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écrivain-sur-écrivain

Balzac ne refléchit pas longtemps. Chaque fois qu'on lui parle d'une affaire, c'est son imagination débridée et non sa raison calculatrice qui mène l'argumentation, et spéculer fut pour lui, sa vie durant, une jouissance, tout comme écrire et créer. Jamais Balzac n'a dédaigné, par vanité littéraire, de faire du commerce. Il était disposé à trafiquer de tout : livres et tableaux, actions de chemin de fer, terrains, bois et métaux. Son unique ambition était de dépenser ses forces et de percer, peu importe dans quel domaine et par quels moyens. Le jeune Balzac n'a qu'une volonté, la volonté d'arriver, la volonté de puissance... Et avec la même rapidité qu'il perçoit, dans la première vision artistique, toutes les intrigues et leurs dénouements, son avidité hypertrophiée découvre, dans chaque spéculation, des bénéfices par millions... Le 6 avril 1828... Balzac fait banqueroute, et trois fois banqueroute, comme éditeur, comme imprimeur et comme propriétaire d'une fonderie de caractères... Il doit à 29 ans presque cent mille francs à sa famille et à son amie... Ces cent mille francs de dettes, fruits des trois années de son activité commerciale, seront le rocher de Sisyphe qu'il remontera toute sa vie en déchirant presque ses muscles et qui toujours le précipitera à nouveau dans les abîmes. Cette première et unique faute de sa jeunesse le condamne à rester éternellement endetté; jamais ne se réalisera le rêve de son adolescence, pouvoir travailler librement, être indépendant.


Auteur: Zweig Stefan

Info: Balzac : Le roman de sa vie, pp.91 à 108

[ engrenage ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

crédit

Une génération a vu s’évanouir le concept de patrimoine et de capital fixe. Jusqu’à la génération passée, les objets acquis l’étaient en toute propriété, matérialisant un travail accompli. Le temps n’est pas loin encore où l’achat de la salle à manger, de la voiture, était le terme d’un long effort d’économie. On travaille en rêvant d’acquérir : la vie est vécue sous le mode puritain de l’effort et de la récompense, mais quand les objets sont là, c’est qu’ils sont gagnés, ils sont quittance du passé et sécurité pour l’avenir. Un capital. Aujourd’hui, les objets sont là avant d’être gagnés, ils anticipent sur la somme d’efforts et de travail qu’ils représentent, leur consommation précède pour ainsi dire leur production. […] Le statut d’une civilisation entière change ainsi avec le mode de présence et de jouissance des objets quotidiens. Dans l’économie domestique patriarcale fondée sur l’héritage et la stabilité de la rente, jamais la consommation ne précède la production. En bonne logique cartésienne et morale, le travail y précède toujours le fruit du travail comme la cause précède l’effet. Ce mode d’accumulation ascétique fait de prévision, de sacrifice, de résorption des besoins dans une tension de la personne, toute cette civilisation de l’épargne a eu sa période héroïque, pour s’achever sur la silhouette anachronique du rentier, et du rentier ruiné qui fait au XXe siècle l’expérience historique de la vanité de la morale et du calcul économique traditionnels. A force de vivre à la mesure de leurs moyens, des générations entières ont fini par vivre bien en dessous de leurs moyens.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, pages 221-223

[ créancier ] [ conséquences ] [ évolution ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

couple

L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillent et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique, ces rechutes successives et multipliées, cette passion de plus en plus troublée, orageuse et dont les ravages vont progressant, jusqu'à la complète inhibition, la complète annihilation de l'âme, jusqu'à l'atonie des sens, jusqu'à l'épuisement de la moelle, au vide du cerveau, jusqu'à la sécheresse du coeur, ce besoin d'anéantissement, de destruction, de mutilation, ce besoin d'effusion, d'adoration, de mysticisme, cet inassouvissement qui a recours à l'hyper irritabilité des muqueuses, aux errances du goût, aux désordres vaso-moteurs ou périphériques et qui fait appel à la jalousie et à la vengeance, aux crimes, aux mensonges, aux trahisons, cette idolâtrie, cette mélancolie incurable, cette apathie, cette profonde misère morale, ce doute définitif et navrant, ce désespoir, tous ces stigmates ne sont-ils point les symptômes mêmes de l'amour d'après lesquels on peut diagnostiquer, puis tracer d'une main sûre le tableau clinique du masochisme ?

Auteur: Cendrars Blaise

Info: Moravagine, p.61, Livre de Poche, no 275, Paris, 1960

[ voyage ]

 

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éloge

Léon Bloy est mort. Ce volcan d'imprécations éclatantes, cet Etna d'immondices embrasés, sans cesse en déflagrations pyrotechniques éblouissantes, ce foyer lumineux d'éruptions fulminatoires s'est éteint et refroidi, après avoir vomi sa lave de lapidaires anathèmes sur deux générations de ses contemporains.

On pouvait ne pas aimer l'homme, déplorer son caractère qui participait de l'orgueil titanesque et de l'inconsciente envie ; on doit condamner ses procédés de catapulte offensive qui ne s'appuyaient sur aucune plate-forme critique déterminée ; mais il nous faut bien reconnaître la maîtrise surprenante de l'écrivain lapideur qui taillait avec tant d'art ses projectiles et semblait un Géryon polygame qui aurait épousé cyniquement à la fois Tisiphone, Alecto, Mégère, les furieuses Erinnyes de la fable. 

Y eut-il jamais dans notre doux pays, sous notre joli ciel de tempérance, pamphlétaire aussi tumultueux, excessif et inexorable que cet exécuteur des hautes œuvres qui se servait du pal, qu'il avait occidentalisé et qui, né démolisseur, fusait ou plutôt mésusait du marmitage de ses torpilles multilobées et pourvues parfois de gaz hilarants pour anéantir toutes les statues en pain d'épice de notre Foire du Trône aux vanités.

Celui qui intitulait un recueil de portraits satiriques de certains hommes en vue : Causeries sur quelques charognes, et qui nommait le livre de la Bonne Souffrance, par François Coppée un Lavement rendu, n'avait pas, à vrai dire, l'esprit parisien ou la verve intellectuelle ironique d'un Chamfort. Il était de mœurs apaches, dédaignait les subtiles élégances des luttes au fleuret ou à l'épée et préférait assommer, avec une lourde matraque d'or stylisé qu'il maniait terriblement, comme un dégringoleur de pentes, terreur des barrières mal famées.

Auteur: Uzanne Octave

Info: Un Diogène Théocrate. Léon Bloy est mort. Article publié dans La Dépêche du samedi 17 novembre 1917, http://www.octaveuzanne.com/2020/05/un-diogene-theocrate-leon-bloy-est-mort.html

[ hommage ] [ hyperbolique ] [ trickster ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

indiscrétion séditieuse

Avoir une âme tendancieusement rebelle ; haïr convulsivement les injustices à l’œuvre sous le soleil ; trembler devant le souffle bestial de ses semblables ; être étranglé par le ricanement assassin de la créature et maudire la Création, solidification trop visible de l'idée d'injustice...

Et être empêché par un reste de philosophie et par les enseignements de l'expérience de faire quoi que ce soit, renoncer à l'acte de révolte, capituler dans l'inconsolation ou dans le dans le réconfort de la vacuité.

C'est là toute la contradiction entre la réaction spontanée de ton être et la pétrification qui résulte d'une réflexion désabusée. — Lucifer a été le moins philosophe d'entre tous les anges. Ses ailes n'ont pas connu l'éreintement d'un vol lucide ; ses connaissances n'ont pas épuisé sa fraîcheur, dont émane la naïveté sublime de n'importe quelle contestation. Un ange sans expérience, noble proie de quelque amertume qui n'est pas incurable. Car croire que l'on peut améliorer quelque chose, que la créature et la Création peuvent figurer dans un meilleur ordre, c'est ne connaître la temporalité que dans ce qu'elle a d'amer, et imaginer à son terme une issue qui ne serait pas illusoire. Ses camarades qui sont restés au sein du Tout-Puissant ce sont eux qui ont tout su, parce qu'ils ont connu la vanité de toute tentation : ce sont eux qui se reposent dans le doux sommeil de l'irréparable éternité, gouvernés par la chaleur à jamais insipide, mais sûre, de leurs ailes réactionnaires. Ils logent encore dans le vieux bien divin, qui est notre mal.

Renverser le monde, impossible ; l'accepter, encore moins. Ce conflit est la formule qui résume la vie terrestre, dont le caractère irréparable fait figure de seule solution.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Divagations

[ dualité ] [ monothéisme ] [ connaissance interdite ] [ fruit défendu ] [ rebelle curiosité ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

chicane

"La vérité sur l'administration de la justice. Cet ouvrage présente particulièrement la vérité sur le jugement de Moreau, pour l'exactitude de l'histoire de France, et pour répondre à la brochure de M. Lecourbe, intitulée : Opinion sur la conspiration de Moreau, Pichegru et autres. Ma défense avec des motifs urgens pour désigner des juges à la place de la Haute-Cour, à l'effet de juger une prise à partie contre la Cour royale de Paris, et juger surtout MM. Lecourbe, Thuriot et Séguier, et pour désigner aussi une autre Cour royale à la place de celle de Paris, à l'effet de juger les causes de ceux qui l'ont prise à partie. Quelques idées très-simples pour une nouvelle organisation judiciaire. Par J.B. SELVES, ancien magistrat, ex-législateur fructidorisé." (*)

J'ai cru devoir recopier ce long titre tout entier, parce que je ne connois pas de titre au monde qui soit plus propre à rendre une analyse inutile, à tenir lieu d'une table de chapitres bien complète, et à donner une exacte idée du style et des formes de l'auteur. Il ne fallait pas moins, à la vérité, pour le sommaire d'une simple requête de 472 pages, in-8°, que M. Selves a judicieusement subdivisée en trois points, et dont toutes les parties sont d'ailleurs en raison proportionnelle du volume démesuré de l'ouvrage. Il n'y a pas un mot qui ne soit polysyllabe, quand la synonymie l'a permis, pas une phrase qui n'occupe une page, pas une période qui n'en couvre quatre, et où la pensée, bonne ou mauvaise, fausse ou vraie, utile ou ridicule qui en fait le fond, ne soit délayée, dénaturée, atténuée, effacée, au point de devenir méconnoissable, et de se perdre dans l'expression, sans rien laisser à l'esprit.

Auteur: Nodier Charles

Info: in "Mélanges de littérature et de critique" - disponible sur Gallica - le verbe "fructidoriser" fait référence au coup d'état du 18 fructidor an V, et aux sanctions endurées par les partisans de Pichegru (ne m'en demandez pas plus !)

[ éreintement ] [ prolixité ] [ vanité ] [ vacherie ]

 
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Ajouté à la BD par Benslama

pseudo-démocratie

— Peuple ! dit Mâchefer, tu as la radio que tu mérites. Un jeu ! Voilà ce qu’ils ont trouvé ! Panem et Circenses, mais qui se souvient du mépris de Juvénal ? L’antiracisme, bien qu’à la mode, ce n’est pas tellement marrant, ni payant, à entendre, ils le savent, alors ils en font un jeu ! Depuis le temps que l’on joue, le peuple est rodé. Le cancer ? Un jeu. Le Sahel ? Un jeu. La Pologne ? Un jeu. J’en passe, et des meilleurs. Vous êtes tous formidables ! On envoie les histrions quêter ; on jette dans les rues, pour acheter des tickets de solidarité, le populo qui s’emmerde ; on lui fait éteindre ses lumières en cadence pour manifester sa volonté ; on transforme les quartiers et les villes en équipes de championnat qui se démènent à qui chargera le plus de camions de vivres ; la grande kermesse, avec résultats télévisés en permanence et animés par chansons et vanité... À minuit, terminé. On s’est bien amusé. Et qu’est-ce qu’on a fait, en réalité ? On a noyé le poisson sous les flonflons. On l’a escamoté. Fini. Au suivant. Et rien n’a changé. Mais personne ne s’en est aperçu. Cette fois, c’est de nous qu’il s’agit, de nous seuls. Vous verrez que personne n’en prendra conscience. On va encore jouer, mais plus longtemps, parce que le poisson est beaucoup plus gros et qu’il faudra bien quelques semaines pour le noyer et quand il ne sera plus temps de jouer, on découvrira stupidement que l’instant du salut est passé. Trop tard ! Il fallait penser au lieu de jouer. Mes enfants ! ne manquez pas "Spécial Armada", nous allons nous régaler ! L’armée des cons va envahir les ondes et le pays se noiera dans le torrent des inepties. Ah ! ils savent ce qu’ils font !

Auteur: Raspail Jean

Info: Le Camp des Saints, p.115

[ manipulation ] [ divertissements ] [ contrôle oligarchique ] [ bêtise prolétaire ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini

hommes anciens

Je pense aux gestes oubliés, aux multiples gestes et propos de nos ancêtres, tombés peu à peu en désuétude, dans l’oubli, tombés un à un de l’arbre du temps. J’ai trouvé ce soir une bougie sur une table, et pour m’amuser je l’ai allumée et j’ai fait quelques pas avec elle dans le couloir. Elle allait s’éteindre quand je vis ma main gauche se lever d’elle-même, se replier encre, protéger la flamme par un écran vivant qui éloignait les courants d’air. Tandis que la flamme se redressait, forte de nouveau, je pensais que ce geste avait été notre geste à tous (je pensais tous et je pensais bien, ou je sentis bien) pendant des milliers d’années, durant l’Âge du Feu, jusqu’à ce qu’on nous l’ait changé par l’électricité. J’imaginais d’autres gestes, celui des femmes relevant le bas de leurs jupes, celui des hommes cherchant le pommeau de leur épée. Comme les mots disparus de notre enfance, entendus pour la dernière fois dans la bouche des vieux parents qui nous quittaient l’un après l’autre. Chez moi personne ne dit plus "la commode en camphrier", personne ne parle plus des "trépieds". Comme les airs de l’époque, les valses des années vingt, les polkas qui attendrissaient nos grands-parents.

Je pense à ces objets, ces boîtes, ces ustensiles qu’on découvre parfois dans les greniers, les cuisines, les fonds de placards, et dont personne ne sait plus à quoi ils pouvaient bien servir. Vanité de croire que nous comprenons les œuvres du temps : il enterre ses morts et garde les clefs. Seuls les rêves, la poésie, le jeu — allumer une bougie et se promener avec elle dans le couloir — nous font approcher parfois de ce que nous étions avant d’être ce que nous ne savons pas si nous sommes.

Auteur: Cortazar Julio

Info: Marelle

[ routines ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

sagesse

J'ai appris des autochtones américains que nous prouvons seulement notre appartenance à l'endroit où nous vivons sur terre en utilisant notre maison avec soin, sans la détruire. J'ai appris qu'on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, qui est la maison la plus authentique de chacun, quand on souhaite être ailleurs, et qu'il faut trouver par soi-même le lieu où l'on est déjà dans le monde naturel environnant. J'ai appris que dans mon travail de poète et de romancier il n'existe pas pour moi de chemin tracé à l'avance, et que j'écris le mieux en puisant dans mon expérience d'adolescent imitant les autochtones et partant vers une contrée où il n'y a pas de chemin. J'ai appris que je ne peux pas croire vraiment à une religion en niant la science pure ou les conclusions de mes propres observations du monde naturel. J'ai appris que regarder un pluvier des hautes terres ou une grue des ables est plus intéressant que de lire la meilleure critique à laquelle j'ai jamais eu droit. J'ai appris que je peux seulement conserver mon sens du caractère sacré de l'existence en reconnaissant mes propres limites et en renonçant à toute vanité. J'ai appris qu'on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu'on tient à défendre la sienne coûte que coûte. Comme disaient les Sioux, "courage, seule la Terre est éternelle". Peu parmi les cent millions d'autres espèces sont douées de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les défendre. Que nous ayons trahi nos autochtones devrait nous pousser de l'avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas à comprendre que la réalité de la vie est un agrégat des perceptions et de la nature de toutes les espèces, nous sommes condamnés, ainsi que la terre que déjà nous assassinons.

Auteur: Harrison Jim

Info: En marge : Mémoires

[ humanisme ] [ tâtonnement ]

 

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femmes-par-femmes

Depuis vendredi où j'ai souffert de la voir avec ce Maigret insupportable, je ne pense qu' à elle, m'obstinant au charme têtu et délicat de son visage, à ses yeux couleur de crépuscule, à ses longs cils soyeux qui caressent une joue enfantine, à son petit nez aux narines palpitantes, et à la bouche enfin, ravissante, entrouverte sur un sourire couleur de perle qu'elle offre à tous, la tête renversée, avec un battement de cil voluptueux, une irrévérence de petite fille coquette qui fend le coeur, car elle est si menue, si petite, avec des chevilles si fragiles que l'on a tout le temps peur qu'elle n'ait de la peine ou du mal. On voudrait la protéger, l'aimer, la défendre. Cependant, dès qu'elle abandonne son exquise politesse et sa puérilité, dès qu'elle parle de choses qu'elle croit plus sérieuses, c'est elle qui domine au contraire et qui combat. Sa voix très agréable et douce se durcit d'autorité, d'indifférence. On sent qu'elle pense : "je peux commander, dire ce que je veux, je suis riche et n'ai besoin de personne, car mon notaire me défend."
La façon également dont elle donne sa main à baiser prouve toute son assurance, son égoïsme, sa vanité. Il y a de la dureté en elle, toute une armure sous de la soie, une armure camouflée d'enfantillage, car elle redevient si petite par instants, si petite qu'on a envie simplement de l'embrasser et de l'appeler ma petite fille chérie.
Ne pas oublier cependant qu'elle a un intérieur de démon, rouge, or et noir, de tout petits divans durs à sa taille où elle s'étend comme une petite reine, trop douce pour ne pas être infernale et s'abandonner à toutes les voluptés, et qu'il faut se méfier d'elle, de sa grâce trop mièvre, de son changeant sourire, de son autorité suppliante et de sa douceur tyrannique.[...]

Auteur: Havet Mireille

Info: Journal 1918-1919, Dimanche 26 janvier 1919

[ personnage ]

 

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