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idiomes en action

À notre première prise de contact, vous avez dit très clairement que vous ne souhaitiez pas répondre à des questions préparées à l’avance et que vous ne vouliez pas "que l’on retouche le texte", qui doit rester tel que vous l’aurez produit. Pourquoi cette insistance, cet attachement à la lettre dite ?

 On m’a souvent dit qu’à travers les transcriptions fidèles on entendait ma voix, ma prosodie. Le texte, c’est finalement une texture, c’est quelque chose de beaucoup plus compliqué que du linéaire. Dans la Lettre à Hérodote, Épicure parle de συμπλοκή à propos des atomes, ce qui a été traduit en anglais par interlace, "entrelacer". C’est vraiment ce genre de choses. De même que Marcel Mauss, le spécialiste du don, de l’échange, parle du fait social comme d’un "échange total", je dirais que les faits de langage, l’activité de langage, c’est une activité totale, qui est à la fois un travail d’interlocution et un travail d’intersubjectivité. Voyez l’exemple très simple, et totalement ignoré, de la formation du conditionnel, qui est une forme du fictif par excellence. Vous avez d’un côté l’infinitif, venir, ensuite il y a le verbe avoir, puisque ça vient de habebat, et puis vous avez l’imparfait ou le prétérit. On part d’une base, l’infinitif, qui n’est pas implanté, pas situé. Ensuite, le verbe avoir introduit un hiatus. Puis il y a une forme qui permet l’insertion, et c’est là qu’on a la deuxième personne (fig 1).

(Il rédige la phrase "j'ai une lettre à poster" et souligne 2 fois le à.)

Il y a des gens qui ne comprennent pas pourquoi je fais tant d’étymologies. Ce n’est pas parce que je veux imiter tel ou tel philosophe, mais tout simplement parce que le travail philologique est un travail qui vous fait remonter vers des vestiges. Lorsqu’on trouve un bout d’os dans un désert, on ne s’étonne pas qu’on nous explique tout ce qu’il permet de montrer : la philologie, c’est ça. Par exemple, pour des germanistes, je n’ai jamais vu personne s’étonner du fait qu’en allemand, schier signifie d’un côté purabsolu, et de l’autre, presque. Pour en rendre compte, vous ne pouvez pas avoir une théorie scalaire où vous avez une échelle, il faut une théorie vectorielle, c’est-à-dire que ça projette. Et là-dessus il suffit de lire ce que Jankélévitch a écrit sur les travaux de Georg Simmel* et de voir qu’il y a toujours un mouvement au-delà, et quand il n’y a pas de mouvement au-delà, c’est qu’il y a le [ne…] plus, c’est fini. Vous savez comment on dit exister en suédois ou en norvégien ? Vous prenez le verbe être, en suédois c’est vara (le Wesen de l’allemand bien sûr), et puis vous ajoutez til, qui veut dire dans un cas comme ça "quelque chose de plus", ça vous projette en avant, c’est ce que vous trouvez aussi dans le mot Ziel en allemand. Tout ça, il faut le sortir, sinon on n’y pense pas. Nous sommes totalement non conscients de notre activité mentale, et en un sens c’est une bonne chose. Si les hommes, homo sapiens, et même sapiens sapiens, s’étaient brusquement dit "je vais faire de la linguistique", ils étaient fichus. Ils n’auraient jamais plus parlé. 

Auteur: Culioli Antoine

Info: https://journals.openedition.org, 35, 2012, "Toute théorie doit être modeste et inquiète" Entretien avec Almuth Grésillon et Jean-Louis Lebrave. *Georg Simmel, La Tragédie de la culture et autres essais, Introduction de Vladimir Jankélévitch,

[ avenir inclus ] [ futur intégré ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

philosophie antique

Les premiers philosophes attribuaient l’être uniquement aux éléments matériels : l’eau (Thalès), l’air (Diogène, Anaximène), le feu (Hyppase et Héraclite), ou à leur combinaison (l’eau, l’air, le feu et la terre chez Empédocle). Une position aussi simpliste est insoutenable par une saine philosophie de la nature. Et elle est tout aussi inacceptable en métaphysique puisqu’elle réduit arbitrairement l’être à la matière.

Chez d’autres, ce qui existe était la cause efficiente : l’intelligence, l’amour, l’amour et la haine. Or ces théories qui posent l’étant à l’extérieur du réel ne donnent aucune explication sur ce qui se tient là sous nos yeux. Etre fait par amour ou par intelligence ne nous dit sur ce qu’est l’être. […]

Pour échapper au matérialisme et à ces fausses explications, certains ont voulu voir dans les choses elles-mêmes des principes invisibles qui seraient à proprement parler les étants. Ce sont les fameux atomes de Démocrite et de Leucippe, ou les nombres de Pythagore. Pour ce qui est de Pythagore, il faut lui reconnaître le mérite de chercher un principe d’explication des êtres au-dessus de la matière, le nombre, mais il en reste au domaine de la quantité […].

C’est le philosophe grec Parménide qui, le premier, considéra l’être en tant qu’être. Il le découvrit dans une sorte d’intuition mystique, et il en fut tellement ébloui que rien ne pouvait plus exister, selon lui, hors de cet être absolu. […]

La pensée de Parménide a certes le mérite d’élever la pensée humaine d’un coup d’aile vers les sphères très hautes de la contemplation métaphysique, mais elle exagère la portée de l’être. Elle commet l’imprudence de se laisser aveugler par son objet sans prendre le temps de distinguer et de nuancer. Parménide conçoit en effet l’être comme un genre univoque. Ce qui n’est pas l’être absolu n’appartient donc pas à ce genre, et n’existe pas. Hors de l’être nécessaire envisagé par Parménide, il n’existe rien.

[…] Surtout [Parménide] ne rend nullement compte de la multiplicité des êtres. Il n’existe pour lui qu’un être unique dont ce qui nous apparaît comme des êtres ne seraient que des manifestations accidentelles. Le fondateur de l’Académie [Platon] cherche à répondre à ce problème de la multitude posé par Parménide. Il va malheureusement se tromper de voie. Il croit en effet pouvoir expliquer la multitude des êtres de la façon suivante : les choses matérielles sont individuelles tandis que leurs formes sont universelles. Nous pouvons en conclure, selon Platon, que ces deux réalités (la réalité matérielle et sa forme) sont séparées. […] L’étant, ce qui existe en réalité, pour Platon, ce n’est plus telle chose concrète que j’ai sous les yeux, mais l’idée de cette chose. Le corps matériel est sans cesse soumis au changement et n’est jamais véritablement, l’idée seule est immuable et réelle. […] Les choses matérielles ne sont pas dignes de notre attention. Le monde d’ici-bas se trouve alors vidé de toute consistance et de toute beauté. Le véritable objet de la science, c’est le monde des Idées qui échappe au commun des mortels et ne se livre qu’à une élite choisie.

Auteur: Fabre Jean-Dominique Père

Info: Dans "Lettres à un curieux", éditions du Saint Nom, 2010, pages 149-151

[ historique ] [ résumé ] [ critique ]

 

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machine-homme

- (homme) Comment résumer au mieux la conjecture de riemann dans les termes les plus simples possibles

- (machine) La conjecture de Riemann, également connue sous le nom d'hypothèse de Riemann, est un célèbre problème non résolu en mathématiques qui traite de la distribution des nombres premiers. En termes simples, elle suggère que le modèle des nombres premiers peut être prédit à l'aide d'une fonction mathématique appelée fonction zêta de Riemann.

La conjecture affirme que tous les zéros non triviaux de la fonction zêta de Riemann ont une propriété spécifique : leur partie réelle est toujours égale à 1/2. Cela signifie que si nous représentons ces nombres complexes sur un graphique, ils tomberont tous sur une ligne verticale à mi-chemin entre les côtés gauche et droit.

L'importance de l'hypothèse de Riemann réside dans le fait qu'elle a des répercussions considérables sur la théorie des nombres, la cryptographie et d'autres domaines des mathématiques. Elle aide les mathématiciens à comprendre le comportement des nombres premiers et pourrait permettre de mieux comprendre la distribution des nombres premiers.

Malgré les nombreux efforts déployés par les mathématiciens au fil des ans, l'hypothèse de Riemann n'a toujours pas été prouvée. Il s'agit de l'un des problèmes non résolus les plus importants des mathématiques, et sa preuve ou sa réfutation aurait des conséquences profondes pour le domaine.

- (homme) Merci, pouvez-vous vulgariser la notion de "tous les zéros non..."

- (machine) Certainement ! Lorsque nous parlons de "zéros non triviaux" dans le contexte de l'hypothèse de Riemann, nous faisons référence à certaines valeurs spéciales de la fonction zêta de Riemann.

Pour bien comprendre, il faut décomposer les choses. La fonction zêta de Riemann est une fonction mathématique qui prend un nombre complexe comme entrée et nous donne un autre nombre complexe comme sortie. Lorsque nous parlons des "zéros" d'une fonction, nous entendons les valeurs de l'entrée qui rendent la sortie égale à zéro.

Dans le cas de la fonction zêta de Riemann, il s'avère qu'il existe certains nombres complexes pour lesquels la fonction s'évalue à zéro. C'est ce qu'on appelle les "zéros" de la fonction zêta de Riemann. Cependant, tous ces zéros ne sont pas intéressants pour l'hypothèse de Riemann.

Le terme "zéros non triviaux" fait référence à un sous-ensemble spécifique de ces zéros qui se trouvent dans une certaine région du plan complexe. En particulier, il s'agit des zéros de la fonction zêta de Riemann qui ne se trouvent pas sur la ligne où la partie réelle du nombre complexe est égale à 1/2. Ces zéros non triviaux sont ceux dont la partie réelle est égale à 1/2 selon l'hypothèse de Riemann.

Ainsi, lorsque nous parlons de "tous les zéros non triviaux" dans le contexte de l'hypothèse de Riemann, nous parlons de ces nombres complexes spécifiques où la fonction zêta de Riemann s'évalue à zéro, mais dont la partie réelle n'est pas égale à 1/2. Ces zéros jouent un rôle clé dans la conjecture et la compréhension de leur comportement est cruciale pour résoudre l'hypothèse de Riemann.

Auteur: chatGPT4

Info:

[ maths ] [ algèbre ]

 

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temporel-éternel

- L’idée maîtresse de mon article est qu’aux temps anciens des trois premiers siècles de son existence, le christianisme n’apparaissait sur la terre que comme une Église et n’était que cela. Or, quand l’État romain païen voulut devenir chrétien, il advint infailliblement que, devenu chrétien, il ne fit que s’incorporer l’Église, tout en continuant à être un État païen dans un grand nombre de ses fonctions. Au fond, il devait sans conteste en être ainsi. Mais Rome, en tant qu’État, avait conservé beaucoup trop de vestiges de la civilisation et de la sagesse païennes, comme par exemple les fins et les fondements mêmes de l’État. L’Église du Christ, elle, entrée dans l’État, ne pouvait évidemment rien céder de ses fondements, de la pierre sur laquelle elle reposait, et ne pouvait poursuivre que ses propres fins, fermement établies et indiquées par le Seigneur lui-même, entre autres celle de transformer en Église le monde entier et, partant, aussi l’antique État païen. Ainsi (c’est-à-dire en prévision de l’avenir), ce n’est pas l’Église qui doit se chercher une place déterminée dans l’État, comme "toute association publique" ou comme "une association humaine à fins religieuses" (ainsi que le dit de l’Église l’auteur à qui je réponds), mais au contraire, tout État temporel devrait par la suite se transformer entièrement en Église et ne plus être que cela, après avoir écarté tous ses buts incompatibles avec ceux de l’Église. Tout cela ne l’abaisse nullement et ne lui enlève ni son honneur ni sa gloire en tant que grand État, pas plus que la gloire de ses chefs, mais lui fait seulement quitter la fausse voie, encore païenne et erronée, pour la voie juste et véritable, la seule qui mène aux fins éternelles. Voilà pourquoi l’auteur du livre sur Les bases de la justice ecclésiastique eût vu juste si, en recherchant et en proposant ces bases, il ne les eût considérées que comme un compromis provisoire, indispensable encore à notre époque de péchés et non révolue, pas plus. Mais à peine l’auteur de ces bases ose-t-il déclarer que celles qu’il propose et dont le père Joseph vient d’énumérer une partie, sont des bases inébranlables, essentielles et éternelles, qu’il se trouve en opposition directe avec l’Église et sa sainte prédestination éternelle et immuable. Voilà tout mon article, son exposé complet.

- C’est-à-dire, en résumé, prononça de nouveau le père Païsius en appuyant sur chaque mot, selon certaines théories qui ne se sont que trop manifestées dans notre dix-neuvième siècle, l’Église doit se transformer en État, passer en quelque sorte d’une forme inférieure à une forme supérieure, pour s’y fondre ensuite, en cédant devant la science, l’esprit du temps et la civilisation. Et si elle s’y refuse et résiste, on ne lui assigne dans l’État qu’un certain coin, et encore sous surveillance, cela partout, à notre époque, dans les pays européens. Or, d’après la conception et l’espérance russes, ce n’est pas l’Église qui doit se transformer en État, pour passer d’un type inférieur à un type supérieur, c’est au contraire l’État qui doit finir par devenir digne d’être exclusivement une Église, et rien d’autre. Ainsi soit-il !

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 79-80

[ soumission ] [ hérésie ] [ modernité ]

 
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métaphysique

Pour saisir la véritable distinction d’intellectus et de ratio, et la juste subordination que l’on doit établir entre eux, il suffit d’interroger la plus que millénaire tradition philosophique de l’Occident latin.

S. Augustin nous présente cette distinction avec toute la clarté désirable. Sa doctrine est simple : si la connaissance humaine commence par la raison qui cherche, elle se termine par l’intellect qui trouve. “La raison est un mouvement capable de distinguer et de relier nos connaissances entre elles ”. Mais : “autre est l’intellect, autre la raison”. L’intellectus ou intelligentia (“l’intellect ou l’intelligence”), en effet, est la faculté supérieure de l’âme humaine, directement illuminée par la lumière divine : “Il y a dans notre âme quelque chose que l’on appelle intellect. Et cette partie de l’âme, que l’on appelle intellect ou esprit, est elle-même illuminée d’une lumière supérieure. Or, cette lumière par laquelle l’esprit est illuminé, c’est Dieu.” […] En somme, la raison se distingue de l’intellect comme la science (en vue de l’action) se distingue de la sagesse (en vue de la contemplation) : “Si donc il existe une exacte distinction de la sagesse et de la science, savoir, qu’à la sagesse appartient la connaissance intellective des choses éternelles, tandis qu’à la raison appartient la connaissance rationnelle des choses temporelles, il n’est pas difficile de juger laquelle est la première et laquelle est la seconde.”

La doctrine de S. Thomas d’Aquin ne diffère guère de celle de S. Augustin. Du moins les distinctions terminologiques sont-elles identiques de part et d’autre. “La raison diffère de l’intellect comme la multiplicité de l’unité ; d’où vient que Boèce, au livre IV du De Consolatione, dit que la raison se trouve dans le même rapport à l’intellect que le temps à l’éternité, et le cercle au centre. C’est en effet le propre de la raison de se répandre en tous sens sur une foule de choses, et d’en tirer, en les rassemblant, une connaissance une et simple. […] Mais à l’inverse l’intellect commence d’abord par la considération de la vérité une et simple, puis saisit en elle la connaissance de tout le multiple, de même que Dieu, par l’intellection de son essence, connaît toute chose. 

Cet intellect, non seulement reçoit en lui les connaissances qui viennent de l’extérieur, en tant qu’intellect passif, mais encore, en tant qu’intellect actif, il illumine la connaissance reçue pour en révéler à lui-même la dimension intelligible, comme un œil qui éclairerait ce qu’il voit. […] De grands thomistes affirment qu’il n’y a pas d’intuition intellectuelle chez S. Thomas (cf. par exemple, Sertillanges, Saint Thomas d’Aquin, Alcan, 1912, t. 1, p. 134). C’est même là la thèse généralement admise. Nous avons expliqué pourquoi elle nous paraissait très incomplète (cf. notre article : "La notion d’intellect chez saint Thomas d’Aquin", publié dans la revue Philosophia perennis, n°3, janvier-février 1970). Rappelons seulement ici que, pour S. Thomas : “la raison et l’intellect diffèrent quant au mode de connaissance, parce que, si l’intellect connaît par simple intuition (simplici intuitu), la raison, elle, connaît les choses discursivement.” (Somme théologique, I, q. 59, a. 1, ad 1). D’autre part, comme nous l’avons rappelé, c’est l’intellect qui [d'après S. Thomas] est béatifié et s’unit à l’Essence divine.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité. La voie chrétienne de la charité, chap. VII : "La constitution de l’Homme selon la méthode philosophique", III, "La tripartition anthropologique", 8, "Intellectus et ratio chez S. Augustin et S. Thomas d’Aquin", L’Harmattan, coll. Théôria, Paris, 2011, pp. 113-116.

[ différences ] [ curiosité instinctive ]

 

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légende

Je peux bien vous raconter – puisque tout le monde sait que je suis la mère de Carlos, le chanteur – que lorsque Jean (car c’est son vrai nom) était à la maternelle, il m’a dit un jour : "Mais comment ça se fait que les Pères Noël, il y en ait tant ? Il y en a des bleus… il y en a des violets… il y en a des rouges !" On se promenait dans les rues et il y avait partout des Père Noël. Alors je lui ai dit : "Mais, tu sais, le Père Noël, celui-là, je le connais, c’est Untel" ; c’était l’un des employés d’une maison de jouets, ou d’une pâtisserie, qui s’était déguisé en Père Noël. "Tu vois, il s’est déguisé en Père Noël, et l’autre aussi c’est un vendeur du magasin déguisé en Père Noël." Il m’a demandé : "Mais alors, le vrai ?" - Le vrai, il n’est que dans notre cœur. C’est comme un lutin géant qu’on imagine. Quand on est petit, on est content de penser que des lutins, ou des géants, ça peut exister. Tu sais bien que les lutins, ça n’existe pas. Les géants des contes non plus. Le Père Noël, il n’est pas né, il n’a pas eu un papa, une maman. Il n’est pas vivant ; il est vivant seulement au moment de Noël, dans le cœur de tous ceux qui veulent faire une surprise pour fêter les petits enfants. Et toutes les grandes personnes regrettent de ne plus être des petits enfants ; alors, elles aiment bien continuer à dire aux enfants : "C’est le Père Noël" ; quand on est petit, on ne sait pas faire la différence entre les choses vraies vivantes et les choses vraies qui se trouvent seulement dans le cœur." Il écouta tout cela et me dit : "Alors, le lendemain de Noël, il ne va pas s’en aller dans son char, avec ses rennes ? Il ne va pas remonter dans les nuages ? – Non, puisqu’il est dans notre cœur. – Alors, si je mets mes souliers, il ne me donnera rien ? – Qui ne te donnera rien ? – Il n’y aura rien dans mes souliers ? – Mais si. – Mais alors, qui l’aura mis ?" Je souris. "C’est toi et papa qui y mettrez quelque chose ? – Oui, bien sûr. – Alors moi, je peux être aussi le Père Noël ? – Bien sûr, tu peux être le Père Noël. Nous allons mettre nos souliers, ton père, moi et Marie. Tu mettras des choses dedans. Et puis, toi, tu sauras que c’est toi le Père Noël pour les autres. Et moi, je dirai : Merci, Père Noël ; ce sera toi qui auras eu le merci, mais je ferais comme si je ne savais pas. Pour ton père, je ne lui dirai pas que c’est toi, ce sera une surprise aussi." Il était enchanté, ravi, et il me dit en revenant de promenade : "C’est maintenant que je sais qu’il n’existe pas pour de vrai, que c’est vraiment bien, le Père Noël."

L’imagination et la poésie enfantines ne sont ni crédulité, ni puérilité, mais de l’intelligence dans une autre dimension.

Auteur: Dolto Françoise

Info: Dans "Lorsque l'enfant paraît", tome 1, éditions du Seuil, 1977, pages 95-96

[ explication ]

 

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fictions

Lorsque les gens parlent de fantasy - qu'il s'agisse de lecteurs grand public ou de lecteurs de SF - ils parlent presque toujours d'un sous-genre de la littérature fantastique. Ils parlent de Tolkien, et de ses innombrables héritiers. Qu'on l'appelle "épopée", ou "de genre", c'est ce que fantasy a fini par signifier. Ce qui est à la fois trompeur et malheureux.

Tolkien est la bête de somme de la littérature fantastique. Son œuvre est massive et contagieuse - on ne peut l'ignorer, alors n'essayez même pas. Le mieux que vous puissiez faire est d'essayer d'enlever ce furoncle avec précaution. Et il y a beaucoup de choses à détester : sa pompe wagnérienne, son côté "garçon aventurier" qui se glorifie dans la guerre, son amour étroit et réactionnaire pour le statu quo hiérarchique, sa croyance en une moralité absolue qui brouille la complexité morale et politique. Les clichés de Tolkien - les elfes, les nains et les anneaux magiques - se sont répandus comme des virus. Il a écrit que la fonction de la fantaisie était "de consoler", faisant ainsi de l'écrivain de fantaisie un principe de base d'une politique destinée à dorloter le lecteur.

C'est une idée révoltante, et heureusement, beaucoup de fantaisistes l'ont ignorée. Des surréalistes aux pulps - en passant par Mervyn Peake, Mikhael Boulgakov, Stefan Grabiński, Bruno Schulz, Michael Moorcock, M. John Harrison et j'en passe - les meilleurs écrivains ont utilisé l'esthétique fantastique précisément pour défier, aliéner, subvertir et saper les attentes.

Bien sûr, je ne dis pas qu'un fan de Tolkien ne peut faire parei de mes amis - cela réduirait considérablement mon cercle social. Je ne prétends pas non plus qu'il est impossible d'écrire un bon livre de fantasy contenant des elfes et des nains - le superbe Iron Dragon's Daughter de Michael Swanwick dément cette affirmation. Mais puisque le plaisir de la fantasy est censé résider dans sa créativité illimitée, pourquoi ne pas essayer de trouver des thèmes différents, ainsi que des monstres non conventionnels ? Pourquoi ne pas utiliser la fantasy pour remettre en question les mensonges sociaux et esthétiques ?

Heureusement, la tradition alternative de la fantasy n'est jamais morte. Et elle ne cesse de se renforcer. Chris Wooding, Michael Swanwick, Mary Gentle, Paul di Filippo, Jeff VanderMeer, et bien d'autres, produisent tous des œuvres qui s'articulent sur le radicalisme de la fantasy. Alors que la fantasy traditionnelle était rurale et bucolique, celle-ci est souvent urbaine et souvent brutale. Les personnages sont plus que des silhouettes en carton, et ils ne sont pas définis par la race ou le sexe. Les choses sont sordides et délicates, comme dans la vie réelle. La fantaisie n'est pas un aliment réconfortant, mais un défi.

Le critique Gabe Chouinard a déclaré que nous entrons dans une nouvelle période, une renaissance du radicalisme créatif de la fantasy qui n'a pas été vue depuis la nouvelle vague des années 60 et 70, et qu'il a baptisée la prochaine vague. Je ne sais s'il a raison, mais je suis enthousiaste. C'est une littérature radicale. C'est la littérature que nous méritons le plus.

Auteur: Mieville China Tom

Info:

[ styles littéraires ] [ ouverture ] [ vingtième siècle ] [ mondes imaginaires ] [ merveilleux ]

 

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femmes-hommes

- Ulik, comment trouvez-vous les femmes occidentales ?
- Très jolies.
- Merci. Mais les femmes Inuits ne sont-elles pas jolies ?
- Si, bien sûr. Mais deux paysages différents peuvent être également beaux.
- À votre avis, est-ce qu'une femme inuit serait heureuse en vivant ici ?
- Je crois qu'elle serait heureuse de découvrir tous ces produits de beauté que vous avez ici. Là-bas, elles essaient d'en fabriquer, mais elles n'ont pas grand-chose, à part la graisse de quelques animaux.
- Qu'est-ce qui lui plairait encore ?
- Elle pourrait apprendre une spécialité, un métier, comme vous. Mais peut-être n'en auraient-elles pas envie.
- Pourquoi ?
- Elles ont été habituées autrement. Et puis si elles avaient le même métier que les hommes, à quoi serviraient les hommes ?
- Mais c'est ainsi que ça se passe ici, vous savez, les femmes et les hommes font presque les mêmes métiers.
- Oui, je sais bien. J'ai compris que les femmes peuvent être aussi bonnes que les hommes, dans les métiers d'ici en tout cas. Même chez nous, certaines savent très bien conduire les chiens. Elles sont courageuses.
- Croyez-vous que les femmes d'ici sont aussi courageuses que les femmes inuit ?
- Ce n'est pas le même courage. Les femmes Inuits doivent affronter le froid, la faim, souvent la mort de leurs nouveau- nés, et, bien sûr, le risque de croiser un ours quand elles s'éloignent du camp.
- Et les femmes d'ici ?
- Je peux dire ce que je pense ?
- Mais bien sûr, Ulik.
- Je pense qu'elles sont très courageuses pour affronter la solitude. Même moi, au début, il m'était difficile de rester seul dans une chambre : cela n'arrive presque jamais dans mon pays. Mais j'ai compris qu'ici beaucoup de femmes vivent seules, sans homme.
- Mais elles l'ont peut-être choisi.
- Peut-être, mais choisie ou pas, affronter la solitude demande beaucoup de courage. Autant que pour affronter le froid ou un ours, même si ce n'est pas la même sorte de courage.
- Et, à votre avis, pourquoi vivent-elles seules ?
- Je ne sais pas, je n'ai pas encore tout compris de votre culture.
- Vous n'avez pas une idée ?
- Je pense qu'ici les femmes ne donnent pas l'impression qu'il faut les protéger. Alors peut-être que les hommes ne se sentent pas obligés de rester.
- Vous pensez qu'on reste près d'une femme pour la protéger ?
- Dans mon pays en tout cas. Autrement comment se nourrirait-elle ? Mais, bien sûr, c'est encore mieux si on continue à l'aimer. De toute façon, dans mon pays, les femmes doivent se marier et faire des enfants, nous sommes si peu nombreux.
- Donc vous trouvez les femmes d'ici très différentes des femmes Inuits ?
- En apparence, en tout cas. Ici les femmes parlent plus, j'en ai même vu commander les hommes.
- Alors, elles n'ont plus besoin des hommes pour les protéger ?
- Je ne sais pas. Je crois qu'elles en ont peut-être besoin, mais c'est devenu seulement un sentiment. Je crois qu'elles aimeraient se sentir protégées, même si elles n'en ont plus besoin. Mais peut-être que les hommes ici ne savent plus le faire.

Auteur: Lelord François

Info: Ulik au pays du désordre amoureux

[ dialogue ] [ nord-sud ] [ comparaison ]

 
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rapports humains

J'ai vu des miracles se produire, quand les gens disent la vérité. Pas la “belle” vérité. Pas la vérité qui cherche à plaire ou à réconforter. Mais la vérité sauvage. La vérité féroce. La vérité qui dérange. La vérité tantrique. La foutue vérité. La vérité que tu as peur de dire.

L'horrible vérité sur toi que tu caches pour “protéger” les autres. Pour éviter d'être "trop". Pour éviter d'avoir honte et de te sentir rejeté. Pour éviter d'être vu. La vérité de tes sentiments les plus profonds. La rage que tu as ressassée, dissimulée, maîtrisée. Les terreurs dont tu ne veux pas parler. Les pulsions sexuelles que tu as essayé d'engourdir. Les désirs primaires que tu ne peux supporter de formuler.

Les défenses se décomposent enfin, et ce matériel "dangereux" émerge du plus profond de l'inconscient. Tu ne peux plus le retenir. L'image du "bon garçon" ou de la "gentille fille" s'évapore. Celle du "parfait", de "celui qui a tout compris", de l'évolué : ce sont des images qui brûlent.

Tu trembles, tu transpires, tu es au bord des vomissements. Tu penses que tu pourrais en mourir, mais finalement tu la dis cette putain de vérité, cette vérité dont tu as profondément honte. Pas une vérité abstraite. Pas une vérité “spirituelle”, soigneusement formulée et conçue pour prévenir l'offense. Pas une vérité habilement emballée. Mais une vérité humaine désordonnée, enflammée, bâclée. Une vérité sanglante, passionnée, provocatrice, sensuelle. Une vérité mortelle, indomptée et sans fard. Et fragile, collante, suante, vulnérable. La vérité de ce que tu ressens. La vérité qui permet à l'autre de te voir à l'état brut. La vérité qui fait haleter, qui fait battre ton cœur. C'est la vérité qui te libérera.

J'ai vu des dépressions chroniques et des angoisses permanentes s'effacer du jour au lendemain. J'ai vu s'évaporer des traumatismes profondément enracinés. J'ai vu de la fibromyalgie, des migraines à vie, de la fatigue chronique, des maux de dos insupportables, des tensions corporelles, des troubles de l'estomac, disparaître, ne jamais revenir. Bien sûr, les "effets secondaires" de la vérité ne sont pas toujours aussi dramatiques. Et nous n'entrons pas dans notre vérité avec un résultat en tête. Mais pense aux énormes quantités d'énergie nécessaires pour réprimer notre sauvagerie animale, engourdir notre nature farouche, réprimer notre rage, nos larmes et notre terreur, soutenir une fausse image, et faire semblant d'être "bien".

Pense à toute la tension dans le corps, et aux dommages causés à notre système immunitaire, quand nous vivons dans la peur de “ nous montrer”. Prends le risque de dire ta vérité. La vérité dont tu as peur. La vérité dont tu crois que le monde dépend. Trouve une personne sûre, un ami, un thérapeute, un conseiller, toi-même, et laisse-les entrer. Laisse-les te tenir alors que tu te brises. Laisse-les t'aimer alors que tu pleures, rages, trembles de peur, que tu es en plein gâchis.

Dis ta putain de vérité à quelqu'un, cela pourrait simplement te sauver la vie, te guérir du plus profond de toi et te connecter à l'humanité d'une manière que tu n'avais jamais imaginée.

Auteur: Foster Jeff

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[ calculés ] [ masques ] [ sincérité thérapie ] [ lâcher prise ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

poème

Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couper, forest, d'une dure congnée,
Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea,
Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea :
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se devore après par les dents de la guerre.

Qu'il puisse pour vanger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme.

Que tousjours sans repos ne face en son cerveau
Que tramer pour-neant quelque dessein nouveau,
Porté d'impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse.

Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,
Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force
Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?
Sacrilege meurdrier, si on prend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses
Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere
Plus du Soleil d'Esté ne rompra la lumiere.

Plus l'amoureux Pasteur sur un tronq adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet : Echo sera sans voix :
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :
Tu perdras ton silence, et haletans d'effroy
Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.

Adieu vieille forest, le jouët de Zephyre,
Où premier j'accorday les langues de ma lyre,
Où premier j'entendi les fleches resonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur estonner :
Où premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m'allaita.

Adieu vieille forest, adieu testes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le desdain des passans alterez,
Qui bruslez en Esté des rayons etherez,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent vos meurtriers, et leur disent injures.

Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnastes à repaistre,
Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sceu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers,
De massacrer ainsi nos peres nourriciers.

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme une autre vestira :
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cyme d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matiere demeure, et la forme se perd.

Auteur: Ronsard Pierre de

Info: Contre les bucherons de la forest de Gastine, Elégie

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