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littérature

Soudain, il comprit. Ce n'était pas Donna. Il refit le trajet jusqu'à la cahute dans sa tête et se rendit compte qu'il s'était complètement trompé en croyant que le chemin les menait vers Haven. Ils avaient tourné trop tôt. Le mur contre lequel ils se tenaient enlacés n'était autre que le pan ouest de la salle des machines de la scierie. Le type en salopette, ses mains sales accrochées à son visage. William, la gangrène. Sa mère le jour de l'enterrement. Thomas se mit à suffoquer. Ses muscles gueulaient. Pendant que Donna fourrait sa langue débutante entre ses dents, il revit son père à chaque période de sa vie : son départ le matin, ses soirées au Blue Budd, son regard après le repas, la sieste sur la véranda, les ouvriers, le médecin, la main bandée et l'enterrement, les gosses dégénérés qui jouaient sur le tas de bois qui avaient fabriqué le cercueil.

Auteur: Coulon Cécile

Info: Le roi n'a pas sommeil

[ distraction ] [ gamberge ]

 

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générations

mon grand-père était allemand et plutôt bien balancé
mais avec une drôle d’haleine.
il se tenait tout raide
sous la véranda de sa petite maison
et sa femme le haïssait
et ses enfants pensaient qu’il était dérangé.
j’avais six ans la première fois que je l’ai rencontré
et il m’a donné toutes ses décorations militaires.
la deuxième fois
il m’a donné sa montre de gousset qui était en or.
elle pesait son poids et je la ramenai chez moi
mais elle s’arrêta de marcher
car je l’avais trop remontée,
ce qui me désespéra.
je ne l’ai jamais revu
et mes parents ne parlaient jamais de lui
ni ma grand-mère d’ailleurs
qui avait cessé depuis longtemps
de vivre avec lui.

une fois pourtant je leur ai demandé de me
parler de lui
et ils m’ont tous dit
qu’il buvait trop.
n’empêche, c’est lui que j’aimais le plus.
je le revois
se tenant tout raide
sous la véranda de sa petite maison
et me disant : "hello, Henry, toi
et moi, on se connaît bien,
n’est-ce pas ?"

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pages 350-351, "une montre de gousset en or"

[ fidélité ] [ transmission ] [ aura ] [ souvenir d'enfance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

langage

- Trois mois qu'il s'enferme dans sa putain de véranda, dit-il, tout son vocabulaire doit y passer plusieurs fois par jour.

- Dis que ton père est analphabète...

- Mon père est un Américain de base, tu as oublié ce que c'était. Un type qui parle pour se faire comprendre, pas pour faire des phrases. Un homme qui n'a pas besoin de dire vous quand il sait dire tu. Un type qui est, qui a, qui dit et qui fait, il n'a pas besoin d'autres verbes. Un type qui ne dîne, ne déjeune et ne soupe jamais : il mange. Pour lui, le passé est ce qui arrivé avant le présent, et le futur ce qui arrivera après, à quoi bon compliquer ? As-tu déjà listé le nombre de choses que ton père est capable d'exprimer rien qu'avec le mot "fuck" ?

- Pas de cochonneries, s'il te plait.

- C'est bien autre chose que des cochonneries. "Fuck" dans sa bouche peut vouloir dire : "Mon Dieu, dans quelle panade me suis-je fourré !", ou encore : "Ce gars-là va me le payer cher un jour", mais aussi "J'adore ce film". Pourquoi un type comme lui aurait besoin d'écrire.

Auteur: Benacquista Tonino

Info: Malavita (discussion entre les deux ados de la famille)

[ simplicité ] [ contextualisé ] [ clarté ] [ routines ] [ tics polyvalents ] [ pulsions ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

fantasmagorie

La nuit dernière encore, cela a commencé ainsi.

En fin d’après-midi, le vent et la pluie avaient forci et, au lieu d’aller accrocher les volets comme je l’aurais dû, je m’étais paresseusement réfugié dans mon lit toujours défait. Mais dans la nuit, les vitres se sont mises à gémir. D’une façon tout à fait différente des vibrations qui les agitaient jusque-là. Cela m’a réveillé. Pour commencer, j’ai pensé à un chat ou quelque autre animal. Je m’apprêtais à me rendormir sans intervenir, mais les craquements empiraient. Pour finir, le vacarme est devenu tel qu’on aurait cru que la maison geignait ; bien obligé, j’ai fini par me lever, j’ai allumé la lampe à pétrole et je suis parti inspecter les fenêtres de la véranda.

Derrière les vitres, la lampe a révélé des ténèbres de poix, des rafales de vent et de pluie qui les battaient follement et, alors qu’en temps normal leur extrémité se contentait de frôler la fenêtre, même par grand vent, les fleurs du lilas des Indes qui se jetaient contre le carreau, face la première, comme aplaties par quelque force gigantesque. Les grandes branches déferlaient contre la fenêtre avant de reculer un instant, telle la vague qui se retire, et ainsi de suite. Leur grincement avait un effet hallucinatoire et, peu à peu, il m’a semblé entendre : … laisse-moi entrer…

Auteur: Nashiki Kaho

Info: Lilas des Indes

[ nocturne ] [ végétaux ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

séparation

Père ! dis-je. Chacun suit son destin, mon petit ; les hommes n’y peuvent rien changer. Tes oncles ont étudié. Moi –mais je te l’ai déjà dit : je te l’ai dit, si tu te souviens quand tu es parti pour Conakry…moi, je n’ai pas eu la chance et moins encore la tienne…mais maintenant que cette chance est devant toi, je veux que tu la saisisses ; tu as su saisir la précédente, saisis celle-ci aussi, saisis-la bien ! Il reste dans notre pays tant de choses à faire…Oui, je veux que tu ailles en France ; je le veux aujourd’hui autant que toi-même : on aura besoin ici sous peu d’hommes comme toi…Puisses-tu ne pas nous quitter pour trop longtemps ! Nous demeurâmes un long bout de temps sous la véranda, sans mot dire et à regarder la nuit ; et puis soudain mon père dit d’une voix cassée : promets-moi qu’un jour tu reviendras ? Je reviendrai ! dis-je. Ces pays lointains…dit-il lentement. Il laissa sa phrase inachevée ; il continuait de regarder la nuit. Je le voyais, à la lueur de la lampe-tempête, regarder comme un point dans la nuit, et il fronçait les sourcils comme s’il était mécontent ou inquiet de ce qu’il y découvrait. Que regardes-tu ? dis-je. Garde-toi de jamais tromper personne, dit-il ; sois droit dans ta pensée et dans tes actes ; et Dieu demeurera avec toi. Puis il eut comme un geste de découragement et il cessa de regarder la nuit.

Auteur: Laye Camara

Info: L'enfant noir

[ voyages ] [ afrique ] [ douleur ] [ espoir ] [ dernières paroles ]

 

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cité imaginaire

Les anciens ont construit Valdrada sur les rives d'un lac, ce sont des maisons aux vérandas superposées et des rues hautes avec des parapets à balustrade donnant sur l'eau. Ainsi, le voyageur voit deux villes lorsqu'il arrive : une directement au-dessus du lac et une autre reflétée à l'envers. Il n'y a rien dans une Valdrada que l'autre Valdrada ne répète pas, car la ville a été construite de manière à ce que chaque point se reflète dans son miroir, et la Valdrada au fond de l'eau contient non seulement toutes les cannelures et les surplombs des façades qui s'élèvent au-dessus du lac, mais aussi l'intérieur des pièces avec leurs plafonds et leurs sols, la perspective des couloirs, les miroirs des armoires. Les habitants de Valdrada savent que tous leurs actes sont à la fois cet acte et son image miroir, à laquelle appartient la dignité particulière des images, et cette conscience leur interdit de s'abandonner un seul instant au hasard et à l'oubli. Même lorsque les amants retournent leurs corps nus peau contre peau en cherchant la position pour prendre plus de plaisir l'un et l'autre, même lorsque les assassins enfoncent le couteau dans les veines noires du cou et que plus le sang coule, plus ils enfoncent la lame qui glisse entre les tendons, ce ne sont pas tant les accouplements ou les massacre qui importent que leurs images limpides et froides dans le miroir. Le miroir rehausse tantôt la valeur des choses, tantôt il la nie. Tout ce qui semble valable au-dessus du miroir ne dure pas lorsqu'il est reflété. Les deux villes jumelles ne sont pas les mêmes, car rien de ce qui existe ou se passe à Valdrada n'est symétrique : à chaque visage et geste répond dans le miroir un visage ou un geste inverse, point par point. Les deux Valdradas vivent l'une pour l'autre, se regardant sans cesse dans les yeux, mais elle ne s'aiment pas.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ double ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rêve

Je suis de nouveau au bord de la mer. Tout est exactement comme je me le rappelle. L'océan et la plage, le soleil et la grande maison en rondins noircis au goudron avec sa longue véranda ; je me souviens de tout dans les moindres détails. L'escalier qui mène à la galerie, et sa rampe étroite. La troisième marche qui grince quand on descend vers la grève. La digue de pierres polies par les marées sur lesquelles je me suis blessé en tombant à la fin de l'été 1924. Les rochers sont comme dans mon souvenir. Le sable, le sable chauffé par le soleil et qui va de la digue jusqu'au rivage. Les oiseaux de mer aux pattes raides et aux becs allongés, qui picorent dans les congères d'algues échouées. Les vagues qui lèchent le rivage, s'étirent, essayant en vain d'atteindre les oiseaux, puis refluent, déçues, et meurent sous la lame suivante. Je n'ai rien oublié. Je suis revenu sur cette plage d'hier, et je cours, heureux bondissant au-dessus des goémons. Je me jette à l'eau, les embruns me giflent de leurs gouttelettes glacées. Je nage, je nage, le plus loin possible, au-delà de la troisième lagune où mon père m'interdit d'aller, et me laisse tomber dans l'océan froid et salé. Il m'embrasse, m'immerge dans son astringente verdure. Je nage, je plonge dans sa froidure, frotte mon ventre contre son fond sablonneux, traverse les rais de lumière oblique, brasse jusqu'à ce que mes poumons crient grâce et m'obligent à remonter. J'explose le miroir de la surface où se reflète le soleil. Le sel me brûle les yeux, je les ferme et jouis de la chaleur de l'air sur ma poitrine. Je suis là, les yeux fermés, et autour de moi je sens l'océan et le soleil et l'écume des brisants et les vagues qui me font osciller d'avant en arrière, d'arrière en avant.
Quand je m'éveille, l'océan n'est plus là. Le fracas que j'entends est celui des roues du train à bestiaux, le flux et le reflux du wagon qui grince et tangue. Chaque embranchement des rails se répercute à travers les lattes du plancher et martèle ma colonne vertébrale.

Auteur: Brask Morten

Info: Terezin plage

[ mémoire ]

 

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