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littérature

Un soir, après le repas, j'allai encore en hâte au bord du lac drapé de je ne sais plus très bien quelle mélancolie pluvieuse et sombre. Je m'assis sur un banc sous les branches dégagées d'un saule et ainsi, m'abandonnant à des pensées vagues, je voulus m'imaginer que je n'étais nulle part, une philosophie qui me procura un bien-être étrange et délicieux. L'image de la tristesse sur le lac, sous la pluie, était magnifique. Dans son eau chaude et grise tombait une pluie minutieuse et pour ainsi dire prudente. Mon vieux père avec ses cheveux blancs m'apparut en pensées, ce qui fit de moi un enfant timide et insignifiant, et le portrait de ma mère se mêla au doux et paisible murmure et à la caresse des vagues. Avec l'étendue du lac qui me regardait comme je le faisais moi-même, je découvris l'enfance qui me considérait elle aussi, comme avec de beaux yeux limpides et bons. Tantôt j'oubliais tout à fait où je me trouvais, tantôt je le savais de nouveau. Quelques promeneurs silencieux allaient et venaient tranquillement sur la rive, deux jeunes ouvrières s'assirent sur le banc voisin et commencèrent à bavarder et là-bas sur l'eau, là-bas sur le lac bien-aimé, où les larmes douces et sereines coulaient paisiblement, des amateurs de navigation voguaient encore dans des bateaux ou des barques, le parapluie ouvert au-dessus de leurs têtes, une image qui me fit rêver que j'étais en Chine ou au Japon ou dans un autre pays de poésie et de rêve. Il pleuvait si gentiment et si tendrement dans l'eau et il faisait si sombre. Toutes les pensées sommeillaient puis toutes les pensées étaient de nouveau en éveil. Un vapeur sortit sur le lac; ses lumières scintillaient à merveille dans l'eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s'il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l'aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s'éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Auteur: Walser Robert

Info: Retour dans la neige, traduit de l'allemand par Golnaz Houchidar, 1999 pp. 94-95

[ crépuscule ] [ onirisme ]

 

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crépuscule

C'était souffrir assurément que d'être réduit à passer la nuit dans la rue, et c'est ce qui m'est arrivé plusieurs fois à Lyon. J'aimais mieux employer quelques sous qui me restaient à payer mon pain que mon gîte, parce qu'après tout je risquais moins de mourir de sommeil que de faim. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que, dans ce cruel état, je n'étais ni inquiet ni triste. Je n'avais pas le moindre souci sur l'avenir, et j'attendais les réponses que devait recevoir mademoiselle du Châtelet, couchant à la belle étoile, et dormant étendu par terre ou sur un banc, aussi tranquillement que sur un lit de roses. Je me souviens même d'avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville, dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l'herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l'air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l'un à l'autre. Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon coeur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi : je m'endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour : mes yeux, en s'ouvrant, virent l'eau, la verdure, un paysage admirable.

Auteur: Rousseau Jean-Jacques

Info: Les Confessions, livre IV.

[ vagabondage ]

 

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déclic

Un type de meurtrier que l'on rencontre assez fréquemment est le suivant : un homme vit tranquille et paisible ; son sort est dur, - il souffre. (C'est un paysan attaché à la glèbe, un serf domestique, un bourgeois ou un soldat.) Il sent tout à coup quelque chose se déchirer en lui : il n'y tient plus et plante son couteau dans la poitrine de son oppresseur ou de son ennemi. Alors sa conduite devient étrange, cet homme outrepasse toute mesure : il a tué son oppresseur, son ennemi : c'est un crime, mais qui s'explique ; il y avait là une cause ; plus tard il n'assassine plus ses ennemis seuls, mais n'importe qui, le premier venu ; il tue pour le plaisir de tuer, pour un mot déplaisant, pour un regard, pour faire un nombre pair ou tout simplement : "Gare ! ôtez-vous de mon chemin !" Il agit comme un homme ivre, dans un délire. Une fois qu'il a franchi la ligne fatale, il est lui-même ébahi de ce que rien de sacré n'existe plus pour lui ; il bondit par-dessus toute légalité, toute puissance, et jouit de la liberté sans bornes, débordante, qu'il s'est créée, il jouit du tremblement de son coeur, de l'effroi qu'il ressent. Il sait du reste qu'un châtiment effroyable l'attend. Ses sensations sont peut-être celles d'un homme qui se penche du haut d'une tour sur l'abîme béant à ses pieds, et qui serait heureux de s'y jeter la tête la première, pour en finir plus vite. Et cela arrive avec les individus les plus paisibles, les plus ordinaires. Il y en a même qui posent dans cette extrémité : plus ils étaient hébétés, ahuris auparavant, plus il leur tarde de parader, d'inspirer de l'effroi. Ce désespéré jouit de l'horreur qu'il cause, il se complaît dans le dégoût qu'il excite. Il fait des folies par désespoir, et le plus souvent il attend une punition prochaine, il est impatient qu'on résolve son sort, parce qu'il lui semble trop lourd de porter à lui tout seul le fardeau de ce désespoir.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Souvenirs de la maison des morts

[ serial killer ] [ tueur en série ]

 

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hypocrisie

Voici Clémence Arlon. Nous avons le même âge, à peu près... Quelle drôle de visite ! En ce moment... Non, ce n'est pas drôle... Elle est venue malgré les alertes, les pannes de métro, les rues barrées... et de si loin !... de Vanves... Clémence vient presque jamais me voir... son mari non plus, Marcel... elle est pas venue seule, son fils l'accompagne, Pierre... Elle est assise, là, devant ma table, son fils reste debout, le dos au mur. Il préfère me regarder de biais. C'est une visite embarrassée... Elle aussi me regarde de biais, assise de quart… ni l’un ni l’autre sont tranquilles, ils ont des pensées… ils ont tous des pensées les gens, les rencontres, les connaissances, ces temps-ci… ça va faire bien trois ou quatre mois qu’ils ont des pensées, que je suis plus regardé par personne vraiment en face… l’effet des événements, voilà. Les êtres se comportent tous en même temps de la même façon… les mêmes tics… Comme les petits canards autour de leur mère, au Daumsenil, au bois de Boulogne, tous en même temps, la tête à droite !... la tête à gauche ! qu’ils soient dix !... douze !... quinze !...pareil ! tous la tête à droite ! à la seconde ! Clémence Arlon me regarde de biais… c’est l’époque… Elle aurait dix… douze… quinze fils… qu’ils biaiseraient de la même façon ! Je suis entendu le notoire vendu traître félon qu’on va assassiner, demain … après demain… dans huit jours… ça les fascine de biais le traître… Il ressemble à sa mère ce Pierre, au physique et au moral aussi, c’est sûr… mais elle était mieux que lui de traits, plus fine, régulière… Je suis Athénien, je suis difficile pour le physique… Au moral mon Dieu je me contente… Eux c’est au moral leur souci, la preuve qu’ils veulent tous me tuer… pas spécialement Clémence ! son fils ! tous !... sous un prétexte, sous un autre, la guerre dans le moment, les Boches, M. de Brinon… les Martyrs du marché noir ! la défense du fort de Montrouge ! Ils ont toujours des prétextes…

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Dans "Féérie pour une autre fois"

[ monologue intérieur ] [ visite de courtoisie ] [ non-dit ] [ bouc émissaire ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclaration d'amour

Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qu faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C'est le tien
C'est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n'a pas changé
Aussi vrai qu'une plante
Aussi tremblante qu'un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l'été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l'écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Lá où tu es
Lá où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t'en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t'avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n'avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n'importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d'un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main.

Auteur: Prévert Jacques

Info: Cet Amour

[ poème ]

 

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révélation tactile

Hier, après midi, ma maîtresse Sœur Marguerite m'a conduite à voir et à toucher la poule qui couve treize oeufs sur la paille, dans une caisse ; je l'ai touchée et j'ai examiné comment elle couve, elle ne s'irritait pas et ne se fâchait pas, elle était tranquille et douce, je l'ai admirée, j'ai vu et touché cinq poussins qui sont sortis de la coque ; ils sont gentils et vifs, ils restent près de leur mère, la mère leur donne à manger les miettes du pain, j'ai vu d'autres œufs que la poule couve, j'ai vu un œuf qui commence à éclore; quand les poussins sont sortis de la coque, ils sont mouillés, la mère les couvre pour les faire sécher. Je ne comprends pas comment les poussins peuvent sortir des oeufs, c'est vraiment un mystère, c'est Dieu qui les a faits, c'est une merveille.
Ordinairement au printemps, les poules, après avoir pondu leurs œufs, elles les couvent pendant vingt et un jours ; quand les poussins sortent des œufs, la mère les conduit à se promener et à leur apprendre à chercher les grains et les vers pour les nourrir.
La mère a grand soin de ses poussins, elle veille sur eux, elle les défend et les protège quand un danger leur arrive. C'est une bonne et vigilante mère pour ses poussins. Quand les poussins deviennent plus grands, alors leur mère les abandonne. Je remercie le bon Dieu de nous avoir donné des poules et des œufs. Qu'il est bon pour nous !
La poule est un oiseau domestique, elle est utile, elle nous donne des œufs, sa chair est un mets délicat. Elle a des ailes courtes, elle vole un peu, elle a une crête sur la tête, son bec est arrondi, ses pattes sont grandes, ont chacune quatre ongles crochus, sa queue est courte et droite. Il y a des poules de différentes couleurs.
La poule se nourrit de grains et de vers qu'elle arrache de la terre, elle a des plumes. Quand on tue les poules, on leur arrache les plumes, qui servent à faire les oreillers, les traversins, les couettes, les coussins.

Auteur: Heurtin Marie

Info: Description de la poule couvant des oeufs, 13 mars 1904

[ handicap ] [ homme-animal ] [ découverte ] [ émerveillement ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

communion des saints

Vous aurez toujours des pauvres parmi vous. Depuis le gouffre de cette Parole, aucun homme n’a jamais pu dire ce que c’est que la Pauvreté.

Les Saints qui l’ont épousée d’amour et qui lui ont fait beaucoup d’enfants assurent qu’elle est infiniment aimable. Ceux qui ne veulent pas de cette compagne meurent quelquefois d’épouvante ou de désespoir sous son baiser, et la multitude passe "de l’utérus au sépulcre" sans savoir ce qu’il faut penser de ce monstre.

Quand on interroge Dieu, il répond que c’est Lui qui est le Pauvre : Ego sum pauper. Quand on ne l’interroge pas, il étale sa magnificence.

La Création paraît être une fleur de la Pauvreté infinie ; et le chef-d’œuvre suprême de Celui qu’on nomme le Tout-Puissant a été de se faire crucifier comme un voleur dans l’Ignominie absolue.

Les Anges se taisent et les Démons tremblants s’arrachent la langue pour ne pas parler. Les seuls idiots de ce dernier siècle ont entrepris d’élucider le mystère. En attendant que l’abîme les engloutisse, la Pauvreté se promène tranquillement avec son masque et son crible.

Comme elles lui conviennent, les paroles de l’Évangile selon saint Jean ! "Elle était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Elle était dans le monde et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue. Elle est venue dans son domaine, et les siens ne l’ont pas reçue."

Les siens ! Oui, sans doute. L’humanité ne lui appartient-elle pas ? Il n’y a pas de bête aussi nue que l’homme et ce devrait être un lieu commun d’affirmer que les riches sont de mauvais pauvres.

Quand le chaos de ce monde en chute aura été débrouillé, quand les étoiles chercheront leur pain et que la fange la plus décriée sera seule admise à refléter la Splendeur ; quand on saura que rien n’était à sa place et que l’espèce raisonnable ne vivait que sur des énigmes et des apparences il se pourrait bien que les tortures d’un malheureux divulgassent la misère d’âme d’un millionnaire qui correspondait spirituellement à ses guenilles, sur le registre mystérieux des répartitions de la Solidarité universelle.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 247-248

[ réversibilité des mérites ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

soirée familiale

J'ai le souvenir de longs moments, au temps de mon enfance où, heureusement, on n'avait qu'une lampe : il n'y avait pas l'électricité à la maison, si bien qu'autour de la lampe il y avait les personnes qui s'occupaient d'une façon active : une raccommodait, une autre dessinait, une troisième faisait une broderie, une autre son devoir ; et celui ou celle qui n'était pas obligé d'être sous la lampe pour travailler se trouvait en dehors du cercle lumineux.



C'était formidable pour moi de vivre en regardant celle qui tricotait ou raccommodait, en regardant gratter le papier et tracer des lignes quand mon frère faisait ses devoirs.



J'ai vécu là des moments de véritable vie tout à fait passive à regarder les autres et ce n'était pas du tout oisif. Je crois que cela enseigne à vivre ; c'est plein de poésie.



Quand je repense au charme de ce rond de la lampe avec les gens autour, chacun occupé, et puis moi la petite fille qui n'avait à faire et qui était contente, là, à passer une heure, ou deux ... j'ai beaucoup appris.



Après, je savais tricoter, coudre, raccommoder, rien qu'en ayant vu. J'avais vu faire les mains, j'observais, je ne faisais rien. Je me rappelle que de temps en temps on me disait : "Mais pourquoi tu ne viens pas près de la lampe ?" Je répondais : "Non, je suis bien comme cela." Alors on me laissait tranquille.



C'était le soir. C'est à ces moments-là que je me suis mise à broder, j'aimais beaucoup broder, j'étais active.



Mais, dans la journée, quand on était sur la plage, on nous houspillait : "Allez les enfants, on n'est pas là pour s'amuser, creusez des trous !" Il fallait creuser des trous, alors que moi j'aimais être assise et regarder la mer. On m'appelait : "Françoise, tu baguenaudes, tu baguenaudes", et je me disais : "On ne peut donc pas vivre ?"



Je vous le dis : laissez-les vivre, et vivre c'est baguenauder, ne rien faire, car on n'est tout de même pas toujours obligé de faire quelque chose.



Cela, c'est la solitude positive. 

Auteur: Dolto Françoise

Info:

[ observatrice ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

chair-esprit

Position de l'esprit au milieu de cette tactique Dans la Voie de la tactique l'esprit doit avoir la même position que dans la vie quotidienne. Dans la vie courante ou au moment d'appliquer la tactique rien ne doit changer. Conservez un esprit vaste, droit, sans trop de tension ni aucun relâchement, évitez qu'il soit unilatéral, maintenez-le au juste milieu, faites-le agir tranquillement de façon que cette agitation ne s'arrête même un seul instant: réfléchissez bien à tout cela. Même si le corps est en position tranquille l'esprit, lui, ne doit pas demeurer tranquille. Même si le corps agit très rapidement, l'esprit, quant à lui, ne doit pas du tout agir rapidement.
L'esprit ne suit pas le corps et le corps ne suit pas l'esprit. Prêtez attention à l'esprit mais ne prêtez pas attention au corps. N'ayez pas l'esprit étroit mais ne débordez pas d'esprit. Même si la surface de l'esprit est faible, le fond de l'esprit doit être fort. Rendez votre esprit indécelable par les autres. Tous ceux qui possèdent un corps petit doivent avoir en esprit tout ce qui se passe dans un corps grand; tous ceux qui possèdent un corps grand doivent avoir en esprit tout ce qui se passe dans un corps petit. Qu'il s'agisse d'un corps grand ou d'un corps petit on doit posséder un esprit droit et il est important de conserver un esprit dégagé de tout sentiment de faiblesse vis-à-vis de soi-même. Il faut maintenir sans tache et large notre esprit, en même temps que maintenir vaste notre sagesse. Il est essentiel de polir assidûment la sagesse et l'esprit. Pourvu que l'on polisse la sagesse, que l'on sache discerner les avantages et inconvénients du monde, que l'on connaisse le bon et le mauvais côté des choses, que l'on pénètre tous les arts ou toutes les Voies, que l'on ne puisse plus être trompé par aucun, alors notre esprit est apte à aborder la sagesse de la tactique. Quant à la sagesse de la tactique (duel ou bataille), elle est très différente des autres. Même au plus fort de la mêlée d'une bataille, il faut rechercher les vérités de la tactique et bien réfléchir afin d'atteindre l'esprit immobile.

Auteur: Musashi Miyamoto

Info: Traité des cinq roues : Gorin-no-sho

 

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dernières paroles

Personnage mythique, le physicien italien de Sicile Ettore Majorana (1906 - 1938 ?) était considéré comme un pur génie par ses pairs. Il trouble le compilateur par la création de dernières paroles "quantiques", très difficilement classables sur le site FLP.

C'est un 26 mars qu'Ettore embarqua dans le paquebot-poste pour Palerme après avoir envoyé deux lettres, dont une à sa famille, où son intention de suicide était clairement énoncée. Mais il débarqua finalement à Palerme et envoya un télégramme et une autre lettre à un dénommé Carelli où il annonçait qu'il revenait à Naples et qu'il renonçait à l'enseignement. Il semble qu'il ait ré embarqué ensuite sur le bateau vers Naples. Depuis Majorana n'a plus jamais donné signe de vie. Toutes les recherches de la police ou de ses proches restèrent sans réponse. Ce qui permit à Pirandello, sicilien lui aussi et auteur favori de Majorana, d'écrire : "Qui peut dire le nombre de ceux qui sont comme moi, mes frères... On laisse son chapeau et sa veste avec une lettre dans sa poche, sur le parapet d'un pont qui enjambe une rivière ; puis, au lieu de se jeter dans l'eau, on s'en va tranquillement en Amérique ou ailleurs." Le mystère prit de l'ampleur lorsqu'on constata qu'Ettore avait vidé son compte en banque et qu'il avait probablement son passeport avec lui. Puis plusieurs témoins affirmèrent l'avoir vu après la date de sa disparition. D'où toutes sortes d'hypothèses...

Une analyse de ses lettres suggère que Majorana a répondu à la question de son propre état de superposition quantique, parvenant à réaliser l'illusion d'être mort et vivant en même temps. Selon le physicien Oleg Zaslavskii, Majorana a voulu refléter ce paradoxe avec les événements de sa propre vie. L'argument porte sur la série de messages que Majorana a envoyés à sa famille et à Carrelli, directeur de l'institut physique à l'Université de Naples. D'abord, Majorana a envoyé une lettre exprimant son intention mettre fin à ses jours, puis il a expédié un télégramme réfutant l'idée qu'il était suicidaire. Enfin, dans sa troisième lettre, il dit espérer que Carrelli a reçu la lettre originale et le télégramme en même temps. Majorana a voulu que deux résultats - son suicide ou sa survie - coexistassent, faisant de lui un "Hamlet quantique".

Auteur: Mg

Info: 7 octobre 2013

[ indéterminisme ]

 

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