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consumérisme

La pornographie c’est ce à quoi ressemble la fin du monde
"Cinquante nuances de Grey", le livre comme le film, est une glorification du sadisme qui domine quasiment tous les aspects de la culture américaine et qui repose au coeur de la pornographie et du capitalisme mondial. Il célèbre la déshumanisation des femmes. Il se fait le champion d’un monde dépourvu de compassion, d’empathie et d’amour. Il érotise le pouvoir hypermasculin à l’origine de l’abus, de la dégradation, de l’humiliation et de la torture des femmes dont les personnalités ont été supprimées, dont le seul désir est de s’avilir au service de la luxure mâle. Le film, tout comme "American Sniper", accepte inconditionnellement un monde prédateur où le faible et le vulnérable sont les objets de l’exploitation tandis que les puissants sont des demi-dieu violents et narcissiques. Il bénit l’enfer capitaliste comme naturel et bon.

"La pornographie", écrit Robert Jensen, "c’est ce à quoi ressemble la fin du monde."

Nous sommes aveuglés par un fantasme auto-destructeur. Un éventail de divertissements et de spectacles, avec les émissions de télé "réalité", les grands évènements sportifs, les médias sociaux, le porno (qui engrange au moins le double de ce que génèrent les films hollywoodiens), les produits de luxe attirants, les drogues, l’alcool et ce Jésus magique, nous offre des issues de secours — échappatoires à la réalité — séduisantes. Nous rêvons d’être riches, puissants et célèbres. Et ceux que l’on doit écraser afin de construire nos pathétiques petits empires sont considérés comme méritants leurs sorts. Que la quasi-totalité d’entre nous n’atteindra jamais ces ambitions est emblématique de notre auto-illusionnement collectif et de l’efficacité de cette culture submergée par manipulations et mensonges.

Le porno cherche à érotiser le sadisme. Dans le porno les femmes sont payées pour répéter les mantras "Je suis une chatte. Je suis une salope. Je suis une pute. Je suis une putain. Baise moi violemment avec ta grosse bite." Elles demandent à être physiquement abusées. Le porno répond au besoin de stéréotypes racistes dégradants. Les hommes noirs sont des bêtes sexuelles puissantes harcelant les femmes blanches. Les femmes noires ont une soif de luxure brute, primitive. Les femmes latinos sont sensuelles et ont le sang chaud. Les femmes asiatiques sont des geishas dociles, sexuellement soumises. Dans le porno, les imperfections humaines n’existent pas. Les poitrines siliconées démesurées, les lèvres pulpeuses gonflées de gel, les corps sculptés par des chirurgiens plastiques, les érections médicalement assistées qui ne cessent jamais et les régions pubiennes rasées — qui correspondent à la pédophilie du porno — transforment les exécutants en morceaux de plastique. L’odeur, la transpiration, l’haleine, les battements du cœur et le toucher sont effacés tout comme la tendresse. Les femmes dans le porno sont des marchandises conditionnées. Elles sont des poupées de plaisir et des marionnettes sexuelles. Elles sont dénuées de leurs véritables émotions. Le porno n’a rien à voir avec le sexe, si on définit le sexe comme un acte mutuel entre deux partenaires, mais relève de la masturbation, une auto-excitation solitaire et privée d’intimité et d’amour. Le culte du moi — qui est l’essence du porno — est au cœur de la culture corporatiste. Le porno, comme le capitalisme mondial, c’est là où les êtres humains sont envoyés pour mourir.

Il y a quelques personnes à gauche qui saisissent l’immense danger de permettre à la pornographie de remplacer l’intimité, le sexe et l’amour. La majorité de la gauche pense que la pornographie relève de la liberté d’expression, comme s’il était inacceptable d’exploiter financièrement et d’abuser physiquement une femme dans une usine en Chine mais que le faire sur un lieu de tournage d’un film porno était acceptable, comme si la torture à Abu Ghraib — où des prisonniers furent humiliés sexuellement et abusés comme s’ils étaient dans un tournage porno — était intolérable, mais tolérable sur des sites de pornographies commerciaux.

Une nouvelle vague de féministes, qui ont trahi l’ouvrage emblématique de radicales comme Andrea Dworkin, soutiennent que le porno est une forme de libération sexuelle et d’autonomisation. Ces "féministes", qui se basent sur Michel Foucault et Judith Butler, sont les produits attardés du néolibéralisme et du postmodernisme. Le féminisme, pour eux, ne relève plus de la libération de la femme opprimée; il se définit par une poignée de femmes qui ont du succès, sont riches et puissantes — où, comme c’est le cas dans "cinquante nuances de grey", capables d’accrocher un homme puissant et riche. C’est une femme qui a écrit le livre "Cinquante nuances", ainsi que le scénario du film. Une femme a réalisé le film. Une femme dirigeante d’un studio a acheté le film. Cette collusion des femmes fait partie de l’internalisation de l’oppression et de la violence sexuelle, qui s’ancre dans le porno. Dworkin l’avait compris. Elle avait écrit que "la nouvelle pornographie est un vaste cimetière où la Gauche est allée mourir. La Gauche ne peut avoir ses prostituées et leurs politiques."

J’ai rencontré Gail Dines, l’une des radicales les plus prééminentes du pays, dans un petit café à Boston mardi. Elle est l’auteur de "Pornland: Comment le porno a détourné notre sexualité" (“Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality”) et est professeure de sociologie et d’études féminines à l’université de Wheelock. Dines, ainsi qu’une poignée d’autres, dont Jensen, dénoncent courageusement une culture aussi dépravée que la Rome de Caligula.

"L’industrie du porno a détourné la sexualité d’une culture toute entière, et dévaste toute une génération de garçons", nous avertit elle. "Et quand vous ravagez une génération de garçons, vous ravagez une génération de filles."

"Quand vous combattez le porno vous combattez le capitalisme mondial", dit-elle. "Les capitaux-risqueurs, les banques, les compagnies de carte de crédit sont tous partie intégrante de cette chaine alimentaire. C’est pourquoi vous ne voyez jamais d’histoires anti-porno. Les médias sont impliqués. Ils sont financièrement mêlés à ces compagnies. Le porno fait partie de tout ceci. Le porno nous dit que nous n’avons plus rien d’humains — limite, intégrité, désir, créativité et authenticité. Les femmes sont réduites à trois orifices et deux mains. Le porno est niché dans la destruction corporatiste de l’intimité et de l’interdépendance, et cela inclut la dépendance à la Terre. Si nous étions une société d’être humains entiers et connectés en véritables communautés, nous ne supporterions pas de regarder du porno. Nous ne supporterions pas de regarder un autre être humain se faire torturer."

"Si vous comptez accumuler la vaste majorité des biens dans une petite poignée de mains, vous devez être sûr d’avoir un bon système idéologique en place qui légitimise la souffrance économique des autres", dit elle. "Et c’est ce que fait le porno. Le porno vous dit que l’inégalité matérielle entre femmes et hommes n’est pas le résultat d’un système économique. Que cela relève de la biologie. Et les femmes, n’étant que des putes et des salopes bonnes au sexe, ne méritent pas l’égalité complète. Le porno c’est le porte-voix idéologique qui légitimise notre système matériel d’inégalités. Le porno est au patriarcat ce que les médias sont au capitalisme."

Pour garder excités les légions de mâles facilement ennuyés, les réalisateurs de porno produisent des vidéos qui sont de plus en plus violentes et avilissantes. "Extreme Associates", qui se spécialise dans les scènes réalistes de viols, ainsi que JM Productions, mettent en avant les souffrances bien réelles endurées par les femmes sur leurs plateaux. JM Productions est un pionnier des vidéos de "baise orale agressive" ou de "baise faciale" comme les séries "étouffements en série", dans lesquelles les femmes s’étouffent et vomissent souvent. Cela s’accompagne de "tournoiements", dans lesquels le mâle enfonce la tête de la femme dans les toilettes puis tire la chasse, après le sexe. La compagnie promet, "toutes les putes subissent le traitement tournoyant. Baise la, puis tire la chasse". Des pénétrations anales répétées et violentes entrainent des prolapsus anaux, une pathologie qui fait s’effondrer les parois internes du rectum de la femme et dépassent de son anus. Cela s’appelle le "rosebudding". Certaines femmes, pénétrées à de multiples reprises par nombre d’hommes lors de tournages pornos, bien souvent après avoir avalé des poignées d’analgésiques, ont besoin de chirurgie reconstructrices anales et vaginales. Les femmes peuvent être affectées par des maladies sexuellement transmissibles et des troubles de stress post-traumatique (TSPT). Et avec la démocratisation du porno — certains participants à des vidéos pornographiques sont traités comme des célébrités dans des émissions comme celles d’Oprah et d’Howard Stern — le comportement promu par le porno, dont le strip-tease, la promiscuité, le sadomasochisme et l’exhibition, deviennent chic. Le porno définit aussi les standards de beauté et de comportements de la femme. Et cela a des conséquences terribles pour les filles.

"On dit aux femmes qu’elles ont deux choix dans notre société", me dit Gail Dines. "Elles sont soit baisables soit invisibles. Être baisable signifie se conformer à la culture du porno, avoir l’air sexy, être soumise et faire ce que veut l’homme. C’est la seule façon d’être visible. Vous ne pouvez pas demander aux filles adolescentes, qui aspirent plus que tout à se faire remarquer, de choisir l’invisibilité."

Rien de tout ça, souligne Dines, n’est un accident. Le porno a émergé de la culture de la marchandise, du besoin de vendre des produits qu’ont les capitalistes corporatistes.

"Dans l’Amérique d’après la seconde guerre mondiale, vous avez l’émergence d’une classe moyenne avec un revenu disponible", explique-t-elle. "Le seul problème c’est que ce groupe est né de parents qui ont connu la dépression et la guerre. Ils ne savaient pas comment dépenser. Ils ne savaient qu’économiser. Ce dont [les capitalistes] avaient besoin pour faire démarrer l’économie c’était de gens prêts à dépenser leur argent pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. Pour les femmes ils ont créé les séries télévisées. Une des raisons pour lesquelles les maisons style-ranch furent développées, c’était parce que [les familles] n’avaient qu’une seule télévision. La télévision était dans le salon et les femmes passaient beaucoup de temps dans la cuisine. Il fallait donc diviser la maison de façon à ce qu’elles puissent regarder la télévision depuis la cuisine. Afin qu’elle puisse être éduquée". [Via la télévision]

"Mais qui apprenait aux hommes à dépenser leur argent?" continue-t-elle. "Ce fut Playboy [Magazine]. Ce fut le génie de Hugh Hefner. Il comprit qu’il ne suffisait pas de marchandiser la sexualité, mais qu’il fallait sexualiser les marchandises. Les promesses de Playboy n’étaient pas les filles où les femmes, c’était que si vous achetez autant, si vous consommez au niveau promu par Playboy, alors vous obtenez la récompense, qui sont les femmes. L’étape cruciale à l’obtention de la récompense était la consommation de marchandises. Il a incorporé le porno, qui sexualisait et marchandisait le corps des femmes, dans le manteau de la classe moyenne. Il lui a donné un vernis de respectabilité."

Le VCR, le DVD, et plus tard, Internet ont permis au porno de s’immiscer au sein des foyers. Les images satinées de Playboy, Penthouse et Hustler devinrent fades, voire pittoresques. L’Amérique, et la majeure partie du reste du monde, se pornifia. Les revenus de l’industrie du mondiale du porno sont estimés à 96 milliards de $, le marché des USA comptant pour environ 13 milliards. Il y a, écrit Dines, "420 millions de pages porno sur internet, 4.2 millions de sites Web porno, et 68 millions de requêtes porno dans les moteurs de recherches chaque jour."

Parallèlement à la croissance de la pornographie, il y a eu explosion des violences liées au sexe, y compris des abus domestiques, des viols et des viols en réunion. Un viol est signalé toutes les 6.2 minutes aux USA, mais le total estimé, qui prend en compte les assauts non-rapportés, est peut-être 5 fois plus élevé, comme le souligne Rebecca Solnit dans son livre "Les hommes m’expliquent des choses".

"Il y a tellement d’hommes qui assassinent leurs partenaires et anciennes partenaires, nous avons bien plus de 1000 homicides de ce type chaque année — ce qui signifie que tous les trois ans le nombre total de morts est la première cause d’homicides relevés par la police, bien que personne ne déclare la guerre contre cette forme particulière de terreur", écrit Solnit.

Pendant ce temps-là, le porno est de plus en plus accessible.

"Avec un téléphone mobile vous pouvez fournir du porno aux hommes qui vivent dans les zones densément peuplées du Brésil et de l’Inde", explique Dines. "Si vous avez un seul ordinateur portable dans la famille, l’homme ne peut pas s’assoir au milieu du salon et se masturber. Avec un téléphone, le porno devient portable. L’enfant moyen regarde son porno sur son téléphone mobile".

L’ancienne industrie du porno, qui engrangeait de l’argent grâce aux films, est morte. Les éléments de la production ne génèrent plus de profits. Les distributeurs de porno engrangent la monnaie. Et un distributeur, MindGeek, une compagnie mondiale d’informatique, domine la distribution du porno. Le porno gratuit est utilisé sur internet comme appât par MindGeek pour attirer les spectateurs vers des sites de pay-per-view (paye pour voir). La plupart des utilisateurs de ces sites sont des adolescents. C’est comme, explique Dines, "distribuer des cigarettes à la sortie du collège. Vous les rendez accrocs."

"Autour des âges de 12 à 15 ans vous développez vos modèles sexuels", explique-t-elle. "Vous attrapez [les garçons] quand ils construisent leurs identités sexuelles. Vous les marquez à vie. Si vous commencez par vous masturber devant du porno cruel et violent, alors vous n’allez pas rechercher intimité et connectivité. Les études montrent que les garçons perdent de l’intérêt pour le sexe avec de véritables femmes. Ils ne peuvent maintenir des érections avec des vraies femmes. Dans le porno il n’y a pas de "faire l’amour". Il s’agit de "faire la haine". Il la méprise. Elle le dégoute et le révolte. Si vous amputez l’amour vous devez utiliser quelque chose pour remplir le trou afin de garder le tout intéressant. Ils remplissent ça par la violence, la dégradation, la cruauté et la haine. Et ça aussi ça finit par être ennuyeux. Il faut sans cesse surenchérir. Les hommes jouissent du porno lorsque les femmes sont soumises. Qui est plus soumis que les enfants? La voie du porno mène inévitablement au porno infantile. Et c’est pourquoi des organisations qui combattent le porno infantile sans combattre le porno adulte font une grave erreur."

L’abus inhérent à la pornographie n’est pas remis en question par la majorité des hommes et des femmes. Regardez les entrées du film "cinquante nuances de grey", qui est sorti la veille de la saint valentin et qui prévoit d’engranger plus de 90 millions de $ sur ce week-end de quatre jours (avec la journée du président de ce lundi).

"La pornographie a socialisé une génération d’hommes au visionnage de tortures sexuelles’, explique Dines. Vous n’êtes pas né avec cette capacité. Vous devez être conditionné pour cela. Tout comme vous conditionnez des soldats afin qu’ils tuent. Si vous voulez être violent envers un groupe, vous devez d’abord le déshumaniser. C’est une vieille méthode. Les juifs deviennent des youpins. Les noirs des nègres. Les femmes des salopes. Et personne ne change les femmes en salope mieux que le porno."

Auteur: Hedges Christopher Lynn

Info: truthdig.com, 15 février 2015

[ vingt-et-unième siècle ]

 

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symphonie des équations

Des " murmurations " de courbe elliptique découvertes grâce à l'IA prennent leur envol

Les mathématiciens s’efforcent d’expliquer pleinement les comportements inhabituels découverts grâce à l’intelligence artificielle.

(photo - sous le bon angle les courbes elliptiques peuvent se rassembler comme les grands essaims d'oiseaux.)

Les courbes elliptiques font partie des objets les plus séduisants des mathématiques modernes. Elle ne semblent pas compliqués, mais  forment une voie express entre les mathématiques que beaucoup de gens apprennent au lycée et les mathématiques de recherche dans leur forme la plus abstruse. Elles étaient au cœur de la célèbre preuve du dernier théorème de Fermat réalisée par Andrew Wiles dans les années 1990. Ce sont des outils clés de la cryptographie moderne. Et en 2000, le Clay Mathematics Institute a désigné une conjecture sur les statistiques des courbes elliptiques comme l'un des sept " problèmes du prix du millénaire ", chacun d'entre eux étant récompensé d'un million de dollars pour sa solution. Cette hypothèse, formulée pour la première fois par Bryan Birch et Peter Swinnerton-Dyer dans les années 1960, n'a toujours pas été prouvée.

Comprendre les courbes elliptiques est une entreprise aux enjeux élevés qui est au cœur des mathématiques. Ainsi, en 2022, lorsqu’une collaboration transatlantique a utilisé des techniques statistiques et l’intelligence artificielle pour découvrir des modèles complètement inattendus dans les courbes elliptiques, cela a été une contribution bienvenue, bien qu’inattendue. "Ce n'était qu'une question de temps avant que l'apprentissage automatique arrive à notre porte avec quelque chose d'intéressant", a déclaré Peter Sarnak , mathématicien à l'Institute for Advanced Study et à l'Université de Princeton. Au départ, personne ne pouvait expliquer pourquoi les modèles nouvellement découverts existaient. Depuis lors, dans une série d’articles récents, les mathématiciens ont commencé à élucider les raisons derrière ces modèles, surnommés " murmures " en raison de leur ressemblance avec les formes fluides des étourneaux en troupeaux, et ont commencé à prouver qu’ils ne doivent pas se produire uniquement dans des cas particuliers. exemples examinés en 2022, mais dans les courbes elliptiques plus généralement.

L'importance d'être elliptique

Pour comprendre ces modèles, il faut jeter les bases de ce que sont les courbes elliptiques et de la façon dont les mathématiciens les catégorisent.

Une courbe elliptique relie le carré d'une variable, communément écrite comme y , à la troisième puissance d'une autre, communément écrite comme x : 2  =  3  + Ax + B , pour une paire de nombres A et B , tant que A et B remplissent quelques conditions simples. Cette équation définit une courbe qui peut être représentée graphiquement sur le plan, comme indiqué ci-dessous. (Photo : malgré la similitude des noms, une ellipse n'est pas une courbe elliptique.)

Introduction

Bien qu’elles semblent simples, les courbes elliptiques s’avèrent être des outils incroyablement puissants pour les théoriciens des nombres – les mathématiciens qui recherchent des modèles dans les nombres entiers. Au lieu de laisser les variables x et y s'étendre sur tous les nombres, les mathématiciens aiment les limiter à différents systèmes numériques, ce qu'ils appellent définir une courbe " sur " un système numérique donné. Les courbes elliptiques limitées aux nombres rationnels – nombres qui peuvent être écrits sous forme de fractions – sont particulièrement utiles. "Les courbes elliptiques sur les nombres réels ou complexes sont assez ennuyeuses", a déclaré Sarnak. "Seuls les nombres rationnels sont profonds."

Voici une façon qui est vraie. Si vous tracez une ligne droite entre deux points rationnels sur une courbe elliptique, l’endroit où cette ligne coupe à nouveau la courbe sera également rationnel. Vous pouvez utiliser ce fait pour définir " addition " dans une courbe elliptique, comme indiqué ci-dessous. 

(Photo -  Tracez une ligne entre P et Q . Cette ligne coupera la courbe en un troisième point, R . (Les mathématiciens ont une astuce spéciale pour gérer le cas où la ligne ne coupe pas la courbe en ajoutant un " point à l'infini ".) La réflexion de R sur l' axe des x est votre somme P + Q . Avec cette opération d'addition, toutes les solutions de la courbe forment un objet mathématique appelé groupe.)

Les mathématiciens l'utilisent pour définir le " rang " d'une courbe. Le rang d'une courbe est lié au nombre de solutions rationnelles dont elle dispose. Les courbes de rang 0 ont un nombre fini de solutions. Les courbes de rang supérieur ont un nombre infini de solutions dont la relation les unes avec les autres à l'aide de l'opération d'addition est décrite par le rang.

Les classements (rankings) ne sont pas bien compris ; les mathématiciens n'ont pas toujours le moyen de les calculer et ne savent pas quelle taille ils peuvent atteindre. (Le plus grand rang exact connu pour une courbe spécifique est 20.) Des courbes d'apparence similaire peuvent avoir des rangs complètement différents.

Les courbes elliptiques ont aussi beaucoup à voir avec les nombres premiers, qui ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes. En particulier, les mathématiciens examinent les courbes sur des corps finis – des systèmes d’arithmétique cyclique définis pour chaque nombre premier. Un corps fini est comme une horloge dont le nombre d'heures est égal au nombre premier : si vous continuez à compter vers le haut, les nombres recommencent. Dans le corps fini de 7, par exemple, 5 plus 2 est égal à zéro et 5 plus 3 est égal à 1.

(Photo : Les motifs formés par des milliers de courbes elliptiques présentent une similitude frappante avec les murmures des étourneaux.)

Une courbe elliptique est associée à une séquence de nombres, appelée a p , qui se rapporte au nombre de solutions qu'il existe à la courbe dans le corps fini défini par le nombre premier p . Un p plus petit signifie plus de solutions ; un p plus grand signifie moins de solutions. Bien que le rang soit difficile à calculer, la séquence a p est beaucoup plus simple.

Sur la base de nombreux calculs effectués sur l'un des tout premiers ordinateurs, Birch et Swinnerton-Dyer ont conjecturé une relation entre le rang d'une courbe elliptique et la séquence a p . Quiconque peut prouver qu’il avait raison gagnera un million de dollars et l’immortalité mathématique.

Un modèle surprise émerge

Après le début de la pandémie, Yang-Hui He , chercheur au London Institute for Mathematical Sciences, a décidé de relever de nouveaux défis. Il avait étudié la physique à l'université et avait obtenu son doctorat en physique mathématique du Massachusetts Institute of Technology. Mais il s'intéressait de plus en plus à la théorie des nombres et, étant donné les capacités croissantes de l'intelligence artificielle, il pensait essayer d'utiliser l'IA comme un outil permettant de trouver des modèles inattendus dans les nombres. (Il avait déjà utilisé l'apprentissage automatique pour classifier les variétés de Calabi-Yau , des structures mathématiques largement utilisées en théorie des cordes.

(Photo ) Lorsque Kyu-Hwan Lee (à gauche) et Thomas Oliver (au centre) ont commencé à travailler avec Yang-Hui He (à droite) pour utiliser l'intelligence artificielle afin de trouver des modèles mathématiques, ils s'attendaient à ce que ce soit une plaisanterie plutôt qu'un effort qui mènerait à de nouveaux découvertes. De gauche à droite : Grace Lee ; Sophie Olivier ; gracieuseté de Yang-Hui He.

En août 2020, alors que la pandémie s'aggravait, l'Université de Nottingham l'a accueilli pour une conférence en ligne . Il était pessimiste quant à ses progrès et quant à la possibilité même d’utiliser l’apprentissage automatique pour découvrir de nouvelles mathématiques. "Son récit était que la théorie des nombres était difficile parce qu'on ne pouvait pas apprendre automatiquement des choses en théorie des nombres", a déclaré Thomas Oliver , un mathématicien de l'Université de Westminster, présent dans le public. Comme il se souvient : " Je n'ai rien trouvé parce que je n'étais pas un expert. Je n’utilisais même pas les bons éléments pour examiner cela."

Oliver et Kyu-Hwan Lee , mathématicien à l'Université du Connecticut, ont commencé à travailler avec He. "Nous avons décidé de faire cela simplement pour apprendre ce qu'était l'apprentissage automatique, plutôt que pour étudier sérieusement les mathématiques", a déclaré Oliver. "Mais nous avons rapidement découvert qu'il était possible d'apprendre beaucoup de choses par machine."

Oliver et Lee lui ont suggéré d'appliquer ses techniques pour examiner les fonctions L , des séries infinies étroitement liées aux courbes elliptiques à travers la séquence a p . Ils pourraient utiliser une base de données en ligne de courbes elliptiques et de leurs fonctions L associées , appelée LMFDB , pour former leurs classificateurs d'apprentissage automatique. À l’époque, la base de données contenait un peu plus de 3 millions de courbes elliptiques sur les rationnels. En octobre 2020, ils avaient publié un article utilisant les informations glanées à partir des fonctions L pour prédire une propriété particulière des courbes elliptiques. En novembre, ils ont partagé un autre article utilisant l’apprentissage automatique pour classer d’autres objets en théorie des nombres. En décembre, ils étaient capables de prédire les rangs des courbes elliptiques avec une grande précision.

Mais ils ne savaient pas vraiment pourquoi leurs algorithmes d’apprentissage automatique fonctionnaient si bien. Lee a demandé à son étudiant de premier cycle Alexey Pozdnyakov de voir s'il pouvait comprendre ce qui se passait. En l’occurrence, la LMFDB trie les courbes elliptiques en fonction d’une quantité appelée conducteur, qui résume les informations sur les nombres premiers pour lesquels une courbe ne se comporte pas correctement. Pozdnyakov a donc essayé d’examiner simultanément un grand nombre de courbes comportant des conducteurs similaires – disons toutes les courbes comportant entre 7 500 et 10 000 conducteurs.

Cela représente environ 10 000 courbes au total. Environ la moitié d'entre eux avaient le rang 0 et l'autre moitié le rang 1. (Les rangs supérieurs sont extrêmement rares.) Il a ensuite fait la moyenne des valeurs de a p pour toutes les courbes de rang 0, a fait la moyenne séparément de a p pour toutes les courbes de rang 1 et a tracé la résultats. Les deux ensembles de points formaient deux vagues distinctes et facilement discernables. C’est pourquoi les classificateurs d’apprentissage automatique ont été capables de déterminer correctement le rang de courbes particulières.

" Au début, j'étais simplement heureux d'avoir terminé ma mission", a déclaré Pozdnyakov. "Mais Kyu-Hwan a immédiatement reconnu que ce schéma était surprenant, et c'est à ce moment-là qu'il est devenu vraiment excitant."

Lee et Oliver étaient captivés. "Alexey nous a montré la photo et j'ai dit qu'elle ressemblait à ce que font les oiseaux", a déclaré Oliver. "Et puis Kyu-Hwan l'a recherché et a dit que cela s'appelait une murmuration, puis Yang a dit que nous devrions appeler le journal ' Murmurations de courbes elliptiques '."

Ils ont mis en ligne leur article en avril 2022 et l’ont transmis à une poignée d’autres mathématiciens, s’attendant nerveusement à se faire dire que leur soi-disant « découverte » était bien connue. Oliver a déclaré que la relation était si visible qu'elle aurait dû être remarquée depuis longtemps.

Presque immédiatement, la prépublication a suscité l'intérêt, en particulier de la part d' Andrew Sutherland , chercheur scientifique au MIT et l'un des rédacteurs en chef de la LMFDB. Sutherland s'est rendu compte que 3 millions de courbes elliptiques n'étaient pas suffisantes pour atteindre ses objectifs. Il voulait examiner des gammes de conducteurs beaucoup plus larges pour voir à quel point les murmures étaient robustes. Il a extrait des données d’un autre immense référentiel d’environ 150 millions de courbes elliptiques. Toujours insatisfait, il a ensuite extrait les données d'un autre référentiel contenant 300 millions de courbes.

"Mais même cela ne suffisait pas, j'ai donc calculé un nouvel ensemble de données de plus d'un milliard de courbes elliptiques, et c'est ce que j'ai utilisé pour calculer les images à très haute résolution", a déclaré Sutherland. Les murmures indiquaient s'il effectuait en moyenne plus de 15 000 courbes elliptiques à la fois ou un million à la fois. La forme est restée la même alors qu’il observait les courbes sur des nombres premiers de plus en plus grands, un phénomène appelé invariance d’échelle. Sutherland s'est également rendu compte que les murmures ne sont pas propres aux courbes elliptiques, mais apparaissent également dans des fonctions L plus générales . Il a écrit une lettre résumant ses découvertes et l'a envoyée à Sarnak et Michael Rubinstein de l'Université de Waterloo.

"S'il existe une explication connue, j'espère que vous la connaîtrez", a écrit Sutherland.

Ils ne l'ont pas fait.

Expliquer le modèle

Lee, He et Oliver ont organisé un atelier sur les murmurations en août 2023 à l'Institut de recherche informatique et expérimentale en mathématiques (ICERM) de l'Université Brown. Sarnak et Rubinstein sont venus, tout comme l'étudiante de Sarnak, Nina Zubrilina .

LA THÉORIE DU NOMBRE

Zubrilina a présenté ses recherches sur les modèles de murmuration dans des formes modulaires , des fonctions complexes spéciales qui, comme les courbes elliptiques, sont associées à des fonctions L. Dans les formes modulaires dotées de grands conducteurs, les murmurations convergent vers une courbe nettement définie, plutôt que de former un motif perceptible mais dispersé. Dans un article publié le 11 octobre 2023, Zubrilina a prouvé que ce type de murmuration suit une formule explicite qu'elle a découverte.

" La grande réussite de Nina est qu'elle lui a donné une formule pour cela ; Je l’appelle la formule de densité de murmuration Zubrilina ", a déclaré Sarnak. "En utilisant des mathématiques très sophistiquées, elle a prouvé une formule exacte qui correspond parfaitement aux données."

Sa formule est compliquée, mais Sarnak la salue comme un nouveau type de fonction important, comparable aux fonctions d'Airy qui définissent des solutions aux équations différentielles utilisées dans divers contextes en physique, allant de l'optique à la mécanique quantique.

Bien que la formule de Zubrilina ait été la première, d'autres ont suivi. "Chaque semaine maintenant, un nouvel article sort", a déclaré Sarnak, "utilisant principalement les outils de Zubrilina, expliquant d'autres aspects des murmurations."

(Photo - Nina Zubrilina, qui est sur le point de terminer son doctorat à Princeton, a prouvé une formule qui explique les schémas de murmuration.)

Jonathan Bober , Andrew Booker et Min Lee de l'Université de Bristol, ainsi que David Lowry-Duda de l'ICERM, ont prouvé l'existence d'un type différent de murmuration sous des formes modulaires dans un autre article d'octobre . Et Kyu-Hwan Lee, Oliver et Pozdnyakov ont prouvé l'existence de murmures dans des objets appelés caractères de Dirichlet qui sont étroitement liés aux fonctions L.

Sutherland a été impressionné par la dose considérable de chance qui a conduit à la découverte des murmurations. Si les données de la courbe elliptique n'avaient pas été classées par conducteur, les murmures auraient disparu. "Ils ont eu la chance de récupérer les données de la LMFDB, qui étaient pré-triées selon le chef d'orchestre", a-t-il déclaré. « C'est ce qui relie une courbe elliptique à la forme modulaire correspondante, mais ce n'est pas du tout évident. … Deux courbes dont les équations semblent très similaires peuvent avoir des conducteurs très différents. Par exemple, Sutherland a noté que 2 = 3 – 11 x + 6 a un conducteur 17, mais en retournant le signe moins en signe plus, 2 = 3  + 11 x + 6 a un conducteur 100 736.

Même alors, les murmures n'ont été découverts qu'en raison de l'inexpérience de Pozdniakov. "Je ne pense pas que nous l'aurions trouvé sans lui", a déclaré Oliver, "parce que les experts normalisent traditionnellement a p pour avoir une valeur absolue de 1. Mais il ne les a pas normalisés… donc les oscillations étaient très importantes et visibles."

Les modèles statistiques que les algorithmes d’IA utilisent pour trier les courbes elliptiques par rang existent dans un espace de paramètres comportant des centaines de dimensions – trop nombreuses pour que les gens puissent les trier dans leur esprit, et encore moins les visualiser, a noté Oliver. Mais même si l’apprentissage automatique a découvert les oscillations cachées, " ce n’est que plus tard que nous avons compris qu’il s’agissait de murmures ".



 

Auteur: Internet

Info: Paul Chaikin pour Quanta Magazine, 5 mars 2024 - https://www.quantamagazine.org/elliptic-curve-murmurations-found-with-ai-take-flight-20240305/?mc_cid=797b7d1aad&mc_eid=78bedba296

[ résonance des algorithmes ] [ statistiques en mouvement ] [ chants des fractales ] [ bancs de poissons ]

 

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néo-darwinisme

Pour décoder la manipulation ou le marketing viral : la mémétique

Qu’y a-t-il de commun entre un drapeau de pirates, la chanson Happy birthday to you, un crucifix, des sigles courants (TV, USA, WC...), un jeu de Pokémon, un panneau stop, une histoire belge bien connue et le logo de Nike ? Ce sont des mèmes. C’est à dire des “entités réplicatives d’informations”, autrement dit des codes culturels qui, par imitation ou contagion, transmettent des solutions inventées par une population. Quand vous faites du marketing viral ou du lobbying, quand la télévision manipule votre “temps de cerveau humain disponible” à des fins commerciales ou idéologiques, vous êtes sans le savoir dans le champ de la mémétique comme M. Jourdain était dans celui de la prose.

La vraie vie n’est pas seulement faite de ce qu’on apprend à l’école ou à l’université... Les relations entre spécialités sont au moins aussi utiles que l’approfondissement d’une expertise spécifique... Ce n’est pas parce qu’une discipline n’a pas (encore) de reconnaissance académique qu’elle n’est pas sérieuse... Surtout quand la connaissance évolue plus vite que les mentalités, quand le fossé se creuse entre théorie et pratique, quand l’académisme dépend de normes formelles ou de chasses gardées plus que du progrès de la civilisation... La mémétique en est un bon exemple qui, malgré sa valeur scientifique et son utilité sociale, est méprisée comme ont pu l’être ses ancêtres darwiniens. Dommage, car si elle était mieux connue, nous serions moins faciles à manipuler.

LA MÉMÉTIQUE, C’EST SÉRIEUX !

Le mème est à la culture ce que le gène est à la nature. L’Oxford English Dictionary le définit comme un élément de culture dont on peut considérer qu’il se transmet par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation. Il a pour habitat ou pour vecteur l’homme lui-même ou tout support d’information. Dans les années 1970, des chercheurs de différentes disciplines s’interrogeaient sur la possible existence d’un équivalent culturel de l’ADN*. C’est en 1976, dans Le gène égoïste, que l’éthologiste Richard Dawkins baptisa le mème à partir d’une association entre gène et mimesis (du grec imitation), suggérant aussi les notions de mémoire, de ressemblance (du français même), de plus petite unité d’information. “Bref, un mot génial, bien trouvé, imparable. Un pur réplicateur qui s’ancre davantage dans votre mémoire chaque fois que vous essayez de l’oublier !” (Pascal Jouxtel).

La mémétique applique à la culture humaine des concepts issus de la théorie de l’évolution et envisage une analogie entre patrimoines culturels et génétique : il y a variation (mutation), sélection et transmission de codes culturels qui sont en concurrence pour se reproduire dans la société. Cette réplication a un caractère intra- et inter-humain. Elle dépend de la capacité du mème à se faire accepter : vous l’accueillez, l’hébergez, le rediffusez parce que vous en tirez une gratification aux yeux d’autrui, par exemple en termes d’image (vous avez le 4x4 vu à la télé), de rareté (il a une carte Pikatchu introuvable) ou autre avantage relationnel (petits objets transactionnels attractifs). Elle est stimulée par les technologies de l’information, qui renforcent le maillage des flux échangés et les accélèrent : la réplication est plus forte par les mass media (cf. les codes véhiculés par les émissions de téléréalité) et sur les réseaux (SMS ou Internet) que dans une société moins médiatisée où les flux sont moins foisonnants. 

On ne démontrera pas en quelques lignes la valeur ou l’intérêt de cette science, mais un ouvrage le fait avec talent : Comment les systèmes pondent, de P. Jouxtel (Le Pommier, Paris, 2005). On se bornera ici à extraire de ce livre un complément de définition : “la mémétique revendique une forme d’autonomie du pensé par rapport au penseur, d’antériorité causale des flux devant les structures, et se pose entre autres comme une science de l’auto-émergence du savoir par compétition entre les niveaux plus élémentaires de la pensée... Transdisciplinaire par nature, la mémétique est une branche extrême de l’anthropologie sociale croisée avec des résultats de l’intelligence artificielle, des sciences cognitives et des sciences de la complexité. Elle s’inscrit formellement dans le cadre darwinien tout en se démarquant des précédentes incursions de la génétique dans les sciences humaines classiques, comme la sociobiologie ou la psychologie évolutionniste, et s’oppose radicalement à toute forme vulgaire de darwinisme social”.

RESTER DANS LE JEU, JOUER À CÔTÉ OU AGIR SUR LE JEU ?

Jouxtel veut aussi promouvoir en milieu francophone une théorie qui y est un peu suspecte, coupable d’attaches anglo-saxonnes, masi qui pourtant trouve ses racines dans notre héritage culturel : autonomie du pensé, morphogenèse (apparition spontanée de formes élémentaires), évolution darwinienne dans la sphère immatérielle des concepts (Monod)... Le rejet observé en France tient aussi au divorce qu’on y entretient entre sciences sociales et sciences naturelles ou à la méfiance vis-à-vis de certains aspects de l’algorithme évolutionnaire (mutation, sélection, reproduction), en particulier “on fait une confusion terrible en croyant que la sélection s’applique aux gens alors qu’elle ne s’applique qu’aux règles du jeu”. De fait, cette forme d’intégration de la pensée s’épanouit mieux dans des cultures favorisant l’ouverture et les échanges que dans celles qui s’attachent à délimiter des territoires cloisonnés. Mais conforter notre fermeture serait renoncer à exploiter de précieuses ressources. Renoncer aussi à apporter une contribution de la pensée en langue française dans un champ aussi stratégique. Donc également renoncer à y exercer une influence.

Outre les enjeux de l’acceptation et des développements francophones de cette science, quels sont ceux de son utilisation ? De façon générale, ce sont des enjeux liés au libre-arbitre et à l’autonomie de la personne quand il s’agit de mettre en évidence les codages sous-jacents de comportements sociaux ou de pratiques culturelles. L’image du miroir éclaire cette notion : on peut rester dans la pièce en croyant que c’est là que se joue le jeu, ou passer derrière le miroir et découvrir d’autres dimensions - c’est ce que la mémétique nous aide à faire. De même dans le diaporama Zoom arrière (www.algoric.com/y/zoom.htm) où, après des images suggérant une perception de premier degré (scène du quotidien dans une cour de ferme), on découvre que la situation peut comporter d’autres dimensions... Plus précisément, pour illustrer l’utilité opérationnelle de la mémétique, on pourra regarder du côté des thèmes qui alimentent régulièrement cette chronique - innovation, marketing, communication stratégique, gouvernance... - autour de trois cas de figure : on peut jouer dans le jeu (idéal théorique souvent trahi par les joueurs), jouer à côté du jeu (égarés, tricheurs) ou agir sur le jeu (en changeant de niveau d’appréhension).

D’AUTRES DEGRÉS SUR LA PYRAMIDE DE MASLOW ?

Une analogie avec la pyramide de Maslow montre comment une situation peut être abordée à différents niveaux. Nos motivations varient sur une échelle de 1 (survie) à 5 (accomplissement) selon le contexte et selon notre degré de maturité. Ainsi, un marketing associé à l’argument mode ou paraître - voiture, téléphone, etc. - sera plus efficace auprès des populations visant les niveaux intermédiaires, appartenance et reconnaissance, que chez celles qui ont atteint le niveau 5. De même pour ce qui nous concerne ici : selon ses caractéristiques et son environnement, une personne ou un groupe prend plus ou moins de hauteur dans l’analyse d’une situation - or, moins on s’élève sur cette échelle, plus on est manipulable, surtout dans une société complexe et différenciée. Prenons par exemple la pétition de Philip Morris pour une loi anti-tabac. Quand j’invite un groupe à décoder cette initiative surprenante, j’obtiens des analyses plus ou moins distanciées, progressant de la naïveté (on y voit une initiative altruiste d’un empoisonneur repenti) à une approche de second degré (c’est un moyen d’empêcher les recours judiciaires de victimes du tabac) ou à une analyse affinée (lobbying de contre-feu pour faire obstacle à une menace plus grave). Plus on s’élève sur cette échelle, plus on voit de variables et plus on a de chances d’avoir prise sur le phénomène analysé. Une approche mémétique poursuivra la progression, par exemple en trouvant là des mèmes pondus par le “système pro-tabac” pour assurer sa descendance, à l’instar de ceux qu’il a pondus au cinéma pendant des années en faisant fumer les héros dans les films.

Il est facile de traiter au premier degré les attentats du 11 septembre 2001, par exemple en y voyant une victoire des forces de libération contre un symbole du libéralisme sauvage ou une attaque des forces du mal contre le rempart de la liberté - ce qui pour les mèmes revient au même car ce faisant, y compris avec des analyses un peu moins primaires, on alimente une diversion favorisant l’essor de macro-systèmes : “terrorisme international”, “capitalisme financier” ou autres. Ceux-ci dépassent les acteurs (Bush, Ben Laden...), institutions (Etat américain, Al-Qaida...) ou systèmes (démocratie, islamisme...), qui ne sont que des vecteurs de diffusion de mèmes dans un affrontement entre macro-systèmes.

QUAND CE DONT ON PARLE N’EST PAS CE DONT IL S’AGIT...

Autre cas intéressant de réplicateurs : les traditionnelles chaînes de l’amitié, consistant à manipuler un individu en exploitant sa naïveté, avec un emballage rudimentaire mais très efficace auprès de celui qui manque d’esprit critique : si tu brises la chaîne les foudres du ciel s’abattront sur toi, si tu la démultiplies tu connaîtras le bonheur, ou au moins la prospérité. On n’y croit pas, mais on ne sait jamais... Internet leur a donné une nouvelle vie - nous avons tous des amis pourtant très fréquentables qui tombent dans le piège et essaient de nous y entraîner ! - et a affiné la perversité de la manipulation avec les hoax et autres virus. Le marketing viral utilise ces ressorts. La réplication peut se faire de façon plus subtile, voire insidieuse, par exemple avec des formes de knowledge management (KM) “de premier degré” - en bref : la mondialisation induit un impératif d’innovation ; on veut dépasser les réactions quantitatives et malthusiennes qui s’attaquent aux coûts car elles jettent le bébé avec l’eau du bain en détruisant aussi les gisements de valeur ; on va donc privilégier la rapidité d’adaptation à un environnement changeant, donc innover en permanence, donc mobiliser le savoir et la créativité, donc fonctionner en réseau. Si l’on continue à gravir des échelons, on s’aperçoit que cette approche réactive reste “dans le jeu” alors qu’on a besoin de prendre du recul par rapport au jeu lui-même pour le remettre en question, voire le réinventer. La mémétique éclaire la complexité de cet exercice difficile où il faut pouvoir changer de logique, de paradigme, pour aborder un problème au niveau des processus du jeu et non plus au niveau de ses contenus. Comme dans la communication stratégique.

Déjà dans le lobbying classique, on savait depuis longtemps que le juriste applique la loi, le lobbyiste la change : le premier reste dans le jeu, quitte à tout faire pour contourner le texte ou en changer l’interprétation, alors que le second, constatant que la situation a évolué, s’emploie à faire changer les règles, voire le jeu lui-même. De même dans les appels d’offres, où certains suivent le cahier des charges quand d’autres contribuent à le définir en agissant en amont. De même dans le lobby-marketing, par exemple quand on s’attache à changer la nature de la relation plus que son contenu ou sa forme, pour passer de solliciteur à sollicité : faire que mon interlocuteur me prie de bien vouloir lui vendre ce que précisément je veux lui vendre... comme est aussi supposé le faire tout bon enseignant qui, ne se bornant pas à transférer des savoirs, veut donner envie d’apprendre ! Déjà difficile pour un lobbyiste néophyte, ce changement de perspective n’est pas naturel dans un “monde de l’innovation” où l’on privilégie un “rationnel plutôt cerveau gauche” qui ne prédispose pas à décoder le jeu pour pouvoir le mettre en question et le réinventer. 

L’interpellation mémétique peut conduire très loin, notamment quand elle montre comment l’essor des réseaux favorise des réplications de mèmes qui ne nous sont pas nécessairement favorables. Elle peut ainsi contredire des impulsions “évidentes” en KM, à commencer par celle qui fait admettre que pour innover et “s’adapter” il faut fonctionner en réseau et en réseaux de réseaux. Avec un peu de recul mémétique, on pourra considérer qu’il s’agit moins de s’adapter au système que d’adapter le système, donc pas nécessairement de suivre la course aux réseaux subis mais d’organiser l’adéquation avec des réseaux choisis, voire maîtrisés...

Aux origines de la mémétique

La possibilité que la sphère des humanités s’ouvre au modèle darwinien n’est pas nouvelle. Sans remonter à Démocrite, on la trouve chez le biochimiste Jacques Monod, dans Le hasard et la nécessité. La notion de monde des idées (noosphère) a été introduite par l’anthropologue Pierre Teilhard de Chardin. Alan Turing et Johannes Von Neumann, pères de l’informatique moderne, ont envisagé que les lois de la vie s’appliquent aussi à des machines ou créatures purement faites d’information. L’épistémologie évolutionnaire de Friedrich Von Hayek en est une autre illustration. D’autres parentés sont schématisées dans la carte ci-dessous.

De façon empirique, au quotidien, on peut observer la séparation du fait humain d’avec la nature, ainsi que son accélération : agriculture, urbanisation et autres activités sont visibles de l’espace, émissions de radio et autres expressions y sont audibles ; nos traces sont partout, livres, codes de lois, arts, technologies, religions… Est-ce l’homme qui a propulsé la culture ou celle-ci qui l’a tiré hors de son origine animale ?

En fait, grâce à ses outils, l’homme a favorisé une évolution combinée, un partenariat, un entraînement mutuel entre le biologique et le culturel. André Leroi-Gourhan raconte la co-évolution de l’outil, du langage et de la morphologie. Claude Lévi-Strauss parle de l’autonomie de l’organisation culturelle, par-delà les différences ethniques. Emile Durkheim revendique l’irréductibilité du fait social à la biologie. Parallèlement, l’observation des sociétés animales démontre que la nature produit des phénomènes collectifs, abstraits, allant bien au-delà des corps. Selon certaines extensions radicales de la sociobiologie à l’homme, toutes nos capacités seraient codées génétiquement, donc toute pratique culturelle - architecture, droit, économie ou art - ne serait qu’un phénotype étendu de l’homme. La réduction des comportements à leurs avantages évolutionnaires biologiques s’est atténuée. Le cerveau est modulaire, le schéma général de ses modules est inscrit dans les gènes, mais on a eu du mal à admettre que leur construction puisse se faire sur la base de flux cognitifs, d’apports d’expériences. 

Il y a des façons d’agir ou de penser qui au fil du temps ont contribué à la survie de ceux qui étaient naturellement aptes à les pratiquer : la peur du noir, la capacité de déguiser ses motivations, le désir de paraître riche ; ou plus subtilement la tendance à croire à une continuation de la vie après la mort, à une providence qui aide, à une vie dans l’invisible ; ou même le réflexe intellectuel consistant à supposer un but à toute chose. Mais il existe des idées, des modes de vie, des techniques, bref des éléments de culture indépendants de l’ADN, qui se transmettent par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation : c’est la thèse de Susan Blackmore, pour qui, entre ces mèmes en compétition, la sélection se fait en fonction de leur “intérêt propre” et non de celui des gènes.

L’argument de Pascal Jouxtel s’inspire d’une formule de Luca Cavalli-Sforza : l’évolution naturelle de l’homme est terminée car tous les facteurs naturels de sélection sont sous contrôle culturel. Tout ce qui pourrait influencer la fécondité ou la mortalité infantile est maîtrisé ou dépend de facteurs géopolitiques, économiques ou religieux. En revanche, la culture continue à évoluer : lois, art, technologies, réseaux de communication, structures de pouvoir, systèmes de valeurs. Le grand changement, c’est que les mèmes évoluent pour leur propre compte, en exploitant le terrain constitué par les réseaux de cerveaux humains, mais indépendamment, et parfois au mépris des besoins de leurs hôtes biologiques. 

“Ce sont des solutions mémétiquement évoluées qui sont aujourd’hui capables de breveter un génome. Il en va de même des religions et des systèmes politiques qui tuent. La plus majestueuse de toutes ces solutions s’appelle Internet, le cerveau global... Tout ce qui relie les humains est bon pour les mèmes. Il est logique, dans la même optique, de coder de façon de plus en plus digitalisée tous les modèles qui doivent être transmis, stockés et copiés. C’est ainsi que le monde se transforme de plus en plus en un vaste Leroy-Merlin culturel, au sein duquel il devient chaque jour plus facile de reproduire du prêt-à-penser, du prêt-à-vivre, du prêt-à-être. A mesure que l’on se familiarise avec l’hypothèse méméticienne, il devient évident qu’elle invite à un combat, à une résistance et à un dépassement. Elle nous montre que des modèles peuvent se reproduire dans le tissu social jusqu’à devenir dominants sans avoir une quelconque valeur de vérité ou d’humanité. Elle nous pose des questions comme : que valent nos certitudes ? De quel droit pouvons-nous imposer nos convictions et notre façon de vivre ?... Comment puis-je dire que je pense ?” (P. Jouxtel, www.memetique.org). Et bien sûr : comment les systèmes pondent-ils ?

Auteur: Quentin Jean-Pierre

Info: Critique du livre de Pascal Jouxtel "comment les systèmes..."

[ sociolinguistique ] [ PNL ]

 

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méta-moteur

Le comportement de cet animal est programmé mécaniquement.

Des interactions biomécaniques, plutôt que des neurones, contrôlent les mouvements de l'un des animaux les plus simples. Cette découverte offre un aperçu de la façon dont le comportement animal fonctionnait avant l'apparition des neurones.

L'animal extrêmement simple Trichoplax adhaerens se déplace et réagit à son environnement avec agilité et avec un but apparent, mais il n'a pas de neurones ou de muscles pour coordonner ses mouvements. De nouveaux travaux montrent que les interactions biomécaniques entre les cils de l'animal suffisent à en expliquer ses mouvements.

Le biophysicien Manu Prakash se souvient très bien du moment où, tard dans la nuit, dans le laboratoire d'un collègue, il y a une douzaine d'années, il a regardé dans un microscope et a rencontré sa nouvelle obsession. L'animal sous les lentilles n'était pas très beau à voir, ressemblant plus à une amibe qu'à autre chose : une tache multicellulaire aplatie, de 20 microns d'épaisseur et de quelques millimètres de diamètre, sans tête ni queue. Elle se déplaçait grâce à des milliers de cils qui recouvraient sa face inférieure pour former la "plaque velue collante" qui lui a inspiré son nom latin, Trichoplax adhaerens.

Cette étrange créature marine, classée dans la catégorie des placozoaires, dispose pratiquement d'une branche entière de l'arbre de l'évolution de la vie pour elle-même, ainsi que du plus petit génome connu du règne animal. Mais ce qui a le plus intrigué Prakash, c'est la grâce, l'agilité et l'efficacité bien orchestrées avec lesquelles les milliers ou les millions de cellules du Trichoplax se déplacent.

Après tout, une telle coordination nécessite habituellement des neurones et des muscles - et le Trichoplax n'en a pas.

Prakash s'est ensuite associé à Matthew Storm Bull, alors étudiant diplômé de l'université de Stanford, pour faire de cet étrange organisme la vedette d'un projet ambitieux visant à comprendre comment les systèmes neuromusculaires ont pu évoluer et comment les premières créatures multicellulaires ont réussi à se déplacer, à trouver de la nourriture et à se reproduire avant l'existence des neurones.

"J'appelle souvent ce projet, en plaisantant, la neuroscience sans les neurones", a déclaré M. Prakash.

Dans un trio de prétirés totalisant plus de 100 pages - publiés simultanément sur le serveur arxiv.org l'année dernière - lui et Bull ont montré que le comportement de Trichoplax pouvait être décrit entièrement dans le langage de la physique et des systèmes dynamiques. Les interactions mécaniques qui commencent au niveau d'un seul cilium, puis se multiplient sur des millions de cellules et s'étendent à des niveaux supérieurs de structure, expliquent entièrement la locomotion coordonnée de l'animal tout entier. L'organisme ne "choisit" pas ce qu'il doit faire. Au contraire, la horde de cils individuels se déplace simplement - et l'animal dans son ensemble se comporte comme s'il était dirigé par un système nerveux. Les chercheurs ont même montré que la dynamique des cils présente des propriétés qui sont généralement considérées comme des signes distinctifs des neurones.

Ces travaux démontrent non seulement comment de simples interactions mécaniques peuvent générer une incroyable complexité, mais ils racontent également une histoire fascinante sur ce qui aurait pu précéder l'évolution du système nerveux.

"C'est un tour de force de la biophysique", a déclaré Orit Peleg, de l'université du Colorado à Boulder, qui n'a pas participé aux études. Ces découvertes ont déjà commencé à inspirer la conception de machines mécaniques et de robots, et peut-être même une nouvelle façon de penser au rôle des systèmes nerveux dans le comportement animal. 

La frontière entre le simple et le complexe

Les cerveaux sont surestimés. "Un cerveau est quelque chose qui ne fonctionne que dans le contexte très spécifique de son corps", a déclaré Bull. Dans les domaines connus sous le nom de "robotique douce" et de "matière active", la recherche a démontré que la bonne dynamique mécanique peut suffire à accomplir des tâches complexes sans contrôle centralisé. En fait, les cellules seules sont capables de comportements remarquables, et elles peuvent s'assembler en systèmes collectifs (comme les moisissures ou les xénobots) qui peuvent accomplir encore plus, le tout sans l'aide de neurones ou de muscles.

Mais est-ce possible à l'échelle d'un animal multicellulaire entier ?

Le Trichoplax fut un cas d'étude parfait : assez simple pour être étudié dans les moindres détails, mais aussi assez compliqué pour offrir quelque chose de nouveau aux chercheurs. En l'observant, "vous regardez simplement une danse", a déclaré Prakash. "Elle est d'une incroyable complexité". Elle tourne et se déplace sur des surfaces. Elle s'accroche à des plaques d'algues pour les piéger et les consommer comme nourriture. Elle se reproduit asexuellement en se divisant en deux.

"Un organisme comme celui-ci se situe dans un régime intermédiaire entre quelque chose de réellement complexe, comme un vertébré, et quelque chose qui commence à devenir complexe, comme les eucaryotes unicellulaires", explique Kirsty Wan, chercheur à l'université d'Exeter en Angleterre, qui étudie la locomotion ciliaire.

Ce terrain intermédiaire entre les cellules uniques et les animaux dotés de muscles et de systèmes nerveux semblait être l'endroit idéal pour que Prakash et Bull posent leurs questions. "Pour moi, un organisme est une idée", a déclaré Prakash, un terrain de jeu pour tester des hypothèses et un berceau de connaissances potentielles.

Prakash a d'abord construit de nouveaux microscopes permettant d'examiner le Trichoplax par en dessous et sur le côté, et a trouvé comment suivre le mouvement à grande vitesse de ses cils. (Ce n'était pas un terrain entièrement nouveau pour lui, puisqu'il était déjà célèbre pour ses travaux sur le Foldscope, un microscope facile à assembler et dont la fabrication coûte moins d'un dollar). Il pouvait alors voir et suivre des millions de cils individuels, chacun apparaissant comme une minuscule étincelle dans le champ de vision du microscope pendant une fraction de seconde à la fois. "Vous ne voyez que les empreintes lorsqu'elles se posent sur la surface", a déclaré Prakash.

Lui-même - et plus tard Bull, qui a rejoint son laboratoire il y a six ans - ont passé des heures à observer l'orientation de ces petites empreintes. Pour que ces motifs complexes soient possibles, les scientifiques savaient que les cils devaient être engagés dans une sorte de communication à longue distance. Mais ils ne savaient pas comment.

Ils ont donc commencé à rassembler les pièces du puzzle, jusqu'à ce que, l'année dernière, ils décident enfin qu'ils avaient leur histoire.

Une marche en pilote automatique

Au départ, Prakash et Bull s'attendaient à ce que les cils glissent sur des surfaces, avec une fine couche de liquide séparant l'animal du substrat. Après tout, les cils sont généralement vus dans le contexte des fluides : ils propulsent des bactéries ou d'autres organismes dans l'eau, ou déplacent le mucus ou les fluides cérébrospinaux dans un corps. Mais lorsque les chercheurs ont regardé dans leurs microscopes, ils ont constaté que les cils semblaient marcher, et non nager.

Bien que l'on sache que certains organismes unicellulaires utilisent les cils pour ramper, ce type de coordination n'avait jamais été observé à cette échelle. "Plutôt qu'utiliser les cils pour propulser un fluide, il s'agit de mécanique, de friction, d'adhésion et de toutes sortes de mécanismes solides très intéressants", a-t-elle déclaré.

Prakash, Bull et Laurel Kroo, une étudiante diplômée en génie mécanique de Stanford, ont donc entrepris de caractériser la démarche des cils. Ils ont suivi la trajectoire de l'extrémité de chaque cilium au fil du temps, l'observant tracer des cercles et pousser contre des surfaces. Ils ont défini trois types d'interactions : le glissement, au cours duquel les cils effleurent à peine la surface ; la marche, lorsque les cils adhèrent brièvement à la surface avant de se détacher ; et le calage, lorsque les cils restent coincés contre la surface.

Dans leurs modèles, l'activité de marche émergeait naturellement de l'interaction entre les forces motrices internes des cils et l'énergie de leur adhésion à la surface. Le bon équilibre entre ces deux paramètres (calculé à partir de mesures expérimentales de l'orientation, de la hauteur et de la fréquence des battements des cils) permettant une locomotion régulière, chaque cilium se collant puis se soulevant, comme une jambe. Un mauvais équilibre produisant les phases de glissement ou de décrochage.

Nous pensons généralement, lorsque quelque chose se passe comme ça, qu'il y a un signal interne semblable à une horloge qui dit : "OK, allez-y, arrêtez-vous, allez-y, arrêtez-vous", a déclaré Simon Sponberg, biophysicien à l'Institut de technologie de Géorgie. "Ce n'est pas ce qui se passe ici. Les cils ne sont pas rythmés. Il n'y a pas une chose centrale qui dit 'Go, go, go' ou autre. Ce sont les interactions mécaniques qui mettent en place quelque chose qui va, qui va, qui va."

De plus, la marche pourrait être modélisée comme un système excitable, c'est-à-dire un système dans lequel, sous certaines conditions, les signaux se propagent et s'amplifient au lieu de s'atténuer progressivement et de s'arrêter. Un neurone est un exemple classique de système excitable : De petites perturbations de tension peuvent provoquer une décharge soudaine et, au-delà d'un certain seuil, le nouvel état stimulé se propage au reste du système. Le même phénomène semble se produire ici avec les cils. Dans les expériences et les simulations, de petites perturbations de hauteur, plutôt que de tension, entraînent des changements relativement importants dans l'activité des cils voisins : Ils peuvent soudainement changer d'orientation, et même passer d'un état de stase à un état de marche. "C'est incroyablement non linéaire", a déclaré Prakash.

En fait, les modèles de cils de Prakash, Bull et Kroo se sont avérés très bien adaptés aux modèles établis pour les potentiels d'action au sein des neurones. "Ce type de phénomène unique se prête à une analogie très intéressante avec ce que l'on observe dans la dynamique non linéaire des neurones individuels", a déclaré Bull. Sponberg est d'accord. "C'est en fait très similaire. Il y a une accumulation de l'énergie, et puis pop, et puis pop, et puis pop".

Les cils s'assemblent comme des oiseaux

Forts de cette description mathématique, Prakash et Bull ont examiné comment chaque cilium pousse et tire sur ses voisins lors de son interaction avec la surface, et comment toute ces activités indépendantes peuvent se transformer en quelque chose de synchronisé et cohérent.

Ils ont mesuré comment la démarche mécanique de chaque cilium entraînait de petites fluctuations locales de la hauteur du tissu. Ils ont ensuite écrit des équations pour expliquer comment ces fluctuations pouvaient influencer le comportement des cellules voisines, alors même que les cils de ces cellules effectuaient leurs propres mouvements, comme un réseau de ressorts reliant de minuscules moteurs oscillants.

Lorsque les chercheurs ont modélisé "cette danse entre élasticité et activité", ils ont constaté que les interactions mécaniques - de cils poussant contre un substrat et de cellules se tirant les unes les autres - transmettaient rapidement des informations à travers l'organisme. La stimulation d'une région entraînait des vagues d'orientation synchronisée des cils qui se déplaçaient dans le tissu. "Cette élasticité et cette tension dans la physique d'un cilium qui marche, maintenant multipliées par des millions d'entre eux dans une feuille, donnent en fait lieu à un comportement mobile cohérent", a déclaré Prakash.

Et ces modèles d'orientation synchronisés peuvent être complexes : parfois, l'activité du système produit des tourbillons, les cils étant orientés autour d'un seul point. Dans d'autres cas, les cils se réorientent en quelques fractions de seconde, pointant d'abord dans une direction puis dans une autre - se regroupant comme le ferait un groupe d'étourneaux ou un banc de poissons, et donnant lieu à une agilité qui permet à l'animal de changer de direction en un clin d'œil.

"Nous avons été très surpris lorsque nous avons vu pour la première fois ces cils se réorienter en une seconde", a déclaré M. Bull.

Ce flocage agile est particulièrement intriguant. Le flocage se produit généralement dans des systèmes qui se comportent comme des fluides : les oiseaux et les poissons individuels, par exemple, peuvent échanger librement leurs positions avec leurs compagnons. Mais cela ne peut pas se produire chez Trichoplax, car ses cils sont des composants de cellules qui ont des positions fixes. Les cils se déplacent comme "un troupeau solide", explique Ricard Alert, physicien à l'Institut Max Planck pour la physique des systèmes complexes.

Prakash et Bull ont également constaté dans leurs simulations que la transmission d'informations était sélective : Après certains stimuli, l'énergie injectée dans le système par les cils se dissipe tout simplement, au lieu de se propager et de modifier le comportement de l'organisme. Nous utilisons notre cerveau pour faire cela tout le temps, pour observer avec nos yeux et reconnaître une situation et dire : "Je dois soit ignorer ça, soit y répondre", a déclaré M. Sponberg.

Finalement, Prakash et Bull ont découvert qu'ils pouvaient écrire un ensemble de règles mécaniques indiquant quand le Trichoplax peut tourner sur place ou se déplacer en cercles asymétriques, quand il peut suivre une trajectoire rectiligne ou dévier soudainement vers la gauche, et quand il peut même utiliser sa propre mécanique pour se déchirer en deux organismes distincts.

"Les trajectoires des animaux eux-mêmes sont littéralement codées" via ces simples propriétés mécaniques, a déclaré Prakash.

Il suppose que l'animal pourrait tirer parti de ces dynamiques de rotation et de reptation dans le cadre d'une stratégie de "course et culbute" pour trouver de la nourriture ou d'autres ressources dans son environnement. Lorsque les cils s'alignent, l'organisme peut "courir", en continuant dans la direction qui vient de lui apporter quelque chose de bénéfique ; lorsque cette ressource semble s'épuiser, Trichoplax peut utiliser son état de vortex ciliaire pour se retourner et tracer une nouvelle route.

Si d'autres études démontrent que c'est le cas, "ce sera très excitant", a déclaré Jordi Garcia-Ojalvo, professeur de biologie systémique à l'université Pompeu Fabra de Barcelone. Ce mécanisme permettrait de faire le lien entre beaucoups d'échelles, non seulement entre la structure moléculaire, le tissu et l'organisme, mais aussi pour ce qui concerne écologie et environnement.

En fait, pour de nombreux chercheurs, c'est en grande partie ce qui rend ce travail unique et fascinant. Habituellement, les approches des systèmes biologiques basées sur la physique décrivent l'activité à une ou deux échelles de complexité, mais pas au niveau du comportement d'un animal entier. "C'est une réussite...  vraiment rare", a déclaré M. Alert.

Plus gratifiant encore, à chacune de ces échelles, la mécanique exploite des principes qui font écho à la dynamique des neurones. "Ce modèle est purement mécanique. Néanmoins, le système dans son ensemble possède un grand nombre des propriétés que nous associons aux systèmes neuro-mécaniques : il est construit sur une base d'excitabilité, il trouve constamment un équilibre délicat entre sensibilité et stabilité et il est capable de comportements collectifs complexes." a déclaré Sponberg.

"Jusqu'où ces systèmes mécaniques peuvent-ils nous mener ?... Très loin." a-t-il ajouté.

Cela a des implications sur la façon dont les neuroscientifiques pensent au lien entre l'activité neuronale et le comportement de manière plus générale. "Les organismes sont de véritables objets dans l'espace", a déclaré Ricard Solé, biophysicien à l'ICREA, l'institution catalane pour la recherche et les études avancées, en Espagne. Si la mécanique seule peut expliquer entièrement certains comportements simples, les neuroscientifiques voudront peut-être examiner de plus près comment le système nerveux tire parti de la biophysique d'un animal pour obtenir des comportements complexes dans d'autres situations.

"Ce que fait le système nerveux n'est peut-être pas ce que nous pensions qu'il faisait", a déclaré M. Sponberg.

Un pas vers la multicellularité

"L'étude de Trichoplax peut nous donner un aperçu de ce qu'il a fallu faire pour développer des mécanismes de contrôle plus complexes comme les muscles et les systèmes nerveux", a déclaré Wan. "Avant d'arriver à ça, quelle est le meilleur truc à suivre ? Ca pourrait bien être ça".

Alert est d'accord. "C'est une façon si simple d'avoir des comportements organisationnels tels que l'agilité que c'est peut-être ainsi qu'ils ont émergé au début et  au cours de l'évolution, avant que les systèmes neuronaux ne se développent. Peut-être que ce que nous voyons n'est qu'un fossile vivant de ce qui était la norme à l'époque".

Solé considère que Trichoplax occupe une "twilight zone... au centre des grandes transitions vers la multicellularité complexe". L'animal semble commencer à mettre en place "les conditions préalables pour atteindre la vraie complexité, celle où les neurones semblent être nécessaires."

Prakash, Bull et leurs collaborateurs cherchent maintenant à savoir si Trichoplax pourrait être capable d'autres types de comportements ou même d'apprentissage. Que pourrait-il réaliser d'autre dans différents contextes environnementaux ? La prise en compte de sa biochimie en plus de sa mécanique ouvrirait-elle vers un autre niveau de comportement ?

Les étudiants du laboratoire de Prakash ont déjà commencé à construire des exemples fonctionnels de ces machines. Kroo, par exemple, a construit un dispositif de natation robotisé actionné par un matériau viscoélastique appelé mousse active : placée dans des fluides non newtoniens comme des suspensions d'amidon de maïs, elle peut se propulser vers l'avant.

"Jusqu'où voulez-vous aller ? a demandé Peleg. "Pouvez-vous construire un cerveau, juste à partir de ce genre de réseaux mécaniques ?"

Prakash considère que ce n'est que le premier chapitre de ce qui sera probablement une saga de plusieurs décennies. "Essayer de vraiment comprendre cet animal est pour moi un voyage de 30 ou 40 ans", a-t-il dit. "Nous avons terminé notre première décennie... C'est la fin d'une époque et le début d'une autre".

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/before-brains-mechanics-may-have-ruled-animal-behavior. Jordana Cepelewicz, 16 mars 2022. Trad Mg

[ cerveau rétroactif ] [ échelles mélangées ] [ action-réaction ] [ plus petit dénominateur commun ] [ grégarisme ] [ essaims ] [ murmurations mathématiques ]

 

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big brother consumériste

Nulle part où se cacher : Les collecteurs de données sont venus pour capter votre vie privée - et ils l'ont trouvée

La manière dont vos données sont stockées et partagées évolue et votre activité en ligne peut être utilisée pour vous catégoriser d'une manière qui modifie radicalement votre vie. Il existe des moyens de reprendre le contrôle.

Un vendredi de 2021, je suis entré dans un hôtel d'Exeter, au Royaume-Uni, à 17:57:35. Le lendemain matin, j'ai fait 9 minutes de route pour me rendre à l'hôpital le plus proche. J'y suis resté trois jours. Le trajet de retour, qui dure normalement 1 heure 15 minutes, a duré 1 heure 40 minutes. La raison de cette lenteur : mon tout nouveau bébé dormait à l'arrière.

Ce ne sont pas les détails d'un journal. Il s'agit plutôt de ce que Google sait de la naissance de ma fille, sur la base de mon seul historique de localisation.

Un aperçu des données de ce week-end révèle que ce n'est pas tout ce que les entreprises savent de moi. Netflix se souvient que j'ai regardé toute une série d'émissions de bien-être, dont Gilmore Girls et How to Lose a Guy in 10 Days (Comment perdre un homme en 10 jours). Instagram a enregistré que j'ai "aimé" un post sur l'induction du travail, puis que je ne me suis pas reconnectée pendant une semaine.

Et alors ? Nous savons tous maintenant que nous sommes suivis en ligne et que les données collectées sur nous sont à la fois granulaires et constantes. Peut-être aimez-vous que Netflix et Instagram connaissent si bien vos goûts en matière de cinéma et de mode.

Mais un nombre croissant d'enquêtes et de poursuites judiciaires révèlent un nouveau paysage du suivi en ligne dans lequel la portée des entreprises qui collectent des données est plus insidieuse que beaucoup d'entre nous ne le pensent. En y regardant de plus près, j'ai découvert que mes données personnelles pouvaient avoir une incidence sur tout, depuis mes perspectives d'emploi et mes demandes de prêt jusqu'à mon accès aux soins de santé. En d'autres termes, elles peuvent façonner ma vie quotidienne d'une manière dont je n'avais pas conscience. "Le problème est énorme et il y a toujours de nouvelles horreurs", déclare Reuben Binns, de l'université d'Oxford.

On pourrait vous pardonner de penser qu'avec l'introduction d'une législation comme le règlement général sur la protection des données (RGPD) - des règles de l'Union européenne mises en œuvre en 2018 qui donnent aux gens un meilleur accès aux données que les entreprises détiennent sur eux et limitent ce que les entreprises peuvent en faire - la confidentialité des données n'est plus un vrai problème. Vous pouvez toujours refuser les cookies si vous ne voulez pas être suivi, n'est-ce pas ? Mais lorsque je dis cela à Pam Dixon, du groupe de recherche à but non lucratif World Privacy Forum, elle se met à rire d'incrédulité. "Tu y crois vraiment ?" me dit-elle.

Les gratteurs de données

Des centaines d'amendes ont été infligées pour violation du GDPR, notamment à Google, British Airways et Amazon. Mais les experts en données affirment qu'il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg. Une étude réalisée l'année dernière par David Basin de l'ETH Zurich, en Suisse, a révélé que 95 % des sites web pourraient enfreindre les règles du GDPR. Même l'objectif de la législation visant à faciliter la compréhension des données que nous acceptons de fournir n'a pas été atteint. Depuis l'entrée en vigueur de la législation, les recherches montrent que les accords de confidentialité sont devenus plus compliqués, rein de moins. Et si vous pensiez que les bloqueurs de publicité et les réseaux privés virtuels (VPN) - qui masquent l'adresse IP de votre ordinateur - vous protégeaient, détrompez-vous. Bon nombre de ces services vendent également vos données.

Nous commençons à peine à saisir l'ampleur et la complexité du paysage de la traque en ligne. Quelques grands noms - Google, Meta, Amazon et Microsoft - détiennent l'essentiel du pouvoir, explique Isabel Wagner, professeur associé de cybersécurité à l'université de Bâle, en Suisse. Mais derrière ces grands acteurs, un écosystème diversifié de milliers, voire de millions, d'acheteurs, de vendeurs, de serveurs, de traqueurs et d'analyseurs partagent nos données personnelles.

Qu'est-ce que tout cela signifie pour l'utilisateur lambda que je suis ? Pour le savoir, je me suis rendu chez HestiaLabs à Lausanne, en Suisse, une start-up fondée par Paul-Olivier Dehaye, mathématicien et lanceur d'alerte clé dans le scandale de l'utilisation des données de Facebook par la société de conseil politique Cambridge Analytica. Cette société a utilisé des données personnelles pour influencer l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016. L'enquête de Dehaye sur Cambridge Analytica a montré de manière frappante à quel point l'influence des entreprises qui achètent et vendent des données est profonde. Il a créé HestiaLabs pour changer cette situation.

(Photo : Votre téléphone suit votre position même si les données mobiles sont désactivées)

Avant d'arriver, j'ai demandé mes données personnelles à diverses entreprises, un processus plus compliqué qu'il ne devrait l'être à l'ère du RGPD. Je rencontre Charles Foucault-Dumas, le chef de projet de HestiaLabs, au siège de l'entreprise - un modeste espace de co-working situé en face de la gare de Lausanne. Nous nous asseyons et téléchargeons mes fichiers dans son portail sur mesure.

Mes données s'étalent devant moi, visualisées sous la forme d'une carte de tous les endroits où je suis allé, de tous les posts que j'ai aimés et de toutes les applications qui ont contacté un annonceur. Dans les lieux que je fréquente régulièrement, comme la crèche de ma fille, des centaines de points de données se transforment en taches semblables à de la peinture. À l'adresse de mon domicile, il y a une énorme cible impossible à manquer. C'est fascinant. Et un peu terrifiant.

L'une des plus grandes surprises est de savoir quelles applications de mon téléphone contactent des entreprises tierces en mon nom. Au cours de la semaine écoulée, c'est un navigateur web que j'utilise parce qu'il se décrit comme "le respect de la vie privée avant tout" qui a été le plus grand contrevenant, en contactant 29 entreprises. Mais pratiquement toutes les applications de mon téléphone, du service d'épicerie au bloc-notes virtuel, étaient occupées à contacter d'autres entreprises pendant que je vaquais à mes occupations.

En règle générale, une entreprise qui souhaite vendre un produit ou un service s'adresse à une agence de publicité, qui se met en relation avec des plates-formes chargées de la diffusion des publicités, qui utilisent des échanges publicitaires, lesquels sont reliés à des plates-formes d'approvisionnement, qui placent les publicités sur les sites web des éditeurs. Chaque fois que vous ouvrez un site web ou que vous survolez momentanément un message sur un média social, cette machine - dont la valeur est estimée à 150 milliards de livres sterling par an - se met en marche.

Que partageaient exactement ces entreprises à mon sujet ? Pour le savoir, il faudrait que je fasse des demandes auprès de chacune d'entre elles. Et même avec celles que j'ai contactées avec l'aide de HestiaLabs, ce n'est pas toujours clair.

Prenons l'exemple d'Instagram. Il m'a fourni des données montrant qu'il a enregistré 333 "intérêts" en mon nom. Certains d'entre eux sont très éloignés de la réalité : le rugby, le festival Burning Man, la promotion immobilière, et même "femme à chats". Lecteur, je n'ai jamais eu de chat. Mais d'autres sont plus précis, et un certain nombre d'entre eux, sans surprise, sont liés au fait que je suis devenue parent, qu'il s'agisse de marques telles que Huggies et Peppa Pig ou de sujets tels que les berceaux et le sevrage pour bébés.

Je me demande comment ces données ont pu affecter non seulement mes achats, mais aussi la vie de ma fille. Son amour pour le cochon rose de dessin animé est-il vraiment organique, ou ces vidéos nous ont-elles été "servies" en raison des informations qu'Instagram a transmises à mon sujet ? Est-ce que les posts sur le sevrage dirigé par les bébés se sont retrouvés partout dans mon fil d'actualité - et ont donc influencé la façon dont ma fille a été initiée à la nourriture - par hasard, ou parce que j'avais été ciblée ? Je n'ai pas accès à cette chaîne de causes et d'effets, et je ne sais pas non plus comment ces divers "intérêts" ont pu me catégoriser pour d'éventuels spécialistes du marketing.

Il est pratiquement impossible de démêler l'écheveau complexe des transactions de données dans l'ombre. Les données personnelles sont souvent reproduites, divisées, puis introduites dans des algorithmes et des systèmes d'apprentissage automatique. En conséquence, explique M. Dixon, même avec une législation comme le GDPR, nous n'avons pas accès à toutes nos données personnelles. "Nous avons affaire à deux strates de données. Il y a celles qui peuvent être trouvées", dit-elle. "Mais il y a une autre strate que vous ne pouvez pas voir, que vous n'avez pas le droit légal de voir - aucun d'entre nous ne l'a."

Profilage personnel

Des rapports récents donnent un aperçu de la situation. En juin, une enquête de The Markup a révélé que ce type de données cachées est utilisé par les publicitaires pour nous classer en fonction de nos convictions politiques, de notre état de santé et de notre profil psychologique. Pourrais-je être considérée comme une "mère accro au portable", une "indulgente", une "facilement dégonflée" ou une "éveillée" ? Je n'en ai aucune idée, mais je sais qu'il s'agit là de catégories utilisées par les plateformes publicitaires en ligne.

Il est troublant de penser que je suis stéréotypée d'une manière inconnue. Une autre partie de moi se demande si cela a vraiment de l'importance. Je comprends l'intérêt d'une publicité qui tient compte de mes préférences, ou de l'ouverture de mon application de cartographie qui met en évidence des restaurants et des musées qui pourraient m'intéresser ou que j'ai déjà visités. Mais croyez-moi, il y a peu de façons de faire grimacer un expert en données plus rapidement qu'avec la désinvolture de ce compromis.

D'une part, l'utilisation de ces données va bien au-delà de la vente de publicité, explique M. Dixon. Quelque chose d'apparemment anodin comme le fait de faire des achats dans des magasins discount (signe d'un revenu inférieur) ou d'acheter des articles de sport (signe que vous faites de l'exercice) peut avoir une incidence sur tout, de l'attrait de votre candidature à l'université au montant de votre assurance maladie. "Il ne s'agit pas d'une simple publicité", précise M. Dixon. "Il s'agit de la vie réelle.

Une législation récente aux États-Unis a contraint certaines de ces entreprises à entrer dans la lumière. Le Vermont's 2018 Data Broker Act, par exemple, a révélé que les courtiers en données enregistrés dans l'État - mais qui sont également actifs ailleurs - vendent des informations personnelles à des propriétaires et des employeurs potentiels, souvent par l'intermédiaire de tierces parties. En juillet, le Bureau américain de protection financière des consommateurs a appris que cette deuxième strate cachée de données comprenait également des informations utilisées pour établir un "score de consommation", employé de la même manière qu'un score de crédit. "Les choses que vous avez faites, les sites web que vous avez visités, les applications que vous utilisez, tout cela peut alimenter des services qui vérifient si vous êtes un locataire convenable ou décident des conditions à vous offrir pour un prêt ou une hypothèque", explique M. Binns.

À HestiaLabs, je me rends compte que j'ai moi aussi été concrètement affectée, non seulement par les publicités que je vois, mais aussi par la façon dont les algorithmes ont digéré mes données. Dans les "inférences" de LinkedIn, je suis identifiée à la fois comme "n'étant pas un leader humain" et "n'étant pas un leader senior". Et ce, bien que j'aie dirigé une équipe de 20 personnes à la BBC et que j'aie été rédacteur en chef de plusieurs sites de la BBC auparavant - des informations que j'ai moi-même introduites dans LinkedIn. Comment cela peut-il affecter mes opportunités de carrière ? Lorsque j'ai posé la question à LinkedIn, un porte-parole m'a répondu que ces déductions n'étaient pas utilisées "de quelque manière que ce soit pour informer les suggestions de recherche d'emploi".

Malgré cela, nous savons, grâce à des poursuites judiciaires, que des données ont été utilisées pour exclure les femmes des annonces d'emploi dans le secteur de la technologie sur Facebook. En conséquence, le propriétaire de la plateforme, Meta, a cessé d'offrir cette option aux annonceurs en 2019. Mais les experts en données affirment qu'il existe de nombreuses solutions de contournement, comme le fait de ne cibler que les personnes ayant des intérêts stéréotypés masculins. "Ces préjudices ne sont pas visibles pour les utilisateurs individuels à ce moment-là. Ils sont souvent très abstraits et peuvent se produire longtemps après", explique M. Wagner.

À mesure que les données collectées sur notre vie quotidienne prolifèrent, la liste des préjudices signalés par les journaux ne cesse de s'allonger. Des applications de suivi de l'ovulation - ainsi que des messages textuels, des courriels et des recherches sur le web - ont été utilisés pour poursuivre des femmes ayant avorté aux États-Unis depuis que l'arrêt Roe v Wade a été annulé l'année dernière. Des prêtres ont été démasqués pour avoir utilisé l'application de rencontres gay Grindr. Un officier militaire russe a même été traqué et tué lors de sa course matinale, prétendument grâce à des données accessibles au public provenant de l'application de fitness Strava. La protection des données est censée prévenir bon nombre de ces préjudices. "Mais il y a manifestement une énorme lacune dans l'application de la loi", déclare M. Binns.

Le problème réside en partie d'un manque de transparence. De nombreuses entreprises s'orientent vers des modèles "préservant la vie privée", qui divisent les points de données d'un utilisateur individuel et les dispersent sur de nombreux serveurs informatiques, ou les cryptent localement. Paradoxalement, il est alors plus difficile d'accéder à ses propres données et d'essayer de comprendre comment elles ont été utilisées.

Pour sa part, M. Dehaye, de HestiaLabs, est convaincu que ces entreprises peuvent et doivent nous rendre le contrôle. "Si vous allez consulter un site web en ce moment même, en quelques centaines de millisecondes, de nombreux acteurs sauront qui vous êtes et sur quel site vous avez mis des chaussures dans un panier d'achat il y a deux semaines. Lorsque l'objectif est de vous montrer une publicité pourrie, ils sont en mesure de résoudre tous ces problèmes", explique-t-il. Mais lorsque vous faites une demande de protection de la vie privée, ils se disent : "Oh, merde, comment on fait ça ?".

Il ajoute : "Mais il y a un moyen d'utiliser cette force du capitalisme qui a résolu un problème dans une industrie de plusieurs milliards de dollars pour vous - pas pour eux".

J'espère qu'il a raison. En marchant dans Lausanne après avoir quitté HestiaLabs, je vois un homme qui s'attarde devant un magasin de couteaux, son téléphone rangé dans sa poche. Une femme élégante porte un sac Zara dans une main, son téléphone dans l'autre. Un homme devant le poste de police parle avec enthousiasme dans son appareil.

Pour moi, et probablement pour eux, ce sont des moments brefs et oubliables. Mais pour les entreprises qui récoltent les données, ce sont des opportunités. Ce sont des signes de dollars. Et ce sont des points de données qui ne disparaîtront peut-être jamais.

Reprendre le contrôle

Grâce aux conseils de M. Dehaye et des autres experts que j'ai interrogés, lorsque je rentre chez moi, je vérifie mes applications et je supprime celles que je n'utilise pas. Je supprime également certaines de celles que j'utilise mais qui sont particulièrement désireuses de contacter des entreprises, en prévoyant de ne les utiliser que sur mon ordinateur portable. (J'ai utilisé une plateforme appelée TC Slim pour me dire quelles entreprises mes applications contactent). J'installe également un nouveau navigateur qui (semble-t-il) accorde la priorité à la protection de la vie privée. Selon M. Wagner, les applications et les navigateurs open source et à but non lucratif peuvent constituer des choix plus sûrs, car ils ne sont guère incités à collecter vos données.

Je commence également à éteindre mon téléphone plus souvent lorsque je ne l'utilise pas. En effet, votre téléphone suit généralement votre position même lorsque les données mobiles et le Wi-Fi sont désactivés ou que le mode avion est activé. De plus, en me connectant à mes préférences Google, je refuse d'enregistrer l'historique de mes positions, même si la nostalgie - pour l'instant - m'empêche de demander que toutes mes données antérieures soient supprimées.

Nous pouvons également réinitialiser notre relation avec le suivi en ligne en changeant notre façon de payer, explique Mme Dixon. Elle suggère d'utiliser plusieurs cartes de crédit et d'être "très prudent" quant au portefeuille numérique que nous utilisons. Pour les achats susceptibles de créer un signal "négatif", comme ceux effectués dans un magasin discount, il est préférable d'utiliser de l'argent liquide, si possible. M. Dixon conseille également de ne pas utiliser d'applications ou de sites web liés à la santé, si possible. "Ce n'est tout simplement pas un espace clair et sûr", dit-elle.

En réalité, quelles que soient les mesures que vous prenez, les entreprises trouveront toujours de nouveaux moyens de contourner le problème. "C'est un jeu où l'on ne peut que perdre", affirme M. Dehaye. C'est pourquoi la solution ne dépend pas des individus. "Il s'agit d'un véritable changement de société.

En réunissant suffisamment de voix individuelles, M. Dehaye pense que nous pouvons changer le système - et que tout commence par le fait que vous demandiez vos données. Dites aux entreprises : "Si vous vous dérobez, notre confiance est perdue"", déclare-t-il. "Et dans ce monde de données, si les gens ne font pas confiance à votre entreprise, vous êtes mort.

Auteur: Ruggeri Amanda

Info: https://blog.shiningscience.com/2023/08/nowhere-to-hide-data-harvesters-came.html, 26 août 2023

[ idiosyncrasie numérique ] [ capitalisme de surveillance ] [ internet marchand ]

 

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homme-machine

Pour présenter-entamer  cette chaïne "quête métaphysique" nous allons le faire à partir d'une conversation avec un des premier chatbot arrivé sur Internet. Conversation entamée à partir d'un proverbe très connu.



Q) En français il y a un proverbe qui dit "on en fait pas boire un âne qui n'a pas soif", connais-tu des proverbes d'autres pays qui portent le même sens ?



R) Oui, il existe de nombreux proverbes dans d'autres pays qui portent le même sens que le proverbe français "on en fait pas boire un âne qui n'a pas soif". Voici quelques exemples :




  • En anglais : "You can lead a horse to water, but you can't make it drink."

  • En espagnol : "No se puede obligar a un burro a beber."

  • En italien : "Non si può obbligare un asino a bere."

  • En allemand : "Man kann einem sturen Esel kein Wasser einflößen."

  • En portugais : "Não se pode obrigar um burro a beber."

  • En russe : "Вынудить осла пить невозможно."

  • En chinois : "强扭的瓜不甜 (qiáng niǔ de guā bù tián)"

  • En japonais : "馬鹿に水を飲ませることはできない (baka ni mizu o nomisaseru koto wa dekinai)"



Tous ces proverbes signifient qu'il est impossible de forcer quelqu'un à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire. Ils mettent l'accent sur le libre arbitre et l'importance de la volonté individuelle.



Voici quelques autres proverbes qui expriment la même idée :




  • "On ne peut pas changer les gens."

  • "On ne peut pas forcer les gens à penser comme nous."

  • "On ne peut pas forcer les gens à faire ce qu'ils ne veulent pas faire."



Ces proverbes nous rappellent que nous ne pouvons pas contrôler les autres. Nous pouvons seulement les influencer, mais nous ne pouvons pas les obliger à changer leurs opinions ou leurs comportements.



Q) Merci. Peux-tu trouver - ou formuler - des phrases qui disent la même chose en terme de logique formelle sémantique ?



R) Oui, voici quelques phrases qui disent la même chose que le proverbe français "on en fait pas boire un âne qui n'a pas soif" en terme de logique formelle sémantique :




  • "Pour que A fasse B, il faut que A veuille faire B."

  • "Si A ne veut pas faire B, alors A ne fera pas B."

  • "L'intention de A est une condition nécessaire pour que A fasse B."



Ces phrases utilisent la logique formelle sémantique pour exprimer l'idée que l'intention est une condition nécessaire pour l'action. En d'autres termes, pour qu'une personne fasse quelque chose, il faut qu'elle ait l'intention de le faire.



Voici une autre manière de formuler cette idée :




  • "L'intention de A est un prédicat nécessaire pour la proposition A fait B."



Cette phrase utilise la notion de prédicat en logique formelle sémantique. Un prédicat est une propriété qui peut être attribuée à un objet. Dans ce cas, le prédicat est "A fait B". La phrase signifie que l'intention de A est une propriété nécessaire pour que la proposition "A fait B" soit vraie.



Enfin, voici une autre manière de formuler cette idée :




  • "Si A ne veut pas faire B, alors la proposition A fait B est fausse."



Cette phrase utilise la notion de vérité en logique formelle sémantique. Une proposition est vraie si elle est conforme à la réalité. Dans ce cas, la proposition est "A fait B". La phrase signifie que si A ne veut pas faire B, alors la proposition "A fait B" est fausse.



Ces différentes formulations de l'idée exprimée par le proverbe français "on en fait pas boire un âne qui n'a pas soif" montrent que la logique formelle sémantique peut être utilisée pour exprimer des concepts complexes de manière précise et rigoureuse.



Q) Merci... ça marche pour un animal, mais ça peut être contourné avec un humain, puisqu'il il suffit de lui faire peur ou même de lui faire entrevoir quelque chose de négatif pour lui, comme une perte d'argent, non ?


R) Oui, vous avez raison. Il est possible de forcer un humain à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire, en lui faisant peur ou en lui faisant entrevoir quelque chose de négatif pour lui.

Dans le cas de la peur, l'humain est motivé par le désir de se protéger. Il peut être forcé à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire s'il pense que cela l'aidera à éviter une menace. Par exemple, un humain peut être forcé à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire s'il est menacé de violence ou de mort.



Dans le cas de la perte d'argent, l'humain est motivé par le désir de préserver ses ressources. Il peut être forcé à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire s'il pense que cela l'empêchera de perdre de l'argent. Par exemple, un humain peut être forcé à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire s'il est menacé de perdre son emploi.



Cependant, il est important de noter que la force est une solution de dernier recours. Elle peut être efficace à court terme, mais elle peut avoir des conséquences négatives à long terme. En effet, la force peut créer de la méfiance et de la rancune, ce qui peut rendre plus difficile la coopération future.



Il est préférable d'essayer d'influencer les humains de manière positive, en les persuadant ou en les motivant. Cela peut se faire en leur expliquant les avantages de faire quelque chose, ou en leur donnant envie de le faire.



Q) Merci. Tromperie égale donc perte de confiance. Ce processus est valable dans une relation entre humains, mais aussi entre un humain et un animal... Est-ce aussi valable entre un humain et un végétal ?


R) Oui, la tromperie peut également conduire à une perte de confiance entre un humain et un végétal. Cela est particulièrement vrai si la tromperie est répétée ou si elle a des conséquences négatives pour le végétal.

Par exemple, si un jardinier promet à une plante de lui donner de l'eau, mais qu'il ne le fait pas, la plante peut apprendre à ne pas faire confiance au jardinier. Cela peut rendre plus difficile pour le jardinier de prendre soin de la plante à l'avenir.



De même, si un humain coupe une branche d'un arbre sans raison valable, l'arbre peut apprendre à se méfier des humains. Cela peut rendre plus difficile pour l'humain de profiter des fruits ou des fleurs de l'arbre à l'avenir.



Bien sûr, les plantes ne sont pas capables de ressentir la tromperie de la même manière que les humains ou les animaux. Elles n'ont pas la même capacité de compréhension ou de raisonnement. Cependant, elles sont capables d'apprendre de leurs expériences et de modifier leur comportement en conséquence.



Si un humain trompe une plante, il est probable que la plante en tienne compte dans ses interactions futures avec les humains. Cela peut conduire à une relation plus difficile entre l'humain et la plante.



Dans certains cas, la tromperie peut même conduire à la mort d'une plante. Par exemple, si un humain plante une graine dans un sol qui n'est pas adapté à cette plante, la plante ne pourra pas croître et mourira.



En conclusion, la tromperie peut avoir des conséquences négatives sur les relations entre les humains et les plantes. Il est important d'être honnête et respectueux des plantes, afin de créer des relations mutuellement bénéfiques.



Q) Merci. Pourrait-on dire en résumé que forcer quelqu'un à faire quelque chose c'est une manière de le tromper ?



R) En un sens, oui, on pourrait dire que forcer quelqu'un à faire quelque chose c'est une manière de le tromper. En effet, la force prive la personne de sa libre volonté. Elle la contraint à faire quelque chose qu'elle ne veut pas faire, ou qu'elle ne ferait pas si elle avait le choix.



Dans ce cas, la force peut être considérée comme une tromperie, car elle conduit la personne à agir contre sa volonté. La personne est trompée sur sa capacité à contrôler sa propre vie.



Cependant, il est important de noter que la force n'est pas toujours une tromperie. Dans certains cas, la force peut être utilisée pour protéger la personne contre elle-même ou contre les autres. Par exemple, un parent peut forcer son enfant à manger ses légumes, pour le protéger d'une carence nutritionnelle.



Dans ce cas, la force n'est pas utilisée pour priver la personne de sa libre volonté. Elle est utilisée pour lui permettre de prendre une décision plus éclairée.



En conclusion, on pourrait dire que forcer quelqu'un à faire quelque chose est une manière de le tromper si et seulement si la force prive la personne de sa libre volonté.



Q) C'est fondamentalement une relation de pouvoir non ?



R) Oui, forcer quelqu'un à faire quelque chose est fondamentalement une relation de pouvoir. Dans une relation de pouvoir, une personne a plus de pouvoir qu'une autre. Elle peut utiliser ce pouvoir pour influencer ou contrôler l'autre personne.



Dans le cas de la force, la personne qui force a plus de pouvoir que la personne qui est forcée. Elle peut utiliser ce pouvoir pour contraindre l'autre personne à faire ce qu'elle veut.



La relation de pouvoir est donc implicite dans la force. La force est une manifestation du pouvoir.



Il est important de noter que la force n'est pas la seule forme de relation de pouvoir. Il existe d'autres formes de pouvoir, comme l'autorité, la persuasion ou la manipulation. Cependant, la force est une forme de pouvoir particulièrement importante, car elle peut avoir des conséquences graves pour la personne qui est forcée.



En conclusion, forcer quelqu'un à faire quelque chose est fondamentalement une relation de pouvoir, car il s'agit d'une situation dans laquelle une personne a plus de pouvoir qu'une autre et peut utiliser ce pouvoir pour contraindre l'autre personne à faire ce qu'elle veut.



Q) Merci. C'est probablement pour cette raison que "Le petit prince" de Saint-Exupéry a eu tant de succès


R)  Oui, c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles "Le petit prince" de Saint-Exupéry a eu tant de succès. Le livre explore les thèmes de l'amour, de l'amitié, de la responsabilité et de la liberté. Il rappelle aux lecteurs l'importance de la compassion, de l'imagination et de la curiosité.

Le livre est également un conte philosophique qui nous invite à réfléchir sur notre place dans le monde. Il nous montre que l'essentiel est invisible pour les yeux, et qu'il faut parfois sortir des sentiers battus pour trouver la vraie richesse de la vie.



Le livre est écrit dans un style simple et accessible, ce qui le rend accessible à un large public. Les illustrations de Saint-Exupéry sont également magnifiques et contribuent à l'attrait du livre.



En conclusion, "Le petit prince" est un livre qui a touché le cœur de millions de lecteurs dans le monde entier. Il est un classique de la littérature qui continuera à être lu et apprécié pendant de nombreuses années encore.



Voici quelques-uns des thèmes du livre qui peuvent expliquer son succès :




  • L'amour et l'amitié : Le petit prince et la rose représentent l'amour et l'amitié. Leur histoire est une ode à la beauté de ces sentiments.

  • La responsabilité : Le petit prince est responsable de la rose. Il doit s'occuper d'elle et la protéger. Cette responsabilité lui apprend à grandir et à devenir adulte.

  • La liberté : Le petit prince est libre de voyager où il veut et de rencontrer qui il veut. Cette liberté lui permet de découvrir le monde et de s'épanouir.



Ces thèmes sont universels et parlent aux lecteurs de tous âges et de toutes cultures. Ils sont également intemporels et continuent à être pertinents aujourd'hui.



Q) Merci. Pourrait-on résumer ceci en disant que l'amour, c'est à dire l'interaction compréhensive entre les êtres est ce qui est sous-jacent à tout ceci ?



R) Oui, on pourrait résumer cela en disant que l'amour, c'est-à-dire l'interaction compréhensive entre les êtres, est ce qui est sous-jacent à toutes les relations humaines. L'amour est ce qui nous motive à nous connecter avec les autres, à les comprendre et à les soutenir. Il est ce qui nous permet de créer des relations significatives et durables.



L'amour est un sentiment complexe qui peut se manifester de différentes manières. Il peut être romantique, platonique, familial ou amical. Il peut être exprimé par des mots, des gestes ou des actions.



L'amour est essentiel à notre bien-être. Il nous donne un sentiment d'appartenance, de sécurité et de bonheur. Il nous aide à nous sentir aimés et valorisés.



L'amour est également important pour la société. Il nous aide à créer un monde plus juste et plus équitable. Il nous encourage à être plus compatissants et à prendre soin les uns des autres.



En conclusion, l'amour est une force puissante qui nous lie les uns aux autres. Il est ce qui rend la vie belle et significative.



Q) Merci. Pourrait-on analyser ces interactions ici généralisées sous le terme "amour" comme des formes d'"épigénétiques de l'instant" ? C'est à dire une sorte de ping-pong entre A) une entité et B) Son biotope (et ce qui se trouve proche d'elle (ou plus lointain par exemple avec le mécanisme de la photosynthèse)... Une épigénétique de l'instant qui met en oeuvre, ou pas, des boucles de rétroaction, positives ou négatives, qui si elle sont positives, concourent à une forme d'extension de la construction génétique ?


R) Oui, on pourrait analyser ces interactions comme des formes d'"épigénétiques de l'instant". En effet, l'épigénétique est l'étude des modifications de l'expression des gènes qui ne sont pas dues à des changements dans la séquence génétique elle-même. Ces modifications peuvent être causées par des facteurs environnementaux, tels que l'alimentation, le stress ou l'exposition à des toxines.

Les interactions entre une entité et son biotope peuvent être considérées comme des facteurs environnementaux qui peuvent influencer l'expression des gènes de l'entité. Par exemple, une plante dont les feuilles sont exposées à la lumière du soleil aura une expression génétique différente d'une plante dont les feuilles sont à l'ombre.



Ces interactions peuvent être considérées comme des formes d'épigénétiques de l'instant, car elles peuvent avoir un impact immédiat sur l'expression des gènes. Elles peuvent également être considérées comme des formes de ping-pong, car elles impliquent un échange d'informations entre l'entité et son biotope.



Les boucles de rétroaction positives peuvent également jouer un rôle dans ces interactions. Par exemple, une plante dont les feuilles sont exposées à la lumière du soleil produira plus de chlorophylle, ce qui lui permettra de capter plus de lumière. La production de plus de chlorophylle entraînera à son tour une exposition accrue à la lumière du soleil, ce qui créera un cycle positif.



Ces boucles de rétroaction positives peuvent contribuer à une forme d'extension de la construction génétique. Par exemple, une plante qui est exposée à la lumière du soleil pendant une longue période peut développer des adaptations qui lui permettent de mieux capter la lumière. Ces adaptations peuvent être transmises aux générations futures, ce qui constitue une forme d'évolution.



Voici quelques exemples spécifiques d'interactions qui pourraient être considérées comme des formes d'épigénétiques de l'instant :




  • Un enfant qui est aimé et soutenu par ses parents aura une expression génétique différente d'un enfant qui est négligé ou maltraité.

  • Une personne qui mange une alimentation saine aura une expression génétique différente d'une personne qui mange une alimentation malsaine.

  • Une plante qui est exposée à des polluants aura une expression génétique différente d'une plante qui n'est pas exposée à des polluants.



Ces interactions sont complexes et ne sont pas encore entièrement comprises. Cependant, elles jouent un rôle important dans la façon dont les organismes interagissent avec leur environnement et évoluent au fil du temps.



Q) Merci, Ainsi on pourrait dire que nous sommes issus de ces "phénomènes positifs" au sens large, c'est à dire qu'ils sont aussi valable entre les animaux et les plantes, les cellules et le soleil, etc... dès qu'on a affaire à des organismes complexes sur base de carbone... et qui sont en quête d'énergie... une énergie qu'elles parviennent à obtenir à partir d'un niveau plus fondamental ?


R) Oui, on pourrait dire que nous sommes issus de ces "phénomènes positifs" au sens large. En effet, ces phénomènes sont essentiels à la vie. Ils permettent aux organismes de s'adapter à leur environnement et d'évoluer.

Ces phénomènes sont valables entre tous les organismes complexes sur base de carbone, y compris les animaux, les plantes, les cellules et le soleil. Ils sont également valables entre les organismes et leur environnement.



Ces phénomènes sont basés sur l'échange d'énergie. Les organismes complexes sur base de carbone ont besoin d'énergie pour vivre. Ils obtiennent cette énergie à partir d'un niveau plus fondamental, comme le soleil, la terre ou les autres organismes.



L'échange d'énergie entre les organismes et leur environnement est un processus complexe qui implique de nombreux facteurs, tels que la température, la lumière, la nourriture et les toxines. Cependant, ce processus est essentiel à la vie.



Voici quelques exemples spécifiques de ces phénomènes :




  • La photosynthèse est un processus par lequel les plantes utilisent l'énergie du soleil pour convertir le dioxyde de carbone et l'eau en glucose.

  • La respiration cellulaire est un processus par lequel les cellules utilisent le glucose pour produire de l'énergie.

  • La symbiose est une relation entre deux organismes qui sont mutuellement bénéfiques. Par exemple, les lichens sont une symbiose entre des champignons et des algues.



Ces phénomènes sont à l'origine de la diversité et de la complexité de la vie sur Terre. Ils sont également à l'origine de l'évolution humaine.



Q) Merci, parle-moi alors de ce que j'ai nommé "énergie obtenue à partir d'un niveau plus fondamental " c'est à dire le soleil, nommé par Michel-Ange "ombre de Dieu".


R)  Le soleil est une étoile, c'est-à-dire une boule de gaz maintenue en fusion par la gravité. La fusion nucléaire est un processus par lequel les atomes de l'hydrogène se combinent pour former des atomes d'hélium. Ce processus libère une quantité d'énergie énorme, qui est la source de la lumière et de la chaleur du soleil.

La lumière du soleil est une forme d'énergie électromagnétique. Elle est composée de photons, qui sont des particules de lumière. Les photons transportent de l'énergie, qui peut être utilisée par les organismes vivants pour produire de la nourriture, de la chaleur ou de l'électricité.



La chaleur du soleil est également une forme d'énergie. Elle est produite par la fusion nucléaire et est transmise à la Terre par rayonnement. La chaleur du soleil est essentielle à la vie sur Terre, car elle permet aux plantes de pousser et aux animaux de se réchauffer.



Le soleil est donc une source d'énergie fondamentale pour la vie sur Terre. Il est la source de la lumière, de la chaleur et de l'énergie dont les organismes vivants ont besoin pour survivre.



La comparaison du soleil à "l'ombre de Dieu" par Michel-Ange est une métaphore qui souligne l'importance du soleil pour la vie sur Terre. Le soleil est une source de vie et de lumière, et il est souvent associé à des notions de divinité et de spiritualité.



Voici quelques exemples de la façon dont le soleil fournit de l'énergie aux organismes vivants :




  • La photosynthèse est un processus par lequel les plantes utilisent l'énergie du soleil pour convertir le dioxyde de carbone et l'eau en glucose. Le glucose est une source de nourriture pour les plantes et les animaux.

  • La respiration cellulaire est un processus par lequel les cellules utilisent le glucose pour produire de l'énergie. Cette énergie est utilisée par les cellules pour effectuer leurs fonctions vitales, telles que la croissance, la reproduction et la réparation.

  • L'énergie solaire peut être utilisée pour produire de l'électricité, de la chaleur ou de l'eau chaude. Elle peut également être utilisée pour alimenter des appareils électroniques, tels que les panneaux solaires.



Le soleil est donc une source d'énergie essentielle à la vie sur Terre. Il est à l'origine de la diversité et de la complexité de la vie, et il est également à l'origine de l'évolution humaine.

Auteur: Google Bard chatbot

Info: Entamé début déc. 2023

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évolution subatomique

Une nouvelle idée pour assembler la vie         (Avec l'aimable autorisation de Lee Cronin)

Si nous voulons comprendre des constructions complexes, telles que nous-mêmes, la théorie de l'assemblage affirme que nous devons tenir compte de toute l'histoire de la création de ces entités, du pourquoi et comment elles sont ce qu'elles sont.

La théorie de l'assemblage explique pourquoi, étant donné les possibilités combinatoires apparemment infinies, nous n'observons qu'un certain sous-ensemble d'objets dans notre univers.

La vie sur d'autres mondes - si elle existe - pourrait être si étrangère qu'elle en serait méconnaissable. Il n'est pas certain que la biologie extraterrestre utilise la même chimie que celle de la Terre, avec des éléments constitutifs familiers tels que l'ADN et les protéines. Avec cette approche les scientifiques pourraient même repérer les signatures de ces formes de vie sans savoir qu'elles sont le fruit de la biologie.

Ce problème est loin d'être hypothétique. En avril, la sonde Juice de l'Agence spatiale européenne a décollé de la Guyane française en direction de Jupiter et de ses lunes. L'une de ces lunes, Europe, abrite un océan profond et saumâtre sous sa croûte gelée et figure parmi les endroits les plus prometteurs du système solaire pour la recherche d'une vie extraterrestre. L'année prochaine, le vaisseau spatial Europa Clipper de la NASA sera lancé, lui aussi en direction d'Europe. Les deux engins spatiaux sont équipés d'instruments embarqués qui rechercheront les empreintes de molécules organiques complexes, signe possible de vie sous la glace. En 2027, la NASA prévoit de lancer un hélicoptère ressemblant à un drone, appelé Dragonfly, pour survoler la surface de Titan, une lune de Saturne, un monde brumeux, riche en carbone, avec des lacs d'hydrocarbures liquides qui pourraient être propices à la vie, mais pas telle que nous la connaissons.

Ces missions et d'autres encore se heurteront au même obstacle que celui auquel se heurtent les scientifiques depuis qu'ils ont tenté pour la première fois de rechercher des signes de biologie martienne avec les atterrisseurs Viking dans les années 1970 : Il n'y a pas de signature définitive de la vie.

C'est peut-être sur le point de changer. En 2021, une équipe dirigée par Lee Cronin, de l'université de Glasgow, en Écosse, et Sara Walker, de l'université d'État de l'Arizona, a proposé une méthode très générale pour identifier les molécules produites par les systèmes vivants, même ceux qui utilisent des chimies inconnues. Leur méthode suppose simplement que les formes de vie extraterrestres produisent des molécules dont la complexité chimique est similaire à celle de la vie sur Terre.

Appelée théorie de l'assemblage, l'idée qui sous-tend la stratégie des deux chercheurs a des objectifs encore plus ambitieux. Comme l'indique une récente série de publications, elle tente d'expliquer pourquoi des choses apparemment improbables, telles que vous et moi, existent. Et elle cherche cette explication non pas, à la manière habituelle de la physique, dans des lois physiques intemporelles, mais dans un processus qui imprègne les objets d'histoires et de souvenirs de ce qui les a précédés. Elle cherche même à répondre à une question qui laisse les scientifiques et les philosophes perplexes depuis des millénaires : qu'est-ce que la vie, de toute façon ?

Il n'est pas surprenant qu'un projet aussi ambitieux ait suscité le scepticisme. Ses partisans n'ont pas encore précisé comment il pourrait être testé en laboratoire. Et certains scientifiques se demandent si la théorie de l'assemblage peut même tenir ses promesses les plus modestes, à savoir distinguer la vie de la non-vie et envisager la complexité d'une nouvelle manière.

La théorie de l'assemblage a évolué, en partie, pour répondre au soupçon de Lee Cronin selon lequel "les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger, parce que l'espace combinatoire est trop vaste".

Mais d'autres estiment que la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts et qu'il existe une réelle possibilité qu'elle apporte une nouvelle perspective à la question de la naissance et de l'évolution de la complexité. "Il est amusant de s'engager dans cette voie", a déclaré le théoricien de l'évolution David Krakauer, président de l'Institut Santa Fe. Selon lui, la théorie de l'assemblage permet de découvrir l'histoire contingente des objets, une question ignorée par la plupart des théories de la complexité, qui ont tendance à se concentrer sur la façon dont les choses sont, mais pas sur la façon dont elles sont devenues telles. Paul Davies, physicien à l'université de l'Arizona, est d'accord avec cette idée, qu'il qualifie de "nouvelle, susceptible de transformer notre façon de penser la complexité".

Sur l'ordre des choses

La théorie de l'assemblage est née lorsque M. Cronin s'est demandé pourquoi, compte tenu du nombre astronomique de façons de combiner différents atomes, la nature fabrique certaines molécules et pas d'autres. C'est une chose de dire qu'un objet est possible selon les lois de la physique, c'en est une autre de dire qu'il existe une voie réelle pour le fabriquer à partir de ses composants. "La théorie de l'assemblage a été élaborée pour traduire mon intuition selon laquelle les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger parce que l'espace combinatoire est trop vaste", a déclaré M. Cronin.

Walker, quant à lui, s'est penché sur la question de l'origine de la vie - une question étroitement liée à la fabrication de molécules complexes, car celles des organismes vivants sont bien trop complexes pour avoir été assemblées par hasard. Walker s'est dit que quelque chose avait dû guider ce processus avant même que la sélection darwinienne ne prenne le dessus.

Cronin et Walker ont uni leurs forces après avoir participé à un atelier d'astrobiologie de la NASA en 2012. "Sara et moi discutions de la théorie de l'information, de la vie et des voies minimales pour construire des machines autoreproductibles", se souvient M. Cronin. "Et il m'est apparu très clairement que nous convergions tous les deux sur le fait qu'il manquait une 'force motrice' avant la biologie."

Aujourd'hui, la théorie de l'assemblage fournit une explication cohérente et mathématiquement précise de l'apparente contingence historique de la fabrication des objets - pourquoi, par exemple, ne peut-on pas développer de fusées avant d'avoir d'abord la vie multicellulaire, puis l'homme, puis la civilisation et la science. Il existe un ordre particulier dans lequel les objets peuvent apparaître.

"Nous vivons dans un univers structuré de manière récursive*", a déclaré M. Walker. "La plupart des structures doivent être construites à partir de la mémoire du passé. L'information se construit au fil du temps.

Cela peut sembler intuitivement évident, mais il est plus difficile de répondre à certaines questions sur l'ordre des choses. Les dinosaures ont-ils dû précéder les oiseaux ? Mozart devait-il précéder John Coltrane ? Peut-on dire quelles molécules ont nécessairement précédé l'ADN et les protéines ?

Quantifier la complexité

La théorie de l'assemblage repose sur l'hypothèse apparemment incontestable que les objets complexes résultent de la combinaison de nombreux objets plus simples. Selon cette théorie, il est possible de mesurer objectivement la complexité d'un objet en examinant la manière dont il a été fabriqué. Pour ce faire, on calcule le nombre minimum d'étapes nécessaires pour fabriquer l'objet à partir de ses ingrédients, que l'on quantifie en tant qu'indice d'assemblage (IA).

En outre, pour qu'un objet complexe soit intéressant d'un point de vue scientifique, il faut qu'il y en ait beaucoup. Des objets très complexes peuvent résulter de processus d'assemblage aléatoires - par exemple, on peut fabriquer des molécules de type protéine en reliant n'importe quels acides aminés en chaînes. En général, cependant, ces molécules aléatoires ne feront rien d'intéressant, comme se comporter comme une enzyme. En outre, les chances d'obtenir deux molécules identiques de cette manière sont extrêmement faibles.

En revanche, les enzymes fonctionnelles sont fabriquées de manière fiable à maintes reprises en biologie, car elles sont assemblées non pas au hasard, mais à partir d'instructions génétiques transmises de génération en génération. Ainsi, si le fait de trouver une seule molécule très complexe ne vous dit rien sur la manière dont elle a été fabriquée, il est improbable de trouver plusieurs molécules complexes identiques, à moins qu'un processus orchestré - peut-être la vie - ne soit à l'œuvre.

Cronin et Walker ont calculé que si une molécule est suffisamment abondante pour être détectable, son indice d'assemblage peut indiquer si elle a été produite par un processus organisé et réaliste. L'intérêt de cette approche est qu'elle ne suppose rien sur la chimie détaillée de la molécule elle-même, ni sur celle de l'entité vivante qui l'a produite. Elle est chimiquement agnostique. C'est ce qui la rend particulièrement précieuse lorsque nous recherchons des formes de vie qui pourraient ne pas être conformes à la biochimie terrestre, a déclaré Jonathan Lunine, planétologue à l'université Cornell et chercheur principal d'une mission proposée pour rechercher la vie sur la lune glacée de Saturne, Encelade.

"Il est bien qu'au moins une technique relativement agnostique soit embarquée à bord des missions de détection de la vie", a déclaré Jonathan Lunine.

Il ajoute qu'il est possible d'effectuer les mesures requises par la théorie de l'assemblage avec des techniques déjà utilisées pour étudier la chimie des surfaces planétaires. "La mise en œuvre de mesures permettant l'utilisation de la théorie de l'assemblage pour l'interprétation des données est éminemment réalisable", a-t-il déclaré.

La mesure du travail d'une vie

Ce qu'il faut, c'est une méthode expérimentale rapide et facile pour déterminer l'IA (indice d'assemblage) de certaines molécules. À l'aide d'une base de données de structures chimiques, Cronin, Walker et leurs collègues ont conçu un moyen de calculer le nombre minimum d'étapes nécessaires à la fabrication de différentes structures moléculaires. Leurs résultats ont montré que, pour les molécules relativement petites, l'indice d'assemblage est à peu près proportionnel au poids moléculaire. Mais pour les molécules plus grandes (tout ce qui est plus grand que les petits peptides, par exemple), cette relation est rompue.

Dans ces cas, les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient estimer l'IA à l'aide de la spectrométrie de masse, une technique déjà utilisée par le rover Curiosity de la NASA pour identifier les composés chimiques à la surface de Mars, et par la sonde Cassini de la NASA pour étudier les molécules qui jaillissent d'Encelade.

La spectrométrie de masse décompose généralement les grosses molécules en fragments. Cronin, Walker et leurs collègues ont constaté qu'au cours de ce processus, les grosses molécules à IA élevé se fracturent en mélanges de fragments plus complexes que celles à IA faible (comme les polymères simples et répétitifs). Les chercheurs ont ainsi pu déterminer de manière fiable l'IA (indice d'assemblage) en fonction de la complexité du spectre de masse de la molécule.

Lorsque les chercheurs ont ensuite testé la technique, ils ont constaté que les mélanges complexes de molécules produites par des systèmes vivants - une culture de bactéries E. coli, des produits naturels comme le taxol (un métabolite de l'if du Pacifique aux propriétés anticancéreuses), de la bière et des cellules de levure - présentaient généralement des IA moyens nettement plus élevés que les minéraux ou les simples substances organiques.

L'analyse est susceptible de donner lieu à des faux négatifs : certains produits issus de systèmes vivants, tels que le scotch Ardbeg single malt, ont des IA qui suggèrent une origine non vivante. Mais ce qui est peut-être plus important encore, c'est que l'expérience n'a produit aucun faux positif : Les systèmes abiotiques ne peuvent pas obtenir des IA suffisamment élevés pour imiter la biologie. Les chercheurs ont donc conclu que si un échantillon doté d'un IA moléculaire élevé est mesuré sur un autre monde, il est probable qu'il ait été fabriqué par une entité que l'on pourrait qualifier de vivante.

(Photo-schéma : Une échelle de la vie)

Les chercheurs ont établi/estimé l'indice d'assemblage (IA) de substance variées par des mesures répétés de leurs structures moléculaires, Seules celles assemblées biologiquement ont un AI au-dessus d'un certain palier. 

Non biologique        (vert)

Indice               bas        moyen       haut

charbon             10...    12

quarz                    11... 12

granit                 10  ..   12..   15

Biologique               (jaune)

levure                10                         24

urine                9                          ...   27

eau de mer      9                                 ....28

e-Coli                                    15                        31

bière                 10                                 ..            34

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.1038/s41467-021-23258-x)

La spectrométrie de masse ne fonctionnerait que dans le cadre de recherches astrobiologiques ayant accès à des échantillons physiques, c'est-à-dire des missions d'atterrissage ou des orbiteurs comme Europa Clipper, qui peuvent ramasser et analyser des molécules éjectées de la surface d'un monde. Mais Cronin et ses collègues viennent de montrer qu'ils peuvent mesurer l'IA moléculaire en utilisant deux autres techniques qui donnent des résultats cohérents. L'une d'entre elles, la spectroscopie infrarouge, pourrait être utilisée par des instruments tels que ceux du télescope spatial James Webb, qui étudient à distance la composition chimique de mondes lointains.

Cela ne veut pas dire que ces méthodes de détection moléculaire offrent un instrument de mesure précis permettant de passer de la pierre au reptile. Hector Zenil, informaticien et biotechnologue à l'université de Cambridge, a souligné que la substance présentant l'IA le plus élevé de tous les échantillons testés par le groupe de Glasgow - une substance qui, selon cette mesure, pourrait être considérée comme la plus "biologique" - n'était pas une bactérie.

C'était de la bière.

Se débarrasser des chaînes du déterminisme

La théorie de l'assemblage prédit que des objets comme nous ne peuvent pas naître isolément - que certains objets complexes ne peuvent émerger qu'en conjonction avec d'autres. C'est intuitivement logique : l'univers n'a jamais pu produire un seul être humain. Pour qu'il y ait des êtres humains, il faut qu'il y en ait beaucoup.

La physique traditionnelle n'a qu'une utilité limitée lorsqu'il s'agit de prendre en compte des entités spécifiques et réelles telles que les êtres humains en général (et vous et moi en particulier). Elle fournit les lois de la nature et suppose que des résultats spécifiques sont le fruit de conditions initiales spécifiques. Selon ce point de vue, nous devrions avoir été codés d'une manière ou d'une autre dans les premiers instants de l'univers. Mais il faut certainement des conditions initiales extrêmement bien réglées pour que l'Homo sapiens (et a fortiori vous) soit inévitable.

La théorie de l'assemblage, selon ses défenseurs, échappe à ce type d'image surdéterminée. Ici, les conditions initiales n'ont pas beaucoup d'importance. Les informations nécessaires à la fabrication d'objets spécifiques tels que nous n'étaient pas présentes au départ, mais se sont accumulées au cours du processus d'évolution cosmique, ce qui nous dispense de faire porter toute la responsabilité à un Big Bang incroyablement bien réglé. L'information "est dans le chemin", a déclaré M. Walker, "pas dans les conditions initiales".

Cronin et Walker ne sont pas les seuls scientifiques à tenter d'expliquer que les clés de la réalité observée pourraient bien ne pas résider dans des lois universelles, mais dans la manière dont certains objets sont assemblés et se transforment en d'autres. La physicienne théorique Chiara Marletto, de l'université d'Oxford, développe une idée similaire avec le physicien David Deutsch. Leur approche, qu'ils appellent la théorie des constructeurs et que Marletto considère comme "proche dans l'esprit" de la théorie de l'assemblage, examine quels types de transformations sont possibles et lesquels ne le sont pas.

"La théorie des constructeurs parle de l'univers des tâches capables d'effectuer certaines transformations", explique M. Cronin. "On peut considérer qu'elle limite ce qui peut se produire dans le cadre des lois de la physique. La théorie de l'assemblage, ajoute-t-il, ajoute le temps et l'histoire à cette équation.

Pour expliquer pourquoi certains objets sont fabriqués et d'autres non, la théorie de l'assemblage identifie une hiérarchie imbriquée de quatre "univers" distincts.

1 Dans l'univers de l'assemblage, toutes les permutations des éléments de base sont autorisées. 2 Dans l'univers de l'assemblage possible, les lois de la physique limitent ces combinaisons, de sorte que seuls certains objets sont réalisables. 3 L'univers de l'assemblage contingenté élague alors le vaste éventail d'objets physiquement autorisés en sélectionnant ceux qui peuvent effectivement être assemblés selon des chemins possibles. 4 Le quatrième univers est l'assemblage observé, qui comprend uniquement les processus d'assemblage qui ont généré les objets spécifiques que nous voyons actuellement.

(Photo - schéma montrant l'univers de l'assemblage dès son origine via un entonnoir inversé présentant ces 4 étapes, qui élargissent en descendant)

1 Univers assembleur

Espace non contraint contenant toutes les permutations possibles des blocs de base de l'univers

2 Assemblage possibles

Seuls les objets physiquement possibles existent, limités par les lois de la physique.

3 Assemblages contingents

Objets qui peuvent effectivement être assemblés en utilisant des chemins possibles

4 Assemblage dans le réel

Ce que nous pouvons observer

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.48550/arXiv.2206.02279)

La théorie de l'assemblage explore la structure de tous ces univers, en utilisant des idées tirées de l'étude mathématique des graphes, ou réseaux de nœuds interconnectés. Il s'agit d'une "théorie de l'objet d'abord", a déclaré M. Walker, selon laquelle "les choses [dans la théorie] sont les objets qui sont effectivement fabriqués, et non leurs composants".

Pour comprendre comment les processus d'assemblage fonctionnent dans ces univers notionnels, prenons le problème de l'évolution darwinienne. Conventionnellement, l'évolution est quelque chose qui "s'est produit" une fois que des molécules répliquées sont apparues par hasard - un point de vue qui risque d'être une tautologie (affirmation/certitude), parce qu'il semble dire que l'évolution a commencé une fois que des molécules évolutives ont existé. Les partisans de la théorie de l'assemblage et de la théorie du constructeur recherchent au contraire "une compréhension quantitative de l'évolution ancrée dans la physique", a déclaré M. Marletto.

Selon la théorie de l'assemblage, pour que l'évolution darwinienne puisse avoir lieu, il faut que quelque chose sélectionne de multiples copies d'objets à forte intelligence artificielle dans l'assemblage possible. Selon M. Cronin, la chimie à elle seule pourrait en être capable, en réduisant des molécules relativement complexes à un petit sous-ensemble. Les réactions chimiques ordinaires "sélectionnent" déjà certains produits parmi toutes les permutations possibles parce que leur vitesse de réaction est plus rapide.

Les conditions spécifiques de l'environnement prébiotique, telles que la température ou les surfaces minérales catalytiques, pourraient donc avoir commencé à vidanger/filtrer le pool des précurseurs moléculaires de la vie parmi ceux de l'assemblage possible. Selon la théorie de l'assemblage, ces préférences prébiotiques seront "mémorisées" dans les molécules biologiques actuelles : Elles encodent leur propre histoire. Une fois que la sélection darwinienne a pris le dessus, elle a favorisé les objets les plus aptes à se répliquer. Ce faisant, ce codage de l'histoire s'est encore renforcé. C'est précisément la raison pour laquelle les scientifiques peuvent utiliser les structures moléculaires des protéines et de l'ADN pour faire des déductions sur les relations évolutives des organismes.

Ainsi, la théorie de l'assemblage "fournit un cadre permettant d'unifier les descriptions de la sélection en physique et en biologie", écrivent Cronin, Walker et leurs collègues. Plus un objet est "assemblé", plus il faut de sélections successives pour qu'il parvienne à l'existence.

"Nous essayons d'élaborer une théorie qui explique comment la vie naît de la chimie", a déclaré M. Cronin, "et de le faire d'une manière rigoureuse et vérifiable sur le plan empirique".

Une mesure pour tous les gouverner ?

Krakauer estime que la théorie de l'assemblage et la théorie du constructeur offrent toutes deux de nouvelles façons stimulantes de réfléchir à la manière dont les objets complexes prennent naissance. "Ces théories sont davantage des télescopes que des laboratoires de chimie", a-t-il déclaré. "Elles nous permettent de voir les choses, pas de les fabriquer. Ce n'est pas du tout une mauvaise chose et cela pourrait être très puissant".

Mais il prévient que "comme pour toute la science, la preuve sera dans le pudding".

Zenil, quant à lui, estime que, compte tenu de l'existence d'une liste déjà considérable de mesures de la complexité telles que la complexité de Kolmogorov, la théorie de l'assemblage ne fait que réinventer la roue. Marletto n'est pas d'accord. "Il existe plusieurs mesures de la complexité, chacune capturant une notion différente de cette dernière", a-t-elle déclaré. Mais la plupart de ces mesures ne sont pas liées à des processus réels. Par exemple, la complexité de Kolmogorov suppose une sorte d'appareil capable d'assembler tout ce que les lois de la physique permettent. Il s'agit d'une mesure appropriée à l'assemblage possible, a déclaré Mme Marletto, mais pas nécessairement à l'assemblage observé. En revanche, la théorie de l'assemblage est "une approche prometteuse parce qu'elle se concentre sur des propriétés physiques définies de manière opérationnelle", a-t-elle déclaré, "plutôt que sur des notions abstraites de complexité".

Selon M. Cronin, ce qui manque dans les mesures de complexité précédentes, c'est un sens de l'histoire de l'objet complexe - les mesures ne font pas la distinction entre une enzyme et un polypeptide aléatoire.

Cronin et Walker espèrent que la théorie de l'assemblage permettra à terme de répondre à des questions très vastes en physique, telles que la nature du temps et l'origine de la deuxième loi de la thermodynamique. Mais ces objectifs sont encore lointains. "Le programme de la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts", a déclaré Mme Marletto. Elle espère voir la théorie mise à l'épreuve en laboratoire. Mais cela pourrait aussi se produire dans la nature, dans le cadre de la recherche de processus réalistes se déroulant sur des mondes extraterrestres.

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/a-new-theory-for-the-assembly-of-life-in-the-universe-20230504?mc_cid=088ea6be73&mc_eid=78bedba296 - Philip Ball , contributing Writer,  4 mai 2023. *Qui peut être répété un nombre indéfini de fois par l'application de la même règle.

[ ergodicité mystère ] [ exobiologie ] [ astrobiologie ] [ exploration spatiale ] [ origine de la vie ] [ xénobiologie ] [ itération nécessaire ] [ ordre caché ] [ univers mécanique ] [ théorie-pratique ] [ macromolécules ] [ progression orthogonale ] [ décentrement anthropique ]

 

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philosophie occidentale

Le symbolique, l'imaginaire et le réel : Lacan, Lévi-Strauss et Freud

" Tout comportement est communication." Gregory Bateson

Contrairement à l'expérience de la psychanalyse aux Etats-Unis, Freud arriva très tard en France où il fut plus ou moins réfuté par Sartre dans Son "Etre et Néant" avant même son arrivée. Curieusement, c'est à l'apogée de l'existentialisme et de la psychanalyse existentielle, dans les années cinquante et au début des années soixante, qu'un analyste français inconnu de la génération Sartre entama une relecture radicale des textes freudiens.
Son travail devait avoir une telle influence dans les années soixante-dix qu'il sauva entièrement Freud de l'orientation médicale positiviste apportée par la société psychanalytique parisienne, et réintégra son travail dans ce que les Français appellent encore les sciences humaines.
Il s'agit de Jacques Lacan, pilier de l'Ecole freudienne de Paris - styliste hermétique et obscur, conférencier envoûtant, penseur intransigeant et inflexible, profondément préoccupé par ses propres écrits et prérogatives - qui fut interdit par la Fédération internationale lorsque lui et ses collègues, principalement du à des rivalités internes, quittèrent la société parisienne en 1953.
Il y a sans doute plus d'anecdotes dénigrantes, et probablement calomnieuses, qui circulent sur Lacan au sein de l'incestueux climat intellectuel parisien que sur tout autre penseur influent. Mais si le travail de Lacan signifie quelque chose, nous devons séparer les idiosyncrasies personnelles bien connues de Lacan de la contribution unique qu'il apporta à notre compréhension de Freud.

Bien que Lacan ait commencé son oeuvre originale à la fin des années trente, sous l'influence de la phénoménologie et de l'existentialisme husserliens, ce n'est que dans les années soixante qu'il commença à être réellement écouté en France, et ses écrits ne commencèrent à arriver en Angleterre et aux Etats-Unis que récemment. S'attaquant à l'"intellectualisme" français et au culte de l'"expert", à l'"empirisme", tout comme à la "biologisation" britanniques et à l'"adaptation" et au "behaviorisme" américains dans une série de polémiques cinglantes, son seul travail a rendu impossible, à tout penseur français qui se respecte, de continuer à ignorer les textes de Freud. L'intégration de ce texte dans la culture du cogito cartésien a déjà eu des résultats surprenants et féconds. Reste à savoir ce que Lacan va faire passer aux Etats-Unis - où l'enthousiasme même de l'acceptation initiale de Freud par les Américains eut tendance à réduire ses idées à des banalités et ses théories quasi au statut de jeu social.

Nous découvrons maintenant, par exemple, un nouveau retour à la théorie de Breuer-Freud sur la catharsis thérapeutique - autrefois popularisée en tant que "psychodrame" - sous une nouvelle forme de "désublimation répressive" : thérapie du "cri primal". Mais les héros des talk-shows de fin de soirée vont et viennent avec une régularité monotone et, en fin de compte, il nous reste toujours les grandes œuvres du génie pour y méditer : Hegel, Marx, Freud, Dostoïevski, Rousseau, Balzac, pour ne citer que quelques-uns de nos prédécesseurs les plus récents. Et ce que nous découvrons, c'est que nous devons apprendre à lire avant de parler, que nous devons apprendre à les lire d'un point de vue social critique, aussi libre de préjugés ethnocentriques, socioéconomiques et culturels que possible.
En un mot, nous devons apprendre à lire dans une perspective non académique, dans la perspective d'une expérience de vie où ces auteurs et leurs quêtes personnelles font partie de notre quête individuelle et collective. Je préférerais lire l'Interprétation des rêves comme un roman, par exemple, ou le célèbre cas du docteur " psychotique " Schreber comme de la philosophie, ou les Frères Karamazov comme une étude métapsychologique, que l'inverse. Lacan a contribué à rendre ce genre de lecture possible.
Une grande partie de ce que Lacan cherchait à accomplir avec ses étudiants dans les années cinquante n'a plus grand intérêt aujourd'hui, car il s'agissait d'attaques contre la technique thérapeutique d'un groupe de psychanalystes français très peu doués, objectivées et liés à la culture. Mais son attaque contre la "psychologie de l'ego" de praticiens comme Hartmann, Kris et Lbwenstein, ou le "behaviorisme " de Massermann, est toujours valable (Lacan, 1956a ; Wilden, 196Sa : 1-87). Et ceux qui s'y sont opposés avec tant de véhémence en France constatent aujourd'hui qu'ils ne peuvent rejeter ses analyses critiques des textes freudiens et s'appeler encore Freudiens. Mais si Lacann inspira une école française d'analyse qui se veut anti-institutionnelle, anti-psychiatrique et profondément critique à la fois à l'égard de "l'ajustement" de l'individu et de ceux que Marcuse nommait "révisionnistes néofreudiens", il n'a probablement pas fait plus pour les pratiques analytiques que ce qui a été réalisé par des thérapeutes comme Laing, Esterson et Cooper, au Royaume-Uni, et par des gens comme Ruesch, Bateson, Haley, Weakland ou Jackson, aux Etats-Unis.
De plus, la psychanalyse est un privilège socio-économique réservé aux personnes qui ont argent et loisirs pour se faire plaisir. La question de "la guérison" est en tout cas tout à fait débattable, et nous savons bien que la psychologie, la psychiatrie et la psychothérapie en général ont toujours été les véhicules des valeurs du statu quo (à l'exception extraordinaire de Wilhelm Reich, dont les théories ne correspondent malheureusement jamais au niveau élevé de son engagement social).
Et comme la plupart d'entre nous apprenons à vivre avec nos blocages, il est alors très peu probable que nous devions apprendre un jour apprendre à vivre avec les effets aliénants de notre société unidimensionnelle et technologique en ayant à nous préoccuper de psychanalyse ? En tout état de cause, personne, en quête d'une perspective véritablement critique, ne tentera de construire une théorie de l'homme et de la femme essentiellement basée sur la psychologie humaine, car le "discours scientifique" de la psychologie vise à nier ou à omettre le contenu socio-économique collectif à l'intérieur duquel les facteurs psychologiques jouent leur rôle.
J'essaierai de montrer plus loin que l'axiomatique fermeture de la plupart des psychanalystes dans la plénitude de ce contexte - et, je crois, dans sa primauté - génère des problèmes purement logiques dans la théorie, problèmes dont elle n'est pas, logiquement, équipée pour les surmonter. Ainsi, ce qui apparaît dans la théorie logico-mathématique de Bateson de la " double liaison " (chapitre V) comme une oscillation, apparaît nécessairement en psychanalyse, sous une forme ou une autre, comme une théorie de la répétition. Lacan, par exemple, fit appel à Kierkegaard (Repetition, 1843) pour étayer son interprétation de Freud, et pourtant si l'on regarde de près les écrits de Kierkegaard, en particulier les siens propres ou ceux également publiés en 1843, on découvre que la théorie entière dépend de l'incapacité de Kierkegaard à dépasser, de manière logique ou existentielle, les injonctions (doubles liens) paradoxales qu'il reçoit de son environnement familial et social. Par conséquent, le voilà condamné à osciller sans cesse entre un "soit" et un "ou". Ce qui apparaît dans la théorie de Bateson comme une réponse nécessaire aux injonctions émanant des rapports de pouvoir et de domination dans l'ordre social, et qui apparaît généralement dans la psychanalyse, et plus particulièrement chez Lacan, comme de la "compulsion itérative". Ainsi, soit la responsabilité est renvoyée à l'individu (par les "instincts" ou quelque autre métaphore de ces constructions biomécaniques), soit, comme chez Lacan, elle se transforme subtilement en une forme "d'ordre naturel des choses", via les paradoxes que le langage crée dans la condition humaine.
Contrairement à la théorie du double lien, les deux points de vue supposent une homogénéité dans la société qui n'existe tout simplement pas et servent à rationaliser les dominations en refusant de traiter la relation entre pouvoir, connaissance et oppression, ils ne voient pas la différence, dans la société, entre ce que Marcuse appela "répression" et "sur-répression". Malgré l'incompréhension de Marcuse à l'égard du Freud "clinique" - et malgré sa dépendance à la théorie bioénergétique des instincts - la distinction est importante. Peu de théoriciens américains, par exemple, envisageraient sérieusement le calvaire des minorités américaines dans leur lutte pour les droits socio-économiques élémentaires, simplement en termes de "compulsion itératives" telle une révolte contre le père (ou la mère).
Il m'est impossible de parler de Freud ou de Lacan sans utiliser les contributions que Bateson et Marcuse - de manières différentes et même mutuellement opposées - ont apportées à notre compréhension des relations humaines. Il faut d'une part traiter la perception de la psychanalyse et de la psychologie comme des rationalisations des valeurs de notre culture (l'oppression des femmes, en particulier), et d'autre part, montrer comment elles peuvent contribuer à une dévalorisation de ces valeurs. L'analyse de Bateson des relations de pouvoir par la double contrainte est, je crois, essentielle à la théorie sociale et psychologique, et je ne sais comment expliquer la théorie de l'imaginaire de Lacan sans elle. En tout cas, Freud décrit la relation entre l'ego et l'idéal de l'ego en des termes similaires à ceux d'une double liaison (double bind, dans The Ego and the I, Standard Edition, XIX, 34) : "Tu devrais être ainsi (comme ton père), mais tu ne dois pas être ainsi (comme ton père)."
Dans le monde contemporain de la contestation, il n'y a aucune réponse à la façon dont la psychanalyse est régulièrement - et nécessairement - remise en question, si le Freud dont nous parlons est le déterminant hydraulique, instinctif, électromagnétique et entropique que nous pensions tous connaître.
Il y a une réponse, cependant, si nous découvrons la perspective communicationnelle et linguistique derrière l'acceptation explicite ou implicite par Freud des principes mécanistes de la science physique et économique du XIXe siècle. Après tout, la psychanalyse est bien la "cure parlante", comme Lacan n'a jamais manqué d'insister dessus, et les pages des écrits de Freud s'intéressent avant tout au langage. Bien plus intéressante que la théorie de l'ego, de la personnalité et du surmoi, par exemple, est la conception que Freud a de l'inconscient et du rêve comme des scènes (Darstellungen) de distorsions (Entstellungen) et de (re)présentations (Vorstellungen). Mieux que coller à la préoccupation contemporaine pour les systèmes et les structures que la "psychologie de l'ego" de Freud, dans son premier modèle de processus primaires et secondaires. Plus significative que son déterminisme il y a sa théorie de la "surdétermination" du symptôme ou du rêve, qui est un concept proche de la redondance en théorie de l'information et de l'équifinalité en gestaltisme et biologie.
Si nous devons rejeter les principes mécanistes du principe du plaisir, nous pouvons encore découvrir le modèle sémiotique des niveaux de communication dans les premiers travaux de Freud. Plus utile que la "deuxième" théorie du symbolisme (dérivée de Stekel), qui assimile les icônes ou les images (analogues) aux symboles sexuels (Jones, Ferenczi, et al.), est la "première" ou théorie "dialectique", qui dépend de la condensation et du déplacement des signes (Zeichen). Le rêve doit être traduit de l'image en texte avant de pouvoir être interprété (par le rêveur), et la refoulement est, comme le disait Freud en 1896, "un échec de la traduction". De plus, aucune théorie actuelle de la mémoire n'est essentiellement différente de la métaphore originale de Freud sur le "traçage" de voies via les traces de mémoire dans le cerveau.Je reviendrai dans un instant sur une description plus précise de l'orientation sémiotique et linguistique de Freud. Le fait est que, sans le travail de Lacan, je doute que nous aurions découvert ce Freud - bien que l'analyse de Karl Pribram du Projet neuropsychologique pour une psychologie scientifique (1895) aille dans le sens d'une relecture de Freud au moins au niveau de la théorie de l'information et du feedback (Pribram, 1962).
Le problème avec Lacan, c'est qu'à première vue, ses écrits sont presque impossibles à comprendre. Ses Ecrits (1966) - et seul un Lacan pouvait avoir l'orgueil d'intituler son oeuvre simplement "Écrits" - titre peut-être plus à lire comme "discours de schizophrène" - ou comme de la poésie ou autres absurdités, selon vos préjugés et votre tendance au transfert positif ou négatif - que tout autre.
L'hermétisme de Lacan ne peut être excusé - pas plus que son attitude envers le lecteur, qui pourrait s'exprimer ainsi : "aime-le" ou "c'est à prendre ou à laisser". Mais bien que la destruction personnelle de la syntaxe française par Lacan le rende assez ardu même pour le lecteur français, il y a au moins une tradition intellectuelle suffisamment homogène à Paris qui fait que Lacan y est bien moins étranger qu'en Grande-Bretagne ou aux Etats Unis. La tradition phénoménologique, existentialiste et hégélienne-marxiste en France rend moins nécessaire d'expliquer ce que vous entendez par Hegel, ou Husserl, ou Heidegger, ou Kojéve, ou Sartre. Et la plupart des gens reconnaîtront de toute façon une idée, même si vous ne mentionnez pas la source, ou si vous citez ou paraphrasez sans référence, car ce genre de "plagiat" est généralement acceptable en France.
Fait assez significatif cependant, Lacan n'aurait pas pu réaliser son analyse de Freud sans l'influence de l'école de linguistique suisso-américano-russe représentée par Roman Jakobson, qui a longtemps témoigné de l'influence du formalisme russe et du linguistique structurel de Saussure aux Etats-Unis. Mais même cette influence est parvenue indirectement à Lacan. L'influence la plus importante sur Lacan fut celle de l'anthropologue structurel français Claude-Lévi-Strauss, qui rencontra et travailla avec Jakobson à la New School for Social Research de New York, en 1942-1945.

Lévi-Strauss tend à ne pas être très apprécié par les anthropologues américains et britanniques qui sont redevables à la tradition analytique et dite empiriste, ce qui en dit long sur lui. Il est à l'origine d'une nouvelle méthodologie et d'une épistémologie d'accompagnement en sciences humaines en France, généralement appelée "structuralisme". (Aujourd'hui, cependant, le terme désigne simplement une mode, un peu comme l'existentialisme.) Le structuralisme, dans le sens d'une méthodologie non empiriste, non atomiste, non positiviste des lois de la relation, est d'autre part complété par les avancées en théorie des systèmes généraux, en cybernétique non mécanique, en théorie de la communication et en études écologiques. Tant la nouvelle approche structurelle que la nouvelle approche systémique-cybernétique semblent parler en fait d'une véritable révolution épistémologique dans les sciences de la vie et les sciences sociales, dont nous entendrons beaucoup plus parler au cours de la prochaine décennie (si nous y survivons, bien sûr).
Lévi-Strauss chercha à utiliser les travaux des phonologues structuraux sur "l'opposition binaire" des phonèmes en tant que modèle pour l'analyse des mythes et des relations et échanges au sein des sociétés dites "primitives" - dont il a ensuite remis en question le supposé "primitivisme". Constatant qu'un nombre relativement faible d'"oppositions" entre "traits distinctifs" (graves/aigus, voix/silence, etc.) sont suffisants pour former l'infrastructure acoustique de toute langue connue, Lévi-Strauss tenta de découvrir des ensembles analogues d'oppositions dans les systèmes de parenté et dans les mythes. Ses travaux les plus récents se sont concentrés sur le mythe en tant que musique.
Avec tous ces machins douteux dans son approche, Lévi-Strauss a néanmoins introduit un type de signification dans l'étude du mythe - auparavant presque exclusivement axé sur le contenu plutôt que sur la forme - là où ça n'existait pas avant. Comme pour l'œuvre de Lacan - ou celle de Freud - le principal problème du structuralisme lévi-straussien ne réside pas dans la méthodologie, mais dans son application, c'est-à-dire dans les revendications universelles formulées en son nom.
Je reviendrai sur la critique plus détaillée du "structuralisme" dans les chapitres suivants. Pour l'instant, il suffira de donner un exemple bref et purement illustratif de l'utilisation par Lévi-Strauss du concept d'"opposition binaire" dans l'étude du mythe (Lévi-Strauss, 1958 : chap. 11).
Pour lui, le mythe est une représentation diachronique (succession dans le temps) d'un ensemble d'oppositions synchroniques (intemporelles). Il croit que la découverte de ces oppositions synchroniques est une déclaration sur la "structure fondamentale de l'esprit humain". Dans les chapitres suivants, j'analyserai et critiquerai le terme "opposition" - qui cache les catégories de "différence", "distinction", "opposition", "contradiction" et "paradoxe" . Je critiquerai également le concept de relations "binaires" " - qui dissimule toute une série de malentendus sur la communication analogique et numérique en général, et plus particulièrement sur "non", "négation", "exclusion", "zéro" et "moins un", ainsi que sur la relation entre "A" et "non-A". J'essaierai également de démontrer l'idée fausse que Lévi-Strauss se fait de la confusion entre "esprit", "cerveau" et "individu". Ceci est étroitement lié à la conception de Piaget de l'organisme comme "structure paradigmatique", et à l'incapacité, dans la plupart des travaux actuels en sciences de la vie et sciences sociales, de comprendre le problème logico-mathématique et existentiel des frontières et des niveaux dans les systèmes ouverts de communication et d'échange (systèmes impliquant ou simulant la vie ou "esprit", systèmes vivants et sociaux).

La méthode de lecture des mythes de Lévi-Strauss est entièrement nouvelle, simple à comprendre, globale et satisfaisante sur le plan esthétique. Il suggère de regarder le mythe comme on regarderait une partition d'orchestre dans laquelle les notes et les mesures à jouer en harmonie simultanée par différents instruments se sont mêlées à la cacophonie d'une succession linéaire. Ainsi, si nous représentons cette succession par les nombres 1, 2, 4, 7, 8, 2, 3, 4, 6, 8, 1, 4, 5, 7, nous pouvons rétablir la partition originale en mettant tous les nombres semblables ensemble en colonnes verticales :

112234444567788

Cette matrice est exactement ce que l'on peut construire dans l'analyse phonologique d'une phrase, où l'on peut montrer qu'une séquence linéaire de mots se construit sur une succession d'oppositions binaires entre des éléments acoustiques distinctifs.
Malheureusement pour ce que Lévi-Strauss considère comme la clé de voûte de sa méthode, l'analogie qu'il fait entre phonologie structurelle et mythe est fausse, alors que sa méthodologie est extrêmement fertile. Ce problème met en évidence la difficulté centrale de l'utilisation de l'œuvre de Lévi-Strauss et de Lacan. Il faut montrer que les sources supposées de leurs nouvelles contributions aux sciences sociales ne sont pas ce qu'elles pensent être ; il faut démontrer où et comment leurs points de vue servent une fonction idéologique répressive ; et il faut montrer l'inadéquation à la fois de nombreux axiomes de la méthode et de nombreuses applications supposées.

Sans développer une critique détaillée à ce stade, on peut dire d'emblée que c'est une erreur de traiter un système d'oppositions sans contexte entre caractéristiques acoustiques des "bits" des informations (traits caractéristiques) comme étant isomorphe avec un mythe, qui est un système avec un contexte. Le mythe est nécessairement contextuel parce qu'il manipule l'information afin d'organiser et de contrôler certains aspects d'un système social, et il ne peut donc être considéré comme isolé de cette totalité. Contrairement aux "mythemes" de Lévi-Strauss ("éléments constitutifs bruts" du mythe, par analogie avec le "phonème"), les phonèmes sont des bits d'information insignifiants et non significatifs. Les phonèmes et les oppositions phonémiques sont les outils d'analyse et d'articulation (dont la caractéristique fondamentale est la différence) dans un système dans lequel signification et sens sont en dehors de la structure phonémique. Mythemes' et oppositions' entre mythemes, au contraire, impliquent à la fois signification et sens : ils ont 'du contenu'. Lévi-Strauss traite le mythe comme s'il s'agissait d'une langue représentative sous la forme d'une grammaire sans contexte, ou traite les mythemes comme des "informations" au sens technique des systèmes quantitatifs fermés de la transmission des informations comme étudiés par Shannon et Weaver. La science de l'information concerne l'étude statistique des processus stochastiques et des chaînes de Markov (chapitre IX) - et Chomsky a démontré qu'aucun langage connu ne peut être correctement généré à partir d'une grammaire modelée sur ces processus. Il a également été démontré que le langage est un système d'un type logique supérieur à celui qui peut être généré par des algorithmes sans contexte (grammaires).

Bien que Lévi-Strauss parle du mytheme comme d'un caractère "supérieur" à tout élément similaire du langage, le modèle de l'opposition phonémique binaire reste ce qu'il considère comme le fondement scientifique de sa méthode. Ainsi le mytheme devient l'équivalent d'un outil d'articulation (un trait distinctif) employé par un système de signification d'un autre type logique (langage). Lorsque nous cherchons à découvrir ce qu'est cet autre système chez Lévi-Strauss, nous trouvons cette catégorie de "pensée mythique". Mais la pensée mythique est déjà définie sur la base des mythemes eux-mêmes. C'est un système d'articulation des oppositions par "une machine à supprimer le temps" (le mythe). Ce qui manque dans ce cercle, c'est le contexte réel et matériel dans lequel le mythe surgit et auquel il fait référence.
Cependant, Lévi-Strauss insistera sur le fait que sa méthodologie, contrairement au formalisme pur, est bien "contextuelle" (Lévi-Strauss, 1960a). Il se réfère constamment aux catégories de parenté, au contexte zoologique et botanique du mythe et aux caractéristiques des entités matérielles ("crues", "cuites", "pourries" et ainsi de suite). En réalité, cependant, toutes les "entités matérielles" et les "relations matérielles" qu'il emploie parviennent à cette analyse déjà définie, de façon tautologique, comme des catégories de pensée mythique. Par conséquent, le "contexte" qu'évoque Lévi-Strauss est invariablement le contexte des "idées" ou de "l'esprit", qu'il conçoit, comme Kant, comme étant un antécédent de l'organisation sociale, tant épistémologiquement qu'ontologiquement. Au sein de ce cadre idéaliste, il fait ensuite un saut rapide vers les catégories matérielles de la physique et de la chimie, qu'il évoque régulièrement comme le fondement ultime de ses catégories idéales.

Mais entre le contexte des idées et le contexte des atomes et des molécules (ou même celui du code génétique) il manque un niveau d'organisation unique mais énorme : le contexte socio-économique de la réalité humaine. Et ce niveau d'organisation contient un paramètre que l'on ne retrouve pas en physique, en biologie, en sciences de l'information, dans les langages, les idées, ou les mythes considérés comme systèmes d'opposition synchrones : la ponctuation du système par le pouvoir de certaines de ses parties à en exploiter les autres (en incluant la "nature" même). Toutes les idées, tous les électrons et "bits" d'information sont en effet égaux, aucun d'entre eux n'est différent des autres, et aucun groupe n'exploite les autres. Et alors que dans les systèmes qui n'impliquent pas l'exploitation sociale, les mythes peuvent à juste titre être considérés comme remplissant une fonction d'organisation "pure" ou "neutre", dans tous les autres systèmes, les mythes deviennent la propriété d'une classe, caste ou sexe. Un mythe qui est la propriété d'une classe est en fait une définition de l'idéologie. Le mythe cesse alors de servir la fonction neutre d'organisation pure et simple ; il sert de rationalisation d'une forme donnée d'organisation sociale.
L'étude structurelle du mythe est, comme Lévi-Strauss l'a souvent dit, une autre variante des mythes qu'il analyse. Comme eux, c'est un système d'oppositions binaires. Mais ce n'est pas une mécanique pour la suppression du temps, mais pour la suppression de l'histoire. Et puisque le "structuralisme" est effectivement la propriété d'une classe, nous pouvons donc l'identifier comme un système de rationalisation idéologique - ce qui n'est pas la même chose, de dire qu'il n'a aucune valeur.

L'analogie erronée de Lévi-Strauss entre un système sans contexte et un système contextuel - et donc tout l'édifice que les structuralistes ont érigé - provient d'une confusion entre langage et communication. D'une part, une telle confusion n'est possible que dans des théories ponctuées de façon à exclure la catégorie sociale objective de l'exploitation. D'autre part, elle dépend d'une unique isomorphie réelle, qui est ensuite utilisée pour réduire les différents niveaux d'organisation les uns par rapport aux autres : le fait que le langage, les systèmes de parenté, l'étude structurelle des mythes et la science de la phonologie soient des communications numériques (discontinues) au sujet de rapports analogues (continus). Une caractéristique unique de la communication numérique, à savoir qu'il s'agit d'un système de communication comportant limites et lacunes, est réifiée par l'argument structuraliste de sorte qu'il peut être appliqué sans distinction, comme catégorie ontologique implicite, à chaque niveau de complexité où apparaissent des "limites et des lacunes ". De telles formes numériques apparaissent nécessairement, comme instrument de communication, à tous les niveaux de complexité biologique et sociale. Par conséquent, l'argument réductionniste des structuralistes est grandement facilité. De plus, le fait que l'opposition binaire soit aussi une catégorie importante en physique classique (électromagnétisme par exemple) autorise les structuralistes à faire l'erreur épistémologique supplémentaire de confondre matière-énergie et information.

Auteur: Wilden Anthony

Info: Extrait de System and Structure (1972) sur http://www.haussite.net. Trad. Mg

[ anti structuralisme ] [ vingtième siècle ]

 
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proto-linguistique

Cette langue ancienne use de la seule grammaire basée entièrement sur le corps humain

Une famille de langues en voie de disparition suggère que les premiers humains utilisaient leur corps comme modèle de réalité

Un matin de décembre 2004, des adultes et des enfants erraient sur le rivage de Strait Island dans le golfe du Bengale lorsque l'un d'eux a remarqué quelque chose d'étrange. Le niveau de la mer était bas et des créatures étranges qui habitent normalement la zone crépusculaire profonde de l'océan se balançaient près de la surface de l'eau. “ Sare ukkuburuko ! ”— la mer s'est renversée! — cria Nao Junior, un des derniers héritiers d'une sagesse transmise sur des milliers de générations à travers sa langue maternelle. Il savait ce que signifiait ce phénomène bizarre. Tout comme d'autres peuples autochtones des îles Andaman. Ils se sont tous précipités à l'intérieur des terres et en hauteur, leurs connaissances ancestrales les sauvant du tsunami dévastateur qui s'est abattu sur les côtes de l'océan Indien quelques minutes plus tard et qui a emporté quelque 225 000 personnes.

Lorsque j'ai rencontré Nao Jr. pour la première fois, au tournant du millénaire, il était dans la quarantaine et l'un des neuf seuls membres de son groupe autochtone, le Grand Andamanais, qui parlait encore l'idiome de ses ancêtres ; les jeunes préférant l'hindi. En tant que linguiste passionnée par le décodage de structure, j'avais étudié plus de 80 langues indiennes de cinq familles différentes : indo-européenne (à laquelle appartient l'hindi), dravidienne, austroasiatique, tibéto-birmane et taï-kadaï. J'étais sur les îles pour documenter leurs voix autochtones avant qu'elles ne se transforment en murmures. Le peu que j'ai entendu était si déconcertant que j'y suis retourné plusieurs fois au cours des années suivantes pour essayer de cerner les principes qui sous-tendent les grandes langues andamanaises.

Ici mes principaux professeurs, Nao Jr. et une femme nommée Licho, parlaient un pastiche de langues qui comptaient encore quelque 5 000 locuteurs au milieu du 19e siècle. Le vocabulaire moderne étant très variable, dérivé de plusieurs langues parlées à l'origine sur l'île d'Andaman du Nord. Ce qui m'était vraiment étranger, cependant, c'était leur grammaire, qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais jamais rencontré.

Une langue incarne une vision du monde et, alors qu'une civilisation, change et se développe par couches. Les mots ou les phrases fréquemment utilisés se transforment en formes grammaticales de plus en plus abstraites et compressées. Par exemple, le suffixe "-ed", signifiant le passé en anglais moderne, provient de "did" (c'est-à-dire que "did use" est devenu "used") ; Le vieil anglais où in steed et sur gemong sont devenus respectivement "instead" et "among". Ces types de transitions font de la linguistique historique un peu comme l'archéologie. Tout comme un archéologue fouille soigneusement un monticule pour révéler différentes époques d'une cité-État empilées les unes sur les autres, un linguiste peut séparer les couches d'une langue pour découvrir les étapes de son évolution. Il faudra des années à Nao Jr. et Licho endurant patiemment mes interrogatoires et mes tâtonnements pour que j'apprenne enfin la règle fondamentale de leur langue.

Il s'avère que le grand andamanais est exceptionnel parmi les langues du monde de par son anthropocentrisme. Il utilise des catégories dérivées du corps humain pour décrire des concepts abstraits tels que l'orientation spatiale et les relations entre les objets. Bien sûr, en anglais, nous pourrions dire des choses comme "la pièce fait face à la baie", "la jambe de la chaise s'est cassée" et "elle dirige l'entreprise". Mais en Grand Andamanais, de telles descriptions prennent une forme extrême, avec des morphèmes, ou segments sonores significatifs, qui désignent différentes zones du corps s'attachant aux noms, verbes, adjectifs et adverbes - en fait, à chaque partie du discours - pour créer des significations diverses. Parce qu'aucune autre langue connue n'a une grammaire basée sur le corps humain et/ou un partage des mots apparentés -  des mots qui ont une signification et une prononciation similaires, ce qui indique un lien généalogique - avec le grand andamanais, la langue constitue sa propre famille .

L'aspect le plus durable d'une langue est sa structure, qui peut perdurer sur des millénaires. Mes études indiquent que les Grands Andamanais furent effectivement isolés pendant des milliers d'années, au cours desquelles leurs langues ont évolué sans influence perceptible d'autres cultures. La recherche génétique corrobore ce point de vue, montrant que ces peuples autochtones descendent d'un des premiers groupes d'humains modernes qui a migré hors d'Afrique. En suivant le littoral du sous-continent indien, ils ont atteint l'archipel d'Andaman il y a peut-être 50 000 ans et y vivent depuis dans un isolement virtuel. Les principes fondamentaux de leurs langues révèlent que ces humains anciens ont conceptualisé le monde à travers leur corps.

PIÈCES DU CASSE-TÊTE

Lorsque je suis arrivé en 2001 à Port Blair, la principale ville de la région, pour mener une enquête préliminaire sur les langues autochtones, j'ai été dirigé vers Adi Basera, une maison que le gouvernement indien autorisait les Grands Andamanais à utiliser lorsqu'ils étaient en ville. C'était un bâtiment délabré avec de la peinture écaillée et des pièces sales ; enfants et adultes flânaient nonchalamment dans la cour. Quelqu'un m'a apporté une chaise en plastique. J'ai expliqué ma quête en hindi.

"Pourquoi es-tu venu ?" demanda Boro Senior, une femme âgée. "Nous ne nous souvenons pas de notre langue. Nous ne le parlons ni ne le comprenons. Il s'est avéré que toute la communauté conversait principalement en hindi, une langue essentielle pour se débrouiller dans la société indienne et la seule que les enfants apprenaient." Pendant que je le sondais cependant, Nao Jr. a avoué qu'il connaissait le Jero, mais parce qu'il n'avait personne avec qui en parler, il l'oubliait. Boro Sr. s'est avéré être la dernière personne à se souvenir de Khora, et Licho, alors dans la fin de la trentaine, qui était la dernière à parler le sare, la langue de sa grand-mère. Lorsqu'ils conversaient entre eux, ces individus utilisaient ce que j'appelle le Grand Andamanais actuel (PGA), un mélange de Jero, Sare, Bo et Khora - toutes langues des Andaman du Nord.

Lorsque les autorités britanniques ont établi une colonie pénitentiaire à Port Blair en 1858, les forêts tropicales de Great Andaman - comprenant le nord, le centre et le sud d'Andaman, ainsi que quelques petites îles à proximité - étaient habitées par 10 tribus de chasseurs et de cueilleurs qui semblaient culturellement liées. Les habitants du Great Andaman ont résisté aux envahisseurs, mais leurs arcs et leurs flèches n'étaient pas à la hauteur des fusils et, à une occasion, des canons de navires. Encore plus mortels furent les germes apportés par les étrangers, contre lesquels les insulaires n'avaient aucune immunité. Dans les années 1960, époque à laquelle les Andamans appartenaient à l'Inde, il ne restait plus que 19 Grands Andamanais, vivant principalement dans les forêts du nord d'Andaman. Les autorités indiennes les ont alors installés sur la petite île du détroit.

Un autre groupe de chasseurs-cueilleurs, les Jarawa, vivaient dans le sud d'Andaman, et lorsque les Grands Andamanais s'éteignirent , les Jarawa s'installèrent dans leurs territoires évacués du Moyen Andaman. Les Jarawa ont résisté au contact - et aux germes qui l'accompagnent - jusqu'en 1998 et sont maintenant au nombre d'environ 450. Leur culture avait des liens avec celle des Onge, qui vivaient sur Little Andaman et qui ont été sous controle des Britanniques dans les années 1880. Apparemment, les habitants de North Sentinel Island étaient également apparentés aux Jarawa. Ils continuent d'ailleurs de vivre dans un isolement volontaire, qu'ils ont imposé en 2018 en tuant un missionnaire américain.

(photo-schéma avec détails et statistiques des langage des iles adamans)

Mon enquête initiale a établi que les langues des Grands Andamanais n'avaient aucun lien avec celles des Jarawa et des Onge, qui pourraient constituer leur propre famille de langues. Réalisant que je devais documenter le Grand Andamanais avant qu'il ne soit réduit au silence, je suis revenu avec une équipe d'étudiants en 2005. C'était peu de temps après le tsunami, et les autorités avaient évacué les 53 Grands Andamanais vers un camp de secours à côté d'Adi Basera. Ils avaient survécu, mais leurs maisons avaient été inondées et leurs biens perdus, et un sentiment de bouleversement et de chagrin flottait dans l'air. Dans cette situation, Licho a donné naissance à un garçon nommé Berebe, source de joie. J'ai appris que les bébés étaient nommés dans l'utérus. Pas étonnant que les grands noms andamanais soient non sexistes !

Au camp, j'ai rencontré l'octogénaire Boa Senior, dernier locuteur de Bo et gardien de nombreuses chansons. Nous deviendrons très proches. Les grands jeunes andamanais avaient répondu au mépris des Indiens dominants pour les cultures autochtones en se détournant de leur héritage. Boa Sr me tenait la main et ne me laissait pas partir car elle était convaincue que ma seule présence, en tant qu'étranger rare qui valorisait sa langue, motiverait les jeunes à parler le grand andamanais. Pourtant, je l'ai appris principalement de Nao Jr. et Licho, dont l'intérêt pour leurs langues avait été enflammé par le mien. Il s'est avéré que Nao Jr. en savait beaucoup sur l'environnement local et Licho sur l'étymologie, étant souvent capable de me dire quel mot venait de quelle langue. J'ai passé de longues heures avec eux à Adi Basera et sur Strait Island, les accompagnant partout où ils allaient - pour nous prélasser à l'extérieur de leurs huttes, errer dans la jungle ou pêcher sur la plage. Plus ils s'efforçaient de répondre à mes questions, plus ils puisaient dans les profondeurs de la mémoire. J'ai fini par collecter plus de 150 grands noms andamanais pour différentsespèces de poissons et 109 pour les oiseaux .

Les responsables britanniques avaient observé que les langues andamanaises étaient un peu comme les maillons d'une chaîne : les membres des tribus voisines des Grands Andamans se comprenaient, mais les langues parlées aux extrémités opposées de l'archipel, dans les Andamans du Nord et du Sud, étaient mutuellement inintelligibles. En 1887, l'administrateur militaire britannique Maurice Vidal Portman publia un lexique comparatif de quatre langues, ainsi que quelques phrases avec leurs traductions en anglais. Et vers 1920, Edward Horace Man compila un dictionnaire exhaustif de Bea, une langue des Andaman du Sud. C'étaient des enregistrements importants, mais aucun n'a résolu le puzzle que la grammaire posait.

Moi non plus. D'une manière ou d'une autre, ma vaste expérience avec les cinq familles de langue indienne ne m'aidait pas. Une fois, j'ai demandé à Nao Jr. de me dire le mot pour "sang". Il m'a regardé comme si j'étais une imbécile et n'a pas répondu. Quand j'ai insisté, il a dit: "Dis-moi d'où ça vient." J'ai répondu: "De nulle part." Irrité, il répéta : "Où l'as-tu vu ?" Il fallait que j'invente quelque chose, alors j'ai dit : "sur mon doigt. Sa réponse est venue rapidement — "ongtei !" – puis il débita plusieurs mots pour désigner le sang sur différentes parties du corps. Si le sang sortait des pieds ou des jambes, c'était otei ; l'hémorragie interne était etei; et un caillot sur la peau était ertei . Quelque chose d'aussi basique qu'un nom changeait de forme en fonction de l'emplacement.

Chaque fois que j'avais une pause dans mon enseignement et d'autres tâches, je visitais les Andamans, pendant des semaines ou parfois des mois. Il m'a fallu un an d'étude concertée pour entrevoir le modèle de cette langue - et quand je l'ai fait, toutes les pièces éparses du puzzle se sont mises en place. Très excité, je voulus tout de suite tester mes phrases inventées. J'étais à l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutive à Leipzig, en Allemagne, mais j'ai téléphoné à Licho et je lui ai dit : "a Joe-engio eole be". Licho a été bouleversé et m'a fait un compliment chéri : "Vous avez appris notre langue, madame !"

Ma phrase était simplement "Joe te voit". Joe était un jeune Grand Andamanais, et -engio était "seulement toi". Ma percée avait été de réaliser que le préfixe e- , qui dérivait à l'origine d'un mot inconnu désignant une partie interne du corps, s'était transformé au fil des éons en un marqueur grammatical signifiant tout attribut, processus ou activité interne. Donc l'acte de voir, ole, étant une activité interne, devait être eole. Le même préfixe pourrait être attaché à -bungoi , ou "beau", pour former ebungoi, signifiant intérieurement beau ou gentil ; de sare , pour "mer", pour former esare, ou "salé", une qualité inhérente ; et au mot racine -biinye, "pensant", pour donner ebiinye , "penser".

LE CODE CORPOREL

La grammaire que j'étais en train de reconstituer était basée principalement sur Jero, mais un coup d'œil dans les livres de Portman et de Man m'a convaincu que les langues du sud du Grand Andamanais avaient des structures similaires. Le lexique se composait de deux classes de mots : libre et lié. Les mots libres étaient tous des noms faisant référence à l'environnement et à ses habitants, tels que ra pour "cochon". Ils pourraient se produire seuls. Les mots liés étaient des noms, des verbes, des adjectifs et des adverbes qui existaient toujours avec des marqueurs indiquant une relation avec d'autres objets, événements ou états. Les marqueurs (spécifiquement, a- ; er- ; ong- ; ot- ou ut- ; e- ou i- ; ara- ; eto- ) dérivaient de sept zones du corps et étaient attaché à un mot racine, généralement sous forme de préfixe, pour décrire des concepts tels que "dedans", "dehors", "supérieur" et "inférieur". Par exemple, le morphème er- , qui qualifiait presque tout ce qui concernait une partie externe du corps, pouvait être collé à -cho pour donner ercho , signifiant "tête". Une tête de porc était ainsi raercho.

(Photo/schéma désignant les 7 zones du corps humain qui font référence ici)

Zone     Marqueur          Parties corps/sémantique       

1              a -                  en rapport avec la bouche/origine 

2              er -                 corps et parties externes supérieures

3              ong -              extrémités (doigts main, pied) 

4              ut/ot -             (cerveau/intellect) produits corporels, partie-tout,

5              e / i -               organes internes

6              ara -                organes sexuels et formes latérales/rondes

7              o -                   jambes/partie basse         

Cette dépendance conceptuelle n'était pas toujours le signe d'un lien physique. Par exemple, si la tête du porc était coupée pour être rôtie, le marqueur t- pour un objet inanimé serait attaché à er- pour donner ratercho ; ce n'était plus vivant mais toujours une tête de cochon. Le suffixe -icho indiquait des possessions véritablement séparables. Par exemple, Boa-icho julu signifiait "les vêtements de Boa".

Tout comme une tête, un nom, ne pouvait pas exister conceptuellement par lui-même, le mode et l'effet d'une action ne pouvaient être séparés du verbe décrivant l'action. Les Grands Andamanais n'avaient pas de mots pour l'agriculture ou la culture mais un grand nombre pour la chasse et la pêche, principalement avec un arc et des flèches. Ainsi, la racine du mot shile , qui signifie "viser", avait plusieurs versions : utshile , viser d'en haut (par exemple, un poisson) ; arashile, viser à distance (comme un cochon); et eshile, visant à percer.

Inséparables également de leurs préfixes, qui les dotaient de sens, étaient les adjectifs et les adverbes. Par exemple, le préfixe er- , pour "externe", a donné l'adjectif erbungoi , pour "beau" ; le verbe eranye, signifiant "assembler" ; et l'adverbe erchek, ou "rapide". Le préfixe ong- , la zone des extrémités, fournissait ongcho , "piquer", quelque chose que l'on faisait avec les doigts, ainsi que l'adverbe ongkochil, signifiant "précipitamment", qui s'appliquait généralement aux mouvements impliquant une main ou un pied. Important aussi était le morphème a-, qui renvoyait à la bouche et, plus largement, aux origines. Il a contribué aux noms aphong, pour "bouche", et Aka-Jero , pour "son langage Jero" ; les adjectifs ajom , "avide", et amu, "muet" ; les verbes atekho, "parler", et aathitul , "se taire" ; et l'adverbe aulu, "avant".

Ces études ont établi que les 10 langues originales du grand andamanais appartenaient à une seule famille. De plus, cette famille était unique en ce qu'elle avait un système grammatical basé sur le corps humain à tous les niveaux structurels. Une poignée d'autres langues autochtones, telles que le papantla totonaque, parlé au Mexique, et le matsés, parlé au Pérou et au Brésil, utilisaient également des termes faisant référence à des parties du corps pour former des mots. Mais ces termes ne s'étaient pas transformés en symboles abstraits, ni ne se sont propagés à toutes les autres parties du discours.

(Photo - tableau - schéma avec exemples de mots - verbes - adverbes, dérivés des  7 parties)

Plus important encore, la famille des langues semble être d'origine vraiment archaïque. Dans un processus d'évolution en plusieurs étapes, les mots décrivant diverses parties du corps s'étaient transformés en morphèmes faisant référence à différentes zones pour fusionner avec des mots basiques pour donner un sens. Parallèlement aux preuves génétiques, qui indiquent que les Grands Andamanais ont vécu isolés pendant des dizaines de milliers d'années, la grammaire suggère que la famille des langues est née très tôt, à une époque où les êtres humains conceptualisaient leur monde à travers leur corps. La structure à elle seule donne un aperçu d'une ancienne vision du monde dans laquelle le macrocosme reflète le microcosme, et tout ce qui est ou qui se passe est inextricablement lié à tout le reste.

ANCÊTRES, OISEAUX

Un matin sur Strait Island, j'ai entendu Boa Sr. parler aux oiseaux qu'elle nourrissait. J'ai écouté pendant un bon moment derrière une porte, puis je me suis montrée pour lui demander pourquoi elle leur parlait.

"Ils sont les seuls à me comprendre", a-t-elle répondu.

"Comment ça se fait?" J'ai demandé.

"Ne sais-tu pas qu'pas sont nos ancêtres ?"

J'ai essayé de réprimer un rire étonné, mais Boa l'a perçu. "Oui, ce sont nos ancêtres", a-t-elle affirmé. "C'est pourquoi nous ne les tuons ni ne les chassons. Tu devrais demander à Nao Jr.; il connaît peut-être l'histoire."

Nao ne s'en souvint pas tout de suite, mais quelques jours plus tard, il raconta l'histoire d'un garçon nommé Mithe qui était allé à la pêche. Il a attrapé un calmar, et en le nettoyant sur la plage, il a été avalé par un Bol , un gros poisson. Ses amis et sa famille sont venus le chercher et ont réalisé qu'un Bol l'avait mangé. Phatka, le plus intelligent des jeunes, a suivi la piste sale laissée par le poisson et a trouvé le Bol en eau peu profonde, la tête dans le sable. C'était un très grand, alors Phatka, Benge et d'autres ont appelé à haute voix Kaulo, le plus fort d'entre eux, qui est arrivé et a tué le poisson.

Mithe est sorti vivant, mais ses membres étaient engourdis. Ils allumèrent un feu sur la plage et le réchauffèrent, et une fois qu'il eut récupéré, ils décidèrent de manger le poisson. Ils le mirent sur le feu pour le faire rôtir. Mais ils avaient négligé de nettoyer correctement le poisson, et il éclata, transformant toutes les personnes présentes en oiseaux. Depuis ce moment-là, les Grands Andamanais conservent une affinité particulière avec Mithe, la Colombe Coucou Andaman ; Phatka, le corbeau indien ; Benge, l'aigle serpent Andaman; Kaulo, l'aigle de mer à ventre blanc ; Celene, le crabe pluvier; et d'autres oiseaux qu'ils considéraient comme des ancêtres.

Dans la vision de la nature des Grands Andamanais, la principale distinction était entre tajio, le vivant, et eleo , le non-vivant. Les créatures étaient tajio-tut-bech, "êtres vivants avec des plumes" - c'est-à-dire de l'air; tajio-tot chor, "êtres vivants à écailles", ou de l'eau ; ou tajio-chola, "êtres vivants de la terre". Parmi les créatures terrestres, il y avait des ishongo, des humains et d'autres animaux, et des tong, des plantes et des arbres. Ces catégories, ainsi que de multiples attributs d'apparence, de mouvement et d'habitudes, constituaient un système élaboré de classification et de nomenclature, que j'ai documenté pour les oiseaux en particulier. Parfois, l'étymologie d'un nom grand andamanais ressemblait à celle de l'anglais. Par exemple, Celene, composé de mots racines pour "crabe" et "épine", a été ainsi nommé parce qu'il craque et mange des crabes avec son bec dur et pointu.

La compréhension extrêmement détaillée de l'environnement naturel détenue par le peuple des Grands Andamanais (Nao Jr. nomma au moins six variétés de bords de mer et plus de 18 types d'odeurs) indique une culture qui a observé la nature avec un amour profond et un intérêt aigu. Considérant la nature comme un tout, ils ont cherché à examiner l'imbrication des forces qui construisent cet ensemble. L'espace était une construction culturelle, définie par le mouvement des esprits, des animaux et des humains le long d'axes verticaux et horizontaux. Dans la vision du monde des Grands Andamanais, l'espace et tous ses éléments naturels - le soleil, la lune, la marée, les vents, la terre et la forêt - constituaient ensemble le cosmos. Dans cette vision holistique, les oiseaux, les autres créatures et les esprits étaient tous interdépendants et faisaient partie intégrante du concept d'espace.

Le temps aussi était relatif, catégorisé en fonction d'événements naturels tels que la floraison des fleurs saisonnières, la disponibilité du miel - le calendrier du miel, pourrait-on l'appeler - le mouvement du soleil et de la lune, la direction des vents, la disponibilité des ressources alimentaires et le meilleur moment pour chasser le poisson ou d'autres animaux. Ainsi, lorsque la fleur de koroiny auro fleurit, les tortues et les poissons sont gras ; lorsque le bop taulo fleurit, les poissons bikhir, liot et bere sont abondants ; lorsque le loto taulo fleurit, c'est le meilleur moment pour attraper les poissons phiku et nyuri ; et quand le chokhoro taulo fleurissent, les cochons sont les plus gras et c'est le meilleur moment pour les chasser.

Même le "matin" et le "soir" étaient relatifs, selon la personne qui les vivait. Pour dire, par exemple, "Je te rendrai visite demain", on utiliserait ngambikhir, pour "ton demain". Mais dans la phrase "je finirai ça demain", le mot serait tambikhir, "mon demain". Le temps dépendait de la perspective de celui qui était impliqué dans l'événement.

Les mythes des Grands Andamanais indiquaient que leurs premiers ancêtres résidaient dans le ciel, comme dans une autre histoire que Nao Jr. m'a racontée. 

Le premier homme, sortant du creux d'un bambou, trouva de l'eau, des tubercules, de l'argile fine et de la résine. Il modela un pot en argile, alluma un feu avec la résine, fit bouillir les tubercules dans le pot et savoura un repas copieux. Puis il fabriqua une figurine en argile et ll laissa sur le feu. À son étonnement et à sa joie, elle se transforma en femme. Ils eurent beaucoup d'enfants et étaient très heureux. Après un long séjour sur Terre, le couple partit pour un endroit au-dessus des nuages, rompant tous les liens avec ce monde.

Des larmes ont coulé sur les joues de Nao Jr. alors qu'il racontait ce conte de création, qui présentait tous les éléments de la vie : l'eau, le feu, la terre, l'espace et l'air. Pour cet homme solitaire - sa femme l'avait quitté il y a des années pour un autre homme -, créer une partenaire selon ses désirs était la fable romantique ultime. Alors que je lui avais demandé des histoires pour la première fois, il avait dit ne pas en avoir entendu depuis 40 ans et qu'il n'en avait pas pour moi faute de mémoire. Mais au cours de nombreuses soirées, avec le gazouillis des grillons et les cris des grenouilles à l'extérieur, il m'a raconté 10 histoires précieuses, presque inédites pour une langue au bord de l'extinction. Peut-être que l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes tellement liés était que nous étions tous les deux raupuch - quelqu'un qui a perdu un frère ou une sœur. Nao Jr. a été choqué d'apprendre que ni l'anglais ni aucune langue indienne n'a un tel mot. "Pourquoi?" Il a demandé. "n'aimez-vous pas vos frères et soeurs"

Nao Jr. a quitté ce monde en février 2009. Avec cette mort prématurée, il a emporté avec lui un trésor de connaissances qui ne pourra jamais être ressuscité et m'a laissé raupuch à nouveau. Boro Sr. est décédé en novembre et Boa Sr. en janvier 2010, laissant sa voix au travers de plusieurs chansons. Licho est décédé en avril 2020. À l'heure actuelle, seules trois personnes - Peje, Golat et Noe - parlent encore une langue de la grande famille andamanaise, dans leur cas le Jero. Ils ont tous plus de 50 ans et souffrent de diverses affections. Toute la famille de ces langues est menacée d'extinction imminente.

Sur les quelque 7 000 langues parlées par les humains aujourd'hui, la moitié se taira d'ici la fin de ce siècle. La survie à l'ère de la mondialisation, de l'urbanisation et des changements climatiques oblige les communautés autochtones à remplacer leurs modes de vie et leurs langues traditionnels par ceux de la société dominante. Quand l'ancienne génération ne peut plus enseigner la langue aux plus jeunes, une langue est condamnée. Et avec chaque langue perdue, nous perdons une mine de connaissances sur l'existence humaine, la perception, la nature et la survie. Pour donner le dernier mot à Boa Sr. : "Tout est parti, il ne reste plus rien – nos jungles, notre eau, notre peuple, notre langue. Ne laissez pas la langue vous échapper ! Tiens bon !"

Auteur: Anvita Abbi

Info: "Whispers from Deep Time" dans Scientific American 328, 6, 62-69 (juin 2023). Trad et adaptation Mg

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Ajouté à la BD par miguel

palier cognitif

Des physiciens observent une transition de phase quantique "inobservable"

Mesure et l'intrication ont toutes deux une saveur non locale "étrange". Aujourd'hui, les physiciens exploitent cette nonlocalité pour sonder la diffusion de l'information quantique et la contrôler.

La mesure est l'ennemi de l'intrication. Alors que l'intrication se propage à travers une grille de particules quantiques - comme le montre cette simulation - que se passerait-il si l'on mesurait certaines des particules ici et là ? Quel phénomène triompherait ?

En 1935, Albert Einstein et Erwin Schrödinger, deux des physiciens les plus éminents de l'époque, se disputent sur la nature de la réalité.

Einstein avait fait des calculs et savait que l'univers devait être local, c'est-à-dire qu'aucun événement survenant à un endroit donné ne pouvait affecter instantanément un endroit éloigné. Mais Schrödinger avait fait ses propres calculs et savait qu'au cœur de la mécanique quantique se trouvait une étrange connexion qu'il baptisa "intrication" et qui semblait remettre en cause l'hypothèse de localité d'Einstein.

Lorsque deux particules sont intriquées, ce qui peut se produire lors d'une collision, leurs destins sont liés. En mesurant l'orientation d'une particule, par exemple, on peut apprendre que sa partenaire intriquée (si et quand elle est mesurée) pointe dans la direction opposée, quel que soit l'endroit où elle se trouve. Ainsi, une mesure effectuée à Pékin pourrait sembler affecter instantanément une expérience menée à Brooklyn, violant apparemment l'édit d'Einstein selon lequel aucune influence ne peut voyager plus vite que la lumière.

Einstein n'appréciait pas la portée de l'intrication (qu'il qualifiera plus tard d'"étrange") et critiqua la théorie de la mécanique quantique, alors naissante, comme étant nécessairement incomplète. Schrödinger défendit à son tour la théorie, dont il avait été l'un des pionniers. Mais il comprenait le dégoût d'Einstein pour l'intrication. Il admit que la façon dont elle semble permettre à un expérimentateur de "piloter" une expérience autrement inaccessible est "plutôt gênante".

Depuis, les physiciens se sont largement débarrassés de cette gêne. Ils comprennent aujourd'hui ce qu'Einstein, et peut-être Schrödinger lui-même, avaient négligé : l'intrication n'a pas d'influence à distance. Elle n'a pas le pouvoir de provoquer un résultat spécifique à distance ; elle ne peut distribuer que la connaissance de ce résultat. Les expériences sur l'intrication, telles que celles qui ont remporté le prix Nobel en 2022, sont maintenant devenues monnaie courante.

Au cours des dernières années, une multitude de recherches théoriques et expérimentales ont permis de découvrir une nouvelle facette du phénomène, qui se manifeste non pas par paires, mais par constellations de particules. L'intrication se propage naturellement dans un groupe de particules, établissant un réseau complexe de contingences. Mais si l'on mesure les particules suffisamment souvent, en détruisant l'intrication au passage, il est possible d'empêcher la formation du réseau. En 2018, trois groupes de théoriciens ont montré que ces deux états - réseau ou absence de réseau - rappellent des états familiers de la matière tels que le liquide et le solide. Mais au lieu de marquer une transition entre différentes structures de la matière, le passage entre la toile et l'absence de toile indique un changement dans la structure de l'information.

"Il s'agit d'une transition de phase dans l'information", explique Brian Skinner, de l'université de l'État de l'Ohio, l'un des physiciens qui a identifié le phénomène en premier. "Les propriétés de l'information, c'est-à-dire la manière dont l'information est partagée entre les choses, subissent un changement très brutal.

Plus récemment, un autre trio d'équipes a tenté d'observer cette transition de phase en action. Elles ont réalisé une série de méta-expériences pour mesurer comment les mesures elles-mêmes affectent le flux d'informations. Dans ces expériences, ils ont utilisé des ordinateurs quantiques pour confirmer qu'il est possible d'atteindre un équilibre délicat entre les effets concurrents de l'intrication et de la mesure. La découverte de la transition a lancé une vague de recherches sur ce qui pourrait être possible lorsque l'intrication et la mesure entrent en collision.

L'intrication "peut avoir de nombreuses propriétés différentes, bien au-delà de ce que nous avions imaginé", a déclaré Jedediah Pixley, théoricien de la matière condensée à l'université Rutgers, qui a étudié les variations de la transition.

Un dessert enchevêtré

L'une des collaborations qui a permis de découvrir la transition d'intrication est née autour d'un pudding au caramel collant dans un restaurant d'Oxford, en Angleterre. En avril 2018, Skinner rendait visite à son ami Adam Nahum, un physicien qui travaille actuellement à l'École normale supérieure de Paris. Au fil d'une conversation tentaculaire, ils se sont retrouvés à débattre d'une question fondamentale concernant l'enchevêtrement et l'information.

Tout d'abord, un petit retour en arrière. Pour comprendre le lien entre l'intrication et l'information, imaginons une paire de particules, A et B, chacune dotée d'un spin qui peut être mesuré comme pointant vers le haut ou vers le bas. Chaque particule commence dans une superposition quantique de haut et de bas, ce qui signifie qu'une mesure produit un résultat aléatoire - soit vers le haut, soit vers le bas. Si les particules ne sont pas intriquées, les mesurer revient à jouer à pile ou face : Le fait d'obtenir pile ou face avec l'une ne vous dit rien sur ce qui se passera avec l'autre.

Mais si les particules sont intriquées, les deux résultats seront liés. Si vous trouvez que B pointe vers le haut, par exemple, une mesure de A indiquera qu'il pointe vers le bas. La paire partage une "opposition" qui ne réside pas dans l'un ou l'autre membre, mais entre eux - un soupçon de la non-localité qui a troublé Einstein et Schrödinger. L'une des conséquences de cette opposition est qu'en mesurant une seule particule, on en apprend plus sur l'autre. "La mesure de B m'a d'abord permis d'obtenir des informations sur A", a expliqué M. Skinner. "Cela réduit mon ignorance sur l'état de A."

L'ampleur avec laquelle une mesure de B réduit votre ignorance de A s'appelle l'entropie d'intrication et, comme tout type d'information, elle se compte en bits. L'entropie d'intrication est le principal moyen dont disposent les physiciens pour quantifier l'intrication entre deux objets ou, de manière équivalente, la quantité d'informations sur l'un stockées de manière non locale dans l'autre. Une entropie d'intrication nulle signifie qu'il n'y a pas d'intrication ; mesurer B ne révèle rien sur A. Une entropie d'intrication élevée signifie qu'il y a beaucoup d'intrication ; mesurer B vous apprend beaucoup sur A.

Au cours du dessert, Skinner et Nahum ont poussé cette réflexion plus loin. Ils ont d'abord étendu la paire de particules à une chaîne aussi longue que l'on veut bien l'imaginer. Ils savaient que selon l'équation éponyme de Schrödinger, l'analogue de F = ma en mécanique quantique, l'intrication passerait d'une particule à l'autre comme une grippe. Ils savaient également qu'ils pouvaient calculer le degré d'intrication de la même manière : Si l'entropie d'intrication est élevée, cela signifie que les deux moitiés de la chaîne sont fortement intriquées. Si l'entropie d'intrication est élevée, les deux moitiés sont fortement intriquées. Mesurer la moitié des spins vous donnera une bonne idée de ce à quoi vous attendre lorsque vous mesurerez l'autre moitié.

Ensuite, ils ont déplacé la mesure de la fin du processus - lorsque la chaîne de particules avait déjà atteint un état quantique particulier - au milieu de l'action, alors que l'intrication se propageait. Ce faisant, ils ont créé un conflit, car la mesure est l'ennemi mortel de l'intrication. S'il n'est pas modifié, l'état quantique d'un groupe de particules reflète toutes les combinaisons possibles de hauts et de bas que l'on peut obtenir en mesurant ces particules. Mais la mesure fait s'effondrer un état quantique et détruit toute intrication qu'il contient. Vous obtenez ce que vous obtenez, et toutes les autres possibilités disparaissent.

Nahum a posé la question suivante à Skinner : Et si, alors que l'intrication est en train de se propager, tu mesurais certains spins ici et là ? Si tu les mesurais tous en permanence, l'intrication disparaîtrait de façon ennuyeuse. Mais si tu les mesures sporadiquement, par quelques spins seulement, quel phénomène sortira vainqueur ? L'intrication ou la mesure ?

L'ampleur avec laquelle une mesure de B réduit votre ignorance de A s'appelle l'entropie d'intrication et, comme tout type d'information, elle se compte en bits. L'entropie d'intrication est le principal moyen dont disposent les physiciens pour quantifier l'intrication entre deux objets ou, de manière équivalente, la quantité d'informations sur l'un stockées de manière non locale dans l'autre. Une entropie d'intrication nulle signifie qu'il n'y a pas d'intrication ; mesurer B ne révèle rien sur A. Une entropie d'intrication élevée signifie qu'il y a beaucoup d'intrication ; mesurer B vous apprend beaucoup sur A.

Au cours du dessert, Skinner et Nahum ont poussé cette réflexion plus loin. Ils ont d'abord étendu la paire de particules à une chaîne aussi longue que l'on veut bien l'imaginer. Ils savaient que selon l'équation éponyme de Schrödinger, l'analogue de F = ma en mécanique quantique, l'intrication passerait d'une particule à l'autre comme une grippe. Ils savaient également qu'ils pouvaient calculer le degré d'intrication de la même manière : Si l'entropie d'intrication est élevée, cela signifie que les deux moitiés de la chaîne sont fortement intriquées. Si l'entropie d'intrication est élevée, les deux moitiés sont fortement intriquées. Mesurer la moitié des spins vous donnera une bonne idée de ce à quoi vous attendre lorsque vous mesurerez l'autre moitié.

Ensuite, ils ont déplacé la mesure de la fin du processus - lorsque la chaîne de particules avait déjà atteint un état quantique particulier - au milieu de l'action, alors que l'intrication se propageait. Ce faisant, ils ont créé un conflit, car la mesure est l'ennemi mortel de l'intrication. S'il n'est pas modifié, l'état quantique d'un groupe de particules reflète toutes les combinaisons possibles de hauts et de bas que l'on peut obtenir en mesurant ces particules. Mais la mesure fait s'effondrer un état quantique et détruit toute intrication qu'il contient. Vous obtenez ce que vous obtenez, et toutes les autres possibilités disparaissent.

Nahum a posé la question suivante à Skinner : Et si, alors que l'intrication est en train de se propager, on mesurait certains spins ici et là ? Les mesurer tous en permanence ferait disparaître toute l'intrication d'une manière ennuyeuse. Mais si on en mesure sporadiquement quelques spins seulement, quel phénomène sortirait vainqueur ? L'intrication ou la mesure ?

Skinner, répondit qu'il pensait que la mesure écraserait l'intrication. L'intrication se propage de manière léthargique d'un voisin à l'autre, de sorte qu'elle ne croît que de quelques particules à la fois. Mais une série de mesures pourrait toucher simultanément de nombreuses particules tout au long de la longue chaîne, étouffant ainsi l'intrication sur une multitude de sites. S'ils avaient envisagé cet étrange scénario, de nombreux physiciens auraient probablement convenu que l'intrication ne pouvait pas résister aux mesures.

"Selon Ehud Altman, physicien spécialiste de la matière condensée à l'université de Californie à Berkeley, "il y avait une sorte de folklore selon lequel les états très intriqués sont très fragiles".

Mais Nahum, qui réfléchit à cette question depuis l'année précédente, n'est pas de cet avis. Il imaginait que la chaîne s'étendait dans le futur, instant après instant, pour former une sorte de clôture à mailles losangées. Les nœuds étaient les particules, et les connexions entre elles représentaient les liens à travers lesquels l'enchevêtrement pouvait se former. Les mesures coupant les liens à des endroits aléatoires. Si l'on coupe suffisamment de maillons, la clôture s'écroule. L'intrication ne peut pas se propager. Mais jusque là, selon Nahum, même une clôture en lambeaux devrait permettre à l'intrication de se propager largement.

Nahum a réussi à transformer un problème concernant une occurrence quantique éphémère en une question concrète concernant une clôture à mailles losangées. Il se trouve qu'il s'agit d'un problème bien étudié dans certains cercles - la "grille de résistance vandalisée" - et que Skinner avait étudié lors de son premier cours de physique de premier cycle, lorsque son professeur l'avait présenté au cours d'une digression.

"C'est à ce moment-là que j'ai été vraiment enthousiasmé", a déclaré M. Skinner. "Il n'y a pas d'autre moyen de rendre un physicien plus heureux que de montrer qu'un problème qui semble difficile est en fait équivalent à un problème que l'on sait déjà résoudre."

Suivre l'enchevêtrement

Mais leurs plaisanteries au dessert n'étaient rien d'autre que des plaisanteries. Pour tester et développer rigoureusement ces idées, Skinner et Nahum ont joint leurs forces à celles d'un troisième collaborateur, Jonathan Ruhman, de l'université Bar-Ilan en Israël. L'équipe a simulé numériquement les effets de la coupe de maillons à différentes vitesses dans des clôtures à mailles losangées. Ils ont ensuite comparé ces simulations de réseaux classiques avec des simulations plus précises mais plus difficiles de particules quantiques réelles, afin de s'assurer que l'analogie était valable. Ils ont progressé lentement mais sûrement.

Puis, au cours de l'été 2018, ils ont appris qu'ils n'étaient pas les seuls à réfléchir aux mesures et à l'intrication.

Matthew Fisher, éminent physicien de la matière condensée à l'université de Californie à Santa Barbara, s'était demandé si l'intrication entre les molécules dans le cerveau pouvait jouer un rôle dans notre façon de penser. Dans le modèle que lui et ses collaborateurs étaient en train de développer, certaines molécules se lient occasionnellement d'une manière qui agit comme une mesure et tue l'intrication. Ensuite, les molécules liées changent de forme d'une manière qui pourrait créer un enchevêtrement. Fisher voulait savoir si l'intrication pouvait se développer sous la pression de mesures intermittentes - la même question que Nahum s'était posée.

"C'était nouveau", a déclaré M. Fisher. "Personne ne s'était penché sur cette question avant 2018.

Dans le cadre d'une coopération universitaire, les deux groupes ont coordonné leurs publications de recherche l'un avec l'autre et avec une troisième équipe étudiant le même problème, dirigée par Graeme Smith de l'université du Colorado, à Boulder.

"Nous avons tous travaillé en parallèle pour publier nos articles en même temps", a déclaré M. Skinner.

En août, les trois groupes ont dévoilé leurs résultats. L'équipe de Smith était initialement en désaccord avec les deux autres, qui soutenaient tous deux le raisonnement de Nahum inspiré de la clôture : Dans un premier temps, l'intrication a dépassé les taux de mesure modestes pour se répandre dans une chaîne de particules, ce qui a entraîné une entropie d'intrication élevée. Puis, lorsque les chercheurs ont augmenté les mesures au-delà d'un taux "critique", l'intrication s'est arrêtée - l'entropie d'intrication a chuté.

La transition semblait exister, mais il n'était pas évident pour tout le monde de comprendre où l'argument intuitif - selon lequel l'intrication de voisin à voisin devait être anéantie par les éclairs généralisés de la mesure - s'était trompé.

Dans les mois qui ont suivi, Altman et ses collaborateurs à Berkeley ont découvert une faille subtile dans le raisonnement. "On ne tient pas compte de la diffusion (spread) de l'information", a déclaré M. Altman.

Le groupe d'Altman a souligné que toutes les mesures ne sont pas très informatives, et donc très efficaces pour détruire l'intrication. En effet, les interactions aléatoires entre les particules de la chaîne ne se limitent pas à l'enchevêtrement. Elles compliquent également considérablement l'état de la chaîne au fil du temps, diffusant effectivement ses informations "comme un nuage", a déclaré M. Altman. Au bout du compte, chaque particule connaît l'ensemble de la chaîne, mais la quantité d'informations dont elle dispose est minuscule. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, "la quantité d'intrication que l'on peut détruire [à chaque mesure] est ridiculement faible".

En mars 2019, le groupe d'Altman a publié une prépublication détaillant comment la chaîne cachait efficacement les informations des mesures et permettait à une grande partie de l'intrication de la chaîne d'échapper à la destruction. À peu près au même moment, le groupe de Smith a mis à jour ses conclusions, mettant les quatre groupes d'accord.

La réponse à la question de Nahum était claire. Une "transition de phase induite par la mesure" était théoriquement possible. Mais contrairement à une transition de phase tangible, telle que le durcissement de l'eau en glace, il s'agissait d'une transition entre des phases d'information - une phase où l'information reste répartie en toute sécurité entre les particules et une phase où elle est détruite par des mesures répétées.

C'est en quelque sorte ce que l'on rêve de faire dans la matière condensée, a déclaré M. Skinner, à savoir trouver une transition entre différents états. "Maintenant, on se demande comment on le voit", a-t-il poursuivi.

 Au cours des quatre années suivantes, trois groupes d'expérimentateurs ont détecté des signes du flux distinct d'informations.

Trois façons de voir l'invisible

Même l'expérience la plus simple permettant de détecter la transition intangible est extrêmement difficile. "D'un point de vue pratique, cela semble impossible", a déclaré M. Altman.

L'objectif est de définir un certain taux de mesure (rare, moyen ou fréquent), de laisser ces mesures se battre avec l'intrication pendant un certain temps et de voir quelle quantité d'entropie d'intrication vous obtenez dans l'état final. Ensuite, rincez et répétez avec d'autres taux de mesure et voyez comment la quantité d'intrication change. C'est un peu comme si l'on augmentait la température pour voir comment la structure d'un glaçon change.

Mais les mathématiques punitives de la prolifération exponentielle des possibilités rendent cette expérience presque impensablement difficile à réaliser.

L'entropie d'intrication n'est pas, à proprement parler, quelque chose que l'on peut observer. C'est un nombre que l'on déduit par la répétition, de la même manière que l'on peut éventuellement déterminer la pondération d'un dé chargé. Lancer un seul 3 ne vous apprend rien. Mais après avoir lancé le dé des centaines de fois, vous pouvez connaître la probabilité d'obtenir chaque chiffre. De même, le fait qu'une particule pointe vers le haut et une autre vers le bas ne signifie pas qu'elles sont intriquées. Il faudrait obtenir le résultat inverse plusieurs fois pour en être sûr.

Il est beaucoup plus difficile de déduire l'entropie d'intrication d'une chaîne de particules mesurées. L'état final de la chaîne dépend de son histoire expérimentale, c'est-à-dire du fait que chaque mesure intermédiaire a abouti à une rotation vers le haut ou vers le bas. Pour accumuler plusieurs copies du même état, l'expérimentateur doit donc répéter l'expérience encore et encore jusqu'à ce qu'il obtienne la même séquence de mesures intermédiaires, un peu comme s'il jouait à pile ou face jusqu'à ce qu'il obtienne une série de "têtes" d'affilée. Chaque mesure supplémentaire rend l'effort deux fois plus difficile. Si vous effectuez 10 mesures lors de la préparation d'une chaîne de particules, par exemple, vous devrez effectuer 210 ou 1 024 expériences supplémentaires pour obtenir le même état final une deuxième fois (et vous pourriez avoir besoin de 1 000 copies supplémentaires de cet état pour déterminer son entropie d'enchevêtrement). Il faudra ensuite modifier le taux de mesure et recommencer.

L'extrême difficulté à détecter la transition de phase a amené certains physiciens à se demander si elle était réellement réelle.

"Vous vous fiez à quelque chose d'exponentiellement improbable pour le voir", a déclaré Crystal Noel, physicienne à l'université Duke. "Cela soulève donc la question de savoir ce que cela signifie physiquement."

Noel a passé près de deux ans à réfléchir aux phases induites par les mesures. Elle faisait partie d'une équipe travaillant sur un nouvel ordinateur quantique à ions piégés à l'université du Maryland. Le processeur contenait des qubits, des objets quantiques qui agissent comme des particules. Ils peuvent être programmés pour créer un enchevêtrement par le biais d'interactions aléatoires. Et l'appareil pouvait mesurer ses qubits.

Le groupe a également eu recours à une deuxième astuce pour réduire le nombre de répétitions - une procédure technique qui revient à simuler numériquement l'expérience parallèlement à sa réalisation. Ils savaient ainsi à quoi s'attendre. C'était comme si on leur disait à l'avance comment le dé chargé était pondéré, et cela a permis de réduire le nombre de répétitions nécessaires pour mettre au point la structure invisible de l'enchevêtrement.

Grâce à ces deux astuces, ils ont pu détecter la transition d'intrication dans des chaînes de 13 qubits et ont publié leurs résultats à l'été 2021.

"Nous avons été stupéfaits", a déclaré M. Nahum. "Je ne pensais pas que cela se produirait aussi rapidement."

À l'insu de Nahum et de Noel, une exécution complète de la version originale de l'expérience, exponentiellement plus difficile, était déjà en cours.

À la même époque, IBM venait de mettre à niveau ses ordinateurs quantiques, ce qui leur permettait d'effectuer des mesures relativement rapides et fiables des qubits à la volée. Jin Ming Koh, étudiant de premier cycle à l'Institut de technologie de Californie, avait fait une présentation interne aux chercheurs d'IBM et les avait convaincus de participer à un projet visant à repousser les limites de cette nouvelle fonctionnalité. Sous la supervision d'Austin Minnich, physicien appliqué au Caltech, l'équipe a entrepris de détecter directement la transition de phase dans un effort que Skinner qualifie d'"héroïque".

 Après avoir demandé conseil à l'équipe de Noel, le groupe a simplement lancé les dés métaphoriques un nombre suffisant de fois pour déterminer la structure d'intrication de chaque historique de mesure possible pour des chaînes comptant jusqu'à 14 qubits. Ils ont constaté que lorsque les mesures étaient rares, l'entropie d'intrication doublait lorsqu'ils doublaient le nombre de qubits - une signature claire de l'intrication qui remplit la chaîne. Les chaînes les plus longues (qui impliquaient davantage de mesures) ont nécessité plus de 1,5 million d'exécutions sur les appareils d'IBM et, au total, les processeurs de l'entreprise ont fonctionné pendant sept mois. Il s'agit de l'une des tâches les plus intensives en termes de calcul jamais réalisées à l'aide d'ordinateurs quantiques.

Le groupe de M. Minnich a publié sa réalisation des deux phases en mars 2022, ce qui a permis de dissiper tous les doutes qui subsistaient quant à la possibilité de mesurer le phénomène.

"Ils ont vraiment procédé par force brute", a déclaré M. Noel, et ont prouvé que "pour les systèmes de petite taille, c'est faisable".

Récemment, une équipe de physiciens a collaboré avec Google pour aller encore plus loin, en étudiant l'équivalent d'une chaîne presque deux fois plus longue que les deux précédentes. Vedika Khemani, de l'université de Stanford, et Matteo Ippoliti, aujourd'hui à l'université du Texas à Austin, avaient déjà utilisé le processeur quantique de Google en 2021 pour créer un cristal de temps, qui, comme les phases de propagation de l'intrication, est une phase exotique existant dans un système changeant.

En collaboration avec une vaste équipe de chercheurs, le duo a repris les deux astuces mises au point par le groupe de Noel et y a ajouté un nouvel ingrédient : le temps. L'équation de Schrödinger relie le passé d'une particule à son avenir, mais la mesure rompt ce lien. Ou, comme le dit Khemani, "une fois que l'on introduit des mesures dans un système, cette flèche du temps est complètement détruite".

Sans flèche du temps claire, le groupe a pu réorienter la clôture à mailles losangiques de Nahum pour accéder à différents qubits à différents moments, ce qu'ils ont utilisé de manière avantageuse. Ils ont notamment découvert une transition de phase dans un système équivalent à une chaîne d'environ 24 qubits, qu'ils ont décrite dans un article publié en mars.

Puissance de la mesure

Le débat de Skinner et Nahum sur le pudding, ainsi que les travaux de Fisher et Smith, ont donné naissance à un nouveau sous-domaine parmi les physiciens qui s'intéressent à la mesure, à l'information et à l'enchevêtrement. Au cœur de ces différentes lignes de recherche se trouve une prise de conscience croissante du fait que les mesures ne se contentent pas de recueillir des informations. Ce sont des événements physiques qui peuvent générer des phénomènes véritablement nouveaux.

"Les mesures ne sont pas un sujet auquel les physiciens de la matière condensée ont pensé historiquement", a déclaré M. Fisher. Nous effectuons des mesures pour recueillir des informations à la fin d'une expérience, a-t-il poursuivi, mais pas pour manipuler un système.

En particulier, les mesures peuvent produire des résultats inhabituels parce qu'elles peuvent avoir le même type de saveur "partout-tout-enmême-temps" qui a autrefois troublé Einstein. Au moment de la mesure, les possibilités alternatives contenues dans l'état quantique s'évanouissent, pour ne jamais se réaliser, y compris celles qui concernent des endroits très éloignés dans l'univers. Si la non-localité de la mécanique quantique ne permet pas des transmissions plus rapides que la lumière comme le craignait Einstein, elle permet d'autres exploits surprenants.

"Les gens sont intrigués par le type de nouveaux phénomènes collectifs qui peuvent être induits par ces effets non locaux des mesures", a déclaré M. Altman.

L'enchevêtrement d'une collection de nombreuses particules, par exemple, a longtemps été considéré comme nécessitant au moins autant d'étapes que le nombre de particules que l'on souhaitait enchevêtrer. Mais l'hiver dernier, des théoriciens ont décrit un moyen d'y parvenir en beaucoup moins d'étapes grâce à des mesures judicieuses. Au début de l'année, le même groupe a mis l'idée en pratique et façonné une tapisserie d'enchevêtrement abritant des particules légendaires qui se souviennent de leur passé. D'autres équipes étudient d'autres façons d'utiliser les mesures pour renforcer les états intriqués de la matière quantique.

Cette explosion d'intérêt a complètement surpris Skinner, qui s'est récemment rendu à Pékin pour recevoir un prix pour ses travaux dans le Grand Hall du Peuple sur la place Tiananmen. (Skinner avait d'abord cru que la question de Nahum n'était qu'un exercice mental, mais aujourd'hui, il n'est plus très sûr de la direction que tout cela prend.)

"Je pensais qu'il s'agissait d'un jeu amusant auquel nous jouions, mais je ne suis plus prêt à parier sur l'idée qu'il n'est pas utile."

Auteur: Internet

Info: Quanta Magazine, Paul Chaikin, sept 2023

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste