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cité imaginaire
Les voyageurs reviennent de la ville de Zirma avec des souvenirs bien nets : un nègre aveugle qui crie dans la foule, un fou qui se penche à la corniche d’un gratte-ciel, une jeune fille qui se promène avec un puma en laisse. En réalité, beaucoup des aveugles qui frappent de leur bâton les pavés de Zirma sont noirs, dans chaque gratte-ciel il y a quelqu’un qui devient fou, tous les fous passent leur temps sur les corniches, il n’y a pas de puma qui ne soit élevé pour le caprice d’une jeune fille. La ville est redondante : elle se répète de manière à ce que quelque chose se grave dans l’esprit.
Moi aussi, je reviens de Zirma : mon souvenir comprend des dirigeables qui volent dans tous les sens à hauteur de fenêtre, des rues marchandes où l’on dessine des tatouages sur la peau des marins, des trains souterrains bondés de femmes obèses qui souffrent de la chaleur torride. Les compagnons qui étaient du voyage jurent au contraire qu’ils n’ont vu qu’un seul dirigeable se balancer, entre les flèches de la ville, un seul tatoueur disposer sur son petit banc des aiguilles, des encres et des dessins perforés, une seule femme obèse s’éventer sur la plate-forme d’un wagon. La mémoire est redondante : elle répète ses signes pour que la ville commence à exister.
Auteur:
Calvino Italo
Années: 1923 - 1985
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, oulipien
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
Villes invisibles
[
itération mémorielle
]
[
secondéités subjectives
]
sens
Il était silencieux, puis l’implora : "Écoute, Sally.
Donne-moi un autre médoc.
Il y a des rats bouillonnant dans mon ventre qui rampent et
mordent." Elle essuya son front détrempé
Avec un morceau de tissu, puis s’assit sur le lit
En tenant sa vieille main mouchetée ; la secoua, la pressant
Contre sa joue.
De tout ceci, Seigneur –
Un vieil homme cancéreux, une épouse
Jalouse répétant toute la nuit
La litanie de ses erreurs passées,
Et une jeune adultère torride
Entre ses deux hommes – de tous ces éléments
Ordinaires de la vie commune, ces deux ou trois personnes
Qui non sans raison s’interrogent,
Une découverte peut-elle sourdre, ou un faucon s’envoler ?
Car tu n’es pas humain, tu ne tiens pas compte des personnes,
Ni sujet au dégoût ni adepte du péché,
Et tous tes chemins sont beaux.
Même tes choses qui dépérissent, la vase des mers et la charogne
Resplendissent dans l’obscurité ; même cette époque dépravée
Qui fait le mal dans ses rêves,
Ivre de tromperies et de cruautés,
Phosphorescente de guerres,
S’embrase comme une torche.
Elle a son propre honneur abandonné, et ses piliers de musique
Offerts aux pures étoiles.
Auteur:
Jeffers Robinson
Années: 1887 - 1962
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, poète
Continent – Pays: Amérique - Etats-Unis
Info:
Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 27-28
[
mystère
]
[
beauté
]
[
horreur surpassée
]
[
lila
]
couchant
Le soleil venait de se coucher, rouge comme braise, et il avait laissé assez de couleurs pour teindre toute la voûte du ciel qui devenait rose pâle, non seulement dans le coin où venait de disparaître le globe incandescent, mais sur toute son étendue. En même temps, l’eau du lac Duvsjoe s’assombrissait et prenait l’aspect d’une glace sans tain sous les montagnes escarpées qui l’encadraient, et sur cet espace noir couraient des traînées de sang vermeil et d’or luisant.
C’était une de ces nuits où la Terre ne semble pas valoir un regard ; seuls, le ciel et l’eau qui reflète le ciel méritent d’être contemplés.
Mais tout en admirant cette splendeur, Jan commença à se demander une chose : se trompait-il ou la voûte céleste ne s’était-elle pas mise à baisser? À ses yeux du moins, elle paraissait s’être rapprochée de la terre.
Oui, certes, il se passait quelque chose d’anormal. Il était certain que la vaste calotte rose pâle du ciel descendait vers la terre. En même temps, la température torride et suffocante augmentait. Déjà, il se sentait atteint par la chaleur qui tombait de la voûte en fusion.
Jan avait souvent entendu parler de la fin du monde, mais il s’était toujours figuré qu’elle se manifesterait par un orage terrible et un tremblement de terre qui jetterait les montagnes dans les mers et ferait déborder l’eau des lacs et, inondant les vallées et les plaines, de manière à faire périr tout être vivant. Il n’avait pas pensé que la fin pourrait se produire parce que le ciel viendrait couvrir et écraser la terre, faisant mourir les gens d’étouffement. Cette forme de mort était pire que toute autre.
Il déposa sa pipe, bien qu’elle ne fut qu’à moitié consumée, mais demeura assis. Que faire d’autre ? On n’était pas en présence d’un danger qu’on pût écarter ; on ne pouvait se défendre avec une arme, ni échapper en se blottissant au fond d’un abri. Eût-on épuisé tous les lacs et les mers, leur eau n’aurait pas suffi pour éteindre l’embrasement de la voûte céleste. Eût-on pu déraciner les montagnes et les dresser comme des étais, elles n’auraient pas été capables de supporter le poids écrasant de cette lourde voûte, du moment qu’elle devait tomber.
Ce qui était surprenant, c’est que Jan fût le seul à remarquer les signes de la catastrophe.
Mais qu’était-ce donc qui s’élevait là-bas au-dessus de la crête boisée en face ? Une multitude de points noirs apparaissaient, se détachant sur le fond clair des nuages de fumée. Ces points se déplaçaient très vite, à peu près comme des abeilles en train d’essaimer.
C’était évidemment des oiseaux qui, chose étrange, s’étaient envolés de leur gîte de nuit. Plus perspicaces que les hommes, ils avaient senti que quelque péril les menaçait.
La nuit n’apportait cette fois aucune fraîcheur, il faisait au contraire de plus en plus chaud. Il fallait bien s’y attendre puisque la voûte ardente s’abaissait de plus en plus. Il semblait à Jan qu’elle allait toucher le sommet de la hauteur de Snipa.
Auteur:
Lagerlöf Selma
Années: 1858 - 1940
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: institutrice écrivain
Continent – Pays: Europe - Suède
Info:
Dans "L'empereur du Portugal"
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apocalyptique
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angoisse
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[
homme-univers
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crépuscule
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