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combat

Les sossos furent surpris de cette attaque soudaine. Tous croyaient que la bataille était pour le lendemain. L'éclair traverse le ciel moins rapidement, la foudre terrorise moins, la crue surprend moins que djata ne fondit sur sosso-balla et ses forgerons. En un instant le fils de sogolon était au milieu des sossos tel un lion dans une bergerie ; les sossos meurtris sous les sabots de son fougueux coursier hurlaient. Quand il se tournait à droite les forgerons de soumaoro tombaient par dizaines, quand il se tournait à gauche son sabre faisait tomber les têtes comme lorsqu'on secoue un arbre aux fruits mûrs. Les cavaliers de mema faisaient un carnage affreux, les longues lances pénétraient dans les chairs comme un couteau qu'on enfonce dans une papaye. Fonçant toujours en avant, djata cherchait sosso-balla ; il l'aperçut, et tel un lion il s'élança vers le fils de soumaoro le sabre levé ; son bras s'abattit mais à ce moment un guerrier sosso s'était interposé entre djata et sosso-balla ; il fut fendu en deux comme une calebasse. Sosso-balla n'attendit pas et disparut au milieu de ses forgerons ; voyant leur chef en fuite, les sossos lachèrent pied et ce fut une terrible débandade.

Auteur: Djibril Tamsir Niane

Info: Soundjata

[ sanglant ] [ rage ] [ hécatombe ] [ panique ] [ sauve-qui-peut ]

 

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témoignage

Déposition du révérend James Galbraith, pasteur de l'église d'Ecosse, Camusterrach, 13 août 1869.
Je crains que les faits abjects récemment commis dans cette paroisse ne représentent qu'un frémissement à la surface de l'état naturel de sauvagerie des habitants de ce lieu, sauvagerie que l'Eglise est dernièrement parvenue à éradiquer. L'histoire de ces contrées est, dit-on, entachée de crimes noirs et sanglants, et ces populations font preuve d'une certaine férocité et d'une certaine veulerie. De tels traits de caractère ne sauraient être éliminés en l'espace de quelques générations, et bien que les enseignements du Consistoire exercent une influence civilisatrice, il est inévitable que les vieux instincts se réveillent de temps à autre.
Pour autant, l'on ne peut manquer d'être choqué en prenant connaissance d'actes tels que ceux commis à Culduie. De tous les habitants de cette paroisse, cependant, l'on est moins surpris d'apprendre que Roderick Macrae en est l'auteur. Même si cet individu a assisté à mes offices depuis l'enfance, j'ai toujours eu l'impression que mes sermons tombaient dans ses oreilles comme des graines sur un sol pierreux. Je suis contraint d'admettre que ses crimes constituent, dans une certaine mesure, un échec de ma part, mais il arrive que l'on doive sacrifier un agneau pour le bien général du troupeau. Il y a toujours eu du vice chez ce garçon, facilement discernable, sur lequel j'ai le regret de dire que je n'ai jamais eu de prise.

Auteur: Graeme Macrae Burnet

Info: L'Accusé du Ross-Shire

[ dix-neuvième siècle ] [ religieux ] [ sociologue ]

 

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simulacre

Je me souviens avoir entendu le grand poète espagnol Rafael Alberti à une lecture. J'étais très jeune et il me parut donc très vieux, avec ses cheveux blancs qui lui tombaient sur les épaules et son costume blanc. J'étais choquée aussi de le voir accompagné par une femme qui ne semblait pas beaucoup plus âgée que moi ; elle portait une jupe si courte qu'on pouvait voir sa culotte quand elle marchait, et des bottes blanches en plastique, des "go-go" comme on les appelait. Je me rappelle que l'un d'eux portait une cage à oiseaux, blanche, avec une colombe blanche à l'intérieur, mais à vrai dire, il est possible que j'aie inventé ce détail, au cours des années, peut-être pour accentuer en moi l'impression que j'avais eue, et qui subsiste : que c'était la lecture poétique la plus étrange à laquelle j'aie assisté. Alberti lisait ses poèmes en espagnol et son traducteur américain, Ben Bellit, les lisait en anglais. Ben était sobre, timide, d'allure assez conventionnelle ; il portait une veste en tweed et une cravate. Alberti donna à Ben un pistolet jouet, ce qu'on appelait un pistolet à pétard, un jouet qui pouvait faire beaucoup de bruit, et il a dit à Ben de se tirer dans la tête à chaque fois que lui, Alberti, lui ferait signe, et c'est exactement ce qui se passa : Alberti lisait en espagnol, s'arrêtait, regardait Ben, et Ben, non sans réticence, se tirait dans la tête. Mais quand Ben lisait des poèmes, Alberti tenait le pistolet, et de temps en temps il se tirait dans la tête avec un réel entrain. Il me semble que c'était une grande leçon de traduction.

Auteur: Ruefle Mary

Info: In "Madness, rack, and honey", éd. Wave Books, p. 235 - ma traduction

[ inculpation ] [ passeur ] [ mémoire ] [ codes vestimentaires ] [ spectacle littéraire ]

 
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Ajouté à la BD par Benslama

conte

LA FRONDE DE DAVID
Il était une fois un petit garçon nommé David N dont la précision de tir et l'habileté dans le maniement du lance-pierres éveillait tant d'envie et d'admiration chez les copains du voisinage et ceux de l'école qu'ils voyaient en lui – c'est le commentaire qu'ils en faisaient lorsque les parents ne pouvaient les entendre - un nouveau David.

Le temps passa.

Fatigué des tirs à blanc qu'il pratiquait en visant de ses cailloux des boites vides ou des tessons de bouteille, David découvrit qu'il était bien plus amusant d’exercer contre les oiseaux le talent que Dieu lui avait donné, si bien que désormais il s'en prenait à tous ceux qui se posaient à sa portée, et en particulier aux Grives, aux Alouettes, aux Rossignols et aux Chardonnerets, dont les petits corps sanglants tombaient doucement sur l'herbe, le cœur encore agité de la peur et de la violence du jet de pierre.

David courait vers eux tout heureux et les enterrait chrétiennement.

Quand les parents de David apprirent cette habitude de leur gentil garçon, ils demandèrent ce que c'était que cette manie, et lui reprochèrent sa conduite en termes si durs et si convaincants que David, des larmes plein les yeux, reconnut sa faute, se repentit sincèrement et pendant longtemps s'appliqua à ne plus tirer que sur les autres enfants.

Engagé dans la milice des années plus tard, pendant la seconde guerre mondiale, David fut élevé au grade de général et décoré des croix les plus prestigieuses pour avoir à lui tout seul tué trente six hommes, et ensuite on le dégrada et on le fusilla pour avoir laissé la vie sauve à un pigeon voyageur qui volait pour le camp ennemi.

Auteur: Monterroso Augusto

Info: LA OVEJA NEGRA, traduction de docline - pseudo sur Babelio

[ chasse ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

communauté religieuse

Le surlendemain, Marchenoir commençait à pied l’ascension du Désert de la Grande-Chartreuse. Lorsqu’il eut franchi ce qu’on appelle l’entrée de Fourvoirie, rainure imperceptible entre deux rocs monstrueux, au-delà desquels la vie moderne paraît brusquement s’interrompre, une sorte de paix joyeuse fondit sur lui. Il allait enfin savoir à quoi s’en tenir sur cette Maison fameuse dans la Chrétienté, — si bêtement entrevue, de nos jours, à travers les fumées de l’alcoolisme démocratique, — ruche alpestre des plus sublimes ouvriers de la prière, de ceux-là qu’un vieil écrivain comparaît aux Brûlants des cieux et qu’il appelait, pour cette raison, les "Séraphins de l’Église militante !"



Les gens badigeonnés d’une légère couche de christianisme, qui veulent que les pèlerinages soient commodes, affirment sous serment que le monastère est inaccessible dans la saison des neiges. L’effet heureux de ce préjugé est une restitution périodique de l’antique solitude cartusienne tant désirée par saint Bruno pour ses religieux !



L’énorme affluence des voyageurs, dans ce qu’on est convenu d’appeler la belle saison, doit être, pour les solitaires, une bien pesante importunité. La foi du plus grand nombre de ces curieux n’aurait certainement pas la force évangélique qui fait bondir les montagnes, et beaucoup viennent et s’en vont qui n’ont pas d’autre bagage spirituel que le très sot journal d’un touriste sans ingénuité. N’importe ! ils sont reçus comme s’ils tombaient du ciel, — aérolithes mondains de peu de fulgurance, qui ne déconcertent jamais l’accueillante résignation de ces moines hospitaliers



La Grande-Chartreuse doit donc être visitée en hiver par tous ceux qui veulent se faire une exacte idée de cette merveilleuse combinaison de la vie érémitique et de la vie commune qui caractérise essentiellement l’ordre cartusien, et dont la triomphante expérience accomplit, tout à l’heure, son huitième siècle.



Fondée, en 1084, la famille de saint Bruno, — rouvre glorieux qui couvrit le monde chrétien de sa puissante frondaison, — seule entre toutes les familles religieuses, a mérité ce témoignage de la Papauté : Cartusia nunquam reformata, quia nunquam deformata, l’ordre des Chartreux, ne s’étant point déformé, n’a jamais eu besoin d’être réformé.



Dans un siècle aussi jeté que le nôtre aux lamproies ou aux murènes de la définitive anarchie qui menace de faire ripaille du monde, il est au moins intéressant de contempler cet unique monument du passé chrétien de l’Europe, resté debout et intact, sans ébranlement et sans macule, dans le milieu du torrent des siècles.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 95-97

[ description ] [ historique ] [ admiration ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

Earl but son café en attendant le sandwich. Deux types en complet-veston, le col ouvert et la cravate desserrée, s'assirent à côté de lui et demandèrent du café. Au moment où Doreen s'éloignait, la cafetière à la main, l'un des deux types s'exclama :

— Vise-moi un peu cette paire de miches ! C'est pas croyable !

L'autre se mit à rire.

— J'ai vu mieux, fit-il.

— C'est ce que je voulais dire, dit le premier. Mais t'as des gars, ils aiment leurs chagattes bien grasses.

— Pas moi, dit l'autre.

— Moi non plus, dit le premier. C'est ce que je te disais.

[…]

Elle revint avec la cafetière et, après avoir rempli la tasse d'Earl et celles de ses deux voisins, elle s'arma d'une coupelle et leur tourna le dos pour puiser de la glace. Elle plongea un bras dans le bac du congélateur et racla le fond avec le presse-boules. Sa jupe de nylon blanc remonta sur ses hanches, découvrant le bas d'une gaine rose, des cuisses grises, fripées, un peu velues et des veines qui formaient un entrelacs dément.

Les deux types assis à côté d'Earl échangèrent des regards. L'un d'eux haussa les sourcils. L'autre, la bouche fendue par un sourire, continua de lorgner Doreen par-dessus sa tasse de café tandis qu'elle nappait la glace de sirop de chocolat. Lorsqu'elle se mit à secouer la bombe de chantilly, Earl se leva et se dirigea vers la porte en abandonnant son assiette intacte. Il l'entendit crier son nom, mais il ne s'arrêta pas.

[…]

Au matin, après qu'elle eut expédié les enfants à l'école, Doreen entra dans la chambre et releva le store. Earl était déjà réveillé.

— Regarde-toi dans la glace, lui dit-il.

— Hein ? fit Doreen. Qu'est-ce que tu racontes ?

— Regarde-toi dans la glace, c'est tout.

— Qu'est-ce que je suis censée y voir ?

Mais elle se campa devant le miroir de la coiffeuse et repoussa les cheveux qui lui tombaient sur les épaules.

— Alors ? dit Earl.

— Quoi, alors ?

— Ça m'embête de te dire ça, mais je trouve que tu devrais songer à te mettre au régime. Sérieusement. Je ne plaisante pas. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Ne te fâche pas.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Rien d'autre que ce que je viens de dire. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Maigrir un peu.

— Tu ne m'as jamais fait aucune remarque, dit-elle.

Elle releva sa chemise de nuit au-dessus de ses hanches et se mit de profil pour regarder son ventre dans la glace.

— Ça ne m'avait jamais gêné jusqu'à présent, dit Earl en pesant soigneusement ses mots.


Auteur: Carver Raymond

Info: Neuf Histoires et un Poème. Ils t'ont pas épousée

[ regard des autres ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

architecture sonore

Les intervalles essentiels de la musique sont enracinés dans le discours humain
L'utilisation de 12 intervalles dans la musique de beaucoup de cultures humaines est enracinée dans la façon physique utilisée par notre anatomie vocale pour produire de la parole, selon des chercheurs de Duke University en neurologie cognitive.
Les notes particulières utilisées dans le son musical sonnent juste à nos oreilles en raison du travail spécifique de notre appareil vocal dans toutes les langues humaines, a déclaré Dale Purves, du George Barth Geller Professor for Research in Neurobiology.
Ce n'est pas quelque chose qu'on peut entendre directement, mais quand les bruits de la parole sont examinés avec un analyseur de spectre, les rapports entre les diverses fréquences qu'un individu emploie pour faire le son des voyelles correspond d'une manière quasi parfaite et ordonnée aux rapports entre les 12 notes de la gamme chromatique musicale, dit Purves. Ce travail a été mis en ligne le 24 mai. (téléchargement à http://www.pnas.org/cgi/reprint/0703140104v1)
Purves et les co-auteurs Deborah Ross et Jonathan Choi ont testé leur idée en enregistrant les langues indigènes chinoises et anglaise en faisant dire des bruits de voyelle avec des mots simples ainsi que dans des monologues courts. Ils ont alors comparé les ratios vocaux de fréquence aux ratios numériques qui définissent des notes dans la musique.
La vocalisation humaine vient basiquement des cordes vocales dans le larynx (la pomme d'Adam, dans le cou), qui créent une série de crêtes résonnant puissamment grâce au jet d'air montant des poumons. Ces crêtes de puissance sont alors modifiées par une multitude de moyens spectaculaires comme la déformation du palais mou, de la langue, des lèvres et d'autres parties encore. Notre anatomie vocale est plutôt comme un orgue dont on pourrait étirer, pincer ou élargir les tuyaux. Les anglophones produisent environ 50 bruits différents dans leur langue de cette façon.
Cependant, en dépit de la grande variation en anatomie humaine individuelle, les bruits de la parole produit par différents individus dans différentes langues produisent la même variété de ratios de résonance dit Purves.
Les deux plus basses de ces résonances, appelées formants, sont là pour les voyelles dans la parole. Enlevez ces deux premiers formants et vous ne pourrez rien comprendre de ce qu'une personne dit. La fréquence du premier formant est entre 200 et 1.000 cycles par seconde (hertz) et le deuxième entre 800 et 3.000 hertz.
Quand les chercheurs de Duke ont examiné les rapports de ces deux premiers formants avec les spectres du langage, ils ont constaté que les ratios montraient des relations avec la musique. Par exemple, le rapport des deux premiers formants dans la voyelle anglaise /a/, comme en "physique," pourrait correspondre à l'intervalle musical entre C et A sur un clavier de piano.
"Dans environ 70 pour cent des sons de ces discours, ces ratios tombaient pile sur des intervalles musicaux" dit Purves. "Cette prédominance des intervalles musicaux cachés dans la parole suggère que les notes de la gamme chromatique musicale sonnent juste à nos oreilles parce qu'elles correspondent aux rapports auxquels nous sommes exposés sans arrêt dans nos idiomes, bien que nous soyons tout à fait ignorants de la chose."
Peu de musique, excepté certains morceaux expérimentaux modernes, emploie chacun des 12 tons. La plupart des musiques emploient une gamme diatonique de 7 tons - ou gamme diatonique - pour diviser les octaves, et beaucoup de musique folklorique n'emploient que cinq tons, la gamme pentatonique.
Ces caractériellement correspondent aux ratios des formants les plus répandus dans la parole. Purves et ses collaborateurs travaillent maintenant afin de savoir si dans une culture donnée ou il y a une particularité de ces tons ou formants, ceci est lié aux rapports de formants particulièrement répandus dans la langue maternelle d'un groupe donné.
Purves et ses collaborateurs pensent également que ces résultats peuvent aider à éclairer un débat séculaire ; à savoir quel type d'accordages fonctionne le mieux pour les instruments. Dix des 12 intervalles harmoniques identifiés dans les discours anglais et mandarin ont "la bonne intonation" qui sonne plus juste pour la plupart des musiciens qualifiés. Ils ont trouvé beaucoup moins de correspondances avec d'autres systèmes d'accordages, y compris l'accordage à tempérament égal généralement utilisé aujourd'hui.
L'accordage a tempérament égal, dans lequel chacun des 12 intervalles de la gamme chromatique est exactement le même et un schéma qui permet à un groupe tel qu'un orchestre de jouer ensemble dans différentes clefs et au travers de beaucoup d'octaves. Bien qu'un accordage à tempérament égal sonne bien, c'est juste un compromis par rapport a quelque chose d'origine plus naturelle, vocalement dérivé d'intonation juste, dit Purves.
La prochaine étude de son groupe concernera notre compréhension intuitive comme quoi un morceau musical tend à paraître joyeux s'il est dans une tonalité majeure ou relativement triste dans une tonalité mineure. Ce qui pourrait aussi provenir de la voix humaine, suggère Purves.

Auteur: Fortean Times

Info: From Duke University

[ langage ] [ sciences ]

 

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dernières paroles

Léonie chérie

J'ai confié cette dernière lettre à des mains amies en espérant qu'elle t'arrive un jour afin que tu saches la vérité et parce que je veux aujourd'hui témoigner de l'horreur de cette guerre.

Quand nous sommes arrivés ici, la plaine était magnifique. Aujourd'hui, les rives de l'Aisne ressemblent au pays de la mort. La terre est bouleversée, brûlée. Le paysage n'est plus que champ de ruines. Nous sommes dans les tranchées de première ligne. En plus des balles, des bombes, des barbelés, c'est la guerre des mines avec la perspective de sauter à tout moment. Nous sommes sales, nos frusques sont en lambeaux. Nous pataugeons dans la boue, une boue de glaise, épaisse, collante dont il est impossible de se débarrasser. Les tranchées s'écroulent sous les obus et mettent à jour des corps, des ossements et des crânes, l'odeur est pestilentielle. Tout manque : l'eau, les latrines, la soupe. Nous sommes mal ravitaillés, la galetouse est bien vide ! Un seul repas de nuit et qui arrive froid à cause de la longueur des boyaux à parcourir. Nous n'avons même plus de sèches pour nous réconforter parfois encore un peu de jus et une rasade de casse-pattes pour nous réchauffer. Nous partons au combat l'épingle à chapeau au fusil. Il est difficile de se mouvoir, coiffés d'un casque en tôle d'acier lourd et incommode mais qui protège des ricochets et encombrés de tout l'attirail contre les gaz asphyxiants. Nous avons participé à des offensives à outrance qui ont toutes échoué sur des montagnes de cadavres. Ces incessants combats nous ont laissé exténués et désespérés. Les malheureux estropiés que le monde va regarder d'un air dédaigneux à leur retour, auront-ils seulement droit à la petite croix de guerre pour les dédommager d'un bras, d'une jambe en moins ? Cette guerre nous apparaît à tous comme une infâme et inutile boucherie.

Le 16 avril, le général Nivelle a lancé une nouvelle attaque au Chemin des Dames. Ce fut un échec, un désastre ! Partout des morts ! Lorsque j'avançais les sentiments n'existaient plus, la peur, l'amour, plus rien n'avait de sens. Il importait juste d'aller de l'avant, de courir, de tirer et partout les soldats tombaient en hurlant de douleur. Les pentes d'accès boisées, étaient rudes .Perdu dans le brouillard, le fusil à l'épaule j'errais, la sueur dégoulinant dans mon dos. Le champ de bataille me donnait la nausée. Un vrai charnier s'étendait à mes pieds. J'ai descendu la butte en enjambant les corps désarticulés, une haine terrible s'emparant de moi. Cet assaut a semé le trouble chez tous les poilus et forcé notre désillusion. Depuis, on ne supporte plus les sacrifices inutiles, les mensonges de l'état major. Tous les combattants désespèrent de l'existence, beaucoup ont déserté et personne ne veut plus marcher. Des tracts circulent pour nous inciter à déposer les armes.

La semaine dernière, le régiment entier n'a pas voulu sortir une nouvelle fois de la tranchée, nous avons refusé de continuer à attaquer mais pas de défendre. Alors, nos officiers ont été chargés de nous juger. J'ai été condamné à passer en conseil de guerre exceptionnel, sans aucun recours possible. La sentence est tombée : je vais être fusillé pour l'exemple, demain, avec six de mes camarades, pour refus d'obtempérer. En nous exécutant, nos supérieurs ont pour objectif d'aider les combattants à retrouver le goût de l'obéissance, je ne crois pas qu'ils y parviendront. Comprendras-tu Léonie chérie que je ne suis pas coupable mais victime d'une justice expéditive ? Je vais finir dans la fosse commune des morts honteux, oubliés de l'histoire. Je ne mourrai pas au front mais les yeux bandés, à l'aube, agenouillé devant le peloton d'exécution.

Je regrette tant ma Léonie la douleur et la honte que ma triste fin va t'infliger. C'est si difficile de savoir que je ne te reverrai plus et que ma fille grandira sans moi. Concevoir cette enfant avant mon départ au combat était une si douce et si jolie folie mais aujourd'hui, vous laisser seules toutes les deux me brise le cœur. Je vous demande pardon mes anges de vous abandonner. Promets-moi mon amour de taire à ma petite Jeanne les circonstances exactes de ma disparition. Dis-lui que son père est tombé en héros sur le champ de bataille, parle-lui de la bravoure et la vaillance des soldats et si un jour, la mémoire des poilus fusillés pour l'exemple est réhabilitée, mais je n'y crois guère, alors seulement, et si tu le juges nécessaire, montre-lui cette lettre. Ne doutez jamais toutes les deux de mon honneur et de mon courage car la France nous a trahi et la France va nous sacrifier. Promets-moi aussi ma douce Léonie, lorsque le temps aura lissé ta douleur, de ne pas renoncer à être heureuse, de continuer à sourire à la vie, ma mort sera ainsi moins cruelle. Je vous souhaite à toutes les deux, mes petites femmes, tout le bonheur que vous méritez et que je ne pourrai pas vous donner. Je vous embrasse, le cœur au bord des larmes. Vos merveilleux visages, gravés dans ma mémoire, seront mon dernier réconfort avant la fin.

Eugène ton mari qui t'aime tant.

Auteur: poilu anonyme

Info: Lettre à sa femme, Le 30 mai 1917

[ ww1 ] [ couple ]

 

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interaction

Le mystère de la vie affective des plantes
Les plantes sont-elles plus que des "légumes" ? Ont-elles des émotions ? Que ressentent-elles au contact humain ? Communiquent-elles ?
Aristote pensait que les plantes avaient une âme. Goethe qui était botaniste en plus de sa passion pour la poésie, avait fait des découvertes fondamentales sur la métamorphose des plantes et envisageait une certaine "essence spirituelle' derrière leur forme matérielle.
Bien des gens, moi le premier, trouvent ces affirmations chancelantes voire grotesques. Étant quelqu'un de très rationnel qui considère que seules les preuves scientifiques sont fiables, je me suis intéressé aux différentes expériences, peu connues du grand public, qui pourraient appuyer ces affirmations "philosophiques".
Certains tests cependant démontrent que les plantes peuvent éprouver des émotions, lire la pensée humaine et tentent même de communiquer avec nous ! Intrigués ? Ce n'est qu'un début...
New York. 1963. Cleve Backster, consultant auprès de la police, s'amuse avec un détecteur de mensonge et place les électrodes sur une feuille de dracaena. Il arrose la plante et s'attend à ce que l'aiguille du galvanomètre indique une résistance plus faible au courant électrique (à la suite d'une teneur en eau accrue) mais c'est précisément le contraire qui se produit. Perplexe, Backster teste ensuite la réaction de cette même feuille au contact du feu. A peine le briquet sorti de sa poche, l'aiguille enregistreuse bondit soudainement. Le tracé graphique lui rappelle curieusement celui d'un homme soumis à une question piège ou lorsqu'on le menace.
D'expériences en expériences, Backster devint convaincu que les plantes percevaient les sentiments humains. Une autre expérience fut entreprise à laquelle ont participé quelques agents de la police new-yorkaise, semblait démontrer que les plantes ont également une mémoire.
Six sujets, les yeux bandés, tiraient au hasard un papier plié. Sur l'un des papiers était rédigé l'ordre d'arracher et de détruire l'une des deux plantes se trouvant dans la pièce. Le crime était ensuite exécuté en secret, sans que ni les sujets, ni Backster lui-même, ne sachent qui était le coupable - le seul témoin était l'autre plante, celle qui n'était pas détruite. On fixait ensuite des électrodes sur la plante témoin et les suspects défilaient devant elle chacun leur tour. On observait alors que lorsque le coupable s'en approchait, l'aiguille du galvanomètre s'affolait. La plante "reconnaissait" celui qui avait tué l'un des siens. Backster émis l'idée qu'elle percevait la culpabilité que le criminel essayait de dissimuler.
La détection de mensonge
Lors d'une autre expérience, qui a été plusieurs fois répétée devant des jurys scientifiques, Backster réussit à transformer une plante en détecteur de mensonge. Des électrodes étaient placées sur une plante, et un homme - sans électrodes - s'asseyait devant elle. Backster disait à l'homme qu'il allait lui citer une série d'années en lui demandant si elles correspondaient à sa date de naissance, et qu'il fallait toujours répondre "non". Invariablement, Backster pouvait deviner l'année de naissance - qui correspondait sur le graphique à une courbe galvanique bien marquée.
Les émotions
Une autre expérience réalisée pour éliminer tout facteur humain et subjectif, consistait à placer dans une pièce close quelques crevettes vivantes sur un plateau. Lorsque le plateau basculait (en l'absence de toute intervention humaine) les crevettes tombaient dans une casserole d'eau bouillante. Dans une chambre voisine, close également, une plante branchée sur galvanomètre émettait au moment de la mort des crevettes un tracé soudainement turbulent.
Le tracé était différent de celui qui enregistrait une émotion, et Backster se demanda s'il ne correspondait pas à une sorte de perception par un groupe de cellules de la mort d'un autre groupe de cellules. De nouvelles expériences lui permirent d'établir que la même forme de réaction se retrouvait lors de la mort "perçue" par la plante, de bactéries, levures, cellules sanguines et spermatozoïdes.
Il semblerait même que lorsqu'une "empathie" (faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent) est établie entre une plante et son maître, ni la distance, ni les obstacles n'interrompent le "rapport". Des expériences lors desquelles le tracé de plantes était enregistré pendant que le "maître" voyageait, montraient des réactionss galvaniques correspondant aux moments mêmes des diverses péripéties du voyage. Pierre Paul Sauvin, un ingénieur électronicien américain, a constaté, en rentrant dans son laboratoire, après un week-end à la campagne, pendant lequel l'activité galvanique de ses plantes était automatiquement enregistrée, des paroxysmes correspondaient au moment même de ses ébats amoureux avec une amie.
Un psychologue moscovite V.N. Pouchkine a vérifié avec soin les expériences de Backster, et en arrivent à peu près aux mêmes conclusions. En tentant d'expliquer ce qui se passait, Pouchkine écrit :
Il se peut qu'entre deux systèmes d'information, les cellules de la plante et les cellules nerveuses, existe un lien. Le langage de la cellule de la plante peut être en rapport avec celui de la cellule nerveuse. Ainsi deux types de cellules totalement différentes les unes des autres peuvent "se comprendre".
La communication
Les plantes, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, manifestent également un certain éclectisme musical. Plusieurs expériences dans ce domaine ont été réalisées avec une rigueur toute scientifique par une musicienne en collaboration avec un professeur de biologie, Francis F. Broman. Trois chambres ont été utilisées dans une expérience sur une multitude de plantes (philodendrons, radis, maïs, géranium, violettes africaines...). Toutes les plantes étaient placées dans des conditions identiques. La seule différence fut qu'une chambre expérimentale était totalement silencieuse, une autre contenait un haut-parleur émettant de la musique classique et une troisième, de la musique "rock".
On constatait - sans pouvoir expliquer le phénomène - que les plantes dans la seconde chambre se développaient en se penchant vers la source de musique classique, alors que celles dans la troisième se penchaient dans la direction opposée, comme si elles tentaient de fuir la musique moderne.
Selon le Dr Hashimoto, qui dirige un centre de recherches électroniques ainsi que les services de recherche de l'importante firme industrielle Fuji Electric Industries, il y aurait, au-delà du monde tridimensionnel que nous connaissons, un monde à quatre dimensions, non matériel et dominé par l'esprit. C'est dans ce monde-là que les plantes, et toutes les créatures vivantes, seraient en communication entre elles...
Li Hongzhi, fondateur du Falun Dafa (mouvement spirituel chinois) affirme : Nous vous disons que l'arbre est vivant lui aussi, non seulement il est doté de vie, mais aussi de l'activité d'une pensée supérieure (...) Les botanistes de tous les pays ont fait des recherches la dessus, y compris en Chine. Ce sujet n'est plus du domaine de la superstition. Dernièrement, j'ai dit que tout ce qui arrive maintenant à notre humanité, tout ce qui vient d'être inventé et découvert est déjà suffisant pour refondre les manuels d'enseignement actuels. Cependant, bornés par les conception traditionnelles, les gens refusent de le reconnaître, personne ne recueille et organise systématiquement ces informations.
Ces découvertes qui pendant longtemps n'étaient connues que de quelques initiés et spécialistes peuvent paraître déroutantes. Que croire ? A ce jour, personne ne connaît les vérités. Je me suis posé la problématique de la crédibilité des détecteurs de mensonge qui a vivement été critiqué. Des études récentes de fiabilité montrent un très grand taux d'erreurs si bien que les institutions scientifiques considèrent le détecteur de mensonge comme un outil non fiable...
Et vous, que pensez-vous de ces mystérieuses émotions végétales ? Sentez-vous coupable en offrant des fleurs ? Emettez-vous une certaine culpabilité quand vous pensez à leur possible "souffrance" ? Pensez-vous que parler à ses plantes influe sur leur développement ?
Des études montrent par exemple qu'employer une certaine douceur avec les carottes stimulerait leur croissance...

Auteur: Internet

Info: News Of Tomorrow, mercredi 21 juillet 2010

 

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refus

Jours, années, vies. Les arbres avaient perdu leurs parures multicolores. C’était ça : elle se trouvait pile à cette conjonction des trois boucles. L’entame du dernier quart. La journée avait dépassé sa dix-neuvième heure, l’hiver était là et Emma se préparait à fêter ses soixante et un ans. Anniversaire dont elle avait fait le symbolique début de l’hiver de sa vie.

Encore récemment elle avait le sentiment de commencer à jouir de la sérénité de son âge. Jusqu’à l’arrivée du gosse.

Emma l’albanaise n’en revenait pas.

Imaginez : vous êtes en charge du service psychiatrique d’un hôpital Suisse. On vous amène un petit garçon, noiraud aux cheveux ondulés, Jean-Sébastien. Enfant sans aucun problème apparent selon toutes les informations et surtout ses proches. Un gosse qui a été éduqué tout à fait correctement dans ce pays, dans son pays : la Suisse. Diagnostic du corps médical : anorexie mentale. Le gosse refuse de s’alimenter et même, surprise, a sa propre auto-évaluation, affirmée : je refuse de vivre mon général. Un credo presque annoncé avec humour.

Après quelques jours tout le personnel de l’immense hôpital en parlait. Une anorexie à neuf ans, c’était déjà exceptionnel, quoi qu’on commençait à en voir apparaître dans les statistiques occidentales, mais ce gosse avait une telle tranquillité, une conscience, comme si son regard et ses appréciations liquidaient d’un coup la raison d’être, l’existence même de la structure hospitalière. Et tout le reste. Une gifle pour le Monde. Pour tous. Les êtres humains. Un déni.

Le tapis de feuilles mortes rassemblées devant les escaliers par un jardinier l’obligea à faire un crochet. Elle lança un sourire à l’homme au balai qui le lui rendit.

Selon le garçonnet, la vie ne valait pas la peine d’être vécue, point. Et les bipèdes adultes de son espèce, malgré tous leurs efforts, n’y changeraient rien. L’amour conjugué de ses proches, les visites de ses camarades, l’abnégation souriante des infirmières, l’attention soutenue de la doctoresse en chef… rien n’avait pu infléchir sa décision. L’enfant au regard foncé répétait et déclinait en souriant :

- Je ne suis pas fait pour vivre.. je suis de trop, c’est évident…

Les infirmières comprenaient confusément que le gosse ne voyait pas pourquoi ce monde méritait encore d’être connu, exploré. C’était juste une non envie d’entrer en matière. Ses parents, elle secrétaire, lui mécanicien, n’avaient rien de particulier. Des gens simples, adorables. Le fiston l’assurait lui-même : il n’avait rien à leur reprocher, surtout pas de l’avoir amené à la vie, au contraire, surtout pas…. Son expérience restait irremplaçable. Il insistait : irremplaçable. Leur expliquant : vous n’y pouvez rien, mes amours, mes chéris… c’est comme ça. Il parvenait à même leur remonter le moral.

Dans le hall, l’hôtesse d’accueil lui adressa le salut matinal routinier derrière son grand vitrage.

Une semaine après l’arrivée du malade, un collègue d’Emma, Pierre B, vieux médecin, était venu trouver l’enfant sous un prétexte imaginaire. Quelques heures plus tard il prenait la doctoresse à part au détour d’un couloir :
- Je suis bouleversé, je reviens des Andes… ici les magasins, les rues, tout m’inspire une aversion irraisonnée. Les fêtes qui approchent, la foule des acheteurs, les corps pétant de cholestérol, le fric… C’est affreux, le seul endroit où je me sens mieux c’est ici, à l’hôpital. L’argent me gêne, il envahit tout… je ne vois plus des personnes, mais de petits amas de pognon, de mesquines solitudes feutrées, comme si les gens n’avaient pas besoin les uns des autres, comme s’il n’y avait plus de communauté…

La médecin chef lui répondit sur le ton de la plaisanterie, expliquant que ce n’était pas professionnel, qu’il fallait maîtriser ses émotions.

Elle se dirigeait vers la chambre du petit, ses pas étouffés par l’épais revêtement de linoléum gris. Emma, qui avait réussi, à force de volonté, à se faire sa place de médecin dans la société occidentale, se disait que dans son pays, en Albanie - elle y retournait chaque année - ce genre de syndrome n’apparaissait pas. Jamais. Encore moins chez des êtres si jeunes.

L’infirmière de garde lui indiqua que le petit venait de s’endormir.

Tous pouvaient observer, impuissants, les parents du môme déployer des trésors d’imagination pour essayer de le sortir de ce qu’ils voyaient comme une torpeur incompréhensible. Ils avaient proposé, l’air de rien, d’aller observer un volcan en éruption, d’affronter les cinquantièmes hurlants en catamaran…. Lui les remerciait d’un sourire. Il comprenait parfaitement la démarche, leur expliquait que d’autres que lui seraient enchantés d’aller suivre en direct les ébats amoureux des baleines au large de la Californie, ajoutant que ce devrait être facile d’emmener des enfants défavorisés jouer dans l’eau avec des dauphins. Pas lui.

***

Ce soir là, au sortir de son travail elle croisa la gérante du petit supermarché voisin, une femme d’âge mûr aux grands cheveux frisés, pleine d’ardeur, avec qui elle avait de bons rapports. Elle ne put s’empêcher de lui parler de l’enfant. La dame la transperça de son regard bleu. Deux vrilles sous la masse crépue.

- Mon Dieu, le pauvre chéri… il est trop intelligent….

Elle avait tout dit. Et puis elle rentra. Il fallait prendre le courrier, faire manger les enfants. Il faisait déjà nuit.

***

Le lendemain en fin de matinée la doctoresse quitta son service un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, préoccupée. Elle était de plus en plus frustrée parce que depuis plusieurs jours le gamin sommeillait durant la journée alors qu’elle aurait vraiment voulu essayer de communiquer avec lui. Ce qui l’amena à couper la priorité à’un automobiliste, qui, après avoir ouvert sa vitre latérale lui lança, rigolard. "Je comprends maintenant pourquoi vous êtes passée devant un million de spermatozoïdes, vous êtes un hymne à la précipitation… à l’engouffrement". Elle se surprit à sourire, libérée pour un instant du monologue intérieur nourris par l’image du jeune être en train de se faner. Elle se sentait comme enceinte mentalement de lui. De cet homme. Oui, c’était bien un homme… puisqu’il était en fin de parcours, sur sa propre décision. Puisqu’il leur parlait autrement, couché dans son lit trop grand, comme une sorte d’enseignant cosmique, loin de leurs volontés absurdes de vouloir avoir une prise sur le réel. Il avait annoncé la couleur à son arrivée à l’hôpital :

- Je ne veux pas me soigner parce que plus je vais mal mieux je me porte.

Ainsi, après deux semaines d’hospitalisation il avait nettement faibli. Il fallait maintenant faire un effort d’attention pour le comprendre, lui parler doucement et distinctement. Lui restait imperturbable, ses grands yeux marrons brillants d’une sérénité de fer.

***

Emma avait accepté de dîner avec son ami Miguel, helvète de vieille souche, qu’elle appréciait pour cette raison mais aussi parce que son humour self destructeur l’amusait. Il l’accueillit, goguenard, après avoir brièvement jaugé la voiture qu’elle venait de s’acheter.

- Attention ! Je ne vais bientôt plus accepter de te voir, notre amitié va s’achever… regardes-toi un peu, tu es déjà plus Suisse que moi…. mon Dieu la bourgeoise ! J’ose pas t’imaginer dans dix piges ?
- Tu veux dire ?
- Que tu es de plus en plus organisée, aseptisée, maintenant presque riche…. Il ne te manque plus qu’un peu d’inhibition.. Peut-être aussi de réprobation dans l’attitude.
- T'es dur Miguel
- Tu sais bien que le succès et l’argent nous éloignent de l’essentiel.
- C’est quoi l’essentiel ?
- La vie
- Tu en es sûr ?

Elle ne lui parla pas du gosse.

***

De retour à l’hôpital elle aperçut Pierre B. en discussion avec les parents de Jean-Sébastien. Tous se firent un petit signe de loin. Elle monta dans son service, traversa les couloirs déserts pour aller le voir. Il somnolait et réagit mollement lorsqu’elle lui prit la main, esquissant une moue. Elle resta ainsi, assise sur le lit arrosé par l’éclairage crû.

Qui avait chanté un jour que la lumière ne fait pas de bruit ?

Son regard glissait sur les choses. Elle pensait à sa vie, à la vie. Pourquoi se retrouvait-elle médecin… dans ce pays ? Fourmi parmi les autres fourmis. Quelle était la société qui pouvait produire de tel effet sur ses petits ?… Sa pensée se fixa sur des connaissances côtoyées récemment ; une clique d’artistes quadra et quinquagénaires, presque tous issus de la bourgeoisie locale qui, malgré la mise en place de façades plus ou moins réussies, assorties de quelques petites excentricités d’habillement, représentaient pour elle la société dans laquelle elle vivait. Ils formaient un de ces clans ou les individus se rassemblent plutôt par crainte de la marginalité et de la solitude que par de réelles affinités. Sérail ou l’on se fait la bise comme les stars de la télévision ; pour marquer sa différence, son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti. Tels étaient donc les révoltés ?… Les artistes ?... quelles étaient donc leur réflexions ?. Assise sur le lit sa main autour de celle du gosse Emma se demandait s’il ne fallait pas voir chez eux une forme d’élitisme atroce, imbécile, destructeur, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec les excréments, les coups, le sang, les hurlements. Vivaient-ils réellement, ces gens encoconnés qu’elle avait vu ignorer ostensiblement ici une caissière édentée ou là un clodo en pleine cuite. Qui, lors des fêtes réunissant les familles, paraissaient tout de suite excédés par leurs enfants, comme s’ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, par ennui. Dans son pays à elle la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir.

… mais qu’ont-ils de différents des autres humains, somme toute... ne suis-je pas comme eux ?

Jean-Sébastien gardait les yeux fermés, la respiration régulière. Elle caressa doucement le maigre avant-bras que la perfusion prolongeait de manière incongrue.

***

Cette nuit là elle eut ce rêve : Il y avait, lors d’une grande réunion de diverses familles, une scène de discussion animée entre adultes. Les enfants présents - les siens y étaient, tout comme Jean-Sébastien - enthousiastes comme toujours amenaient continuellement des interruptions qui dérangent la continuité des phrases, si sérieuses, des adultes. Coupures qui, à la longue, entraînèrent quelques haussements de voix puis, finalement, l’enfermement de Jean-Sébastien dans une voiture. Il y eut alors un zoom arrière et les humains se transformèrent en arbres. C’étaient les mêmes individus mais qui en sapin, en hêtre, etc.. Et, dans un film accéléré, elle put alors contempler la nouvelle forêt ainsi formée endurer la douce agression des jeunes pousses qui, après s’être hardiment insinuées au pied des grands troncs, s’accrochaient ensuite au premières frondaisons, avant de vaillamment titiller les niveaux supérieurs et d’émerger au sommet pour faire partie de la Pangée. Voir le soleil.

Elle se retrouva assise sur son lit, en nage. Et l’enfant dans la voiture ?… Pourquoi ces plages temporelles mélangées ?… Pourquoi Jean-Sébastien n’avait-il plus cette volonté de monter, de toucher les crêtes… cette curiosité de la vie ?


***

Les forces du gosse déclinaient doucement, implacablement. L’esprit imperturbable et sans tristesse il continuait de communiquer au maximum de ses possibilités, c’est à dire qu’à ce stade il ne faisait plus qu’acquiescer ou rejeter. Mais il observait. Emma, incrédule, attendait quelque chose. Elle ne savait pas exactement quoi : une forme de culpabilisation du gosse, des parents… de grands transports d’émotion avec la famille. De culpabilisation elle n’en vit point. Quand à l’émotion, il y en avait. Beaucoup. Mais tout le monde se maîtrisait.

On le sentait se détacher, comme un fruit. Le temps du silence mûrissait.

***

Il y eut alors ce colloque, une journée/rencontre prévue de longue date où le professeur P., grande ponte allemand de pédopsychiatrie, fit état de l’augmentation sensible des cas d’anorexie chez les enfants en occident. Dans la continuité ils reçurent communication du travail d’une équipe de chercheurs Hindous où étaient explicitées la progression et l'incidence constante des problèmes psychiques de la jeunesse dans les sociétés industrielles. Un médecin psychiatre japonais vint ensuite parler des difficultés rencontrées dans son pays. On commençait à y voir de plus en plus de groupes de discussion sur Internet qui amenaient - et poussaient parfois - de jeunes nippons à se suicider ensemble. Puis il y eut ce rapport sur une maladie mystérieuse affectant plus de 400 enfants de requérants d'asile en Suède, issus la plupart du temps de l'ancienne union Soviétique et des états yougoslaves. Ces enfants tombaient dans une dépression profonde et perdaient la volonté de vivre. Pour finir une intervenante vint expliquer comment les résultats de son étude sociologique de la Suède montraient que la courbe des suicides était inversement proportionnelle aux difficultés économiques. En bref, lors de temps difficiles les gens se suicidaient moins….

Tout ce monde se retrouva ce soir là au milieu de la chaude et joviale l’atmosphère d’une brasserie pour un repas en commun bigarré qui concluait le colloque. Les participants à la conférence confabulèrent bruyamment de tout, sauf de problèmes professionnels. Emma aimait ce genre de brouhaha. Il était passé minuit quand elle rentra. Excitée par l’alcool elle se prépara un grand verre d’eau, prit la zappette et s’installa devant la télévision. Les informations présentaient un sujet sur les prévisions alarmistes quand au réchauffement de la planète. Apparut ensuite sur le plateau l’abbé X qui se faisait le porte-parole des voix innombrables dénonçant le petit nombre de riches - toujours plus riches - et celui, toujours plus grand, des pauvres - toujours plus pauvres. Puis ce fut l’interview d’un politicien qui exprima les craintes suscitées par le comportement paranoïaque de l’empire américain. La rubrique suivante montra une manifestation écologiste européenne. On pouvait y voir des manifestant défiler avec des pancartes qui disaient : "Ressources de la terre en danger " "Consommation galopante, Halte !". "Surpopulation, manque de contrôle !". Le journal se termina par les infos économiques et la progression boursière spectaculaire d’une entreprise pharmaceutique qui développait un médicament contre le diabète, maladie en constante progression chez l’individu moyen - trop gros - des populations américaines et européennes, phénomène qu’on voyait maintenant émerger en Asie. Tous les espoirs étaient permis pour la jeune entreprise.

Dans la salle de bain elle posa cette question muette à son reflet, dans la glace : - Jean-Sébastien entend-il la même mélodie du monde que toi ?

Son mari grogna légèrement lorsqu’elle lui imposa sa présence dans le lit, le forçant à se déplacer.


***


Elle démarrait fréquemment sa matinée par cette pensée de la tradition zen : "un jour, une vie". Après le départ des enfants pour l’école, elle pouvait profiter d’un petit printemps personnel réservé, enfance de sa journée. Moments d’énergie, de fraîcheur, d’optimisme. Tout ce que Jean-Sébastien aurait normalement du vivre en cette période matinale de son existence de jeune mammifère. Alors qu’en réalité il était comme avant d’aller se coucher. Certes son cycle d’existence, sa fin de vie coïncidaient avec la saison hivernale, mais pas avec la bonne synchronisation. Pas du tout.

Elle se confectionna un nouveau café.

Emma avait toujours perçu les mômes comme de grands initiés, dotés d’un sens aigu du mystère, au bénéfice de la fraîcheur de perception qu’ont les étrangers qui pénètrent une contrée inconnue. Confrontée à Jean-Sébastien elle en arrivait à se demander s’il n’avait apporté avec lui les souvenirs de quelque chose d’antérieur, les réminiscences d’une source fabuleuse. Quels pouvaient donc bien être ses critères de jugement ?… en avait-il ?… était-ce du pur instinct, du laisser aller ?. Il avait l’air si équilibré… Ou alors, était-ce diabolique ?… Non, il était trop jeune, trop dans le timing. Trop conscient.

Elle ne savait comment exprimer son sentiment. Ce garçon était comme au delà - ou en deçà - des mots. Un pur poète. Comme s’il avait affirmé que les bateaux ne flottent que depuis Archimède et que tout le monde ait acquiescé. Comme s’il avait décrété que le vent est créé par les arbres sans que personne n’en doute.

Elle voyait vivre ses enfants dans un monde qui n’était pas le sien, celui des grands. Ils n’avaient qu’un intérêt restreint pour la politique, la philosophie de la vie et de ce genre de choses. Leur occupation sérieuse principale c’était le jeu. En tout cas en apparence. Elle ne pouvait se résoudre à leur parler de Jean-Sébastien, d’abord pour garder sa vie privée intacte de ses activités professionnelles. Et puis quelle pouvait être la famille ou l’on aurait abordé de pareils sujets philosophique sérieusement, longuement et profondément, avec les enfants ?... Les siens posaient des questions certes, son mari et elles y répondaient, mais cela restait superficiel. Ces sujets intéressent les mômes mais leurs réflexions lui paraissaient trop courtes. Ou alors leurs forces de vies leurs interdisaient de s’arrêter sur ce genre de réflexions

Mais comment un gosse qui ne voyait plus la réalité avec aucun étonnement s’était-il forgé ?… D’où venaient ses certitudes ?… Était-ce possible qu’un de ses enfants un jour ?…

Elle rassembla ses affaire : sac, clefs, s’habilla. Il fallait en tout cas encore essayer. Encore.

***

Ce vingt décembre Jean-Sébastien dormait si profondément, en état comateux, qu’Emma invita ses parents à la cafétéria pour un café. La communication entre eux ne nécessitait presque plus de mots, artificielles constructions sans intérêt. Au réfectoire ils eurent à subir les activités sauvageonnes d’un groupe d’enfants. Jeunes excités, en mal de cette existence avérée que conforte la réaction témoin de grandes personnes prises en otage-spectateur-cible. Elles ressentit beaucoup de gratitude à l’endroit des emplâtres gesticulants et bruyants qui tentaient d’accaparer attention et champ de vision des adultes.

**

Au milieu de tous ses questionnements, Emma eut l’honnêteté de s’avouer qu’elle l’admirait. Mais quel était son secret… Qui était ce vieux maître… ce fou ?… Elle ne parvenait pas à le voir comme un malade et ressentait même quelque chose qui ressemblait à de la reconnaissance. La jeune créature lui permettait de rétablir une sorte de connexion avec un infini qu’elle avait oublié, trop absorbée par sa vie, par ses obligations. La vitesse.

Le mioche lui dilatait la conscience.

**

Jean-Sébastien mourut la veille de Noël.

Enfin pur esprit.

Auteur: Mg

Info: Jean-Sébastien. D'après une histoire vécue. 2002.

[ histoire courte ] [ automne ]

 
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