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contrecoup de la modernité

La vérité, là, tout simplement, la librairie souffre d'une très grave crise de mévente. Allez pas croire un seul zéro de tous ces prétendus tirages à 1.000.000 ! 40.000 !… et même 400 exemplaires !… attrapegogos ! Alas !… Alas !… seule la "presse du cœur"… et encore !… se défend pas trop mal… et un peu la "série noire"… et la "blême"… En vérité, on ne vend plus rien… C’est grave !… le Cinéma, la télévision, les articles de ménage, le scooter, l’auto ! 2, 4, 6 chevaux, font un tort énorme au livre… tout "vente à tempérament", vous pensez ! et "les week-ends" !… et ces bonnes vacances bi ! trimensuelles !… et les Croisières Lololulu !… salut, petits budgets !… voyez dettes !… plus un fifrelin disponible !… alors n'est-ce pas, acheter un livre !… une roulotte ? encore !… mais un livre ?… l'objet empruntable entre tous !… un livre est lu, c'est entendu, par au moins vingt… vingt-cinq lecteurs… ah, si le pain ou le jambon, mettons, pouvaient aussi bien régaler, une seule tranche ! vingt… vingt-cinq consommateurs ! quelle aubaine !… le miracle de la multiplication des pains vous laisse rêveur, mais le miracle de la multiplication des livres, et par conséquent de la gratuité du travail d’écrivain est un fait bien acquis.

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Entretien avec le professeur Y (1955, 128 p., Folio)

[ . ]

 

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marketing

Son appellation ne trompe pas : le magazine, c’est le magasin chez soi. À la mobilité physique des marchandises dans l’entrepôt – le magasin – répond la mobilité visuelle et mentale des marchandises et de leurs images dans le magazine. Le magazine est le premier média de masse entièrement dédié à la consommation. C’est le lieu où les marchandises sont discutées : leur circulation symbolique y est travaillée, en préparation de leur circulation physique. Ce type de périodique émerge et se massifie aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Entre 1890 et 1905, les périodiques mensuels passent de 18 à 64 millions d’exemplaires par numéro. Le Ladies’ Home Journal, champion toutes catégories, passe d’un tirage de 100 000 exemplaires en 1884 à 1 million en 1904. À la suite des États-Unis, divers pays occidentaux adoptent la formule du magazine féminin avec plus ou moins d’empressement. En France, les premiers périodiques du genre – Votre Beauté et Marie-Claire – apparaissent dans les années 1930.

Comme le grand magasin, le magazine est "départementalisé" ; il s’organise en rubriques : histoires, reportages, voyages, conseils domestiques… Les lecteurs de magazines vont et viennent à travers les rubriques, ils se comportent dans les pages du magazine comme dans les allées du magasin : en ignorant presque certains linéaires et en nidifiant dans les rubriques de leurs marchandises préférées.

Auteur: Galluzzo Anthony

Info: Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020

[ historique ] [ réclame chic ] [ publicité ]

 

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reportage

J'aime aller chez les Roms. C'est rarement des vacances. Je ne choisis pas les communautés les plus florissantes. Je vais dans les cloaques. Ces lieux sont hallucinants de misère. Un mot me vient, il est familier, excusez-moi, c'est : barge. Des endroits barges. Je n'arrive pas en sifflotant. Je ne brandis pas mes appareils photo. Je mesure combien un type qui entre, fait clic-clac et ressort peut sembler ignoble à des gens qui n'ont rien. Je ne prends pas non plus l'air sinistre ou contrit. J'essaie d'être moi-même. Ce n'est pas facile, quand on est remué. Les gosses me font tourner en bourrique. Ils me tirent, me poussent, crient pour que je leur tire le portrait, se pendent aux courroies de mes appareils, dix fois, cent fois, jusqu'à l'exaspération. Pourtant, je leur dois souvent des moments de beauté foudroyants qui, avec un peu de chance, se retrouvent sur les photos. Comme je prends la précaution d'être bien accompagné, je suis généralement bien accueilli, par des gens qui n'ont de cesse que de m'ouvrir leur porte et de m'asseoir à leur table. Si je reviens, ce que j'essaie de faire, plusieurs fois de suite, ou à des mois de distance, je suis reconnu et l'affection franchit un pas. J'apporte les tirages des photos, parfois les clopes et le repas. Dans les sujets que j'ai visités comme photographe, souvent tragiques, j'ai toujours cherché la survivance, au fond, de ce qui rend heureux. Les petites choses. Les scènes où rien ne se passe et où, de fait, tout se passe. Les bas-côtés des évènements. Chez les Roms, ces scènes abondent. Le présent est là, brut, sans chichis, avec une intensité qu'il y a rarement ailleurs.

Auteur: Keler Alain

Info: Des nouvelles d'Alain. Ecrit avec Emmanuel Guibert

[ romanichels ] [ vivre ]

 

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écrivain-sur-éditeur

Je me fous énormément de ce que l'éditeur peut penser de mes livres. Il n'est pas même question de solliciter son avis.

Son goût est mauvais forcément - autrement il ne ferait pas ce métier de semi-épicier semi-maquereau. Que voulez-vous qu'il connaisse ce Jean-foutre ?

Je suis de l'avis de ce pauvre Élie Faure (juif) : Lorsqu'on demande au conservateur d'un musée d'exposer le meilleur de ses Rembrants, invariablement il choisit le plus mauvais, celui qui répond à ses goûts, à son goût de sale vieux con.

Kif des éditeurs, critiques, et toute cette clique.

Leurs avis sont peut-être utiles en effet aux auteurs merdeux dans leur genre dont ils feraient eux-mêmes à peu près les livres s'ils étaient un peu moins fainéants, mais là s'arrête la compétence des éditeurs, pour la bonne raison qu'il est impossible à un être humain d'excéder son aire psychique... il comprend tout ce qui tombe dans son rayon... tout ce qui le dépasse il l'excècre... ainsi du singe qui tend à massacrer tout ce qu'il ne comprend pas... et tout de suite ! Ainsi le critique, ainsi l'éditeur.

Ce que veut le con c'est un miroir pour son âme de con où il puisse s'admirer - d'où le cinéma et les romans d'immenses tirages - "miroirs pour les âmes du plus grand nombre de cons possibles".

Cette loi vaut aussi pour la psychologie, la graphologie etc...

Comment comprendre ce qui vous dépasse ? Impossible. Alors en avant pour le bla-bla-bla...!

Il y a moins de fous qu'on le pense écrivait Vauvernagues, il y a surtout des gens qui ne se comprennent pas. Pardi !

Quant à l'éditeur au surplus il est abruti par tout ce qu'il lit, qu'il se croit obligé de lire.

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Lettre à Milton Hindus, 28/07/1947

[ vacheries ] [ stupides ] [ limites ] [ commerciaux ]

 
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expérience

Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été proconsul ; comme eux tous esclave ; j'ai connu comme eux tous l'omnipotence, l'opprobre, les prisons. Regardez : à ma main droite il manque l'index. Regardez ; cette déchirure de mon manteau laisse voir sur mon estomac un tatouage vermeil ; c'est le deuxième symbole, Beth. Les nuits de pleine lune, cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune doivent obéissance à ceux de Ghimel. Au crépuscule de l'aube, dans une cave, j'ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire. Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible : je criais et on ne me répondait pas, je volais le pain et je n'étais pas décapité. J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l'incertitude. Dans une chambre de bronze, devant le mouchoir silencieux du strangulateur, l'espérance me fut fidèle ; dans le fleuve des délices, la panique. Pythagore, si l'on croit le récit émerveillé d'Héraclide du Pont, se souvenait d'avoir été Pyrrhus, Euphorbe, et avant Euphorbe encore quelque autre mortel ; pour me remémorer d'analogues vicissitudes je puis me dispenser d'avoir recours à la mort, et même à l'imposture.
Je dois cette diversité presque atroce à une institution que d'autres républiques ignorent ou qui n'opère chez elles que de façon imparfaite et obscure : la loterie. Je n'en ai pas scruté l'histoire : il ne m'échappe pas que les magiciens restent là-dessus divisés ; toute la connaissance qui m'est donnée de ses puissants desseins, c'est celle que peut avoir de la lune l'homme non versé en astrologie. J'appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel ; jusqu'au présent jour, j'avais pensé à elle aussi peu souvent qu'à la conduite des dieux indéchiffrables ou de mon propre cœur. Aujourd'hui, loin de mon pays et de ses chères coutumes, c'est avec quelque surprise que j'évoque la loterie et les conjectures blasphématoires que sur elle, à la chute du jour, vont murmurant les hommes voilés.
Mon père me rapportait qu'autrefois - parlait-il d'années ou de siècle ? - la loterie était à Babylone un jeu de caractère plébéien. Il racontait, mais je ne sais s'il disait vrai, que les barbiers débitaient alors contre quelques monnaies de cuivre des rectangles d'os ou de parchemin ornés de symboles. Un tirage au sort s'effectuait en plein jour, et les favorisés recevaient, sans autre corroboration du hasard, des pièces d'argent frappées. Le procédé était rudimentaire, comme vous le voyez.

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: La loterie à Babylone, in Fictions

[ incipit ] [ entame ]

 
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démocratie

La protodémocratie athénienne (bien connue en grande partie grâce à Aristote) reposait sur un principe intangible, qu'illustre parfaitement la formule de Lincoln : "le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ". Le peuple était toujours à la manoeuvre et ne déléguait à l'exécutif que les tâches qu'il ne pouvait effectuer lui-même. Ce principe était garanti par l'isonomia, l'égalité devant la loi, l'isokratia, l'égalité des pouvoirs, et l'isêgoria, l'égalité de la parole. Était citoyen tout homme libre âgé de plus de vingt ans.
On estime le nombre des citoyens à 30.000, 60.000 au pic de peuplement. Les femmes, les enfants, les métèques et les esclaves étaient exclus de l'activité politique. Cette quadruple exclusive est à replacer dans son contexte historique.
L'Ekklesia, l'assemblée démocratique, exigeait un quorum de 6.000 citoyens, mais ils pouvaient être plus nombreux. Elle se réunissait tous les neuf jours en moyenne (la fréquence des séances augmentait en cas de crise) sur la colline du Pnyx, où l'on avait aménagé une tribune semi-circulaire. L'Ekklesia n'était pas une pétaudière. Elle suivait un ordre du jour strict élaboré par le Conseil des Cinq-cents (la Boulê), mais elle pouvait obliger celui-ci à insérer une affaire particulière dans l'ordre du jour de la séance suivante. Tout citoyen, quel que fût son rang, avait droit à la parole et était écouté attentivement. Le vote s'effectuait à main levée, un homme, une voix. La mission de la Boulê ne se bornait pas à encadrer les séances de l'Ekklesia et à en établir l'ordre du jour. Elle rédigeait aussi les propositions de décret ou de loi, et contrôlait étroitement le travail des autres magistrats civils et militaires (droit d'inventaire).
Les cinq cent bouleutes, cinquante par tribu, étaient tirés au sort à l'aide d'une machine, le klêrôtêrion, parmi les citoyens volontaires. Un comité vérifiait les aptitudes (procédure de la docimasie) de ces derniers. Les recalés pouvaient faire appel de la décision auprès du tribunal du peuple. Le bouleute était nommé pour un an. Un citoyen ne pouvait être mandaté plus de deux fois et jamais deux années consécutives. Pendant son temps de service, le bouleute était rémunéré (rien de mirobolant) et nourri aux dépens du contribuable.
Il y avait une présidence de l'État athénien, qui durait vingt-quatre heures. Le président ou épistate était tiré au sort parmi les cinquante prytanes du groupe tribal entré en fonction (un groupe relayait l'autre tous les trente-six jours). Chaque citoyen était susceptible de devenir un jour président. Les membres du tribunal du peuple, l'Héliée, se recrutaient également par tirage au sort, toujours parmi des volontaires.
Les trois pouvoirs, le pouvoir législatif (l'Ekklesia), le pouvoir exécutif (la Boulê) et le pouvoir judiciaire (l'Héliée), étaient séparés. Montesquieu s'en est souvenu dans L'Esprit des lois (1748). La cooptation de l'un à l'autre était rendue impossible par le tirage au sort. Les Athéniens étaient des hommes pragmatiques. Ils ne croyaient pas à la bonté naturelle de l'homme. Ils avaient compris qu'un type qui se sent la " vocation " de gouverner est précisément la dernière personne à qui l'on devrait confier le pouvoir. Même les plus vertueux succombent à son attrait. Ils inventèrent donc, pour les pouvoirs exécutif et judiciaire, un système de sélection procédurier, basé sur des examens préalables et, à certains niveaux, le hasard contrôlé (stochocratie partielle), et l'assortirent d'une clause de non-cumul et de non-renouvellement des mandats.
La démocratie athénienne encourageait l'amateurisme et se donnait les moyens de le conserver. La procédure de l'ostracisme était lancée dès lors qu'un citoyen soupçonnait un autre citoyen riche et charismatique de vouloir tirer avantage de sa position pour tenter un coup de force. La formule combine plusieurs modes de fonctionnement, mais ne les multiplie pas non plus à l'excès. Elle est relativement bien balancée. Il serait intéressant de la réévaluer à l'aune des expériences de la démocratie associative.

Auteur: Rouziès-Léonardi Bertrand

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[ historique ] [ Grèce antique ] [ société ]

 

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nano-monde relatif

Une expérience quantique montre que la réalité objective n'existe pas

Les faits alternatifs se répandent comme un virus dans la société. Aujourd'hui, il semble qu'ils aient même infecté la science, du moins le domaine quantique. Ce qui peut sembler contre-intuitif. Après tout, la méthode scientifique est fondée sur les notions de fiabilité d'observation, de mesure et de répétabilité. Un fait, tel qu'établi par une mesure, devrait être objectif, de sorte que tous les observateurs puissent en convenir.

Mais dans un article récemment publié dans Science Advances, nous montrons que, dans le micro-monde des atomes et des particules régi par les règles étranges de la mécanique quantique, deux observateurs différents ont droit à leurs propres faits. En d'autres termes, selon nos  meilleures théories des éléments constitutifs de la nature elle-même, les faits peuvent en fait être subjectifs.

Les observateurs sont des acteurs puissants dans le monde quantique. Selon la théorie, les particules peuvent se trouver dans plusieurs endroits ou états à la fois - c'est ce qu'on appelle une superposition. Mais curieusement, ce n'est le cas que lorsqu'elles ne sont pas observées. Dès que vous observez un système quantique, il choisit un emplacement ou un état spécifique, ce qui rompt la superposition. Le fait que la nature se comporte de cette manière a été prouvé à de multiples reprises en laboratoire, par exemple dans la célèbre expérience de la double fente.

En 1961, le physicien Eugene Wigner a proposé une expérience de pensée provocante. Il s'est demandé ce qui se passerait si l'on appliquait la mécanique quantique à un observateur qui serait lui-même observé. Imaginez qu'un ami de Wigner lance une pièce de monnaie quantique - qui se trouve dans une superposition de pile ou face - dans un laboratoire fermé. Chaque fois que l'ami lance la pièce, il obtient un résultat précis. On peut dire que l'ami de Wigner établit un fait : le résultat du lancer de la pièce est définitivement pile ou face.

Wigner n'a pas accès à ce fait de l'extérieur et, conformément à la mécanique quantique, il doit décrire l'ami et la pièce comme étant dans une superposition de tous les résultats possibles de l'expérience. Tout ça parce qu'ils sont " imbriqués " - connectés de manière effrayante au point que si vous manipulez l'un, vous manipulez également l'autre. Wigner peut maintenant vérifier en principe cette superposition à l'aide d'une "expérience d'interférence", un type de mesure quantique qui permet de démêler la superposition d'un système entier, confirmant ainsi que deux objets sont intriqués.

Lorsque Wigner et son ami compareront leurs notes par la suite, l'ami insistera sur le fait qu'ils ont observé des résultats précis pour chaque lancer de pièce. Wigner, cependant, ne sera pas d'accord lorsqu'il observera l'ami et la pièce dans une superposition. 

Voilà l'énigme. La réalité perçue par l'ami ne peut être réconciliée avec la réalité extérieure. À l'origine, Wigner ne considérait pas qu'il s'agissait d'un paradoxe, il affirmait qu'il serait absurde de décrire un observateur conscient comme un objet quantique. Cependant, il s'est ensuite écarté de cette opinion. De plus et, selon les canons officiels de mécanique quantique, la description est parfaitement valide.

L'expérience

Le scénario demeura longtemps une expérience de pensée intéressante. Mais reflètait-t-il la réalité ? Sur le plan scientifique, peu de progrès ont été réalisés à ce sujet jusqu'à très récemment, lorsque Časlav Brukner, de l'université de Vienne, a montré que, sous certaines hypothèses, l'idée de Wigner peut être utilisée pour prouver formellement que les mesures en mécanique quantique sont subjectives aux observateurs.

Brukner a proposé un moyen de tester cette notion en traduisant le scénario de l'ami de Wigner dans un cadre établi pour la première fois par le physicien John Bell en 1964.

Brukner a ainsi conçu deux paires de Wigner et de ses amis, dans deux boîtes distinctes, effectuant des mesures sur un état partagé - à l'intérieur et à l'extérieur de leur boîte respective. Les résultats pouvant  être récapitulés pour être finalement utilisés pour évaluer une "inégalité de Bell". Si cette inégalité est violée, les observateurs pourraient avoir des faits alternatifs.

Pour la première fois, nous avons réalisé ce test de manière expérimentale à l'université Heriot-Watt d'Édimbourg sur un ordinateur quantique à petite échelle, composé de trois paires de photons intriqués. La première paire de photons représente les pièces de monnaie, et les deux autres sont utilisées pour effectuer le tirage au sort - en mesurant la polarisation des photons - à l'intérieur de leur boîte respective. À l'extérieur des deux boîtes, il reste deux photons de chaque côté qui peuvent également être mesurés.

Malgré l'utilisation d'une technologie quantique de pointe, il a fallu des semaines pour collecter suffisamment de données à partir de ces seuls six photons afin de générer suffisamment de statistiques. Mais finalement, nous avons réussi à montrer que la mécanique quantique peut effectivement être incompatible avec l'hypothèse de faits objectifs - nous avions violé l'inégalité.

La théorie, cependant, repose sur quelques hypothèses. Notamment que les résultats des mesures ne sont pas influencés par des signaux se déplaçant à une vitesse supérieure à celle de la lumière et que les observateurs sont libres de choisir les mesures à effectuer. Ce qui peut être le cas ou non.

Une autre question importante est de savoir si les photons uniques peuvent être considérés comme des observateurs. Dans la proposition de théorie de Brukner, les observateurs n'ont pas besoin d'être conscients, ils doivent simplement être capables d'établir des faits sous la forme d'un résultat de mesure. Un détecteur inanimé serait donc un observateur valable. Et la mécanique quantique classique ne nous donne aucune raison de croire qu'un détecteur, qui peut être conçu comme aussi petit que quelques atomes, ne devrait pas être décrit comme un objet quantique au même titre qu'un photon. Il est également possible que la mécanique quantique standard ne s'applique pas aux grandes échelles de longueur, mais tester cela reste un problème distinct.

Cette expérience montre donc que, au moins pour les modèles locaux de la mécanique quantique, nous devons repenser notre notion d'objectivité. Les faits dont nous faisons l'expérience dans notre monde macroscopique semblent ne pas être menacés, mais une question majeure se pose quant à la manière dont les interprétations existantes de la mécanique quantique peuvent tenir compte des faits subjectifs.

Certains physiciens considèrent que ces nouveaux développements renforcent les interprétations qui autorisent plus d'un résultat pour une observation, par exemple l'existence d'univers parallèles dans lesquels chaque résultat se produit. D'autres y voient une preuve irréfutable de l'existence de théories intrinsèquement dépendantes de l'observateur, comme le bayésianisme quantique, dans lequel les actions et les expériences d'un agent sont au cœur de la théorie. D'autres encore y voient un indice fort que la mécanique quantique s'effondrera peut-être au-delà de certaines échelles de complexité.

Il est clair que nous avons là de profondes questions philosophiques sur la nature fondamentale de la réalité.

Quelle que soit la réponse, un avenir intéressant nous attend.

Auteur: Internet

Info: https://www.livescience.com/objective-reality-not-exist-quantum-physicists.html. Massimiliano Proietti et Alessandro Fedrizzi, 19 janvier 2022

 

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russie - occident

Publié il y a près d’un an, alors que l’invasion russe de l’Ukraine ne faisait que commencer, Le mage du Kremlin (Gallimard) a reçu à l’automne le prix de l’Académie française, et a manqué de très peu de remporter aussi le prix Goncourt.

Son auteur, Giuliano Da Empoli, Italo-suisse né en 1973, est le fils d’un conseiller politique blessé lors d’un attentat en 1986. Il a lui-même été conseiller politique pour Matteo Renzi. 

Politique-fiction

Depuis le succès de son livre, qui mêle politique et littérature, on voit régulièrement passer sa chevelure grisonnante sur les télévisions et les radios françaises. Avec son léger accent italien trainant, il y gratifie ses auditeurs de formules marquantes, comme, par exemple "j’ai l’habitude de dire que l’Italie est la Silicon Valley du populisme".

Le Russe Vladislav Sourkov, cofondateur du parti Russie unie, qui mena Vladimir Poutine au pouvoir, photographié ici en 2010. Photo : Wikimedia Commons.

L’ouvrage se penche sur un personnage énigmatique, Vadim Baranov, largement inspiré par Vladislav Sourkov, conseiller politique et idéologue de Vladimir Poutine depuis la fin des années 1990 jusqu’à sa prise de distance avec le Kremlin, en 2020. Au milieu des anciens du KGB, Sourkov, fan de John Lennon et du rappeur Tupac, détonnait quelque peu. En quelque sorte, il était l’un des derniers vestiges, sous l’ère Poutine, de la Russie hédoniste des années 1990, même s’il a lui aussi participé à la forte verticalisation du pouvoir. 

Un grand-père aristo, un père communiste

La part de fiction qu’ajoute Da Empoli semble se résumer à l’histoire d’amour compliquée de Baranov ("il n’existe pas une femme qui soit aussi précieuse que la vérité qu’elle nous révèle en nous faisant souffrir"), à sa solide culture classique, très française, pétrie de citations de Chamfort et de La Bruyère, et à sa généalogie. 

Baranov est le petit-fils d’un aristocrate excentrique, insolent à l’égard du pouvoir soviétique, qui "se serait fait pendre plutôt que de renoncer à un bon mot". Et le fils d’un apparatchik conformiste, qui a mené sa fronde à l’égard du paternel en adhérant totalement au régime communiste. "Je peux comprendre. C’est aussi une rébellion à sa façon. Quand tu grandis auprès d’un personnage tellement hors du commun, la seule révolte possible est le conformisme".

Quatre décennies de politique russe

Au tout début du roman, un narrateur français, de passage en Russie, échange avec un inconnu sur Twitter à coup d’allusions à Evgueni Zamiatine, auteur de science-fiction et compagnon de route très rapidement désillusionné de la Révolution de 1917. Un beau jour, il se laisse entrainer dans une grosse berline qui parcourt les kilomètres dans la forêt russe, avec une inquiétude montante au fil des heures : "La curiosité amusée qui m’avait habité jusque-là était en train de faire place à une certaine appréhension. En Russie, me disais-je, tout se passe en général très bien, mais quand les choses vont mal, elles vont vraiment très mal. À Paris, la pire chose qui puisse vous arriver c’est un restaurant surestimé, le regard méprisant d’une jolie fille, une amende. À Moscou, la gamme des expériences déplaisantes est considérablement plus vaste". Le narrateur se retrouve dans la riche demeure de Vadim Baranov et laisse débuter le long monologue de son hôte qui passe en revue quatre décennies de vie politique russe. Baranov raconte sa jeunesse soviétique et les paniers de victuailles réservés aux hauts fonctionnaires, puis la parenthèse libérale de la décennie 90, au cours de laquelle Baranov devient producteur d’une télévision plus trash encore que celle de l’Occident de la même époque, et l’ascension de Poutine, que l’oligarque Boris Berezovski vient dénicher dans les profondeurs du deep state. 

La première rencontre entre Poutine et Baranov, présentés l’un à l’autre par Berezovsky, est marquante : à ce moment-là, "le Tsar n’était pas encore le Tsar" ; c’est un fonctionnaire un peu terne, la main presque moite, à l’air un peu idiot. Bref, l’homme idéal selon Berezovsky (le vrai maître de la Russie de cette époque) pour donner un tour de vis au régime russe sans sacrifier pour autant les privilèges glanés par les oligarques. Avoir l’air un peu idiot n’a jamais été une mauvaise chose en politique : Louis-Napoléon Bonaparte avait volontiers joué ce jeu auprès des tenants de la droite de son époque, avant de ravir le pouvoir pendant plus de deux décennies. Juan Carlos avait également usé de la même stratégie auprès de Franco : "Faire l’idiot est une discipline fatigante, très dure pour les nerfs", confia-t-il plus tard. 

Berezovsky, capable, lui, de combiner à un haut niveau "intelligence pointue" et "stupidité abyssale", s’aperçoit mais un peu tard qu’il ne maîtrise plus du tout sa créature politique.

Hantises obsidionales et égo russes

Da Empoli parvient à se placer dans la tête du conseiller russe, à restituer les hantises obsidionales d’un pays qui se sent encerclé et qui a eu le sentiment d’être humilié par l’Occident pendant toutes les années 1990. On se souvient de la fameuse scène du fou rire de Clinton face à un Eltsine ivre mort et l’on se dit, nostalgiques, que le monde était globalement plus sûr quand nous étions coincés entre une Russie gouvernée par un alcoolique et une Amérique par un obsédé sexuel. Si la séquence a alimenté pendant des années le bêtisier des Enfants de la télé, elle a aussi mis plus bas que terre l’égo national russe. Lors de la première rencontre Poutine-Clinton, le nouveau président russe fixe tout de suite les nouvelles règles.  Baranov raconte : "Avec lui ce serait différent. Plus de claques dans le dos ni de gros rires. Clinton a été déçu, c’est évident. Il pensait que désormais tous les présidents russes seraient de braves portiers d’hôtels, gardiens des plus vastes ressources de gaz de la planète pour le compte de multinationales américaines. Pour une fois, lui et ses conseillers sont repartis un peu moins souriants que lorsqu’ils sont arrivés". Da Empoli restitue donc la mentalité du conseiller russe, sans entrer dans le jeu de la propagande russe. De toute façon, Baranov-Sourkov est un peu trop décalé, un peu trop occidental pour être totalement dupe de celle-ci.

Écrit avant le début de l’invasion russe, le livre n’avait évidemment pas anticipé le contexte actuel explosif. L’Ukraine n’est toutefois pas absente du roman, Baranov ayant observé attentivement la contestation ukrainienne des élections de 2004 autour d’une jeunesse rassemblée sur la place Maïdan et appuyée notamment par l’argent de Berezovsky. Cette subversion ukrainienne va inspirer directement le régime russe, qui va tenter de se mettre dans la poche tout ce que la Russie compte de marginaux et de subversifs, des bikers aux communistes en passant par l’extrême-droite, afin de maîtriser le mouvement. Baranov reçoit dans son bureau du Kremlin un certain Zaldostanov, chef d’un gang de motards. Baranov le met rapidement au service du pouvoir, grâce à une observation politique froide et clinique : "J’ai pu constater à plusieurs reprises que les rebelles les plus féroces sont parmi les sujets les plus sensibles à la pompe du pouvoir. Et plus ils grognent quand ils sont devant la porte, plus ils glapissent de joie une fois passé le seuil. Contrairement aux notables, qui cachent parfois des pulsions anarchiques sous l’habitude des dorures, les rebelles sont immanquablement éblouis comme les animaux sauvages face aux phares des routiers".

Porté par son écriture mais aussi par l’actualité, le livre connait un grand succès et a fait l’objet de plusieurs tirages depuis sa sortie. Un livre que l’auteur n’écrirait peut-être plus aujourd’hui. En décembre dernier, dans l’Express, il confiait : "il y a quelques années, Vladislav Sourkov m’apparaissait comme un personnage romanesque. C’était déjà un "méchant", mais il était aussi féru de théâtre d’avant-garde et présentait un profil atypique pour un homme de pouvoir. J’ai écrit Le Mage du Kremlin dans un autre contexte. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, je n’en aurais plus envie… 



 

Auteur: Magellan Frédéric

Info: Causeur.fr, 20 février 2023. Giuliano Da Empoli n’écrirait plus “Le mage du Kremlin”, aujourd’hui

[ littérature ]

 

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