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modernité

L’industrialisme produit une société dépendante de macro-systèmes technologiques humainement et écologiquement dévastateurs, dont le caractère nocif est occulté par l’obscurantisme technoscientifique. Afin d’entretenir, dans les oasis de l’opulence, la "capacité de jouissance non perturbée". Cette dépendance est d’abord d’ordre religieux. Y prédomine la religion de la sécurité et du confort matériel, ritualisée dans les grandes messes médiatiques d’adoration de la technologie. Une religion dont les promesses emportent aussi l’adhésion (même partielle) de ceux qu’elles plongent dans l’insécurité et la misère. Une religion désenchantée et sadique valorisant tous les comportements, y compris les plus pervers, qui nourrissent l’illimitation de sa puissance. Une religion tolérante envers les sous-religions (anciennes ou nouvelles) s’inscrivant dans son ordre des choses, qu’il convient de couvrir du voile de la bienveillance inclusive (dans le respect du "bien commun" de notre infamie !). Une religion auto-entretenue, qui a l’art d’user de ses propres nuisances (insécurité sociale, empoisonnement généralisé, catastrophes industrielles, etc.) pour renforcer son emprise sur les populations sacrifiées à la peur ; l’individualisme immunitaire et la surveillance intégrale, "vaccinant" ainsi la démesure technocratique contre toute résistance.

Une religion, donc, à tendance totalitaire.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/aix-en-provence-.pdf

[ croyance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

comparaison

Plusieurs clés s'offrent à nous pour déchiffrer le destin de Raspoutine, et tout d'abord la "clé religieuse". Le Sibérien revenait souvent sur un moment très précis de la christianisation de la Russie, en 988. En ce temps-là, Vladimir, le plus grand prince de la Russie éternelle, avait fait venir auprès de lui des représentants des principaux cultes, afin de choisir sa religion. Connu pour son épicurisme, il avait été tenté par le paradis de Mahomet, mais rebuté par l'interdiction de s'enivrer, qui ne s'accordait pas avec la tradition russe ! Intéressé par le judaïsme, il refusa la circoncision. Quant aux catholiques, leur soumission à Rome l'irritait au plus haut point. En revanche, la religion orthodoxe qui lui présenta un moine gréco-bulgare le séduisit pour la "beauté de ses rites". Ses messagers envoyés à Constantinople lui décrivirent ainsi leur éblouissement : "Nous ne savions pas si nous nous trouvions au paradis ou sur terre. Car sur terre, nous n'avions jamais rencontré une telle splendeur !"
De plus, l'orthodoxie était une foi tolérante qui n'interdisait ni de boire, ni de manger, ni d'aimer, ni de guerroyer, ni de conquérir de nouvelles terres.

Auteur: Fédorovski Vladimir

Info: Le roman de Raspoutine, La cité : les vieux-croyants, p 179

[ religions ]

 

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parents-enfant

[...] lorsque la castration anale est mal assumée, soit parce qu’elle a été mal donnée par l’adulte, soit parce que l’adulte qui l’a donnée en paroles n’est pas un modèle à imiter par le sujet (si cet adulte lui-même est angoissé de ses propres désirs), jamais celui qu’il éduque ne pourra sublimer suffisamment, c’est-à-dire parler, fantasmer "pour de rire" ses pulsions anales. L’adulte tutélaire confond imaginaire et réalité ; il n’est ni tolérant, ni indulgent, ni permissif vis-à-vis de ses propres fantasmes, qui doivent rester inconscients, réprimés ou refoulés, de ses pulsions orales et anales. C’est une triste évidence de constater que nombreux sont ces adultes incapables de donner une castration symboligène des stades archaïques parce qu’eux-mêmes regrettent de ne plus être enfants ou regrettent que leur enfant grandisse et éprouve des désirs d’autonomie à leur égard. Ils empêchent l’enfant de se hausser à un niveau qui lui permette de dépasser ce stade éthique archaïque dans lequel il a dû rester un certain temps, et dont l’âge le sortira quasi spontanément s’il a près de lui des parents heureux, je veux dire des parents vivant d’une libido génitale autrement qu’au niveau libidinal de consommation et de travail (sublimation orale et anale). Dans la dynamique familiale, c’est beaucoup plus l’inconscient qui est l’agent de l’éducation, réussie ou non, qu’un savoir pédagogique appris.

Auteur: Dolto Françoise

Info: "L'image inconsciente du corps", éditions du Seuil, 1983, pages 89-90

[ autorité ] [ grandir ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

pathologie psychologique

Parmi les facteurs qui contribuent à causer les névroses, et qui créent les conditions dans lesquelles les forces psychiques se mesurent les unes aux autres, trois ressortent particulièrement ; un facteur biologique, un facteur phylogénétique, un facteur purement psychologique. Le facteur biologique est l’état de détresse et de dépendance très prolongée du petit d’homme. [...]

[facteur phylogénétique] Nous observons que, chez l’homme, à la différence de la plupart des animaux qui lui ont apparentés, la vie sexuelle ne se développe pas d’un seul tenant, de ses débuts à la maturité, mais connaît, après un premier épanouissement qui s’étend jusqu’à la cinquième année, une énergique interruption, pour reprendre ensuite à la puberté, et renouer avec ses débuts dans l’enfance. [...]

Le troisième facteur, ou le facteur psychologique, se trouve dans une imperfection de notre appareil psychique, qui correspond exactement à la différenciation en son sein d’un moi et d’un ça et qui, par conséquent, se rattache aussi, en dernière analyse, à l’influence du monde extérieur. En considération des dangers de la réalité, le moi est contraint à se mettre en position de défense contre certaines motions pulsionnelles du ça, et à les traiter comme des dangers. Mais le moi ne peut se protéger contre les dangers pulsionnels intérieurs de manière aussi efficace que contre un fragment de la réalité extérieure. En effet, lié lui-même intimement au ça, il ne peut se défendre contre le danger pulsionnel qu’en restreignant sa propre organisation et en tolérant la formation de symptôme en contrepartie des dommages qu’il cause à la pulsion.

Auteur: Freud Sigmund

Info: "Inhibition, symptôme et angoisse", traduit de l’allemand par Michel Tort, Presses Universitaires de France, 1973, page 84

[ inconscient ] [ origine ]

 

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homme hypermoderne

Le nouveau Narcisse est hanté, non par la culpabilité mais par l’anxiété. Il ne cherche pas à imposer ses propres certitudes aux autres, il cherche un sens à la vie. Libéré des superstitions du passé, il en arrive à douter de la réalité de sa propre existence. Superficiellement détendu et tolérant, il montre peu de goût pour les dogmes de pureté raciale ou ethnique, mais il se trouve également privé de la sécurité que donne la loyauté du groupe et se sent en compétition avec tout le monde pour l’obtention des faveurs que dispense l’État paternaliste. Sur le plan de la sexualité, il a une attitude ouverte plutôt que puritaine, bien que son émancipation des anciens tabous ne lui apporte pas la paix pour autant dans ce domaine. Il se montre ardemment compétitif quand il réclame approbation et acclamation, mais il se défie de la compétition car il l’associe inconsciemment à une impulsion irrépressible de destruction. Il répudie donc les idéologies fondées sur la rivalité, en honneur à un stade antérieur du capitaliste, et s’en méfie même lorsqu’elles se manifestent de façon limitée dans les sports et les jeux. Il prône la coopération et le travail en équipe tout en nourrissant des impulsions profondément antisociales. Il exalte le respect des règlements, secrètement convaincu qu’ils ne s’appliquent pas à lui. Avide, dans la mesure où ses appétits sont sans limites, il n’accumule pas les biens et la richesse à la manière de l’individu âpre au gain de l’économie politique du XIXe siècle, mais il exige une gratification immédiate, et vit dans un état de désir inquiet et perpétuellement inassouvi.

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pages 13-14

[ description psychologique ] [ contradictions ]

 

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repli narcissique

Et pourtant, de nombreux ex-radicaux ont eux-mêmes embrassé la sensibilité thérapeutique dans les années 1970. Rennie Davis abandonne le radicalisme politique pour suivre Maharaj Ji, le gourou adolescent. Abbie Hoffman, l’ancien chef des Yippies, décide qu’il est plus important de rassembler ses esprits que de mouvoir les multitudes. Son associé d’antan, Jerry Rubin, lorsqu’il atteignit l’âge terrible de trente ans, se trouva confronté à ses peurs et à ses anxiétés secrètes ; il déménagea alors de New York à San Francisco, et se mit à acheter – avec des revenus apparemment inépuisables – tous les produits offerts par les supermarchés spirituels de la côte Ouest. […]

Dans ses mémoires, modestement intitulées Grandir à trente-sept ans, Rubin témoigne des effets salutaires du régime thérapeutique. Après avoir négligé son corps pendant des années, il se donna "la permission d’être en bonne santé", et perdit rapidement quinze kilos. Nourriture diététique, jogging, yoga, saunas, chiropraxie, acupuncture lui donnèrent l’impression, à trente-sept ans, "d’en avoir vingt-cinq". Sur le plan spirituel, ses progrès se révélèrent tout aussi satisfaisants et indolores. Abandonnant son armure protectrice, son sexisme, sa "manie de l’amour", il apprit "à s’aimer suffisamment soi-même pour n’avoir pas besoin d’un autre pour se rendre heureux", et parvint à comprendre que sa politique révolutionnaire cachait un "conditionnement puritain" qui provoquait parfois en lui un certain malaise, à cause de sa célébrité et des avantages monétaires qu’elle lui valait. C’est apparemment sans efforts psychiques épuisants que Rubin a réussi à se convaincre « qu’il n’y a pas de mal à "goûter les bienfaits de la vie qu’apporte l’argent". […]

Pourtant, cet "énorme auto examen" donne peu d’indications touchant la compréhension de soi auquel il serait parvenu sur le plan personnel ou collectif. Sa conscience de soi demeure embourbée dans les clichés de la libéralisation des mœurs. Rubin examine "la femme en lui", son besoin de se faire une conception plus tolérante de l’homosexualité et son envie de "faire la paix" avec ses parents, comme si ces lieux communs apportaient des révélations difficilement acquises sur la condition humaine. […]

Comme tant d’anciens radicaux, Rubin n’a fait que substituer des slogans thérapeutiques en vogue aux slogans politiques de naguère, qu’il utilise dans l’un et l’autre cas sans tenir compte de leur signification.

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pp. 35-38

[ itinéraire ] [ critique ] [ autosatisfaction ] [ beat generation ]

 
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patriarcat-matriarcat

L’échange symbolique étant fondé sur la prohibition de l’inceste, toute abolition (censure, refoulement, déstructuration) de ce niveau de l’échange symbolique signifie un procès de régression incestueuse. [...] le pervers fétichiste se définit par le fait qu’il n’est jamais sorti du désir de la mère, qui a fait de lui le substitut de ce qui lui manquait. Phallus vivant de la mère, tout le travail du sujet pervers consiste à s’installer dans ce mirage de lui-même et à y trouver l’accomplissement de son désir – en fait l’accomplissement du désir de la mère (alors que la répression génitale traditionnelle signifie l’accomplissement de la parole du Père). On voit qu’est proprement créée une situation incestueuse : le sujet ne se partage plus (il ne se départit plus de son identité phallique) et il ne partage plus (il ne se dessaisit plus de quoi que ce soit de lui-même dans une relation d’échange symbolique). L’identification au phallus de la mère le définit pleinement. Même processus que dans l’inceste : ça ne sort pas de la famille.

Il en va très généralement ainsi du corps aujourd’hui : si la loi du Père, la morale puritaine y est (relativement) déjouée, c’est selon une économie libidinale caractérisée par la déstructuration du symbolique et la levée de la barrière de l’inceste. Massmédiatiquement diffusé, ce modèle général d’accomplissement du désir ne va pas sans une qualité d’obsession et d’angoisse bien différente de la névrose puritaine à base hystérique. Il ne s’agit plus de l’angoisse liée à l’interdit œdipien, mais de celle liée au fait de n’être, au "sein" même de la satisfaction et de la jouissance phallique multipliée, au "sein" de cette société gratifiante, tolérante, lénifiante, permissive, de n’être que la marionnette vivante du désir de la mère. Angoisse plus profonde que celle de la frustration génitale, puisqu’elle est celle de l’abolition du symbolique et de l’échange, celle de la position incestueuse où le manque même du sujet vient à lui manquer – angoisse qui se traduit aujourd’hui partout dans la phobie et l’obsession de la manipulation. [...]

C’est que cette manipulation renvoie à celle, originelle, du sujet par la mère comme de son propre phallus. A cette plénitude fusionnelle et manipulatoire, à cette dépossession, il n’est plus possible de s’opposer comme à la loi transcendante du Père. Toute révolution future doit tenir compte de cette condition fondamentale, et retrouver – entre la loi du Père et le désir de la mère, entre le "cycle" répression/transgression et le cycle régression/manipulation – la forme d’articulation du symbolique.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 185 à 187

[ réification ] [ surmoi maternel ] [ dévoration ]

 

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cénacle

Au fil des journées Emma devenait toujours plus critique, surtout avec ses amis locaux, principalement la bande d'André, un musicien, ami de Miguel, pivot d'une clique d'artistes quadragénaires, tous issus de la bourgeoisie. Elle les analysait, les jaugeant maintenant comme de tristes êtres, qui se croyaient métamorphosés parce qu'après avoir vécu ces expériences - par lesquelles ils avaient eu l'impression de se faire peur - ils étaient simplement intégrés. Des petits bourgeois, ridicules par cette mise en place progressive et étudiée de façades plus ou moins réussies, plus ou moins souriantes, assorties de quelques petites excentricités d'habillement, de tournures verbales supposément originales. Elle voyait à présent des cadres moyens du fin tissu social helvétique, un de ces rassemblement de gens qui craignent toute forme de marginalité. Sérail dérisoire ou l'on se fait la bise comme les stars de la télévision pour marquer sa différence, pour montrer son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti, éclairé, mais qui, quand il existe, elle ne le savait que trop, n'a que le fonctionnement d'un groupe de pression. Elle riait presque en se remémorant qu'ils avaient créé une structure à but artistique baptisée "Les gars sympas " c'était à n'y pas croire.

Telle était donc l'intelligentsia, les révoltés de cet endroit ?... en était-ce de même pour la culture occidentale en général ?... Etaient-ce eux les artistes ?... Emma se surprenait à fulminer intérieurement. Traumatisée par l'enfant elle ne voyait plus chez eux qu'une forme d'élitisme atroce, imbécile, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec des excréments, des bleus, du sang, des cris. Elle aurait préféré ne pas les juger mais c'était impossible, elle les voyait si distants, si étriqués, prenant brusquement conscience qu'elle n'en n'avait jamais vu un plaisanter ou simplement discuter avec une caissière édentée ou un clodo en pleine cuite. Oui, c'était ça, égoïstes : lors des fêtes qui réunissaient les familles, elle voyait bien que leurs enfants leur cassaient les pieds, comme s'ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, ou pire, par ennui. Pas comme dans son pays où la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir... de folie qui se développe.

Elle les dépréciait, ils étaient froids, pédants. Elle analysait leurs postures, leurs attitudes - vues par elle comme un mélange de classe et de réserve étudiées - des limitations quoi, y voyant pour preuve que l'humour grossier, même sciemment provocateur, les faisaient se raidir immédiatement. Comprenant aussi qu'il fallait bien qu'ils conservent la cohérence de leur statut social. Ils étaient carrément bridés, oui, c'était ça : sans ouverture... s'auto bombardaient non racistes... tolérants... ne semblaient pas supporter par ailleurs qu'on fasse part de la moindre forme de non allégeance à leur endroit, empêtrés dans leurs représentations, leur foutu confort. Mais stop. Il fallait revenir sur terre, être positive. Qu'avaient-ils de différents des autres humains, somme toute ?... N'était-elle pas comme eux ?.

Auteur: MG

Info: In Jean-Sébastien, 1999

[ sociologie ] [ suisse ]

 

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sociologie

La tyrannie de l’apparence
A l’école, à la fac, au travail… Avant même nos compétences, c’est notre physique qui est jugé. Une dictature du beau dénoncée, preuves à l’appui, par le sociologue Jean-François Amadieu.
Depuis l’Antiquité grecque, nous sommes victimes et vecteurs du même présupposé : ce qui est beau est bon. Aujourd’hui encore, tout le monde le pressent et personne ne veut y croire : notre vie tout entière est soumise à la tyrannie des apparences.
Pour la première fois en France, un livre, Le Poids des apparences (Odile Jacob, 2002), en apporte la démonstration. Professeur de sociologie, Jean-François Amadieu a recensé trente ans d’études américaines et européennes sur le sujet et en tire une conclusion effarante : toute notre vie, dans tous les domaines, en amour comme au travail, notre apparence conditionnera nos relations aux autres.
Poussant son analyse, le sociologue démontre combien la beauté est un formidable outil de discrimination sociale que les élites imposent aux classes les plus basses. Dans le monde entier, les canons de la beauté ne sont-ils pas ceux des Blancs américains diffusés par la télévision et le cinéma : blondeur, minceur, jeunesse. Que l’on s’y résolve ou que l’on se révolte, nous n’en sommes pas moins, dès la naissance, soumis à la première des injustices : celle des apparences.
Au berceau déjà
Les regards qui se portent sur le nourrisson dans son berceau ne sont pas neutres. Un bébé beau attirera force sourires et risettes alors qu’un enfant moins séduisant créera une certaine gêne chez les adultes. Même infime – oreilles décollées, tache de naissance, dissymétrie des traits –, la différence physique sera vécue par les parents comme un handicap futur. Et suscitera des comportements différents à l’égard du nourrisson.
" On ne peut pas dire qu’une mère ou un père préfèrera un enfant plus beau que ses frères et sœurs, explique Jean-François Amadieu. En revanche, les études ont prouvé que les activités seront différentes selon que l’enfant est beau ou laid. Par exemple, une mère jouera beaucoup avec son nourrisson s’il est beau, tandis qu’elle focalisera sur les apprentissages s’il est disgracieux. Et parce qu’elle sait qu’il risque de se heurter, plus tard, aux regards des autres, elle s’en occupera plus. Il est d’ailleurs prouvé que ces enfants réussiront mieux à l’école que la moyenne. On peut ici parler d’un effet de compensation à la laideur."
A l’école du favoritisme
A la maternelle déjà, les enfants beaux sont privilégiés. Les enseignants ont une meilleure opinion d’eux, leur accordent davantage d’attention, les évaluent plus chaleureusement - in Modèles du corps et psychologie esthétique de Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer (PUF, 1981). Cette bienveillance engendre une confiance chez l’enfant qui l’accompagnera toute sa vie. D’autant qu’elle va mettre en place une dynamique du succès qui se poursuivra à l’âge adulte. Ensuite, au collège et au lycée, une note peut varier de 20 à 40 % selon la beauté de l’élève. Les études prouvent qu’une étudiante laide mais de bon niveau est peu défavorisée par rapport à une étudiante belle de même niveau. En revanche, si la plus jolie est mauvaise élève, ses notes seront nettement surévaluées par les examinateurs, expliquent Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer dans Le Corps et la Beauté (PUF, 1999).
"Beaucoup plus que l’enfant beau, l’enfant laid est jugé responsable de ses échecs scolaires autant que de ses fautes, remarque Jean-François Amadieu. D’abord par les instituteurs, puis par les professeurs et enfin par les recruteurs. La beauté est un statut qui vaut diplôme : elle enrichit, comme la laideur altère, nos compétences."
La tête de l’emploi
Diplôme en poche, vous pensiez être délivré de la dictature des apparences ? Erreur. "Une apparence avenante est cruciale au moment de l’embauche, mais également pour une bonne intégration au sein de l’entreprise, explique Jean-François Amadieu. Elle permet une meilleure évaluation des performances et favorise un bon déroulement de carrière." Le candidat sera jugé d’abord sur des critères extérieurs : soin apporté à sa personne, poids, beauté physique, etc. 50 % des employeurs jugent qu’un physique séduisant est un critère important de recrutement (Multicity Study of Urban Inequality de H. Holzer, Michigan State University, 1993). Les critères négatifs : poids excessif, petite taille, nez trop long, grandes oreilles, visage disgracieux, mains moites…
"Les beaux sont jugés plus intelligents, plus ambitieux, plus chaleureux, plus sociables, plus équilibrés et moins agressifs", assure encore le sociologue. Ainsi, de nombreux spécialistes du recrutement estiment, consciemment ou pas, qu’une personnalité équilibrée se voit. Pire, les études prouvent qu’à diplôme équivalent un candidat au physique peu avenant sera recruté à un salaire moindre. Une situation qui n’ira pas en se résorbant : une étude anglaise, conduite sur onze mille salariés britanniques (Beauty, Statute and the Labour Market de B. Harper, 2000), prouve que si les plus beaux gagnent un peu plus que la moyenne nationale, les plus laids perçoivent des salaires de 11 à 15 % inférieurs.
"La beauté permet non seulement d’échapper au chômage, mais en plus elle se transforme en prime salariale, résume Jean-François Amadieu. La beauté est un capital humain que le marché du travail reconnaît financièrement." Ainsi démontrée, la dictature que nous imposent les apparences, comme la tyrannie médiatique et sociale que nous subissons, nous apparaissent dans ce qu’elles ont de fondamentalement injustes. "Bien sûr, nous préférerions que ce soient les mérites de chacun qui déterminent l’obtention des diplômes, l’accès aux emplois, etc., plutôt qu’un critère arbitraire et primitif, admet Jean-François Amadieu. Mais c’est en disant la vérité sur cette discrimination qu’on peut élaborer des stratégies visant à limiter, sinon contrer, l’emprise des apparences. Bien connue et bien utilisée par tous, elle peut aussi permettre de bousculer l’ordre imposé."
Des chercheurs américains (Physical Attractivities and Evaluation of Children’s Transgressions de K. K. Dion, 1972) ont demandé à des adultes de juger des enfants de 7 ans accusés d’avoir blessé un camarade avec une boule de neige. Dans un premier temps, les personnes interrogées se sont montrées beaucoup plus tolérantes envers les enfants les plus beaux : la faute était jugée plus légèrement lorsque le fautif était séduisant. Dans un second temps, elles se sont dit convaincues que les enfants beaux récidiveraient moins que les autres. Commentaires du sociologue Jean-François Amadieu : "Non seulement le “laid” est jugé plus responsable de sa faute que le “beau”, mais, de surcroît, cette faute apparaissant comme inscrite dans sa nature profonde, elle est susceptible d’être répétée."

Auteur: Gelly Violaine

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[ inégalités ] [ injustice ] [ allure ]

 

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colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

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[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

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