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simplicité

Renoncer au savoir supprime nos tracas.
Par exemple, entre accords secrets et corruption la nuance est si infime qu’on se demande comment faire pour les distinguer ?
De même, entre Bien et Mal qui sait mesurer la distance ?
Ce qui angoisse les hommes, y a-t-il moyen de s’en débarrasser ?
Tandis que les foules en liesse font bonne chère et se distraient des histoires du monde, moi, solitaire et détaché, je n’y vois qu’ennuis et platitudes.
Indifférent, pareil à un nouveau-né qui n’a pas encore souri, j’observe le monde sans avoir d’opinion.
Les foules humaines ont plus qu’il ne leur en faut, moi, démuni, je ne m’intéresse qu’au vide.
Des hommes vulgaires brillent de mille feux et prétendent tout contrôler, moi, fluctuant comme la mer, j’écoute le vent qui souffle et je m’enivre d’Obscur.
Chacun a des projets, moi, tel un idiot, je m’amuse d’un rien.
De tous je diffère, parce que je ne me nourris que du vide parfait, comme un enfant du sein maternel.

Auteur: Lao Tseu Lao Tzi

Info: Dans "Tao te King" traduit par Guy Massat et Arthur Rivas, poème 20, page 61

[ ignorance-connaissance ] [ maya ] [ imbécile heureux ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

humour

- Maintenant que nous sommes en tête à tête, dit la reine en adressant des sourires de droite à gauche à l'imposante assemblée, je vais pouvoir vous poser des questions qui me tracassent au sujet de Jean Genet.
- Ah… Oui, dit le président.
La Marseillaise puis l'hymne britannique suspendirent durant quelques instants le déroulement des opérations, mais lorsqu'ils eurent rejoints leurs sièges, Sa Majesté se tourna vers le président et reprit :
- Il était homosexuel et il a fait de la prison, mais était-ce un mauvais garçon ? Ne pensez-vous pas qu'il avait un bon fond, au contraire ? ajouta-t-elle en soulevant sa cuillère.
N'ayant pas été briefé au sujet du dramaturge chauve, le président chercha désespérément des yeux sa ministre de la Culture, mais celle-ci était en grande conversation avec l'archevêque de Canterbury.
- Jean Genet, répéta la reine pour lui venir en aide. Vous le connaissez ?
- Bien sûr, répondit le président.
- Il m'intéresse, dit la Reine.
- Vraiment ?
Le président reposa sa cuillère. La soirée promettait d'être longue.

Auteur: Bennett Alan

Info: La Reine des lectrices

[ discussion culturelle ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

dernières paroles

Mes chers parents, mes chers amis,

C'est la fin ! On vient nous chercher pour la fusillade.
Tant pis... Mourir en pleine victoire*, c'est un peu vexant, mais qu'importe ! Le rêve des hommes fait événement...
Nano, souviens-toi de ton frangin. Jusqu'au bout il a été propre et courageux et, devant la mort même, je ne tremble pas.
Adieu petite maman chérie. Pardonne-moi tous les tracas que je t'ai faits. J'ai lutté pour une vie meilleure; peut-être un jour que tu me comprendras !
Adieu mon vieux papa. Je te remercie d'avoir été chic avec moi. Garde un bon souvenir de ton fils.
Toto, Tototte, adieu, je vous aimais comme mes autres parents. Nano sois un bon fils, tu es le seul fils qui leur reste, ne fais pas d'imprudence.
Adieu tous ceux que j'ai aimés, tous ceux qui m'aimaient, ceux de Nantua et les autres.
La vie sera belle. Nous partons en chantant. Courage ! Ce n'est pas si terrible après six mois de prison.
Mes derniers baisers à vous tous. Votre Pierrot.

Auteur: Benoît Pierre

Info: * Allusion à la capitulation allemande à Stalingrad

[ exécution ]

 

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faire l'impasse

Cette nuit-là, alors que nous étions couchés ensemble, je n'arrivais pas à extirper l'expérience de Delft de ma tête.

" Penses-tu qu'il existe d'autres versions de nous-mêmes ? demandai-je à Francine.

- Je suppose qu'il doit bien y en avoir. " Elle admettait cela comme s'il s'agissait de quelque chose d'abstrait et de métaphysique, dont la simple évocation relevait du pinaillage. Les gens qui déclaraient croire en la théorie des mondes multiples ne semblaient jamais vouloir vraiment prendre la chose au sérieux et encore moins à titre personnel.

" Et ça ne te dérange pas ?

- Non, dit-elle allégrement. Comme je n'ai aucun moyen de changer la situation, ça servirait à quoi d'en être troublée ?

- C'est très pragmatique ", dis-je. Francine tendit le bras et me donna une tape sur l'épaule. " C'était un compliment! protestai-je. Je t'envie d'avoir réussi à accepter ça si facilement.

- Ça n'est pas le cas, crois-moi, admit-elle. J'ai simplement décidé de ne pas me tracasser avec ça, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. "

Auteur: Egan Greg

Info: Océanique

[ question insoluble ] [ écarter l'idée ]

 

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élitiste

L'homme intelligent aspirera avant tout à fuir toute douleur, toute tracasserie et à trouver le repos et les loisirs; il recherchera donc une vie tranquille, modeste, abritée autant que possible contre les importuns; après avoir entretenu pendant quelque temps des relations avec ce que l'on appelle les hommes, il préférera une existence retirée, et , si c'est un esprit tout à fait supérieur, il choisira la solitude. Car plus un homme possède en lui-même, moins il a besoin du monde extérieur et moins les autres peuvent lui être utiles. Aussi la supériorité de l'intelligence conduit-elle à l'insociabilité. Ah! si la qualité de la société pouvait être remplacée par la quantité, cela vaudrait alors la peine de vivre même dans le grand monde: mais, hélas! cent fous mis en un tas ne font pas encore un homme raisonnable. - L'individu placé à l'extrême opposé, dès que le besoin lui donne le temps de reprendre haleine, cherchera à tout prix des passe-temps et de la société; il s'accommodera de tout, ne fuyant rien tant que lui-même. C'est dans la solitude, là où chacun est réduit à ses propres ressources, que se montre ce qu'il a par lui-même; là, l'imbécile, sous la pourpre, soupire écrasé par le fardeau éternel de sa misérable individualité, pendant que l'homme hautement doué, peuple et anime des ses pensées la contrée la plus déserte. Sénèque (Ep. 9) a dit avec raison : " La sottise se déplaît à elle-même " ; de même Jésus, fils de Sirach " La vie du fou est pire que la mort." Aussi voit-on en somme que tout individu est d'autant plus sociable qu'il est plus pauvre d'esprit et, en général, plus vulgaire. Car dans le monde on n'a guère le choix qu'entre l'isolement et la communauté.

Auteur: Schopenhauer Arthur

Info: Aphorismes sur la sagesse de la vie

[ misanthrope ] [ isolement ] [ égoïsme ]

 

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lecture

Dès que j’avais un livre, mon premier soin était de m’enfermer avec dans ma chambre d’hôtel comme pour une séance d’initiation, et je ne décrochais pas avant d’en avoir terminé, qu’il eût deux cents ou mille pages. Lire les paroles qu’un homme, dont on ne connaît généralement ni le visage ni la vie, a écrites tout spécialement à votre intention sans oser espérer que vous les liriez un jour, vous qui êtes si loin, si loin sur d’autres continents, d’une autre langue. Peut-être habite-t-il une grande maison de campagne au bord du Tibre ou un quarante-septième étage dans New York illuminé, peut-être est-il en train de pêcher l’écrevisse, de piler la glace pour le whisky de cinq heures, de caresser sa femme sur le divan, de jouer avec ses enfants ou de se réveiller d’une sieste en songeant à tout ce qu’il voulait mettre de vérité dans ses livres, sincèrement persuadé de n’avoir pas réussi bien que tout y soit quand même, presque malgré lui. Il a écrit pour vous. Pour vous tous. Parce qu’il est venu au monde avec ce besoin de vider son sac qui le reprend périodiquement. Parce qu’il a vécu ce que nous vivons tous, qu’il a fait dans ses langes et bu au sein, il y a de cela trente ou cinquante ans, a épousé et trompé sa femme, a eu son compte d’emmerdements, a peiné et rigolé de bons coups dans sa vie, parce qu’il a eu faim de corps jeunes et de plats savoureux, et aussi de Dieu de temps à autre et qu’il n’a pas su concilier le tout de manière à être en règle avec lui-même. Il s’est mis à sa machine à écrire le jour où il était malheureux comme les pierres à cause d’un incident ridicule ou d’une vraie tragédie qu’il ne révèlera jamais sous son aspect authentique parce que cela lui est impossible. Mais il ne tient qu’à vous de reconstituer le drame à la lumière de votre propre expérience et tant pis si vous vous trompez du tout au tout sur cet homme qui n’est peut-être qu’un joyeux luron mythomane ou un saligaud de la pire espèce toujours prêt à baiser en douce la femme de son voisin. Qu’il ait pu écrire les deux cents pages que vous avez sous les yeux doit vous suffire. Qu’il soit l’auteur d’une seule petite phrase du genre : "A quoi vous tracasser pour si peu, allez donc faire un somme en attendant", le désigne déjà à nous comme un miracle vivant. Même si vous deviez oublier cette phrase aussitôt lue et n’y repenser que le jour où tout va de travers, à commencer par le réchaud à gaz ou la matrice de votre femme. Et si par hasard vous avez la prétention de devenir écrivain à votre tour, ce que je ne vous souhaite pas, lisez attentivement et sans relâche. Le Littré, les articles de dernière heure, les insertions nécrologiques, le bulletin des menstrues de Queen Lisbeth, lisez, lisez, lisez tout ce qui passe à votre portée. A moins que, comme ce fut souvent mon cas, vous n’ayez même pas de quoi vous achetez le journal du matin. Alors descendez dans le métro, asseyez-vous au chaud sur un banc poisseux --- et lisez ! Lisez les avis, les affiches, lisez les pancartes émaillées ou les papiers froissés dans la corbeille, lisez par-dessus l’épaule du voisin, mais lisez !...

Auteur: Calaferte Louis

Info: Le septentrion, N’OUBLIEZ PAS DE LIRE

[ injonction ] [ drogue ] [ refuge ]

 

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adaptation

- Capitaine, le matelot est inquiet très agité par la quarantaine qu'ils nous ont imposée au port. Vous pouvez lui parler ?

- Qu’est-ce qui vous tracasse ? Vous n'avez pas assez de nourriture ? Ne dormez pas assez ?

- Ce n'est pas ça, capitaine, je ne supporte pas de ne pas pouvoir descendre au sol, de ne pas pouvoir embrasser mes proches.

- Et s'ils vous faisaient descendre et que vous étiez contagieux, vous supporteriez la faute d'infecter quelqu'un qui ne peut pas supporter la maladie ?

- Je ne me le pardonnerais jamais, même s'ils ont inventé cette peste !

- Peut-être, mais si ce n'est pas le cas ?

- J'ai compris ce que vous voulez dire, mais je me sens privé de la liberté, capitaine, ils m' ont privé de quelque chose.

- Et de quoi avez-vous été privé ?

- J’aurais dû attendre plus de vingt jours sur le bateau. Ça fait des mois que j'attends d’entrer au port et de profiter d'un peu de printemps au sol. Il y a eu une épidémie. Port April nous a interdit de descendre.

- Les premiers jours ont été durs. Je me sentais comme vous. Puis j'ai commencé à répondre à ces impositions en n'utilisant pas la logique. Je savais qu'après quelques jours de comportement, on crée une habitude, et au lieu de me plaindre et d'en créer des terribles, j'ai commencé à agir différemment des autres.
J’ai commencé avec la nourriture. Je me suis mis à manger la moitié de ce que je mangeais normalement, puis j'ai commencé à sélectionner des aliments plus facilement digérables qui ne surchargent pas mon corps.
L’étape suivante fut de combiner à cela une épuration de pensées malsaines, d'en avoir de plus en plus élevées et nobles. Je me suis mis à lire au moins une page par jour d'un livre sur un sujet que je ne connaissais pas.
J’ai décidé de faire des exercices physiques sur le pont à l'aube. Un vieil Indien m'a dit, des années plus tôt, que le corps se renforçait en retenant sa respiration. J’ai décidé de faire de profondes respirations chaque matin. Je pense que mes poumons n'ont jamais atteint une telle force.
Le soir, c'était l'heure des prières, l'heure de remercier.
Toujours l'Indien m'a conseillé, des années plus tôt, de prendre l'habitude d'imaginer de la lumière entrer à l'intérieur et de me rendre plus fort.
Au lieu de penser à tout ce que je ne pouvais pas faire, j'ai pensé à ce que je ferais une fois descendu. Je voyais les scènes tous les jours, je les vivais intensément et je profitais de l'attente. Tout ce que vous pouvez avoir tout de suite n'est jamais intéressant.
L’attente sert à sublimer le désir, à le rendre plus puissant.
Je me suis privé d'aliments succulents, beaucoup de bouteilles de rhum, de jurons et de jurons à énumérer devant le reste de l'équipage. Je m'étais privé de jouer aux cartes, de dormir beaucoup, de me faire plaisir, de ne penser qu'à ce qu'ils me privaient .

- Comment ça s'est terminé, capitaine ?

- J’ai pris toutes ces nouvelles habitudes, mon garçon. Ils m'ont fait descendre après bien plus de temps que prévu.

- Ils vous ont aussi privé du printemps ?

- Oui, cette année-là, ils m' ont privé du printemps, et de bien d' autres choses, mais j'étais fleuri quand même, j'avais apporté le printemps à l'intérieur, et personne ne pouvait plus me le voler.

Auteur: Frezza Alessandro

Info: Faussement attribué à CG Jung

[ épidémie ] [ pandémie ] [ enseignement ] [ indépendance ] [ Dharma ] [ éveil ]

 
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humour

Toujours est-il que la chose m’est apparue d’importance et propre à me hausser d’un cran dans votre estime : vous concevrez que nul travail, cette récompense en vue, n’eût paru d’intérêt suffisant pour retarder la mise en graphie de cette méditation.

Le problème est cette fois, monsieur, celui de la couille. (J’aurais pu dire celui de la coquille, mais je cède au goût du sensationnel, vous voyez, c’est un faible bien inoffensif.) De fait, il s’agit d’un problème de conchyliorchidologie (ou d’orchido-conchyliologie, qui me paraît, si plus orthodoxe, moins expéditif ; donc, je garde le premier).

AXIOME  :  Retirez le Q de la coquille : vous avez la couille, et ceci constitue précisément une coquille.

Je laisse à cet axiome, monsieur, le soin de perforer lui-même, de son bec rotatif à insertions de patacarbure de wolfram, les épaisses membranes dont s’entoure, par mesure de prudence, votre entendement toujours actif. Et je vous assène, le souffle repris, ce corollaire fascinant :

Et ceci est vrai, que la coquille initiale soit une coquille de coquillage ou une coquille d’imprimerie, bien que la coquille obtenue en fin de réaction soit toujours (à moins de marée extrêmement violente) une coquille d’imprimerie en même temps qu’une couille imprimée.

Vous entrevoyez d’un coup, je suppose, les conséquences à peine croyables de cette découverte. La guerre est bien loin.

Partons d’une coquille de coquillage, acarde ou ampullacée, bitestacée ou bivalve, bullée, caniculée ou cataphractée, chambrée, cloisonnée, cucullée… mais je ne vois pas l’intérêt de recopier dans son entier le dictionnaire analogique de Boissière. Bref, partons d’une coquille. La suppression du Q entraîne presque immédiatement la mutation du minéral inerte en un organe vivant et générateur. Et dans le cas d’une coquille initiale d’imprimeur, le résultat est encore plus spectaculaire, car la coquille en question est essence et abstraction, concept, être de raison, noumène. Le Q ôté permet le passage de l’essence à l’existence non seulement existante mais excitable et susceptible de prolongements.

J’aime à croire que parvenu à ce point, vous allez poser votre beau front dans votre main pour imiter l’homme de Rodin – vous conviendrez en passant de la nécessité d’une adéquation des positions aux fonctions, et que vous n’auriez pas l’idée de déféquer à plat ventre sauf caprice. Et vous vous demanderez, monsieur, d’abord, quel est le phénomène qui se produit. Y a-t-il transfert ? Disparition ? Mise en minorité ? ou effacement derrière une partie plus importante, que le trout ? Qui sait ? Qui ? Mais moi, naturellement sans quoi je ne vous écrirais pas. Je ne suis pas de ces brutes malavisées qui soulèvent les problèmes et les laissent retomber sauvagement sur la gueule de leur prochain.

Tiens, pourtant, si, en voilà un autre qui me tracasse, et je vous le dis en passant, car le genre épistolaire permet plus de caprice et de primesaut que le genre oratoire ou dissertatif, lequel je ne me sens pas qualifié pour oser aborder ce jour. L’expression : mettre la dernière main n’implique-t-elle pas, selon vous, que l’une des deux mains – et laquelle – fut créée avant l’autre par le père Ubu ? La dernière main est souvent la droite ; mais d’aucuns sont-ils pas gauchers ? Ainsi, de la dextre ou de la senestre, laquelle est la plus âgée ? Gageons que ce problème va tenter madame de Valsenestre à qui, en passant, vous voudrez bien présenter mes hommages. Et revenons à nos roustons.

Eh bien, monsieur, pour résoudre le mystère de l’absence du Q, nous disposons d’un moyen fécond et qui permet généralement de noyer sans douleur la poiscaille en remplaçant un mystère que l’on ne pénètre point par un mystère plus mou, c’est-à-dire non mystérieux et par conséquent inoffensif. C’est la "comparaison", méthode pataphysique s’il en fût. A cet agent d’exécution puissant, nous donnerons l’outil qui lui manque, c’est-à-dire le terme de.

Le jargon russe en l’espèce, qui sera notre étalon.

Vous le savez, monsieur, et si vous ne le savez pas, vous n’aurez jamais la sottise de le dire en public, il fut procédé en Russie, n’y a pas si longtemps que nos auteurs ne puissent s’en souvenir, à une réforme dite alphabétique, bien qu’en russe, cela ne se prononce point si facilement. Je vous le concède, cette réforme est à l’origine de la mort de Lénine, de la canonisation de sainte Bernadette et de quelques modifications structurales spécifiquement slaves apportées à un Etat de structure d’ailleurs imprécise ; nous passerons sur les épiphénomènes mineurs pour n’en conserver que le plus important. La réforme en question supprimait trois des 36 lettres alors en usage là-bas : le ? ou ’fita, le ? ou ’izitsa et le ? ou is’kratkoï.. [...]

Mais d’ores et déjà, vous voyez comment on peut supprimer le Q : il suffit d’un décret.

La question est de savoir ce que l’on a fait des lettres supprimées. Ne parlons même pas de celles à qui l’on en a substitué d’autres. Le problème est singulièrement précis : Où a-t-on mis les is’kratkoï ?

Vous vous doutez déjà de la suite. Et vous voyez l’origine de certaines rumeurs se découvrir à vos yeux émerveillés d’enfant sage.

D’ailleurs, monsieur, peu importe. Peu importe que l’on ait, par le passé, mésusé des lettres ainsi frappées d’interdit. Sans vouloir faire planer le soupçon sur qui que ce soit, je sais bien où l’on risquerait d’en dénicher quelques muids.

L’expression "lettre morte" n’est pas née de l’écume de la mer du même nom, vous le savez, monsieur. Les vérités les plus désagréables finissent par transpirer, comme l’eau orange d’un chorizo pendu par les pieds ou la sueur délicate d’un fragment d’Emmenthal qui tourne au translucide. Et les cimetières de lettres sont monnaie courante (sans que l’on ait jamais songé à chronométrer cette dernière, ce qui paraît inexcusable en un siècle sportif et ne permet point d’en préciser la vitesse). Nous n’avons pas accoutumé, me direz-vous, de remettre en cause le passé : je sais, et vous savez, que tout y est à refaire. Mais à bien y regarder, on est forcé de constater que c’est sans aucune originalité qu’a été résolu, de notre vivant ou presque, cet ardu problème de l’élimination en masse. Et cela continue.

Avant que la merdecine ait eu l’idée de s’adjoindre des fi ! syciens et des chie-mistes (ou cague-brouillard, comme disent les Anglois), la peste apportait une ingénieuse solution. Et les destructions provoquées parmi la gent corbote et ratière par la chasse, vu l’absence de grenades et de rusées à tête chercheuse, n’étaient point telles que ces bestioles ne fussent à même de procéder hygiéniquement à l’enlèvement des charognes. Il restait les os, que l’on suçait et que l’on perçait pour jouer de la quenia, comme Gaston Leroux l’a soigneusement rapporté dans " L’Epouse du soleil ". Bref, le professeur Yersin imagina de foutre une canule au cul des poux, et vainquit la peste. Le cancer fait des progrès, mais il abêtit, et déprive le frappé du contact de ses semblables – ou plutôt de ses différents – si utile pourtant. Sur quoi l’Allemagne redécouvre le camp de concentration déjà utilisé avant et ailleurs (le premier qui l’a inventé, levez le doigt). Le principe était bon : c’est celui du couvent. Mais si l’on sait où ça mène, l’on se refuse à voir où cela pourrait mener.

Vous avez déjà compris qu’en ce moment, loin de m’égarer, j’arrive à la proposition ferme, concrète et positive. Vous avez vu que, loin de lamenter le révolu, je suggère simplement que l’on améliore. Vous sentez, avec votre grand nez, que si le sort des prisonniers d’autrefois m’indiffère, c’est que la " pataphysique va toujours de l’avant puisqu’elle est immobile dans le temps et que le temps, lui, est rétrograde par définition, puisque l’on nomme “ direct ” celui des aiguilles d’une montre. Et vous voyez que je suis en train de poser les bases du camp de concentration pataphysique, qui est celui de l’avenir.

Grosso modo, une Thélème. Mais une Thélème obligatoire. Une Thélème où tout serait libre, sauf la liberté. Il s’agit bien en l’espèce de cette exception exceptionnelle à laquelle se réfère Le Livre. Un lieu où l’on serait contraint de ne pas s’éloigner du bonheur. Outre que le rendement des divers travaux que l’on pourrait ainsi faire exécuter librement aux détenus serait excellent – mais sachez que cette considération économique n’a pas un instant pesé sur notre choix plus ni moins que son contraire – le camp de concentration paradisiaque satisferait la tendance religieuse profonde qui sommeille au cœur de tout un tas d’individus non satisfaits de leur vie terrestre – et vous concevez qu’un prisonnier a des raisons de ne pas l’être. Il s’y pourrait, naturellement, faire du vélocipède. Vous pensez bien. Je ne développe pas les mille avantages du projet : je me borne à vous dire que, me désintéressant totalement du sort des is’kratkoï, je propose, par la présente, à votre excellence d’accumuler les Q des coquilles dans les camps ainsi com-binés qui prendraient par exemple le nom de camps de cul-centration, et de récupérer outre les coquilles résultantes et régénérées, les bûmes créées de la sorte à partir de rien, ce qui est quelque chose.

Vous ne serez pas sans remarquer que la réaction qui s’établit est assez analogue à celle qui se produirait, selon eux, dans ces breeders autotrophes où se fabrique une espèce de plutonium. Vous prenez la coquille, lui retirez le Q que vous enfermez en liberté, vous obtenez la couille et une nouvelle coquille, et ainsi de suite jusqu’à neuf heures vingt, où un ange passe. Je passe à mon tour sur l’émission de rayons bêta concomitante, d’une part parce qu’elle n’a pas lieu, d’autre part parce que cela ne regarde personne. Que le Q fût en fin de compte bien traité m’importait avant tout, du point de vue moral et parce qu’il est séant de ne point porter atteinte, sauf si l’on se nomme le P. U., à l’intégrité de quelque être que ce soit, (excepté le militaire) vu qu’il peut pêcher à la ligne, boire de l’alcool et s’abonner au Chasseur français, ou les trois. Du moins, c’est une des choses que l’on peut dire, et comme elle diffère de tout ce que l’on pourrait dire d’autre, il me semble qu’elle a sa place ici.

Piste-scrotum 1. Cette lettre vous est personnellement destinée. Néanmoins, au cas où elle n’intéresserait aucun autre membre du Collège, il me paraîtrait urgent de la diffuser. Si vous en décidiez ainsi, il me serait à honneur que vous la fissiez coiffer d’un chapeau à la gloire de Stanislas Leczinski, roi polonais, inventeur de la lanterne sourde à éclairer pendant les tintamarres et autres espèces de révolutions, et dont je ne me sens pas force d’entreprendre la rédaction que j’estime trop au-dessus de mes indignes moyens.

Piste-scrotum 2. En passant, vous constaterez que le principe de la conservation de ce que vous voudrez en prend un vieux coup dans les tabourets.

Auteur: Vian Boris

Info: Lettre au Provéditeur-éditeur sur un problème quapital et quelques autres, 26 mars 1955, In les Cahiers du Collège de Pataphysique.

[ lapsus ]

 

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