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spiritualité

Imhotep a bouleversé la vie quotidienne égyptienne en introduisant des sciences nouvelles : médecine, architecture, mathématiques et le premier livre religieux, 2500 ans avant la rédaction de la première Bible sous Ptolémée II à Alexandrie. L'homme se découvre alors une âme, deuxième entité qui l'incite à vivre dans le droit chemin, à pratiquer la tolérance, à aimer sa femme et ses enfants et à vivre en conformité avec les lois de la nature en protégeant les espèces... Tous principes de vie en société qui s'appliquent directement à la conscience humaine, à laquelle on offre en contrepartie de cette vie exemplaire la possibilité de renaître après avoir satisfait au jugement de son âme à un nouveau état plus glorieux et moins fragile que celui de l'existence temporaire terrestre et d'entrer de plein pied (comme les dieux) dans la vie éternelle. Le contrôle probatoire de l'âme sera supervisé (symboliquement) par ; la déesse Mâat (de la vérité), le dieu Thot de la Sagesse et des Ecritures et le grand juge Osiris lequel prononcera soit l'admission au Paradis, soit l'anéantissement de l'âme qui sera alors dévorée par un étrange animal composite pour le punir de son inconduite et de ses mauvaises actions commises durant sa vie sur Terre. Il n'y a que peu d'images représentant Imhotep en tant que 1er Ministre égyptien de la 3e dynastie, car malgré tous les titres d'honneur et tous les pouvoirs que lui a conféré le Roi Djoser(Djeser) pour mener à bien ses réformes, le Grand Vizir a toujours refusé d' être honoré comme un dieu. Il reste fils de Ptah (un personnage momifié aux origines inconnues) et serviteur du roi et grand Dieu Invisible Atoum. Il gouvernera l'Egypte à partir de Memphis, capitale administrative entourée de hautes murailles blanches pour assurer sa sécurité) ville située à la jointure des deux royaumes : celui du sud et celui du Nord (Moyenne et Haute Egypte). Pour plusieurs millénaires la seule image que nous avons de lui est celle d'un modeste scribe assis dans le plus simple apparat, sans bijou, ni vêtement de luxe, avec un rouleau de papyrus ouvert sur ses genoux qu'il tient entre ses deux mains. Le peuple le considérera durant trois millénaires (jusqu'à l'avènement du christianisme en tant que religion d'Etat) comme l'exemple à suivre et comme une divinité faisant le lien entre le ciel et la terre, capable de réaliser des miracles...

Auteur: Gardiner Alan H.

Info: Internet. Imhotep, grand chancelier de basse Egypte, prince royal, grand prêtre d'Héliopolis, médecin royal, architecte et chef des principaux corps de construction des grands chantiers ...

[ ancienne Egypte ] [ historique ]

 

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autodestruction

La science moderne et l’état totalitaire constituent, en tant que conséquences nécessaires du déploiement essentiel de la technique, en même temps sa suite. Il en est de même pour les formes et les moyens mis en œuvre pour l’organisation de l’opinion publique mondiale et des représentations quotidiennes des hommes. Non seulement, dans l’élevage et l’exploitation, la vie est objectivée par une technique, mais l’attaque de la physique nucléaire sur les phénomènes de la vie comme telle est en plein développement. Au fond, c’est l’essence vivante elle-même qui est censée se livrer à la production technique.

Que l’on croie trouver aujourd’hui tout sérieusement, dans les résultats et dans la situation de la physique atomique, des possibilités de prouver la liberté humaine et d’ériger une nouvelle doctrine des valeurs, n’est qu’un exemple de plus de la domination de la représentation technique dont le déploiement s’est pourtant déjà depuis longtemps soustrait au domaine des idées et opinions personnelles. (…)

A la place de ce que la teneur en monde, jadis sauvegardée, des choses recelait en dons, se pousse de plus en plus rapidement, de plus en plus brutalement, de plus en plus complètement, l’objectivité de la domination technique sur la terre. Non seulement elle pose l'étant comme susceptible d’être produit dans le processus de la production, mais encore elle délivre les produits de la production par l’intermédiaire du marché (Markt). L’humanité de l’homme et la choséité des choses se diluent, à l’intérieur du propos délibéré d’une production, dans la valeur mercuriale d’un marché qui non seulement embrasse, comme marché mondial, la terre entière, mais qui, en tant que volonté de volonté, tient marché dans l’essence même de l’être et fait ainsi venir tout étant au tribunal d’un calcul général dont le règne est plus tenace là même où les nombres ne paraissent pas en propre. (…)

Ce n’est pas la bombe atomique, dont on discourt tant, qui est mortelle, en tant que machine toute spéciale de la mort. Ce qui depuis longtemps déjà menace l’homme de mort, et non pas d’une mort quelconque, mais de celle de son essence humaine, c’est l’inconditionnel du pur vouloir, au sens de l’auto-imposition délibérée en tout et contre tout. Ce qui menace l’homme en son être, c’est cette opinion qui veut se faire accroire à elle-même et selon laquelle il suffit de délier, de transformer, d’accumuler et de diriger pacifiquement les énergies naturelles pour que l’homme rende la condition humaine supportable pour tous et, d’une manière générale, "heureuse".

Auteur: Heidegger Martin

Info: Dans "Pourquoi des poètes ?" in Chemins qui ne mènent nulle part, pp. 348-349 & 351-354

[ limite ] [ illusions ] [ fantasme de toute-puissance ]

 

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enfance

Puis je pensai à ma grand-mère. Elle croyait aux fantômes, souvent ils lui rendaient visite. La maison se trouvait dans un vieux verger au bout du village. Elle racontait ses visions tranquillement comme quelque chose de naturel. Les fantômes venaient tant le jour que la nuit, entraient simplement par la porte et la surprenaient dans ses activités quotidiennes à la ferme ou dans sa cuisine. Ils avaient l’air humain, mais étaient faits dans une substance plus légère, souvent ils ressemblaient à quelqu’un de la famille. Tout le monde croyait à ses histoires. Moi aussi. […]

"Il est passé par là, s’est arrêté ici, a ouvert le tiroir, a fait sonner les cuillères, mais n’a rien dérangé." J’adorais son sens du concret Ces événements avaient toujours leur temps et leur endroit propres. "Il était six heures, je venais de me réveiller, je m’étais assise sur le lit. Mais il est venu de l’alcôve, pas du couloir." Ces témoignages étaient totalement désintéressés, ne voulaient rien prouver ni rien promettre. J’y crois encore. Jamais depuis ce temps-là je ne fus confronté à des signes si simples et si directs. Face à l’extraordinaire, son seul compromis était de ponctuer ses récits de "qu’est-ce que j’ai eu peur" spontanés et rhétoriques. Car on ne voyait aucune peur. Ça sonnait plutôt comme "qu’est-ce que j’ai été surprise", "oh là là". Venant du passé, sa famille et ses amis ne faisaient rien d’autre que de lui rendre visite. Ils s’attardaient un peu à la fenêtre ou à côté du buffet blanc, puis repartaient, laissant derrière eux la porte entrouverte qu’il fallait refermer à cause des courants d’air. […]

Puis un jour, ma grand-mère décéda. Je me réveillai dans la pièce voisine de la sienne, et les tantes qui la veillaient me dirent : "Tu n’as plus ta grand-mère." Je l’aimais et cela me rendit triste. Elle était maintenant allongée, droite, le visage grave et sévère. J’étais près d’elle et regardais. Dans le silence de la matinée, j’entendais mes tantes s’affairer quelque part derrière moi, une matinée ordinaire de plus dans une maison à la campagne, et je sentis que cette mort, que peut-être même la mort, était quelque chose de, comment dire, un peu surfait. Je sentais que ma grand-mère n’était absente qu’un peu, quelle s’était discrètement faufilée hors de cette chambre et de ce monde pour aller dans un endroit pas très loin, quelle avait seulement rejoint ceux qui lui rendaient visite et que, si elle le voulait, elle viendrait comme eux avant. C’est-à-dire que je savais qu’elle était vivante. Seulement, elle n’avait pas pu prendre avec elle la silhouette qui reposait maintenant dans son lit. Elle n’en avait certainement pas besoin.

Auteur: Stasiuk Andrzej

Info: Dukla

[ grand-maman ] [ surnaturel ] [ mémé ] [ mamie ]

 
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états limites

La réorientation de la psychologie des instincts vers le moi est en partie due au fait qu’il a bien fallu reconnaître que les malades qui se présentaient dans les années 1940 et 1950 "montraient très rarement les névroses classiques que Freud avait décrites si minutieusement". Au cours des vingt-cinq dernières années, le malade dont le cas est indéterminé, présentant non pas des symptômes bien définis, mais un mécontentement diffus, est devenu de plus en plus commun. Il ne souffre pas de fixations débilitantes, ni de phobies, ni d’une conversion d’énergie sexuelle réprimée en troubles nerveux ; il se plaint "d’une insatisfaction existentielle vague et diffuse" et sent que "sa vie, amorphe, est futile et sans but". Il décrit des "sentiments ténus mais tenaces de vide et de dépression", "des violentes oscillations dans son évaluation de lui-même", et "une incompétence générale à s’entendre avec autrui". "Il se rassure sur lui-même en s’attachant à des êtres forts, admirés ; il désire ardemment être accepté par eux, et ressent le besoin de recevoir leur aide." Bien qu’il puisse assumer ses responsabilités quotidiennes, et même parvenir à une certaine réussite, le bonheur lui échappe, et sa vie lui apparaît souvent comme ne valant pas la peine d’être vécue.

La psychanalyse, thérapie qui s’est développée dans la pratique, à partie de cas d’individus moralement rigides et sévèrement réprimés, ayant besoin de faire la paix avec un "censeur" interne rigoureux, se trouve aujourd’hui de plus en plus souvent confrontée à des "caractères chaotiques dominés par [leurs] pulsions". Elle a affaire à des malades donnant libre cours à leurs conflits, ne les réprimant ni ne les sublimant. Souvent engageants, ceux-ci cultivent pourtant une superficialité qui les protège dans les relations affectives. Ils sont incapables de pleurer, et l’intensité de leur rage contre les amours objectaux perdus, en particulier contre leurs parents, leur interdisent de revivre des moments heureux ou de les garder précieusement en mémoire. Ouverts plutôt que fermés aux aventures sexuelles, ces malades trouvent pourtant difficile de vivre pleinement la pulsion sexuelle ou d’en faire une expérience joyeuse. Ils évitent les engagements intimes qui pourraient les libérer de leurs intenses sentiments de rage. Leur personnalité n’est guère qu’un ensemble de défenses contre cette rage et contre les sentiments de privation orale nés au stade préœdipien du développement psychique.

Ces malades souffrent souvent d’hypocondrie et se plaignent d’éprouver une sensation de vide intérieur. Ils nourrissent, en même temps, des fantasmes d’omnipotence et sont profondément convaincus de leur droit d’exploiter les autres et de se faire plaisir. Les éléments archaïques, punitifs et sadiques prédominent dans le surmoi de ces malades, et s’ils se conforment aux règles sociales, c’est plus par peur d’être punis que sous l’emprise d’un sentiment de culpabilité. Ils ressentent leurs propres exigences et appétits, mêlés de rage, comme étant extrêmement dangereux, et ils élèvent des défenses aussi primitives que les désirs qu’ils cherchent à étouffer.

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pages 71-72

[ portrait clinique ]

 

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nanomonde

Le carbone en effet est un élément singulier : c'est le seul qui soit capable de s'unir avec lui-même en longues chaines stables sans grande dépense d'énergie, et à la vie sur terre (la seule que nous connaissions jusqu'ici) il faut justement de longues chaines. C'est pourquoi le carbone est l'élément clef de la substance vivante - mais sa promotion, son entrée dans le monde vivant, n'est pas aisée, elle doit suivre un itinéraire obligé, compliqué, qui n'a été éclairci (et pas définitivement encore) que ces dernières années. Si l'avatar organique du carbone ne se déroulait pas quotidiennement autour de nous, à l'échelle de milliards de tonnes par semaine, partout où affleure le vert d'une feuille, le nom de miracle lui reviendrait de plein droit.

L'atome dont nous parlons, accompagné de ses deux satellites* qui le maintiennent à l'état de gaz, fut donc entrainé par le vent le long d'un espalier de vigne, dans l'année 1848, il eut la chance de frôler une feuille, d'y pénétrer et d'y être fixé par un rayon de soleil. Si mon langage se fait ici imprécis et allusif, ce n'est pas seulement en raison de mon ignorance : cet événement décisif, ce fulgurant travail à trois - de l'anhydride carbonique, de la lumière et du vert végétal - n'a pas jusqu'à présent été décrit en termes définitifs, et peut-être ne le sera-t'il pas pendant longtemps encore, tellement il est différent de cette autre chimie "organique" qui est l'oeuvre encombrante, lente et puissante de l'humain ; et cependant cette chimie fine et déliée a été "inventée" il y a deux ou trois milliards d'années par nos soeurs silencieuses, les plantes, qui n'expérimentent et ne discutent pas, et dont la température est identique à celle de l'ambiance où nous vivons. Si comprendre c'est se faire une image, nous ne nous ferons jamais une image d'un happening à l'échelle du millionnième de milimètre, dont le rythme est le millionnième de seconde et dont les acteurs, par leur essence mêmes, sont invisibles. Toute description verbale sera donc défaillante  et l'une vaudra l'autre : acceptons donc la suivante.

Il entre dans la feuille, se heurtant à d'innombrables, mais inutiles ici, molécules d'azote et d'hydrogène. Il adhère à une grosse molécule compliquée qui l'active et reçoit en même temps le message décisif du ciel, sous la forme fulgurante d'un petit paquet de lumière solaire. En un instant, comme un insecte devenu la proie de l'araignée, il est séparé de son oxygène, combiné avec de l'hydrogène et (croit-on) du phosphore, pour être finalement inséré dans une chaine, longue ou courte - peu importe -, mais qui est la chaine de la vie. Tout cela se fait rapidement, en silence, à la température et à la pression de l'athmosphère, et gratuitement. Chers collègues, quand nous auront appris à en faire autant, nous seront sicut Deus et nous aurons ainsi résolu le problème de la faim dans le monde.

Auteur: Levi Primo

Info: Le système périodique, livre de poche, pp 245-247 *Le carbone a 2 électrons sur la 1e couche qui ne peut contenir que 2 électrons au maximum: et 4 électrons sur la 2e couche qui pourrait en abriter 8 en tout:

[ végétaux ] [ épigenèse ] [ homme-végétal ] [ tétravalence ] [ photosynthèse ]

 

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discours scientifique

Il est clair que l’expansion, la dominance de ce sujet pur de la science est ce qui vient à ces effets dont vous êtes tous les acteurs et les participants, à savoir : ces profonds remaniements des hiérarchies sociales qui constituent la caractéristique de notre temps.

Eh bien, ce qu’il faut que vous sachiez, parce que vous allez le voir et vous le verrez de plus en plus – si naturellement jusqu’ici vous ne l’avez pas vu, encore que ça crève les yeux – c’est qu’il y a un prix dont ça se paye l’universalisation du sujet, en tant qu’il est le sujet parlant, l’homme.

Le fait que s’effacent les frontières, les hiérarchies, les degrés, les fonctions royales et autres, même si ça reste sous des formes atténuées, plus ça va plus ça prend un tout autre sens, et plus ça devient soumis aux transformations de la science, plus c’est ce qui domine toute notre vie quotidienne et jusqu’à l’incidence de nos objets a*. Je ne peux pas [en rester] ici, mais s’il est un des fruits les plus tangibles, que vous pouvez maintenant toucher tous les jours, de ce qu’il en est des progrès de la science, c’est que les objets a cavalent partout, isolés, tous seuls et toujours prêts à vous saisir au premier tournant.

Je ne fais là allusion à rien d’autre qu’à l’existence de ce qu’on appelle les mass-média, à savoir ces regards errants et ces voix folâtres dont vous êtes tout naturellement destinés à être de plus en plus entourés – sans qu’il n’y ait pour les supporter autre chose que [ce qui est intéressé] par le sujet de la science qui vous les déverse dans les – yeux et dans les oreilles.

Seulement il y a une rançon à ça – vous ne vous en êtes pas encore aperçus, quoi que vous ayez traversé – malgré tout il y a un certain nombre d’entre vous qui n’avait pas seulement un an ou deux à ce moment là, mais certainement il s’est produit pas mal de choses – c’est que, probablement en raison de cette structure profonde, les progrès de la civilisation universelle vont se traduire, non seulement par un certain malaise comme déjà Monsieur Freud s’en était aperçu, mais par une pratique, dont vous verrez qu’elle va devenir de plus en plus étendue, qui ne fera pas tout de suite voir son vrai visage, mais qui a un nom qui, qu’on le transforme ou pas voudra toujours dire la même chose et qui va se passer : la ségrégation.

Messieurs les nazis, vous pourriez leur en avoir une reconnaissance considérable, ont été des précurseurs et ont d’ailleurs eu tout de suite, un peu plus à l’Est, des imitateurs, pour ce qui est de concentrer les gens – c’est la rançon de cette universalisation pour autant qu’elle ne résulte que du progrès du sujet de la science.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 1964. *façon dont notre désir recouvre le monde. Tout entichement pour une chose ou une autre témoigne de l'emprise de l'objet a, indice de l'objet à jamais perdu.

[ objectivation ] [ réification ] [ cheptel humain ] [ fascisme ]

 

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parcours de vie

Eugen Bleuler (1857-1939) était un homme d’une profonde modestie, dont les tendances à l’ascétisme, héritées de son milieu familial, avaient été stimulées par son mentor, Auguste Forel, ancien directeur du Burghölzli. Jung décrivait Bleuler comme un homme "[ayant] simplement l’ambition tout à fait chrétienne de ne pas être un obstacle sur le chemin des autres, et cette ambition était assortie d’un vif désir d’apprendre et d’un enthousiasme juvénile." [Lettre à Freud, 20 février 1908]

De souche paysanne, Bleuler était le premier de sa famille à avoir pu étudier au-delà de l’école élémentaire. Né à Zollikon […], le père de Bleuler avait quitté la ferme familiale pour tenir un petit magasin dans le village et devenir administrateur de l’école. Le père et le grand-père de Bleuler avaient tous deux participé activement aux luttes politiques des années 1830, qui aboutirent aux réformes libérales du canton de Zurich. Celles-ci conféraient aux paysans le droit de pratiquer le commerce, d’exercer certaines professions et d’accéder à l’enseignement supérieur dans a nouvelle université créée en 1833, au plus fort des réformes. Tout le monde accepta que Bleuler récolte ce qu’avaient semé ses ancêtres en entrant à l’université. Il allait également de soi qu’il étudierait la médecine et choisirait la psychiatrie comme spécialité : sa sœur souffrait en effet d’une forme grave de ce qui serait appelé un peu plus tard schizophrénie catatonique, et, à en croire la rumeur, d’autres membres de la famille présentaient une pathologie semblable. […]

Devenu directeur [du Burghölzli], Bleuler était bien décidé à se consacrer d’abord à ses patients, à qui il s’adressait dans leur propre dialecte. Il avait la conviction qu’en écoutant les discours incohérents des patients schizophrènes, il pourrait établir un contact avec eux, peut-être même une véritable relation. Si le thérapeute parvenait à nouer avec le malade une relation d’homme à homme, pensait-il, sa schizophrénie pourrait être traitée et régresser, voire disparaître. Pour Bleuler, un tel objectif impliquait le refus délibéré de toute routine quotidienne et une part d’inattendu dans le traitement des patients. Ainsi, subitement et sans raison apparente, il pouvait transférer un patient d’une salle à une autre, au grand désarroi de ses assistants. D’autres fois, il arrêtait un traitement qui semblait loin d’être terminé. Surtout, personne n’était autorisé à parler de "son" patient, car chaque médecin […] était censé connaître l’histoire de tous les malades dans ses moindres détails mais se comporter envers chacun d’entre eux comme s’il était le seul à l’avoir en charge. […]  Bleuler attendait avant tout de ses médecins qu’ils apprennent les dialectes parlés par les pensionnaires pour pouvoir s’adresser à eux dans leur langue, et qu’ils se comportent comme s’ils avaient les mêmes capacités mentales et le même statut social. Cette politique lui valut de nombreuses plaintes de la part de ses assistants et associés au Burghölzli […] qui ne voyaient en lui qu’un paysan mal dégrossi. En réalité, il défendait un esprit de collégialité peu orthodoxe et faisait preuve d’un ascétisme raffiné.

Auteur: Bair Deirdre

Info: Dans "Jung", trad. de l’anglais par Martine Devillers-Argouarc’h, éd. Flammarion, Paris, 2007, pages 92-94

[ méthode thérapeutique ] [ antipsychiatrie ]

 

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biopouvoir

On juge ainsi des progrès d’une civilisation à son seul respect de la vie comme valeur absolue. [...] On accuse la société, lorsqu’elle tue en pleine préméditation, de vengeance barbare, digne du Moyen Âge. C’est lui faire beaucoup d’honneur. Car la vengeance est encore une réciprocité mortelle. Elle n’est ni "primitive" ni "pur mouvement de nature", rien n’est plus faux. Elle est une forme très élaborée d’obligation et de réciprocité, une forme symbolique. Rien à voir avec notre mort abstraite, sous-produit d’une instance morale et bureaucratique à la fois (notre peine capitale, nos camps de concentration) – mort comptable, mort statistique, qui, elle, a tout à voir avec le système de l’économie politique. Elle en a la même abstraction, qui n’est jamais celle de la vengeance ou du meurtre, ou du spectacle sacrificiel. Judiciaire, concentrationnaire, ethnocidaire : telle est la mort que nous avons produite, celle que notre culture a mise au point. Aujourd’hui, tout a changé, et rien n’a changé : sous le signe des valeurs de vie et de tolérance, c’est le même système d’extermination, mais en douceur, qui régit la vie quotidienne – et celui-là n’a même plus besoin de la mort pour réaliser ses objectifs.

Car le même objectif qui s’inscrit dans le monopole de la violence institutionnelle et de la mort se réalise aussi bien dans la survie forcée, dans le forcing de la vie pour la vie (reins artificiels, réanimation intensive des enfants mal formés, agonies prolongées à tout prix, greffes d’organes, etc.). [...] Cette "thérapeutique héroïque" se caractérise par des coûts croissants et des "avantages décroissants" : on fabrique des survivants improductifs. Si la Sécurité sociale peut encore s’analyser comme "réparatrice de force de travail au profit du capital", cet argument est ici sans valeur. Si bien que le système se retrouve ici devant la même contradiction que pour la peine de mort : il surenchérit sur la préservation de la vie comme valeur parce que ce système de valeurs est essentiel à l’équilibre stratégique de l’ensemble – mais cette surenchère déséquilibre économiquement l’ensemble. Que faire ? Un choix économique s’impose, où on voit se profiler l’euthanasie comme doctrine et pratique semi-officielle. [...] L’euthanasie est déjà là partout, et l’ambiguïté d’en faire une revendication humaniste (même chose pour la "liberté" de l’avortement) est éclatante : elle s’inscrit dans la logique à moyen ou long terme du système. tout ceci va dans le sens d’un élargissement du contrôle social. Car, derrière toute les contradictions apparentes, l’objectif est sûr : assurer le contrôle sur toute l’étendue de la vie et de la mort. [...] et l’interdiction de mourir est la forme caricaturale, mais logique, du progrès de la tolérance – l’essentiel est que la décision leur échappe, et que jamais ils ne soient libres de leur vie et de leur mort, mais qu’ils meurent et vivent sous visa social. C’est même encore trop qu’ils restent livrés au hasard biologique de la mort, car c’est encore une espèce de liberté.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 283 à 285

[ gestion rationalisée ] [ humanisme prétexte ] [ santé ] [ acharnement thérapeutique ]

 

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imagination

Tout est absurde. Celui-ci consacre sa vie à gagner de l’argent pour le mettre de côté, sans avoir seulement d’enfants à qui le laisser, ni le moindre espoir de voir quelque ciel réserver un sort transcendantal à sa fortune. Cet autre consacre tous ses efforts à se faire une réputation qui ne lui servira qu’une fois mort, mais il ne croit nullement à la survie qui lui permettrait de jouir de cette même réputation. Cet autre encore s’épuise à rechercher mille choses qu’en fait il n’apprécie nullement. Un autre, un peu plus loin (…)

Celui-ci lit pour savoir, inutilement. Cet autre jouit pour vivre, tout aussi inutilement.

Je me trouve dans un tram, et j’examine lentement, à mon habitude, tous les détails concrets des personnes qui se trouvent devant moi. Pour moi les détails sont des choses, des mots, des lettres. Cette robe que porte la jeune fille assise en face de moi, je la décompose en ses divers éléments : l’étoffe dont elle est faite et le travail qu’elle a coûté — puisque je la vois en tant que robe, et non pas comme simple étoffe ; la fine broderie qui borde le ras du cou se décompose à son tour : le galon de soie dont on l’a brodé, et le travail qu’a demandé cette broderie. Et immédiatement, comme dans un ouvrage primaire d’économie politique, se déploient sous mes yeux les usines et les activités diverses — l’usine où l’on a fabriqué le galon, d’un ton plus foncé, qui a servi à orner, de petites choses entortillées, l’endroit qui fait le tour du cou ; et je vois les ateliers dans les usines— machines, ouvriers, cousettes — mes yeux tournés vers le dedans pénètrent dans les bureaux, je vois les directeurs chercher un peu de calme, et je surveille, dans les registres, la comptabilisation de chaque chose ; mais je ne m’arrête pas là : je vois, au-delà, la vie familiale de ceux dont la vie quotidienne s’écoule dans ces usines, dans ces bureaux… Le monde entier se déroule sous mes yeux, du seul fait que j’ai devant moi, au-dessous d’un cou brun, qui par ailleurs supporte je ne sais quelle tête, une bordure, irrégulièrement régulière, d’un vert sombre sur le vert plus clair de la robe.

La vie sociale tout entière gît sous mon regard.

En outre, je devine les amours, les cachotteries et l’âme de tous ceux qui ont œuvré pour que la femme qui se trouve là, devant moi, dans un tram, porte, autour de son cou de mortelle, la sinueuse banalité d’un galon de soie vert sombre se détachant sur un tissu d’un vert plus clair.

J’ai le vertige. Les banquettes du tram, dont le siège est garni de paille aux brins alternativement plus fins et plus robustes, m’emportent vers des régions lointaines, se multiplient en industries, ouvriers et maisons d’ouvriers, existences, réalités — tout.

Je descends du tram, épuisé, somnambulique. J’ai vécu la vie tout entière.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Oeuvre poétique, NRF 2001

[ réalité support ] [ désenchantement ]

 

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musiciens méprisés

14 h - Lyon, France. Je viens d’assister à un moment sidérant. 

Auditorium de Lyon. J’attends que le concert commence. 2ème de Beethoven, R. Capuçon dans le concerto d’ Elgar. 

Les musiciens de l’ONL sont sur scène, au pupitre, en train de chauffer. 

Un message passe dans les enceintes. Les représentants syndicaux vont s’exprimer. 

Et c’est parti pour le scandale. 

Le public s’indigne, immédiatement, sans savoir de quoi il va être question, haut et fort. Le discours n’a même pas commencé qu’on entend des "remboursez !! " vindicatifs. On entend aussi des huées. 

Le délégué syndical s’avance, humblement, sous les invectives. Commence à parler. A dire son inquiétude et le refus des musiciens de la réforme passée par 49.3. Entre chaque phrase, quasi inaudible, des gens poudrés et bien mis de leur personne invectivent, hurlent "musiiiiique !" pour signifier "ferme la et joue !". Comme si devant eux, il y avait un juke box. Ils ont payé, ils exigent. 

Derrière moi, une dame âgée crie "je ne suis pas venue à une manif, mais à un concert !"

Devant moi, quand le représentant explique que pour pratiquer un instrument au niveau professionnel, il faut de longues heures de travail quotidiennes pratiquées depuis l’enfance, qu’être musicien est comparable au sacerdoce d’un sportif de haut niveau, j’entends des "Chochotte !! On a bossé avant vous !!"… le tout sous les sifflets quasi généraux. Les applaudissements sont là aussi. Mais pas majoritaires. 

Je pourrais écrire encore des lignes entières pour décrire cette atmosphère hostile.  

Je suis sidérée. J’ai envie de pleurer.

Beethoven égrène ses mélodies à deux pas de moi. Je me dis que les musiciens ont bien du courage d’offrir cette symphonie à un public si détestable et consommateur.

Commentaires : 

Nat Briegel : Rien n'a change de ce cote la, j'crois bien que c'est même pire qu'avant. Rien de tel qu'une bonne grève surprise dans ces cas la !

Tréboit Franck : J ai assisté à la même scène a l opéra de paris pendant une flûte enchantée pour l ecilogie et alors que le manifestant avait pris soin d intervenir avant même le début du chant au second acte des gens ont hurlé "casse toi tu nous emmerdes" je n ais pas pu identifier les cons qui hurlaient ça ... Mais je me suis dit que tu leur réaction me dégoûtant profondément... Que faire contre ce mépris la ?

Dominique Bonnetain : En 2003, lors des manifestations pour le statut d intermittent, j ai vécu une situation similaire à l opéra de Toulon... c était affreux ... difficile de chanter les dents serrés de peur et de rage...

Médéric Collignon : Dominique Bonnetain Pareil à Vienne avec en plus la division côté artistes sur scène...

Dominique Bonnetain : Médéric oui il y a ça aussi, tu as raison.

Laurent Pla-Tarruella : Finalement la figure du "Bourgeois" existe toujours, cet inculte aux mains pleines qui n’est à l’opéra que pour se représenter en tant que classe sociale. C’est lui, le spectacle, en fait… D’où sa colère !

Auteur: Internet

Info: Sur le fil FB de Médéric Collignon, 18 mars. Alice Laugier depuis l'Auditorium-Orchestre national de Lyon.

[ classique ] [ polique ] [ élitisme ] [ conservatisme ] [ Gaule ]

 

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