désirer plus ou moins consciemment l’état d’innocence qu’ils lui prêtaient. Du moins appelaient-ils ainsi ce qu’un autre a nommé "principe de plaisir".

Il est à noter que ce néo-totémisme infantomaniaque n’est apparu qu’après la disparition de l’enfant comme future force de travail et assurance vieillesse : c’est depuis qu’il n’est plus indispensable à la survie matérielle de ses parents, comme aux âges farouches où ceux-ci attendaient qu’il pousse la charrue à leur place quand ils ne pourraient plus le faire eux-mêmes, qu’il est devenu vital non seulement comme fruit de la performance technique (à travers les méthodes d’engendrement artificiel et toute la sacrée gamme des acharnements procréatifs) mais surtout comme idole ou fétiche. [...]

Pour qui, même enfant, a pris l’habitude de considérer l’enfance comme une sorte d’infirmité de naissance pénible mais curable, la surprise est constante que tant d’autres y voient les éléments d’une poésie perdue à retrouver, le temps des rires et des chants dans l’île aux enfants où c’est tous les jours le printemps. D’autant que l’infanthéisme fait rage quand justement il n’y a plus d’enfants ni d’enfance. Plus d’adultes non plus, par la même occasion. La frontière entre les deux stades de la vie s’efface au profit du premier dont l’adulte infanthéiste épouse à toute allure les goûts, la façon de parler, de jouer, de croire ou de ne pas croire, de s’émouvoir, de réclamer des friandises et des divertissements mais aussi des lois qui le protègent des dangers du monde extérieur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1597-1597

[ fétichisation ] [ indistinction ] [ abstraction ] [ infantilisation ]

 

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