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couchant

Le soleil venait de se coucher, rouge comme braise, et il avait laissé assez de couleurs pour teindre toute la voûte du ciel qui devenait rose pâle, non seulement dans le coin où venait de disparaître le globe incandescent, mais sur toute son étendue. En même temps, l’eau du lac Duvsjoe s’assombrissait et prenait l’aspect d’une glace sans tain sous les montagnes escarpées qui l’encadraient, et sur cet espace noir couraient des traînées de sang vermeil et d’or luisant.
C’était une de ces nuits où la Terre ne semble pas valoir un regard ; seuls, le ciel et l’eau qui reflète le ciel méritent d’être contemplés.
Mais tout en admirant cette splendeur, Jan commença à se demander une chose : se trompait-il ou la voûte céleste ne s’était-elle pas mise à baisser? À ses yeux du moins, elle paraissait s’être rapprochée de la terre.
Oui, certes, il se passait quelque chose d’anormal. Il était certain que la vaste calotte rose pâle du ciel descendait vers la terre. En même temps, la température torride et suffocante augmentait. Déjà, il se sentait atteint par la chaleur qui tombait de la voûte en fusion.
Jan avait souvent entendu parler de la fin du monde, mais il s’était toujours figuré qu’elle se manifesterait par un orage terrible et un tremblement de terre qui jetterait les montagnes dans les mers et ferait déborder l’eau des lacs et, inondant les vallées et les plaines, de manière à faire périr tout être vivant. Il n’avait pas pensé que la fin pourrait se produire parce que le ciel viendrait couvrir et écraser la terre, faisant mourir les gens d’étouffement. Cette forme de mort était pire que toute autre.
Il déposa sa pipe, bien qu’elle ne fut qu’à moitié consumée, mais demeura assis. Que faire d’autre ? On n’était pas en présence d’un danger qu’on pût écarter ; on ne pouvait se défendre avec une arme, ni échapper en se blottissant au fond d’un abri. Eût-on épuisé tous les lacs et les mers, leur eau n’aurait pas suffi pour éteindre l’embrasement de la voûte céleste. Eût-on pu déraciner les montagnes et les dresser comme des étais, elles n’auraient pas été capables de supporter le poids écrasant de cette lourde voûte, du moment qu’elle devait tomber.
Ce qui était surprenant, c’est que Jan fût le seul à remarquer les signes de la catastrophe.
Mais qu’était-ce donc qui s’élevait là-bas au-dessus de la crête boisée en face ? Une multitude de points noirs apparaissaient, se détachant sur le fond clair des nuages de fumée. Ces points se déplaçaient très vite, à peu près comme des abeilles en train d’essaimer.
C’était évidemment des oiseaux qui, chose étrange, s’étaient envolés de leur gîte de nuit. Plus perspicaces que les hommes, ils avaient senti que quelque péril les menaçait.
La nuit n’apportait cette fois aucune fraîcheur, il faisait au contraire de plus en plus chaud. Il fallait bien s’y attendre puisque la voûte ardente s’abaissait de plus en plus. Il semblait à Jan qu’elle allait toucher le sommet de la hauteur de Snipa.

Auteur: Lagerlöf Selma

Info: Dans "L'empereur du Portugal"

[ apocalyptique ] [ angoisse ] [ homme-univers ] [ crépuscule ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

terreur

Quand le rêve commence, le monde est déjà sans dessus dessous et je sais que je suis folle. Les éléments du monde sont encore là, mais leur agencement est épouvantable, du jamais-vu. Des voitures dégoulinantes de peinture circulent en tous sens, des gens surgissent, masques grimaçants, qui en approchant tombent à la renverse ; ce sont des mannequins de paille, des gerbes de fil de fer, des personnages en carton-pâte, et dans ce monde qui n'en est pas un, je continue d'avancer les poings serrés, les bras tendus pour repousser ces objets, ces machines qui me heurtent avant de partir en fumée ; quand la peur m'empêche d'avancer je ferme les yeux, mais les peintures éclatantes, rutilantes, effrénées tâchent mon visage et mes pieds nus, je rouvre les yeux pour m'orienter, trouver l'issue puis je m'envole, car mes doigts et mes orteils sont devenus de légers ballons bleu ciel qui m'emportent vers des hauteurs jamais atteintes, tout empire, ils éclatent et je tombe, tombe et me relève, mes orteils ont noirci et je ne peux plus avancer.

Sire !

Mon père surgit des lourdes traînées de peinture et persifle : continue, continue donc ! Je tiens ma main devant ma bouche, toutes mes dents sont tombées, elles gisent à mes pieds, infranchissable bloc de marbre arrondis.

Moi qui ne peux rien dire, car je dois m'éloigner de mon père et franchir ce mur de marbre, je lance tout de même dans une autre langue : Ne ! Ne ! Et dans toute sorte de langues : No ! No ! Non ! Non ! Niet ! Niet ! No ! Ném ! Ném ! Nein ! Car même dans l'autre langue, je ne peux plus dire que non, je ne trouve pas d'autres mots dans quelque langue que ce soit. Une carcasse roulante m'arrive dessus, peut-être la grande roue dont les nacelles déversent des excréments, et je dis :Ne ! Ném ! Mais pour que je cesse de crier non, mon père me passe sur les yeux ses doigts courts, durs et solides, même si je suis devenue aveugle, il me faut continuer ma route. C'est insupportable. Je souris donc car mon père tente d'attraper ma langue et de me l'arracher pour que personne ici ne m'entende dire non, or personne ne m'entend, mais avant qu'il ne m'arrache la langue, l'atroce se produit, une immense tache bleue m'entre dans la bouche pour m'empêcher de produire le moindre son. Mon bleu, mon merveilleux bleu où les paons se promènent, et mon bleu des lointains, mon hasard bleu à l'horizon ! Le bleu s'enfonce encore plus en moi, dans ma gorge mon père l'aide à avancer, il m'arrache le cœur et les entrailles mais je peux encore marcher, j'atteins les premières neiges à demi fondues avant d'en venir aux neiges éternelles, et en moi résonnent ces mots : n'y a t-il donc personne, n'y a-t-il plus personne dans le monde entier ? N'y a-t-il plus personne parmi ses frères, l'homme ne veut-il donc plus rien parmi ses frères ? Ce qui reste de moi se fige dans la glace, n'est qu'un amas et je lève les yeux vers le monde chaleureux ou vivent les autres où vivent les autres, et le grand Siegfried m'appelle, d'abord tout bas puis à voix haute, j'entends avec impatience sa voix : que cherches-tu ? Quelle sorte de livres cherches-tu ? Je suis sans voix. Que veut le grand Siegfried ? D'en haut, il crie de plus en plus distinctement : quel genre de livre sera le tien ?

Soudain, à l'extrémité du pôle sans retour, je parviens à crier : un livre sur l'enfer. Un livre sur l'enfer !

La glace se casse, je m'enfonce sous le pôle, à l'intérieur de la terre. Je suis en enfer. Les minces flammes jaunes se tordent, j'ai des boucles de feu jusqu'aux pieds, je crache du feu, j'avale du feu

Délivrez-moi ! Délivrez-moi de cette heure ! J'ai ma voix d'écolière, mais je pense avec une grande lucidité, en toute conscience, à la gravité de la situation, et me laisse tomber sur le sol fumant, toute à mes pensées, couchée sur le sol je me dis que je dois encore appeler à pleine voix les gens qui pourraient me sauver. J'appellerai ma mère, ma sœur Eléonore en respectant bien l'ordre, donc d'abord ma mère en lui donnant le petit nom affectueux de mon enfance, puis ma sœur, puis... (à mon réveil je m'aperçois subitement que je n'ai pas appelé mon père). Je rassemble mes forces, moi qui suis passée de la glace au feu où je péris, le crâne en fusion, sachant que mon appel doit se faire dans l'ordre hiérarchique, car la succession est le contre-charme.

C'est la fin du monde, une chute catastrophique dans le néant, le monde où je suis folle s'est terminé, je porte la main à ma tête, comme bien souvent, et prends peur : sur mon crâne rasé il y a de petites plaques de métal ? Étonnée je regarde autour de moi où sont assis quelques médecins en blouse blanche, l'air aimable. D'un commun accord, ils affirment que je suis sauvée, qu'on peut même m'enlever mes petites plaques et que mes cheveux repousseront. Ils m'ont fait un électrochoc. Je demande, vu que mon père ne paye pas : dois-je payer tout de suite ? Ces messieurs restent aimables, cela peut attendre. L'essentiel est que vous soyez sauvée. Je retombe, me réveille une seconde fois, moi qui n'étais jamais retombée du lit ; il n'y a pas de médecins, mes cheveux ont repoussé, Malina me relève et me remet au lit.

Auteur: Bachmann Ingeborg

Info: Malina (1971, 288 p.)

[ chaos ] [ onirisme ] [ peur panique ] [ irréalité perturbante ] [ cauchemar ]

 

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