Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 377
Temps de recherche: 0.0481s

homme-machine

ChatGPT, Chomsky et la banalité du mal

Dans une tribune parue dans le New York Times, le philosophe et linguiste Noam Chomsky balance du lourd contre le robot de conversation ChatGPT, qu’il accuse de disséminer dans l’espace public un usage dévoyé du langage et de la pensée susceptible de faire le lit de ce que Hannah Arendt appelait “la banalité du mal”. Voilà une charge qui mérite d’être examinée.

C’est une question essentielle que soulève Noam Chomsky dans la tribune qu’il a publiée avec Ian Roberts, linguiste à l’université de Cambridge, et Jeffrey Watumull, philosophe spécialiste d’intelligence artificielle. Une question qui touche à l’essence du langage, de la pensée et de l’éthique. Dans la confrontation avec l’intelligence artificielle, affirment-ils, c’est le propre de l’intelligence humaine qui apparaît et qui doit être préservé : si nous sommes capables, nous les hommes, de générer de la pensée et du langage, c’est que nous entretenons un rapport intime et fondamental, dans notre créativité même, avec la limite, avec le sens de l’impossible et de la loi. Or, la “fausse promesse” de l’intelligence artificielle, selon le titre de la tribune, est de nous faire miroiter qu’il serait possible d’obtenir les mêmes performances en se passant de cette confrontation à la limite et à la règle qui fait le ressort de l’expérience humaine. Tentons de suivre cette démonstration, hautement philosophique.

On comprend que Chomsky se soit senti mis en demeure de se pencher sur les nouveaux robots conversationnels tels que ChatGPTBard ou Sydney. Fondateur de l’idée de grammaire générative, le philosophe soutient en effet que les hommes disposent avec le langage d’une compétence à nulle autre pareille, une puissance intérieure de générer et de comprendre, grâce à un nombre fini de règles, un nombre infini de propositions qui expriment leur pensée. Or, quand ChatGPT parvient à générer des réponses sensées à nos questions sur la base des millions d’énoncés que le système a appris automatiquement, qui dit que le robot ne parle et ne pense pas à son tour ? Qu’il ne génère pas du langage et donc de la pensée ? La réponse de Chomsky est profonde et subtile. Elle part, comme souvent chez lui, d’un petit exemple grammatical : “John is too stubborn to talk to.” Tout locuteur anglais lambda comprendra immédiatement le sens de cette phrase sur la base de sa connaissance de la langue et de la situation dans laquelle elle est proférée. Elle signifie : “John est trop têtu pour qu’on le raisonne.” Où John, sujet initial, bascule implicitement en complément d’objet, et où le “talk” signifie “raisonner” et non pas “parler”. L’IA, elle, sera induite à comprendre : “John est trop têtu pour parler à quelqu’un.” Parce qu’elle n’a pas accès à la règle ni à la situation, elle cherche en effet à prédire la bonne signification d’un énoncé sur la base du plus grand nombre d’occurrences analogiques. Mais de même que “John a mangé une pomme” équivaut souvent à “John en a mangé”, de même, “John est trop têtu pour parler” a des chances de vouloir dire “John est trop têtu pour parler à quelqu’un” davantage que “pour qu’on le raisonne”.

Au vu des performances des nouveaux logiciels de traduction, tels que DeepL – dont j’ai d’ailleurs dû m’aider pour être sûr de bien comprendre l’exemple de Chomsky –, on pourrait être tenté de relativiser cette confiance que fait ici le philosophe dans l’intelligence humaine du langage. Mais le raisonnement monte en puissance quand il touche à la loi, scientifique ou éthique. Soit l’énoncé “la pomme tombe” ou “la pomme tombera”, formulé après que vous avez ouvert la main ou que vous envisagiez de le faire. Une IA est à même de formuler chacune de ces deux propositions. En revanche, elle sera incapable de générer l’énoncé : “La pomme ne serait pas tombée sans la force de la gravité.” Car cet énoncé est une explication, c’est-à-dire une règle qui délimite le possible de l’impossible. On tient là pour Chomsky la ligne de partage entre les deux intelligences. En dépit de la puissance d’apprentissage et de calcul phénoménal qui est la sienne, l’intelligence artificielle se contente de décrire et/ou de prédire à partir d’un nombre potentiellement infini de données, là où l’intelligence humaine est capable, avec un nombre fini de données, d’expliquer et de réguler, c’est-à-dire de délimiter le possible et l’impossible. Notre intelligence ne se contente pas définir ce qui est ou ce qui pourrait être ; elle cherche à établir ce qui doit être.

Cette approche a une portée éthique évidente. Car la morale consiste à “limiter la créativité autrement illimitée de nos esprits par un ensemble de principes éthiques qui déterminent ce qui doit être et ce qui ne doit pas être (et bien sûr soumettre ces principes eux-mêmes à une critique créative)”. À l’inverse, comme en attestent les réponses produites par ChatGPT aux questions éthiques qu’on lui pose, et qui se réduisent à une recension des différentes positions humaines, l’IA trahit une “indifférence morale”. Et Chomsky de conclure : “ChatGPT fait preuve de quelque chose comme la banalité du mal : plagiat, apathie, évitement […] Ce système offre une défense du type ‘je ne fais que suivre les ordres’ en rejetant la responsabilité sur ses créateurs.” Pour en avoir le cœur net, je suis allé demander à ChatGPT s’il connaissait l’idée de banalité du mal et s’il se sentait concerné. Voilà ce qu’il m’a répondu : “Il est vrai que je suis un outil créé par des humains, et par conséquent, je peux refléter les limites et les biais de mes créateurs et des données sur lesquelles je suis entraîné.” Une intelligence servile et sans pensée, c’est en effet une bonne définition de la banalité du mal. Et de l’intelligence artificielle ?

Auteur: Legros Martin

Info: https://www.philomag.com, 13 Mars 2023

[ déficit holistique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

nazisme

Le Führer désire que le rendement s’accroisse de cinquante pour cent dans les trois mois et soit doublé dans les six mois. Des propositions de l’assemblée pour atteindre ce but seront les bienvenues. Mais celui qui ne collaborerait pas devait être considéré comme saboteur et traité en conséquence.

Tandis que l’orateur lance encore un Siegheil en l’honneur du Führer, Quangel se dit : "Dans quelques semaines, l’Angleterre sera écrasée et la guerre terminée. Mais nous devons doubler en six mois notre production de matériel de guerre ! ... A qui fera-t-on avaler celle-là ?"

Mais l’orateur suivant monte à la tribune. Il est en uniforme brun, la poitrine constellée de médailles, de décorations et d’insignes. Cet orateur du Parti est une tout autre sorte d’homme que le militaire qui l’a précédé. D’emblée, il évoque, d’une voix tranchante, le mauvais esprit qui continue à régner dans les entreprises, malgré le prodigieux succès du Führer et de l’armée. Il parle avec tant de virulence qu’il en rugit littéralement, et il ne mâche pas ses mots, pour flétrir les défaitistes et les rouspéteurs. Il s’agit d’exterminer ces gens-là ; on leur fermera le bec une fois pour toutes. Les mots Suum cuique étaient gravés sur les boucles des ceinturons pendant la Première Guerre mondiale ; les mots à chacun son dû se trouvent maintenant gravés sur les portes des camps de concentration. C’est là qu’on apprendra à vivre à ces gens-là. Et celui qui y fait jeter les mauvais citoyens, celui-là fait quelque chose de positif pour le peuple allemand. Celui-là est un homme du Führer.

L’orateur conclut, en rugissant :

- Mais vous tous qui êtes ici, chefs d’ateliers, chefs de services, directeurs, je vous rends personnellement responsables de la salubrité de votre entreprise. Et qui dit salubrité, dit façon national-socialisme de penser ! J’espère que vous m’avez compris. Quiconque se relâche et fait la moue, quiconque ne dénonce pas tout, même les choses les plus insignifiantes, celui-là sera jeté lui-même dans un camp de concentration ! ... Vous me répondez personnellement de l’usine, que vous soyez directeur ou contremaître. Je mettrai bon ordre dans tout cela, fût-ce à coups de bottes.

L’orateur reste encore un moment ainsi, les mains levées et crispées par la fureur, le visage d’un rouge violacé. Après cette explosion, un silence de mort s’est emparé de l’assemblée. Les assistants prennent tous des airs pincés, eux qui, si soudainement et si officiellement, ont été promus au rang d’espions de leurs camarades. Puis, à pas lourds, l’orateur descend de la tribune, et ses insignes tintinnabulent doucement sur sa poitrine. Le directeur général Schröder, plus pâle que jamais, se lève et demande d’une voix suave si l’on a des observations à formuler.

Une impression de soulagement s’empare de l’assemblée, comme la fin d’un cauchemar. Personne ne semble encore vouloir parler. Tous n’ont qu’un désir : quitter cette salle le plus vite possible. Et le directeur général s’apprête à clore la séance par un "Heil Hitler" quand, tout à coup, au fond de la salle, un homme en « bleu » de travail se lève. Il déclare que, pour faire augmenter le rendement dans son atelier, ce serait très simple. Il suffirait d’installer encore telle et telle machine : il les dénombre et explique comment elles devraient être installées. Après quoi, il faudrait encore débarrasser son atelier de six ou huit hommes, flâneurs et bons à rien. De cette façon-là, il se fait fort d’atteindre les cent pour cent en un trimestre.

Quangel est très détendu : il a entamé le combat. Il sent que tous les regards sont braqués sur lui, simple travailleur pas du tout à sa place parmi tous ces beaux messieurs. Mais il ne s’est jamais beaucoup occupé des gens ; ça lui est égal qu’ils le regardent. Les autorités et les orateurs se concertent, se demandent qui peut être cet homme en blouson bleu. Le major ou le colonel se lève alors et dit à Quangel que la direction technique s’entretiendra avec lui au sujet des machines. Mais que veut-il dire, en parlant de six ou huit hommes dont son atelier devrait être débarrassé ?

Quangel répond posément :

- Certains ne peuvent déjà pas travailler au rythme actuel, et d’autres ne le veulent pas... Un de ceux-là se trouve ici.

De l’index, il désigne carrément le menuisier Dollfuss, assis à quelques rangs devant lui.

Il y a quelques éclats de rire ; Dollfuss est parmi les rieurs. Il a tourné le visage vers son accusateur.

Mais Quangel s’écrie, sans sourciller :

- Oh ! bavarder, fumer des cigarettes aux toilettes et négliger le travail, tout cela, tu le fais très bien, Dollfuss !

A la table des autorités, tous les regards se sont de nouveau braqués sur cet insensé. Mais voici que l’orateur du Parti bondit et s’écrie :

- Tu n’es pas membre du Parti ! Pourquoi n’es-tu pas membre du Parti ?

Et Quangel répond ce qu’il a toujours répondu :

- Parce que j’ai besoin de tous mes sous, parce que j’ai une famille.

Le brun hurle :

- Parce que tu es un sale avare, chien que tu es ! ... Parce que tu ne veux rien donner pour ton Führer et ton peuple ! ... Et ta famille, à combien de personnes se monte-t-elle ?

Froidement, Quangel lui jette au visage :

- Ne me parlez pas de ma famille aujourd’hui, cher monsieur... J’ai précisément appris ce matin que mon fils est tombé au front.

Un moment, un silence de mort règne dans la salle. Par-dessus les rangées de chaises, le bonze brun et le vieux contremaître se regardent fixement. Et Otto Quangel se rassied tout à coup, comme si tout était terminé. Le brun s’assied aussi. Le directeur général Schröder lève la séance par le Siegheil en l’honneur du Führer – un Siegheil qui n’est guère claironnant.

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Seul dans Berlin", traduit de l’allemand par A. Virelle et A. Vandevoorde, éditions Denoël, 2002, pages 59 à 62

[ voix discordante ] [ renchérissement ] [ fausse naïveté ] [ entre-soi ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

visionnaire

Initiateur de l'astronautique, Constantin Tsiolkolvski était un grand rêveur. Un peu fou, un peu naïf, il s'est souvent égaré et a commis beaucoup d'erreurs. Mais il a eu le courage de rêver à ce à quoi d'autres n'auraient même pas osé penser. Qui, au temps de la Première Guerre mondiale, aurait pu rêver à des vols sur la Lune, au génie génétique, à la résurrection des morts ? Un seul, Tsiolkovski.

Sa vie débuta dans la tragédie. Encore jeune enfant, Tsiolkovski fut atteint de la scarlatine. Sa maladie fut suivie de complication et il devint sourd. C'est la raison pour laquelle il n'a pas reçu d'éducation traditionnelle. Le grand savant fut autodidacte. Il apprit très tôt à lire. Plus que tout au monde, il aimait lire et inventer. Il pouvait lire et inventer des jours entiers. Tour à charioter, petites maisons, horloges à pendant, automobiles miniatures…

En dépit de sa surdité, il ne se considérait en aucune façon diminué. Au contraire. Quand Tsiolkovski est tombé amoureux pour la première fois, il écrivit à la jeune fille en question la lettre suivante : "Je suis un grand homme qu'il n'y avait pas encore eu et qu'il n'y aura plus ". Pour ce qui est de l'opinion qu'il avait de lui-même, il n'avait pas de problème.

A 16 ans, il partit étudier à Moscou. Il passait des heures dans les bibliothèques, ne mangeait pas. Il vivait avec 10 roubles pour le mois. Enfin il passa avec succès ses examens pour être professeur d’arithmétique. Il ne cessa pourtant pas d'inventer. Il travaillait sur des quantités innombrables de théories et les envoyait à des magazines. Au début, il inventa une étrange théorie de "zéro agité" qui prouvait l'inutilité de la vie humaine.

Puis il travailla sur une théorie des gaz et l'envoya à Mendeleev. Celui-ci félicita le jeune savant mais lui écrivit qu'en réalité, la théorie des gaz avait déjà été découverte 25 ans auparavant.

Cinq idées de Constantin Tsiolkovski qui anticipèrent la conquête spatiale

Il travaillait à ses inventions presque quotidiennement. Dans un court laps de temps, il inventa : l'aérostat, les échasses, la signalisation interplanétaire, le chauffage solaire, un rafraîchisseur de chambre, la machine à écrire, son propre système de mesures et même un alphabet commun à tous. Il parvint même a déposer un brevet pour quelques unes de ces inventions, mais Tsiolkovski ne perçut jamais d'argent. Une fois quelqu'un voulut le payer 500 roubles mais le facteur ne put trouver son adresse. On ne l'a donc pas payé. A 30 ans, Tsiolkovski devint, à sa grande surprise, écrivain. Il se mit à écrire un récit de science-fiction à propos de la Lune. Avec des détails tels qu'on croirait qu'il y était allé. Gagarine racontera plus tard que ce qu'il a vu dans le cosmos ressemblait beaucoup aux descriptions de Tsiolkovski. Il a aussi décrit avec force détails l'apesanteur dans ses livres. Mais d'où a-t-il bien pu le tenir ?

Personne ne le prenait au sérieux. On le prenait pour un citadin fou. Et lui-même se comportait comme un original. Il dépensait tout son salaire dans les livres et les réactifs. Avec les enfants il faisait voler des serpents en papier, faisait du patin avec un parapluie. Avec celui-ci, il prenait de la vitesse avec le vent arrière. Les chevaux de ferme fuyaient ses parapluies, les paysans juraient. Mais Tsiolkovski n'en avait cure. Il était sourd et n'entendait pas les jurons.

Tsiolkovski croyait que la matière inanimée avait une âme. Le vivant et le non-vivant, c'est une chose. Il n'y a pas de mort, il n'y a qu'un seul univers, il n'y a pas de frontière entre les mondes... La philosophie étonnante de Tsiolkovski frôle quelques fois le délire et quelques fois est proche d'une vison géniale. Par exemple, il découvrit que la forme géométrique idéale pour l'homme est la sphère. C'est pourquoi tout le monde aura, dans l'avenir, la forme d'une sphère. Il croyait aussi au clonage. Le génie vers le génie, le talent vers le talent, c'est comme cela que l'on peut améliorer la race humaine.

Mais qui se serait souvenu de Tsiolkovski s'il n'avait consacré son temps qu'à ses folies et à sa philosophie de chambre ? Il a donné naissance à plusieurs idées réellement fondamentales. Le satellite artificiel de la Terre, la fusée multiple, le moteur nucléaire... Étonnamment, tout cela fut fait avec désintéressement. Aucune base scientifique, aucun espoir de réaliser ces idées... Les premiers avions se sont écrasés les uns après les autres, et il écrivit : "je suis sûr que les voyages interplanétaires deviendront réalité. Les héros et les braves poseront les premières routes aériennes : la Terre est l'orbite de la lune, la Terre est l'orbite de Mars et pour aller plus loin, Moscou est la Lune et Kalouga est Mars..."

Tsiolkovski a avoué une fois à ses élèves qu'il conversait avec les anges. Les anges, selon sa conception, sont des êtres raisonnables supérieurs, bien plus parfaits que les gens. Les gens , dans l'avenir, devront se transformer en anges. Viendra le jour où l'humanité s'unira au cosmos, deviendra immortelle et se transformera en énergie cosmique.

Il marchait dans les rues de Kalouga avec un air attristé. De temps en temps il s'asseyait par terre et réfléchissait longuement, le dos contre le tronc d'un arbre … De l'extérieur, il ressemblait à un messager d'autres mondes. Ou bien à un homme venu du futur qui se serait retrouvé par erreur dans la Russie des années 1920.

Après sa mort, on commença à l'appeler père de l'aéronautique soviétique. Le grand constructeur Sergueï Korolev s'empara de ses idées et les développa. Bien sûr, il s'en serait sorti même sans l'aide de Tsiolkovski. Tous les calculs furent vérifiés par des savants. Mais ce n'étaient des savants, alors que lui était un rêveur. Sans lui ils ne seraient arrivés à rien. Il existe beaucoup de savants, mais il n'y a que très peu de rêveurs géniaux. De gens capables de converser avec les anges dans leur propre langue.

Auteur: Shenkman Yan

Info: Tsiolkovski : le savant qui conversait avec les anges, 4 avril 2014

[ personnage ] [ surdité ]

 

Commentaires: 0

décadence

La sexualité des Français toujours plus extrême (et égoïste ?)
Gérard Leleu sexologue, revient sur la dérive des pratiques extrêmes, les risques courus et la dégradation de la sexualité dans nos sociétés.
Atlantico : Il semble que les accidents liés à des pratiques sexuelles extrêmes soient en progression, pouvez-vous nous le confirmer ?
Gérard Leleu : Bien évidemment, et je parle en connaissance de cause... Avant d'être sexologue, j'ai exercé la profession d'urgentiste.
Les gens utilisent de plus en plus de " jouets", si je puis dire, qui sont vraiment d'une proportion inimaginable. S'ils avaient une idée de l'impact que cela pourrait avoir sur leur organisme, ils ne tenteraient pas ce genre d'expériences. Médicalement, c'est de la folie.
En ce qui concerne les corps étrangers, depuis toujours nous en avons trouvé de toutes sortes. Les gens sont d'une imagination débordante. Cependant c'était le plus souvent par auto-érotisme. Cela n'a pas dû tellement changer, de surcroît avec la normalisation des sex-toys, ces derniers sont conformes à certaines normes ce qui diminue potentiellement le danger, du moins plus qu'un ustensile de cuisine.
Les pratiques liées à l'auto asphyxie se développent également. D'autres prendraient du Prozac, ou n'importe quelle drogue, ceux qui se privent d'oxygène utilisent le plaisir car ce dernier provoque la sécrétion de substances hédoniques, (la dopamine, les endorphines... etc...) Certains poursuivent leur quête de plaisir en se recouvrant la tête d'un sachet plastique. La strangulation entraîne une érection ainsi qu'une rétention de CO2 et le phénomène d'hypercapnie qui provoque une sorte de vertiges et d'hypoxie. Les sensations que l'on ressent à ce moment-là, sont des signes proches de la mort c'est extrêmement dangereux.
D'où vient ce besoin d'aller toujours plus loin dans les pratiques sexuelles ?
Désormais les individus visent le maximum de plaisir, on chosifie l'autre. L'autre est un objet dont le but est d'en tirer le plus de plaisir avec absence de sens. La seule chose qui compte c'est la quantité de plaisir au dépend de la qualité. Même si la notion de plaisir est propre à chacun cette dernière s'acquiert à travers les baisers, les caresses, différentes positions, la relation entre deux individus et non pas un simple acte sexuel.
Le plaisir est quelque chose qui s'use. Si telle sensation procure tel plaisir au bout d'un certain temps ce dernier s'atténue, il faut rechercher une sensation plus forte. Cette recherche s'expérimente alors, pour certaines personnes, à travers un objet plus gros plus profond et par conséquent des pratiques de plus en plus extrêmes.
Le seul but est le plaisir et non plus la relation, ou l'amour comme quelque chose de sacré. L'autre est désormais un outil qui vous permet de vous assouvir.
Existe-t-il une démocratisation de ces pratiques que l'on pourrait qualifier d'extrêmes?
La hiérarchie de ce qui est à faire ou à ne pas faire est floue. Cela est peut être dû à une démocratisation. Je pense effectivement que la plupart des gens pratiquaient le masochisme ou le sadisme bien avant le regain d'intérêt pour Sade. Certes, beaucoup de gens s'adonnent à ces jeux sexuels extrêmes cependant, cela a toujours été l'apanage d'une certaine élite. N'importe qui peut désormais trouver un sex-shop alors que tous ces objets autrefois, étaient réservés à une certaine partie de la société.
L'anus actuellement devient de plus en plus souvent le but central de la relation sexuelle avec la pratique du fist (insertion d'un poing) alors qu'avant c'était exceptionnel. Désormais si l'on ne s'aventure pas à l'exploration de l'anus on est considéré comme rétro et dépassé. Il existe une utilisation érotique du rectum de plus en plus forte.
Mon propos n'est pas d'inculquer le bien et le mal, mais de prévenir le danger ou même de dire ce qui contribue ou pas à l'équilibre. Le rectum n'a pas cette vocation-là, quel que soit le plaisir qu'il peut procurer. La pratique est ancienne cependant, il existe une amplification du phénomène qui est dû à une sorte de non-sens de relation sexuelle, l'autre étant un objet et non une personne et un sujet.
C'est très significatif de l'état exécrable de la sexualité en Occident. La sexualité a été réprimée pendant des siècles. Désormais, la notion de pêcher charnel n'existe plus. Toutefois, le malheur de l'Occident c'est que nous n'avons pas de tradition érotique comme cela peut être le cas en Orient. Faute de tradition érotique nous sommes tombés dans l'escalade du " Hard ". Le but n'est plus dans la relation mais dans le plaisir personnel. Et dans la quantité de plaisir et non plus la qualité de plaisir. Jouir de plus en plus, sans considérer que l'autre est différent d'un outil. La tendance de donner la préférence à la voie rectale est un signe d'absence de sens dans la sexualité en occident.
Que cette pratique s'exerce de temps en temps n'est pas le problème, c'est l'obsession et la focalisation des individus sur ce mode de relation qui m'alarme. Et le fait que les individus qui ne pratiquent pas, soient considérés comme dépassés, rétro, ce n'est pas juste.
Quel est votre constat sur cette dérive des pratiques extrêmes ?
Cela ne m'inquiète pas tellement sur le plan médical, bien qu'il existe tout de même d'importants accidents. En tant que médecin, je dois vous dire que cela entraîne certaines complications non négligeables. Néanmoins, je me positionne plus sur le plan de l'humanisme. Mon idéalisme constate effectivement que la sexualité en Occident, n'arrive pas à être sacrée.
Si on prône comme seul but le plaisir et le maximum de plaisir, autrement dit la performance en dépit de la perfection. Cela aboutit à des gens qui sont blasés, qui seront dans la recherche constante de plaisir. Ils vont alors multiplier les moyens, les expériences à travers des objets certes mais également l'amour pluriel, l'amour sadomasochiste. J'ai observé des jeunes qui s'adonnaient à la zoophilie. Les perversions débutent très jeunes.
Sans être dans le moralisme, cela engendre des déséquilibres dans la tête des gens et une mauvaise estime d'eux même. Cela a un impact sur leur équilibre mental et ne conduit pas au bonheur. Ils en arrivent à être déséquilibrés et angoissés. Ce n'est pas un accomplissement. Ils sont désabusés écoeurés très tôt. C'est une escalade qui déçoit toujours puisque ça n'a pas de sens.
Si je m'insurge contre l'état déplorable de la sexualité des Français, ce n'est pas du tout d'un point de vue éthique mais du point de vue de l'équilibre des individus et de leur bonheur de vivre.

Auteur: Leleu Gérard

Info:

[ sociologie ] [ porno ] [ bdsm ] [ caudalisme ]

 

Commentaires: 0

pamphlet

Coucou ! C’est moi, me revoilà. Vous ne me reconnaissez pas ? Pourtant, vous m’avez chaque année dans votre cheminée.

C’est moi, oui, Big Father, avec ma grande barbe hydrophile, mon traîneau à clochettes et des cadeaux dégueulasses plein ma hotte, emballés dans du splendide papier clignotant.

Vous ne m’avez pas vu venir, une fois de plus ? C’est normal. Personne ne sait jamais comment je débarque. Chaque année, je trompe mon monde. On ne m’entend pas arriver, et puis un matin, c’est fait, ça y est, tout est joué. La torture des fééries recommence.

Une fois encore, j’ai réussi à suspendre, pendant la nuit, mes guirlandes grotesques en travers des rues, comme autant d’insultes anonymes. Une fois encore, mes boules multicolores et mes illuminations pernicieuses sont apparues aux vitrines. Sans que personne me voie. Sans que personne me voie jamais. Une fois encore, ma grande terreur s’installe. Les semaines vont se dérouler comme des veilles funèbres. Les gens vont courir partout, épouvantés, le long des façades, avec leurs paquets obligatoires. Il est revenu, ça y est, il s’est réinstallé, celui qu’on redoutait. Celui dont on évitait même de prononcer le nom, de crainte de le voir surgir. C’est fait. La Bête est là. L’Eminence rose est de retour. La ville n’existe plus, ni la vie, ni rien. Tout est redevenu Noël.

Comme je m’amuse, à contempler la joie qu’ils affichent et à connaître le fond noir de leurs âmes angoissées ! Qu’ils me craignent, pourvu qu’ils me célèbrent ! En vérité, ma menace les rend malades bien avant décembre. Chaque année, on voudrait espérer que je ne vais pas revenir. Chaque année, on me sent approcher comme un mal inconnu, un cauchemar, une fièvre. Le Père Noël fait peur. L’année dernière, au restaurant, j’en ai entendu plusieurs, à voix basse, dès la fin d’octobre, qui parlaient de moi avec la trouille au ventre : "Qu’est-ce que tu fais pour les fêtes ? – Mais je ne sais pas. – Comment, tu ne sais pas ? – Non, pas encore. – Tu n’as rien prévu ? Mais tu es fou ! Il faut que tu t’en occupes ! Noël c’est demain ! Et la Saint-Sylvestre ! Tu ne te rends pas compte ! D’ici quinze jours, peut-être huit, il y aura des trucs partout ! Des guirlandes ! Des boules lumineuses !"

Oui, je flanque la panique ; mais il n’y a que depuis quelques années que je commence, chez certains, je le sais, à susciter de la haine.

Oh ! pas une haine bien dangereuse ! Rien de grave. Le monde est beaucoup trop définitivement ensucré, gnangnantifié et sans retour, colonisé par les bonnes intentions, la prudence et les mièvreries, pour que je me sente en péril. L’horreur du bonheur est peut-être une idée neuve en Europe mais elle ne risque pas de faire beaucoup d’émules. Je sais qu’il y en a, chaque année, qui rêvent de vomir tout le mal qu’ils pensent de ma fête du Cœur venimeuse, de cette apothéose ravageante de l’approbation du monde, de cette culmination de la résignation enfestée. Mais je suis bien tranquille. J’ai été si souvent honni pour de mauvaises raisons que les excellentes de maintenant ne risquent pas d’être saisies avant longtemps.

Tout semble avoir été dit contre moi. la critique est recuite. C’est mon plus beau triomphe, d’avoir fatigué jusqu’à ceux qui me détestent. Quel ennui les saisit, quel accablement, dès qu’ils envisagent de me vitupérer ! Quelle sensation effarante d’inutilité ! Ils savent déjà tout ce qu’on va leur balancer ! Les accusations de banalité, de trivialité, qu’ils vont endurer ! Rentrer dans le lard du Père Noël, cette vieille porte ouverte ? Composer le millième rappel de la transformation du rite païen du solstice d’hiver en fête chrétienne à son tour sécularisée par le business ? La cent millième attaque futile contre la Nativité détournée de sa pureté originelle, noyée sous les cadeaux paralysants, les téléphones qui parlent, le super-Nintendo parfumé à la framboise, les chocolats à quartz et toutes les autres saloperies en multiplication galopante ? Vous êtes tombé sur la tête ?

Le Père Noël est une ordure ? Comme vous y allez ! Regardez-vous un peu. C’est tous les jours Noël maintenant. Ma grande réussite, c’est qu’on croit que mon oppression ne dure que quelques semaines par an, alors que je suis le ressort des illuminations des douze mois de l’année. Noël, c’est Noël. Et pâques c’est aussi Noël. Et le 15 août. Et la Saint-Sylvestre. Et le bonheur de merde des vacances, cette paix des grands cimetières sous le soleil. Les mains à Nikons valent les tronches à boudins blancs. Les gueules de camping-cars valent les têtes de bûches au chocolat. Toutes les fiestas conduisent à moi. et toutes les rages, et toutes les ruées, et toutes les foires. Et toutes les roues de la Fortune. Et tous les Manèges de la télé. Et toute la quincaillerie clinquante de l’égalité par la joie, de la fraternité par l’extase niaise, de l’apothéose du Rien tonitruant qu’on étend par couches de plus en plus épaisses sur la violence toujours recommencée, mais de plus en plus niée, du genre humain.

Qui est plus philanthrope, plus humanitaire, plus tartuffien solidaire que moi ? Qui règne davantage sur les plateaux ? L’avenir m’appartient. C’est moi le Cavalier suprême de l’Apocalypse en rose. Je préfigure si parfaitement la société future, l’humanité de demain bien gâteuse, bien transparente et transfrontières, bavante de positivité dans ses centres-villes toilettés, avec ses Twingo fœtales aux chouettes banquettes sièges-bébés, ses cadeaux infantiles, sa classe dominante d’apparatchiks du loisir, de tour-opérateurs, de charlatans de l’urbanisme rigolo, de promoteurs guimauve de la babyphilie définitive, d’entrepreneurs meurtriers de gaieté publique, qu’il faudrait la subtilité géniale d’un Kojève au moins (ce drôle de type qui avait placé sa fortune en actions de la Vache qui rit et qui avait des ennuis avec ses femmes parce qu’il refusait farouchement de leur faire des enfants) pour comprendre ce que je fabrique vraiment ; Kojève qui avait découvert, et dès 1943, qu’avec la fin de l’Histoire allait disparaître l’inégalité juridique entre l’enfant et l’adulte. "Ne pouvant pas supprimer le contrôle de l’action enfantine, on introduira donc un contrôle de l’action adulte", prévoyait-il. Mais c’est ça, Noël ! C’est exactement moi ! Mais ce qu’il n’avait pas deviné, Kojève, c’est que ça se ferait en pleine foire, en plein rideau de fumée de carnaval ! Joyeux Noël ! Bonne santé ! C’est maintenant que mon règne de corso fleuri peut démarrer.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 398 à 400

[ convention sociale ] [ bonheur obligatoire ] [ consumérisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

amélioration

Le progrès est devenu le moyen de l'aliénation
Cela fait des décennies, sinon un siècle ou deux, que des gens cherchent le mot, l'ont "sur le bout de la langue", qu'il leur échappe, leur laissant une vive et chagrine frustration - sans le mot, comment dire la chose ?
Comment donner et nommer la raison du désarroi, de la révolte, du deuil et pour finir du découragement et d'une indifférence sans fond. Comme si l'on avait été amputé d'une partie du cerveau : amnésie, zone blanche dans la matière grise.
La politique, en tout cas la politique démocratique, commence avec les mots et l'usage des mots ; elle consiste pour une part prépondérante à nommer les choses et donc à les nommer du mot juste, avec une exactitude flaubertienne. Nommer une chose, c'est former une idée. Les idées ont des conséquences qui s'ensuivent inévitablement.
La plus grande part du travail d'élaboration de la novlangue, dans 1984, consiste non pas à créer, mais à supprimer des mots, et donc des idées - de mauvaises idées, des idées nocives du point du vue du Parti -, et donc toute velléité d'action en conséquence de ces mots formulant de mauvaises idées.
Nous sommes tombés sur "regrès", il y a fort peu de temps, un bon et vieux mot de français, tombé en désuétude comme on dit, bon pour le dictionnaire des obsolètes qui est le cimetière des mots. Et des idées. Et de leurs conséquences, bonnes ou mauvaises. Un mot "oublié" ?
Difficile de croire que le mot "regrès", antonyme du "progrès" ait disparu par hasard de la langue et des têtes. Le mouvement historique de l'idéologie à un moment quelconque du XIXe siècle a décidé que désormais, il n'y aurait plus que du progrès, et que le mot de regrès n'aurait pas plus d'usage que la plus grande part du vocabulaire du cheval aujourd'hui disparu avec l'animal et ses multiples usages qui entretenaient une telle familiarité entre lui et l'homme d'autrefois.
Ainsi les victimes du Progrès, de sa rançon et de ses dégâts, n'auraient plus de mot pour se plaindre. Ils seraient juste des arriérés et des réactionnaires : le camp du mal et des maudits voués aux poubelles de l'histoire. Si vous trouvez que l'on enfonce des portes ouvertes, vous avez raison. L'étonnant est qu'il faille encore les enfoncer.
Place au Tout-Progrès donc. Le mot lui-même n'avait à l'origine nulle connotation positive. Il désignait simplement une avancée, une progression. Même les plus acharnés progressistes concéderont que l'avancée - le progrès - d'un mal, du chaos climatique, d'une épidémie, d'une famine ou de tout autre phénomène négatif n'est ni un petit pas ni un grand bond en avant pour l'humanité. Surtout lorsqu'elle se juge elle-même, par la voix de ses autorités scientifiques, politiques, religieuses et morales, au bord du gouffre.
Ce qui a rendu le progrès si positif et impératif, c'est son alliance avec le pouvoir, énoncée par Bacon, le philosophe anglais, à l'aube de la pensée scientifique et rationaliste moderne : "Savoir c'est pouvoir". Cette alliance dont la bourgeoisie marchande et industrielle a été l'agente et la bénéficiaire principale a conquis le monde. Le pouvoir va au savoir comme l'argent à l'argent. Le pouvoir va au pouvoir.
Le progrès est l'arme du pouvoir sur les sans pouvoirs
Et c'est la leçon qu'en tire Marx dans La Guerre civile en France. Les sans pouvoirs ne peuvent pas se "réapproprier" un mode de production qui exige à la fois des capitaux gigantesques et une hiérarchie implacable. L'organisation scientifique de la société exige des scientifiques à sa tête : on ne gère pas cette société ni une centrale nucléaire en assemblée générale, avec démocratie directe et rotation des tâches. Ceux qui savent, décident, quel que soit l'habillage de leur pouvoir.
Contrairement à ce que s'imaginait Tocqueville dans une page célèbre, sur le caractère "providentiel" du progrès scientifique et démocratique, entrelacé dans son esprit, le progrès scientifique est d'abord celui du pouvoir sur les sans pouvoirs.
Certes, une technicienne aux commandes d'un drone, peut exterminer un guerrier viriliste, à distance et sans risque. Mais cela ne signifie aucun progrès de l'égalité des conditions. Simplement un progrès de l'inégalité des armements et des classes sociales.
C'est cette avance scientifique qui a éliminé des peuples multiples là-bas, des classes multiples ici et prolongé l'emprise étatique dans tous les recoins du pays, de la société et des (in)dividus par l'emprise numérique.
Chaque progrès de la puissance technologique se paye d'un regrès de la condition humaine et de l'émancipation sociale. C'est désormais un truisme que les machines, les robots et l'automation éliminent l'homme de la production et de la reproduction. Les machines éliminent l'homme des rapports humains (sexuels, sociaux, familiaux) ; elles l'éliminent de lui-même. A quoi bon vivre ? Elles le font tellement mieux que lui.
Non seulement le mot de "Progrès" - connoté à tort positivement - s'est emparé du monopole idéologique de l'ère technologique, mais cette coalition de collabos de la machine, scientifiques transhumanistes, entrepreneurs high tech, penseurs queers et autres avatars de la French theory, s'est elle-même emparé du monopole du mot "Progrès" et des idées associées. Double monopole donc, et double escroquerie sémantique.
Ces progressistes au plan technologique sont des régressistes au plan social et humain. Ce qu'en langage commun on nomme des réactionnaires, des partisans de la pire régression sociale et humaine. Cette réaction politique - mais toujours à l'avant-garde technoscientifique - trouve son expression dans le futurisme italien (Marinetti) (1), dans le communisme russe (Trotsky notamment), dans le fascisme et le nazisme, tous mouvements d'ingénieurs des hommes et des âmes, visant le modelage de l'homme nouveau, de l'Ubermensch, du cyborg, de l'homme bionique, à partir de la pâte humaine, hybridée d'implants et d'interfaces.
Le fascisme, le nazisme et le communisme n'ont succombé que face au surcroît de puissance technoscientifique des USA (nucléaire, informatique, fusées, etc.). Mais l'essence du mouvement, la volonté de puissance technoscientifique, s'est réincarnée et amplifiée à travers de nouvelles enveloppes politiques.
Dès 1945, Norbert Wiener mettait au point la cybernétique, la " machine à gouverner " et " l'usine automatisée ", c'est-à-dire la fourmilière technologique avec ses rouages et ses connexions, ses insectes sociaux-mécaniques, ex-humains. Son disciple, Kevin Warwick, déclare aujourd'hui : " Il y aura des gens implantés, hybridés et ceux-ci domineront le monde. Les autres qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardées au pré. " (2)
Ceux qui ne le croient pas, ne croyaient pas Mein Kampf en 1933. C'est ce techno-totalitarisme, ce " fascisme " de notre temps que nous combattons, nous, luddites et animaux politiques, et nous vous appelons à l'aide.
Brisons la machine.

Auteur: PMO

Info:

[ décadence ]

 

Commentaires: 0

déconnexion

La mort telle qu'elle n'avait jamais été vue
L'embrasement final du cerveau mis en lumière par l'expérience de Jens Dreier est-il à l'origine de l'apparition de cette intense lumière blanche que les personnes ayant fait une expérience de mort imminente disent avoir vue briller au bout d'un mystérieux tunnel? Cela, l'étude ne le dit pas.
Une expérience réalisée dans une université berlinoise a permis de visualiser ce qui se passait dans le cerveau d'un mourant au moment fatidique. Et les résultats, inédits, sont étonnants. Cérébralement parlant, la mort est moins une extinction qu'un ultime embrasement électrique.
C'est la grande, la fatidique question : que se passe-t-il dans notre cerveau - et donc dans notre esprit, dans notre conscience - à la minute de notre mort ? La réponse, jusqu'ici, paraissait hors d'atteinte de l'investigation scientifique : personne n'est jamais revenu de l'autre rive pour témoigner de ce qu'il avait vu et ressenti au moment de passer de vie à trépas.

Certes, il y a bien ces récits troublants recueillis sur les lèvres de celles et ceux qui ont frôlé la mort de près. Regroupés sous l'appellation d'"expériences de mort imminente" (EMI), ils sont pris très au sérieux par une partie de la communauté des neuroscientifiques qui les répertorie et les décortique, comme le fait l'équipe du Coma Science Group à l'université de Liège (lire ci-dessous).

Mais, par définition, les survivants dont l'expérience a été reconnue comme authentique EMI après évaluation sur l'échelle de Greyson (du nom du psychiatre américain Bruce Greyson, qui l'a proposée en 1983) ont échappé à la mort. Ils n'en ont vu que l'ombre. La mort elle-même et ce qu'elle provoque dans le cerveau du mourant demeurent entièrement nimbés de mystère. Du moins était-ce le cas jusqu'à cette année...

Dans une étude publiée par la revue "Annals of Neurology" qui a fait sensation - et qui fera sans doute date dans l'histoire encore toute récente de la thanatologie -, le professeur en neurologie expérimentale à l'université Charité de Berlin, Jens Dreier, détaille l'expérience extraordinaire à laquelle son équipe et lui se sont livrés sur neuf patients. Ces neuf personnes, toutes entrées en soins intensifs à la suite de blessures cérébrales, faisaient l'objet d'un monitorage neurologique lourd, plus invasif qu'un simple électroencéphalogramme.

"Il s'agit d'une technique non conventionnelle, qui permet d'enregistrer l'activité électrique du cerveau, y compris à de très basses fréquences, de l'ordre de 0,01 hertz", explique Stéphane Marinesco, responsable du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Les basses fréquences émises par le cerveau ont du mal à traverser le scalp, ce qui les rend indétectables aux appareils d'électroencéphalogramme dont les électrodes sont placées sur le cuir chevelu. Dans le système de monitorage dont étaient équipés les patients du service du Pr Dreier, les électrodes étaient placées à l'intérieur du crâne, et même sous la dure-mère, cette membrane rigide qui entoure le cerveau et la moelle épinière.

Le cerveau, un vaste mystère qui reste à élucider
Cet accès aux très basses fréquences, correspondant à une activité électrique lente, a été la fenêtre qui a permis à Jens Dreier et son équipe de visualiser ce qui se passait dans le cerveau de personnes en train de mourir. Pour leur expérience, les neuroscientifiques allemands ont simplement demandé aux familles, une fois devenu évident que le patient ne survivrait pas à son accident, l'autorisation de poursuivre l'enregistrement jusqu'au bout. Et même un peu au-delà du "bout", c'est-à-dire de la mort cérébrale, ce moment à partir duquel un classique électroencéphalogramme n'enregistre plus aucune activité cérébrale et que l'Organisation mondiale de la santé considère comme le critère médico-légal du décès.

Vague de dépolarisation
Qu'ont montré les enregistrements réalisés à la Charité de Berlin ? Quelque chose de tout à fait fascinant, jusque-là inédit, et qui devrait peut-être amener les spécialistes à reconsidérer leur définition du décès et de son moment exact. Ce phénomène cérébral, indique l'étude, survient entre 2 et 5 minutes après l'ischémie, moment où les organes (dont le cerveau) ne sont plus alimentés en sang et donc en oxygène. Et il dure lui-même une petite dizaine de minutes. On peut l'assimiler à une sorte d'incendie électrique qui s'allume à un bout du cerveau et, de là, se propage à la vitesse de 50 microns par seconde dans tout l'encéphale avant de s'éteindre à l'autre bout, son oeuvre de destruction accomplie. Les neuroscientifiques parlent de "vague de dépolarisation".

Pour maintenir le "potentiel de membrane" qui lui permet de communiquer avec ses voisins sous forme d'influx nerveux, un neurone a besoin d'énergie. Et donc d'être irrigué en permanence par le sang venu des artères qui lui apporte l'oxygène indispensable à la production de cette énergie sous forme d'adénosine triphosphate (ATP). Tout le travail de Jens Dreier a consisté à observer ce qui se passait pour les neurones une fois que, le coeur ayant cessé de battre et la pression artérielle étant tombée à zéro, ils n'étaient plus alimentés en oxygène.

"L'étude a montré que les neurones se mettaient alors en mode 'économie d'énergie'", commente Stéphane Marinesco. Pendant les 2 à 5 minutes séparant l'ischémie de l'apparition de la vague de dépolarisation, ils puisent dans leurs réserves d'ATP pour maintenir leur potentiel de membrane. Pendant cette phase intermédiaire, au cours de laquelle le cerveau est littéralement entre la vie et la mort, celui-ci ne subit encore aucune lésion irréversible : si l'apport en oxygène venait à être rétabli, il pourrait se remettre à fonctionner sans dommages majeurs.

Réaction en chaîne
Mais cette résistance héroïque des cellules nerveuses a ses limites. A un moment donné, en l'un ou l'autre endroit du cerveau, un premier neurone "craque", c'est-à-dire qu'il dépolarise. Les stocks de potassium qui lui permettaient de maintenir son potentiel de membrane étant devenus inutiles, il les largue dans le milieu extra-cellulaire. Il agit de même avec ses stocks de glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau.

Mais, ce faisant, ce premier neurone initie une redoutable réaction en chaîne : le potassium et le glutamate par lui libérés atteignent un neurone voisin dont ils provoquent aussitôt la dépolarisation ; à son tour, ce deuxième neurone relâche ses stocks et provoque la dépolarisation d'un troisième, etc. Ainsi apparaît et se propage la vague de dépolarisation, correspondant à l'activité électrique lente enregistrée par le système de monitorage spécifique utilisé à la Charité de Berlin. Le "bouquet final" du cerveau sur le point de s'éteindre définitivement.

Il est d'autres circonstances de la vie où l'on observe des vagues de dépolarisation, un peu différentes en ceci qu'elles ne sont pas, comme ici, irréversibles. C'est notamment le cas dans les migraines avec aura, naguère appelées migraines ophtalmiques, car elles s'accompagnent de symptômes visuels qui peuvent être de simples distorsions du champ visuel, mais aussi, parfois, l'apparition de taches lumineuses, voire de véritables hallucinations assez similaires à celles rapportées dans les EMI.

L'embrasement final du cerveau mis en lumière par l'expérience de Jens Dreier est-il à l'origine de l'apparition de cette intense lumière blanche que les personnes ayant fait une expérience de mort imminente disent avoir vue briller au bout d'un mystérieux tunnel ? Cela, l'étude ne le dit pas. Mais l'hypothèse ne paraît pas indéfendable. ,

Auteur: Verdo Yann

Info: Les échos.fr, 25/11 à 17:23

[ cessation ] [ disparition ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

infox

Avons-nous une information économique indépendante? Cet ouvrage est un guide sans complaisance pour comprendre l’était réel de l’économie — inflation, chômage, propriété, retraites, contenus sponsorisés — loin du chichi et du marketing.

Si vous avez fait le plein d’essence dernièrement, vous avez vu la pompe indiquer 130, voire 140 francs suivant la taille de votre réservoir. Pourtant, votre coût de la vie est mal reflété par les statistiques de l’inflation. Celle-ci était déjà une réalité de votre quotidien avant le Covid et avant la guerre en Ukraine, mais l’indice officiel ne vous renseignait que peu sur votre pouvoir d’achat.

L'immobilier s'est envolé

Depuis quelques années, vous avez sans doute constaté que les prix de l’immobilier ont fortement augmenté en Suisse. Vous aurez noté que certes, les taux hypothécaires s’affichent au plancher, à 1%, mais que les jeunes couples peinent à emprunter à la banque pour acquérir un bien à 1 million, s’ils gagnent moins de 180'000 francs. Peut-être avez-vous vu passer le fait qu’en Suisse, la part des ménages propriétaires de leur logement est tombée de 48% à 37% sur la décennie. Ailleurs, les problématiques sont similaires. En France, le logement ne pèse que 6% dans l’indice calculé par l’Insee, alors que chez une partie des locataires, la part des loyers est de 20% du budget et chez une partie des propriétaires, le remboursement des emprunts s’élève à 25% du budget.

Les primes maladies en forte hausse

Vous avez peut-être aussi vu que les primes maladie en Suisse se sont envolées (de 70%) alors même que l’inflation officielle était donnée à 0%, entre 2008 et 2018, et que les salaires n’ont pas été ajustés en conséquence. Vous avez peut-être cherché l’indice des primes maladie de la Confédération, calculé séparément, mais vous avez vu que même lui traduit mal l’impact beaucoup plus fort des hausses de primes sur les bas revenus que sur les hauts revenus, et que son utilité s’avère limitée.

Vous aurez peut-être vu que le nombre de ménages subventionnés pour payer l’assurance maladie a doublé depuis 1996, ce qui peut étonner dans un pays aussi riche que la Suisse. Le nombre de bénéficiaires a augmenté deux fois plus vite que la population, et le montant du subside moyen versé par assuré a triplé depuis 1996.

Et l'inflation, dans tout ça?

Une statistique de l’inflation qui, dans les pays développés, n’informe pas sur le coût de la vie, car elle exclut à peu près tout ce qui monte (assurances, logement, bourse, et dont l’indice étroit exclut l’alimentation et l’énergie): qu’est-ce que cela apporte, à part une image lustrée, peu en phase avec le quotidien de millions de ménages et peu propice à une adaptation des salaires?

Vous avez peut-être constaté que vos avoirs de 2ème pilier n’avaient pas beaucoup bénéficié de l’envolée phénoménale de la bourse ces dix dernières années. La priorité des caisses de pension a été d’alimenter les réserves pour longévité, et c’est tant mieux, mais ça met à mal le lieu commun qui veut que "quand la bourse monte, on est tous gagnants".

Les salariés, grands perdants du siècle

Vous saviez peut-être qu’à cotisations égales, les assurés d’aujourd’hui toucheront 30% moins de deuxième pilier que les générations précédentes. Et que la part de la population directement exposée à la bourse via des portefeuilles d’investissements ne dépasse pas les 10% aux Etats-Unis et probablement aussi en Europe, confirmant que la bourse n’est pas une richesse collective et que la stagnation des salaires a détérioré le pouvoir d’achat de ceux, largement majoritaires, qui dépendent exclusivement de ce revenu.

Peut-être avez-vous également noté que les chiffres du chômage en Suisse, donnés à 2,5%, n’incluent pas les inactifs et les fins de droit, sortis des statistiques, et ne tiennent pas compte du phénomène de sous-emploi, des CDD chez les jeunes ou du chômage des seniors, qui sont en nette hausse.

Dans cet ouvrage il est question de tous ces chiffres qui minimisent les aspects moins reluisants de notre économie, et dont j’observe la faible valeur informative depuis deux décennies de journalisme économique.

Les fake news économiques, un fléau moderne

Tout cela pour dire que la désinformation économique existe dans les pays développés. Les statistiques officielles sont aussi enjolivées, parfois: les déficits budgétaires européens ont été retouchés par tous les pays de l’UE, et pas seulement par la Grèce. On fait dire beaucoup de choses à une statistique de PIB, alors que sa croissance est souvent surestimée par une inflation calculée trop bas.

On publie le chiffre initial du PIB, puis sa version révisée et plus correcte vient plus tard ; mais seul le chiffre initial, souvent trop flatteur, sera largement diffusé. Un PIB devrait être complété par nombre d’indicateurs démographiques et de développement humain si l’on veut avoir une image réaliste de la performance d’un pays.

Du côté corporate, lorsqu’on lit un rapport annuel d’entreprise, on comprend vite que tant de transparence va nous noyer. Parfois, certains rapports annuels font 500 pages, et pourtant, l’essentiel n’y figure pas toujours, ou n’est pas facile à trouver. Les comptes de Credit Suisse ne disaient rien de l’exposition au fonds spéculatif Archegos, qui lui a valu une perte de 5 milliards.

Les comptes d’UBS ne disaient pas un mot de l’exposition aux subprimes américains, qui a duré des années et a constitué une part majeure des profits du groupe. Chez la plupart des multinationales, beaucoup trop de pages technico-légales noient l’information pertinente des comptes, et encore plus de pages sur la responsabilité sociale et environnementale assomment le lecteur par un marketing qui confine dans certains cas au greenwashing. C’est pourquoi j’ai voulu attirer l’attention des lecteurs, à travers cet ouvrage ici résumé, sur les nombreuses imperfections de l’information économique et financière.

Comment bien s'informer aujourd'hui en matière économique?

De nombreux autres exemples sont abordés dans le livre, et notamment le cas des fuites des paradis fiscaux divulgués par des consortiums de journalistes sur la base de sources anonymes, la question du financement des médias et des conflits d’intérêts potentiels, la manipulation des cours de l’or et ses conséquences, les campagnes de désinformation orchestrées par des agences de propagande de plus en plus actives, l’essor du marketing et de la publicité qui ne pose nul problème en soi, sauf quand ces contenus pénètrent l’information économique indépendante, et aussi l’essor des entreprises en tant que médias, avec des moyens démultipliés, et la question de l’indépendance de l’information.

Comment bien s’informer aujourd’hui en matière économique? Cet ouvrage sans complaisance se veut un guide face à toutes ces façons qu’a l’information, dans les pays développés, de se brouiller, de se diluer, de s’embellir, de perdre son indépendance, son objectivité, son utilité sociale et son rôle au service de l’intérêt public. La politisation des chiffres et l’embellissement des statistiques officielles sont souvent masquées par l’extrême mathématisation des indices.

On croirait qu’il s’agit de sciences dures, apolitiques, alors qu’en réalité, derrière chaque chiffre, il y a des postulats et des choix de société. Mieux s’informer sur l’état réel de nos sociétés, recouper les informations, n’a jamais été aussi primordial. Après avoir lu cet ouvrage, vous ne prendrez plus les statistiques officielles ou les concepts à la mode pour argent comptant. Et c’est tout ce que je vous souhaite. 

Auteur: Zaki Myret

Info: Désinformation économique, février 2022, éditions Favre. https://www.blick.ch/

[ idées fausses ] [ hyperinflation ] [ contrevérités ] [ euphémismes ] [ pouvoir informationnel ] [ soft power financier ] [ Helvétie ] [ dissimulation ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

Info:

[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

modes vibratoires

Considérons que l'univers dans lequel on vit serait une tapisserie, le fil utilisé serait donc de l'epsilon. Marc, j'espère ne pas galvauder le terme, sinon, toutes mes excuses...

Pour le contexte : j’ai commencé à vivre des expériences pas normales quand j’étais petite, je faisais du sport de compétition, version hardcore. Pendant une journée d’entraînement où je répétais la même suite de mouvement "jusqu’à ce que ça rentre", donc des centaines de fois à la suite, je m’étais retrouvée dans un état peut-être d’épuisement, mais surtout à 2 endroits à la fois, avec une conscience très accrue dans l’un et l’autre. Un énorme kif. J’étais à la fois dans la salle de gymnastique, et à la fois dans un espace noir non identifié. Je me sentais investie et entourée d’une énergie folle, et extrêmement lucide, et dans ma perception cet espace noir était moi, sur un autre plan.

Puis évidemment, comme c’était très intrigant et agréable, j’ai cherché à retrouver cet état, et compris au bout d’un certain temps et quelques étapes dont je vous fais grâce que c’était d’abord le mental qu’il fallait écarter et mettre en sourdine.

Être présente et consciente sur plusieurs plans en même temps, c’est devenu LA chose qui vaut la peine d’investiguer pour moi (Ça m’a été présenté plus tard comme une sorte de mission de vie), et c’est le point de départ d’expériences diverses et variées, suivant les plans. Avec le temps, ça s’est étoffé, affiné, notamment dans le sens ou j'ai appris à distinguer différentes "trames", soit composition de l'espace dans lequel on se trouve.

A préciser que la seule corde d’argent que j’ai vu, c’est celle de mon grand-père qui était mourant, et que j’accompagnais depuis "l’espace noir".  La mienne, jamais vue, c’est pour ça qu’en lisant Marc, je me dis que je navigue par le biais de cette matière epsilon, sauf que... pas seulement si je me repère à ses autres descriptions. 

Alors dans le désordre, une tentative de classement de plusieurs densités, de la plus basse à la plus haute vibration, ou du plus collant au plus magnifique. Je n’ai jamais pris la peine d’élaborer un vocabulaire, vu que je n'ai jamais discuté de ces choses-là en-dehors de ce groupe, vous me pardonnerez des formulations peut-être nébuleuses :

1. Bas étages : c’est lourd, des sortes de cavernes dans une gamme de couleurs moches et ternes, jaune/brun/orange plus qu’opaque. Tout est lent, lourd et sans joie. J’y ai suivi (de loin) mon grand-père qui est parti dans cette zone après son décès.

2. Plan physique : Qu’est-ce qui se passe maintenant et ici à X distance : perso, je n’aime pas tellement faire ça, peu agréable, pas très rapide par rapport à d’autres sphères et collant pour reprendre le terme de Marc (moi je m’étais dit encombré/dense).

3. Plan "esprit" : En restant ici et maintenant, mais en se branchant sur quelqu’un, les infos/sensations/historique des causes et ressentis/préoccupations arrivent sous forme de scène dans laquelle on est plongé, c’est très rapide, parfois juste un flash et très complet à la fois. Pas de contrainte de temps. Là, il y a moins de colle, un petit peu moins de densité, mais on reste dans la trame epsilon. Les informations sont justes, pour autant qu'on ne cherche pas à les interpréter (ce qui est trèèèès difficile), pour celles que j'ai pu vérifier.

Variante : Une fois, un monsieur âgé est tombé de son vélo à quelques mètres de moi dans la rue, une équipe médicale tentait de le réanimer. Je perçois tout d’un coup, toujours à travers ce que j'appelle espace noir, une forme-énergie qui s’approche de moi, c’est lui. Il me demande de lui indiquer ce qu’il doit faire et me dit  (sans emploi de langage, mais par image-ressenti-intentions instantané) qu’il aimerait bien revoir une ancienne amie. Je lui répond sur le même mode "pas de problème, vas-y, tu es libre d’y aller, c’est par là" et il disparaît. Ce type tellement doux m’a bcp touché, et j’ai parfaitement en mémoire la teinte émotionnelle fine et complexe que j’ai vu de lui. Tout ça s’est déroulé en moins d’une seconde. Dans l'espace normal, le Monsieur est décédé.

4. Contact avec des entités : Depuis l’espace noir, j’ai une vraie copine qui n'est pas toujours là, mais m'accompagne depuis que je suis née. Entre autres: Elle m’a fait visiter sa vie à elle, a pris les devants pour m’aider une fois quand je me suis retrouvée dans une situation potentiellement dévastatrice de ma vie ici, m’a demandée de l’assister pour - aider une femme à mourir mieux que prévu (une accusée de sorcellerie dans le nord de l’Italie, à priori il y a quelques centaines d’années, qui se faisait trucider par tout un village)-. Je sais que cette entité est réelle, je suis bien moins sûre de la femme du village italien. Cette partie-là, me semble-t-il est "traduite" par moi, donc au minimum du minimum : déformée.

5. Vortex : Depuis l’espace noir, un vortex vertigineux ultra rapide m’emmène. C’est à partir de là que je ne pense pas rester dans l’epsilon : Il y a comme un voile qui disparaît, la composition de l'espace change complètement, tout ce qui se passe à partir de là est bien plus intense, réel et vivant que ma vie ici. Une fois, j’ai vu un gros mur brun à franchir, et j’ai pu le passer. Je suis arrivée dans un espace incroyablement intense et vivant, d’une autre trame, bien plus réelle, forte, vibrante, pas le même espace, peu descriptible. Il y avait une présence qui m’attendait. Je suis tombée sur une sorte d’insecte géant qui voulait communiquer avec moi. Seulement cette "personne" ne me semblait pas hostile mais pas du tout avenante ni chaleureuse non plus. En fait, d’une froideur et d’une puissance qui m’a foutu une peur panique et m’a ramenée de suite dans mon lit. Je me suis copieusement traitée d’idiote après coup… 

La plus belle expérience c’est quand le vortex ultra rapide (qui se fout royalement du temps et de l’espace) m’a ramené à ma source, ma famille. On est un groupe de conscience qui est un, tout en étant une population entière. Je ressens un bonheur inégalable, je suis enfin à la maison. Tout est baigné d'amour, de couleurs invraisemblables. Je revis le moment antédéluvien où il a été décidé que moi et d’autres se détachaient du Un pour aller expérimenter. Ce qui s’est passé là est intraduisible : Une émulation variée, commune et instantanée, un amour complet, plusieurs "assertions" mais toutes en un, puis le départ, clair, évident, mais sans rien qui peut ressembler à de la communication ou des sentiments humains. De plus, pour reprendre l'image d'une tapisserie, ben... y a plus de tapisserie, on est dans l'atelier de tissage.

6. Inclassables/Mix : Le Higher Self, qui prend la forme qu’il veut. Mon état énergétique quand je me sens sur plusieurs plans à la fois. Là, je n'arrive vraiment pas à décrire. La rencontre avec moi vivant ailleurs (autre espace-temps, autre univers, mais traduit avec ce que je suis capable d’assimiler). J’ai raconté ça dans mon premier post. Je ne sais toujours pas comment caler celle-là, mais en tout cas, il y a un mix des genres.

Finalement pour résumer : les deux derniers items font passer tout le reste et tout ce qu’on peut vivre sur Terre pour un théatre de marionnettes en papier mâché, avec des fils même pas transparents. Cela dit, je n’ai jamais vu mon corps astral, ni ma corde d’argent… et c’est là que je ne comprends pas si je vis la même chose que vous, voyageurs, ou si je déconne carrément…

Auteur: Anonyme

Info: Sur : Explorateurs du réel, groupe FB de Marc Auburn, début 2021

[ moi supérieur ] [ astral ] [ éthérique ] [ niveaux de conscience ] [ témoignage ] [ gardien du seuil ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel