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perception

Pour chaque espèce, le monde extérieur tel qu'il est perçu dépend à la fois des organes des sens et de la manière dont le cerveau intègre événements sensoriels et moteurs. Même lorsque des espèces différentes perçoivent une même gamme de stimulus, leur cerveau peut être organisé pour sélectionner des particularités différentes. L'environnement tel qu'il est perçu par des espèces différentes peut, selon la manière dont est traitée l'information, diverger aussi radicalement que si les stimuli reçus venaient de mondes différents. Nous-mêmes, nous sommes si étroitement enfermés dans la représentation du monde imposée par notre équipement sensoriel et nerveux, qu'il nous est difficile de concevoir la possibilité de voir ce monde de manière différente. Nous imaginons mal le monde d'une mouche, d'un ver de terre ou d'une mouette.
Quelle que soit la manière dont un organisme explore son milieu, la perception qu'il en tire doit nécessairement refléter la "réalité" ou, plus spécifiquement, les aspects de la réalité qui sont directement liés à son comportement. Si l'image que se forme un oiseau des insectes qu'il doit apporter en nourriture à ses petits ne reflétait pas certains aspects au moins de la réalité, il n'y aurait plus de petits. Si la représentation que se fait le singe de la branche sur laquelle il veut sauter n'avait rien à voir avec la réalité, il n'y aurait plus de singe. Et s'il n'en était pas de même pour nous, nous ne serions pas ici pour en discuter. Percevoir certains aspects de la réalité est une exigence biologique.

Auteur: Jacob François

Info: Le jeu des possibles, Fayard 1981 <p.109-110>

 

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anecdote

Un habitant de Mimizan, adepte de la chocolatine, a tranché à sa façon ce débat qui agite la France. Il a été condamné mardi à quatre mois de prison ferme. Ils étaient dans les Landes. Les deux jeunes venaient du Nord. Ils ont dit "pain au chocolat". Le ‘défenseur’ de la chocolatine leur a défoncé la mâchoire, enfoncé le crâne et déplacé les dents, en juillet 2020. C’est l’histoire hallucinante qui a été jugé mardi au tribunal de Mont-de-Marsan . L’homme âgé de 20 ans est autant à cheval sur les mots qu’il a le coup de poing facile. Déjà en détention pour d’autres violences, il a écopé de quatre mois de prison ferme supplémentaires.

"Je suis bête. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. Avec l’effet de groupe, l’alcool et le cannabis, ça m’a entraîné", tente-t-il d’expliquer à la barre du tribunal. S’il ne sait pas, en tout cas, il est prêt à utiliser les motifs les plus futiles pour enchaîner les coups… Quelques heures plus tard, il était jugé pour une autre affaire de violences, également parti d’une question de vocabulaire. Cette fois, ses victimes ont eu le malheur de dire que "ça sentait la beuh" en passant à côté de lui. L’homme n’a pas supporté parce qu’il fumait du "shit" et non pas de "la beuh". Cette fois, il a pris six mois ferme de plus .Il n’y a plus qu’à espérer qu’à sa sortie de prison, il ne vienne jamais en Charente pour savoir si on dit "poche" ou "sac en plastique", "since" ou "serpillière".

Auteur: Internet

Info:

[ intolérance sémantique ] [ dénominations ] [ susceptibilité ] [ mot déclencheur ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

entraide

Même parmi les animaux qui sont à un degré assez peu développé d'organisation, nous pouvons trouver des exemples analogues. Certains crabes terrestres des Indes occidentales et de l'Amérique du Nord se réunissent en grandes bandes pour aller jusqu'à la mer où ils déposent leurs oeufs. Chacune de ces migrations suppose accord, coopération et assistance mutuelle. Quant au grand crabe des Moluques (Limulus), je fus frappé (en 1882, à l'aquarium de Brighton) de voir à quel point ces animaux si gauches sont capables de faire preuve d'aide mutuelle pour secourir un camarade en détresse. L'un d'eux était tombé sur le dos dans un coin du réservoir, et sa lourde carapace en forme de casserole l'empêchait de se remettre dans sa position naturelle, d'autant plus qu'il y avait dans ce coin une barre de fer qui augmentait encore la difficulté de l'opération. Ses compagnons vinrent à son secours, et pendant une heure j'observai comment ils s'efforçaient d'aider leur camarade de captivité. Ils venaient deux à la fois, poussaient leur ami par-dessous, et après des efforts énergiques réussissaient à le soulever tout droit ; mais alors la barre de fer les empêchait d'achever le sauvetage, et le crabe retombait lourdement sur le dos. Après plusieurs essais on voyait l'un des sauveteurs descendre au fond du réservoir et ramener deux autres crabes, qui commençaient avec des forces fraîches les mêmes efforts pour pousser et soulever leur camarade impuissant. Nous restâmes dans l'aquarium pendant plus de deux heures, et, au moment de partir, nous revînmes jeter un regard dans le réservoir : le travail de secours continuait encore !

Auteur: Kropotkine Petr Alekseevitch

Info: L'entraide : Un facteur de l'évolution

[ animal ] [ solidarité ]

 

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génocide

(...) Victoire Abraham, femme Pichot (25 ans), demeurant à la Sécherie, près Nantes, est entendue. Je déclare, dit ce témoin, avoir vu, du 18 au 20 brumaire [8 au 10 novembre], des charpentiers faire des trous à une sapine, ou gabarre, et le lendemain j'appris qu'on avait noyé des prêtres. [...]
Lorsqu'on effectuait une noyade, on faisait descendre de la galiote dans un chaland (espèce de bateau) ceux qu'on voulait expédier. Ces chalands avaient des trous pratiqués exprès, par lesquels l'eau s'introduisait et faisait couler le vaisseau. J'en ai vu plusieurs submergés de cette manière : il fallait un chaland pour chaque noyade. On a noyé à Nantes pendant deux mois.
Je vis un jour amener des prisonniers sur des charrettes. Ils venaient de l'Entrepôt : on les disposa dans une galiote où on les oublia pendant 48 heures. On avait eu la précaution de fermer le pont. Lorsqu'il fut ouvert, on trouva soixante malheureux étouffés. On les fit enlever par d'autres prisonniers qu'on venait d'amener. Robin, le sabre à la main, fit jeter ces cadavres dans la Loire. Cette opération finie, il fait mettre à nu tous les prisonniers, hommes, femmes et enfants, on leur lie les mains derrière le dos, on les fait entrer dans un chaland, où ils sont noyés.
Le président dit au témoin. Cette noyade s'est-elle faite de jour ou de nuit ?
Le témoin. Elle s'est faite en plein jour. J'observe que les noyeurs se rendaient très familiers avec les femmes, qu'ils les faisaient même servir à leurs plaisirs, lorsqu'elles leur plaisaient, et ces femmes, pour récompense de leurs complaisances, obtenaient l'avantage précieux d'être exceptées de la noyade."

Auteur: Gérard Alain

Info: Vendée, Les Archives de l'extermination, Bull. du Trib. révol., séance du 25 octobre 1794

[ historique ] [ Gaule ]

 

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ambiance cauchemardesque

Le voyage du retour parut interminable à Marchenoir. On était en plein février et le train de nuit qu’il avait choisi dans le dessein d’arriver le matin à Paris, lui faisait l’effet de rouler dans une contrée polaire, en harmonie avec la désolation de son âme. Une lune, à son dernier quartier, pendait funèbrement sur de plats paysages, où sa méchante clarté trouvait le moyen de naturaliser des fantômes. Ce restant de face froide, grignotée par les belettes et les chats-huants, eût suffi pour sevrer d’illusions lunaires une imagination grisée du lait de brebis des vieilles élégies romantiques. De petits effluves glacials circulaient à l’entour de l’astre ébréché, dans les rainures capitonnées des nuages, et venaient s’enfoncer en aiguilles dans les oreilles et le long des reins des voyageurs, qui tâchaient en vain de calfeutrer leurs muqueuses. Ces chers tapis de délectation étaient abominablement pénétrés et devenaient des éponges, dans tous les compartiments de ce train omnibus, qui n’en finissait pas de ramper d’une station dénuée de génie à une gare sans originalité.

De quart d’heure en quart d’heure, des voix mugissantes ou lamentables proféraient indistinctement des noms de lieux qui faisaient pâlir tous les courages. Alors, dans le conflit des tampons et le hennissement prolongé des freins, éclatait une bourrasque de portières claquant brusquement, de cris de détresse, de hurlements de victoire, comme si ce convoi podagre eût été assailli par un parti de cannibales. De la grisaille nocturne émergeaient d’hybrides mammifères qui s’engouffraient dans les voitures, en vociférant des pronostics ou d’irréfutables constatations, et redescendaient, une heure après, sans que nulle conjecture, même bienveillante, eût pu être capable de justifier suffisamment leur apparition.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 187-188

[ transformation monstrueuse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

prolétariat

5 février 1912 : Hier, à l'usine. Les jeunes filles dans leurs vêtements défaits et sales d'une saleté en soit insupportable, avec leurs cheveux emmêlés comme si elles venaient de se réveiller, leur expression figée sur le visage par le bruit incessant des transmissions et celui, isolé, des machines qui marchent certes automatiquement, mais s'arrêtent quand on ne le prévoit pas, ces jeunes filles ne sont pas des êtres humains ; on ne les salue pas, on ne s'excuse pas quand on les bouscule, si on leur donne un petit travail à faire, elles l'exécutent, mais se hâtent de revenir à leur machine, on leur montre d'un signe de tête l'endroit où elles doivent engrener, elles sont là, en jupon, livrées à la plus dérisoire des puissances, et n'ont même pas assez de sens rassis pour reconnaître cette puissance et se la concilier par des regards et des courbettes. Mais qu'il soit six heures, qu'elles se crient, qu'elles ôtent le mouchoir qui couvre leur cou et leur cheveux, qu'elles se débarrassent de la poussière avec une brosse qui fait le tour de la salle et est réclamée par les impatientes, qu'elles arrivent tant bien que mal à se nettoyer les mains, - et ce sont tout de même des femmes, elles peuvent rire en dépit de leur pâleur et de leurs mauvaises dents, elles secouent leur corps engourdi, on ne peut plus les bousculer, les dévisager ou ne plus les voir, on se presse contre les caisses graisseuses pour leur laisser le chemin libre, on garde le chapeau à la main quand elles vous disent bonsoir et si l'une d'elle vous aide à mettre votre pardessus, on ne sait pas comment il faut prendre son geste.

Auteur: Kafka Franz

Info: Journal, Le Livre de Poche Biblio 3001 p. 219

[ femmes-par-hommes ] [ littérature ]

 

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poésie

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

Auteur: Rilke Rainer Maria

Info: Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

[ expériences ] [ vécu ] [ sensibilité ] [ sensations ] [ conseil d'écriture ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

discours confus

"Loin de Moscou ― c'est un livre ― un livre ― comme on dit ― un livre ― je veux dire un livre ― où on ― où ils, c'est à dire dans ce livre ― l'auteur nous raconte ― nous raconte ou plutôt nous décrit ― ce qui est arrivé ― nous raconte ― la vie, quoi, là-bas, le travail... comment ça s'est passé là-bas ― loin de Moscou, c'est ça ― très loin de Moscou n'est-ce pas? et l'auteur raconte ― décrit ce qu'ils ont fait ― comment ils ont travaillé... pas vrai ! ― bien travaillé, les camarades, ou pas tellement bien que ça... certain, c'est à dire, ben, y en avait qui travaillaient pas si bien que ça... mais après ils ont compris qu'il le fallait... parce que... ils travaillaient pour eux... là-bas, dans ces contrées... dans ces contrées... loin de Moscou... loin de la capitale de l'Union soviétique... parce qu'il n'y avait plus de capitalistes... qui extorquaient... qui exploitaient... les ouvriers et il fallait améliorer... comment qu'on appelle ça... ah oui, c'est ça, les normes parce que les travailleurs... travaillent pour le peuple alors à la fin ils ont compris... ils ont pris des... comment dire des initiatives là-bas... ils ont pris des engagements sovié... socialistes seulement ça a été dur parce qu'il fallait expliquer aux gens qui ne comprenaient pas... et les curés qui leur disaient qu'ils iraient en enfer s'ils travaillaient...et il y avait aussi des Koulaks... des saboteurs dans ce pays-là, loin de Moscou, loin de la capitale de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques..."

Le sous-lieutenant Prouza se remit enfin de sa stupeur. Il savait que les soldats ne possédaient pas comme lui le don de la rhétorique, mais il ne soupçonnait pas un telle carence de moyens d'expression ― et en plus, il avait l'impression que l'adjudant ne connaissait pas grand-chose au livre. Il se demandait même ce que les curés venaient faire là-dedans.

Auteur: Skvorecký Josef

Info: L'Escadron blindé : chronique de la période des cultes

[ paroles embrouillées ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

navigation

Des recherches archéologiques menées en Crète, dans le sud de la Grèce, ont livré la première preuve au monde que les ancêtres de l'homme ont pris la mer il y a plus de 130.000 ans, a annoncé lundi le ministère grec de la Culture.
A l'issue de deux ans de fouilles autour de la localité de Plakia, dans le sud de l'île de Crète, une équipe gréco-américaine a mis au jour des pierres taillées paléolithiques, remontant de 700. 000 à 130.000 ans, a indiqué le ministère dans un communiqué.
Ces trouvailles, qui attestent pour la première fois d'une installation d'hominidés sur l'île avant le néolithique (7.000 - 3.000 ans avant JC), apportent aussi "la plus ancienne preuve de navigation au monde", selon le communiqué.
Les outils, des "haches", ont été trouvés près de vestiges de "plate-formes marines remontant à au moins 130.000 ans (...) ce qui apporte la preuve de voyages marins en Méditerranée des dizaines de milliers d'années plus tôt que ce que nos connaissances établissaient jusque là", a relevé le ministère.
Ces découvertes, faites près de la très touristique plage de Prévéli, "modifient aussi l'estimation des capacités cognitives des premières espèces humaines", les outils retrouvés renvoyant à des populations d'"homo erectus et homo heidelbergensis", ajoute le communiqué.
Selon leurs directeurs, l'américain Thomas Strasser et la grecque Eléni Panagopoulou, ces fouilles jettent une nouvelle lumière sur l'histoire "de la colonisation de l'Europe par des hominidés venus d'Afrique", jusque-là considérée comme s'étant faite à pied. "L'approche d'un peuplement de l'Europe seulement par la terre doit clairement être repensée (...) il y a peut-être eu des routes maritimes empruntées par des navigateurs sur de longues distances" écrivent ces chercheurs dans un article publié par Hespéria, le bulletin de l'Ecole américaine d'archéologie d'Athènes (consultable sur le site www.ascsa.edu.gr). Ils relèvent par contre ne pas pouvoir en l'état déterminer d'où venaient les hôtes paléolithiques de Crète, "une origine africaine ou proche-orientale étant aussi probable qu'une provenance d'Anatolie ou de Grèce continentale".

Auteur: Internet

Info: 3 janvier 2011

[ historique ]

 

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littérature

Un soir, après le repas, j'allai encore en hâte au bord du lac drapé de je ne sais plus très bien quelle mélancolie pluvieuse et sombre. Je m'assis sur un banc sous les branches dégagées d'un saule et ainsi, m'abandonnant à des pensées vagues, je voulus m'imaginer que je n'étais nulle part, une philosophie qui me procura un bien-être étrange et délicieux. L'image de la tristesse sur le lac, sous la pluie, était magnifique. Dans son eau chaude et grise tombait une pluie minutieuse et pour ainsi dire prudente. Mon vieux père avec ses cheveux blancs m'apparut en pensées, ce qui fit de moi un enfant timide et insignifiant, et le portrait de ma mère se mêla au doux et paisible murmure et à la caresse des vagues. Avec l'étendue du lac qui me regardait comme je le faisais moi-même, je découvris l'enfance qui me considérait elle aussi, comme avec de beaux yeux limpides et bons. Tantôt j'oubliais tout à fait où je me trouvais, tantôt je le savais de nouveau. Quelques promeneurs silencieux allaient et venaient tranquillement sur la rive, deux jeunes ouvrières s'assirent sur le banc voisin et commencèrent à bavarder et là-bas sur l'eau, là-bas sur le lac bien-aimé, où les larmes douces et sereines coulaient paisiblement, des amateurs de navigation voguaient encore dans des bateaux ou des barques, le parapluie ouvert au-dessus de leurs têtes, une image qui me fit rêver que j'étais en Chine ou au Japon ou dans un autre pays de poésie et de rêve. Il pleuvait si gentiment et si tendrement dans l'eau et il faisait si sombre. Toutes les pensées sommeillaient puis toutes les pensées étaient de nouveau en éveil. Un vapeur sortit sur le lac; ses lumières scintillaient à merveille dans l'eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s'il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l'aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s'éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Auteur: Walser Robert

Info: Retour dans la neige, traduit de l'allemand par Golnaz Houchidar, 1999 pp. 94-95

[ crépuscule ] [ onirisme ]

 

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