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fable

Qu’il est difficile d’être honnête avec soi. En tout cas, je n’ai pas tellement d’indulgence pour ceux qui prêchent le sacrifice et l’oubli de soi. Tiens, je vais te raconter une histoire… Il était une fois un ermite qui vivait dans une grotte dans la montagne et qui méditait chaque jour, seul, détaché de tout désir humain. On venait de loin pour le voir et lui demander conseil. On le considérait comme un saint. Mais voilà qu’un jour une pute s’installe dans une autre grotte, un peu plus loin. Elle aussi reçoit beaucoup de visiteurs, mais pas pour les mêmes raisons ! Le saint est mortifié de devoir supporter quotidiennement le spectacle de la débauche. Tu penses bien, la putain démonétise sa sacro-sainte entreprise spirituelle, elle obscurcit le monde par le vice et le stupre. Bref, il n’y a pas un jour où il ne maudisse cette sale pute de s’être installée dans la grotte d’à côté !

Mais par l’un de ces hasards dont l’univers a le secret, l’ermite et la putain meurent le même jour. Les voilà à patienter dans la queue pour le paradis. L’ermite est en colère parce qu’il y a des tas d’âmes devant lui, des âmes de simples profanes, et il devient carrément furieux quand il voit que même la pute est plus avancée que lui dans la queue. Alors il sort du rang et va râler auprès des autorités compétentes. “Il y a une erreur dans votre liste, qu’il dit ; la preuve, c’est que la péripatéticienne là-bas, elle est devant moi.” Ni une ni deux, l’ange qui gère la file va consulter ses dossiers. En revenant il dit : “Cher ermite, tout est bien en ordre. Vois-tu, pendant les dix années qui viennent de s’écouler, tu as passé tes journées à maudire la prostituée qui vivait près de chez toi, parce qu’à cause d’elle, la montagne te semblait moins sacrée. Elle, pendant toutes ces années, qu’a-t-elle fait ? Tous les matins, elle priait pour toi, remerciant le ciel de t’avoir placé là, en face de son bordel, parce que la vue de ta sainteté l’aidait à supporter sa condition de pécheresse. Je te le demande : de vous deux, qui a l’âme la plus pure ?”

Auteur: Kalda Katrina

Info: La mélancolie du monde sauvage

[ religiosité ] [ théorie-pratique ] [ sagesse ]

 
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musique

(L'auteur se retrouve dans un salon, curieux de rencontrer Richard Wagner)
Après les salutations d'usage, je pris place à mon tour au milieu de quelques fidèles qui m'avaient précédés. - La conversation reprit son cours, que ma venue avait évidemment interrompu ; parmi les visiteurs se trouvait un jeune Italien très bavard, et dont la spécialité me sembla être, comme on dit vulgairement, de faire des gaffes. - Dans le but probablement louable, de m'instruire, il demanda au Maître ce qu'il pensait de la Danse macabre, de Saint-Saëns.
Wagner allant parler, j'étais toutes oreilles.
"La Danse macabre, fit-il avec son disgracieux accent allemand, la Danse macabre ! Ma chère Cosima, n'est-ce pas cette machine où des os se battent ? Qu'il nous a fait entendre à Bade ? Oui, très gentil, très gentil !"
L'Italien, voyant qu'il avait fait fausse route, ne se découragea pas :
- "Et Rossini ? Notre grand Rossini ? Quelle est celle de ces oeuvres que vous préférez ?"
- "Oh ! Rossini, il avait certainement l'étoffe d'un musicien ; et je me souviens qu'étant à Paris, un jour que j'allais le voir, il voulut bien reconnaître devant moi son insuffisante éducation musicale, et avec une franchise qui lui fait honneur, il me dit : Cher maître, si au lieu d'être né italien, j'avais eu le bonheur de naître votre compatriote, je crois que j'aurais fait quelque chose. - Il faut pourtant avouer qu'il a fait trois mesures bonnes dans sa vie."
Et donnant l'exemple à l'appui, il ébaucha trois mesures du Barbier sur le piano. Après cette courte et bienveillante appréciation sur l'auteur de Guillaume Tell, il y eut un moment de silence, après quoi, toujours à l'instigation du jeune Italien, le maître exécuta une série d'autres musiciens, que dans ma naïveté je croyais gens de valeur ; et comme conclusion :
"Non, voyez-vous, à notre époque il n'y en a qu'un : c'est Offenbach."
Je me sentais étouffer dans cette atmosphère haineuse, et j'avais hâte de revoir le soleil, de contempler la nature, si radieuse dans ce beau pays de Naples. Je regrettais presque d'avoir approché et pu juger cet homme, si dieu par son génie, si piètrement humain par sa vanité. Ce fut la seule fois que j'eus l'honneur d'être admis dans l'intimité de Wagner, et plus que jamais j'ai été à même d'apprécier cette véridique parole : il ne faut pas voir les grands hommes de trop près.

Auteur: Godebski Cyprien

Info: Mémoires d'un artiste, texte violemment attaqué comme étant un faux par Willy

[ polémique ] [ critique ] [ vacherie ]

 

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végétaux

Stéphane Perraud : Dans quel état se trouvent les forêts primaires aujourd'hui ?

Francis Hallé : Il n'y en a quasiment plus ! Les forêts sont dites primaires quand elles n'ont jamais subi la moindre destruction humaine. Il y a quarante ans on en trouvait encore beaucoup à la surface du globe. Aujourd'hui, il n'en subsiste que des lambeaux, dans la boucle du fleuve Congo, en Australie, dans le Grand Nord canadien, en Sibérie... Seuls le climat très difficile ou l'absence totale d'accès les protègent encore de la folie destructrice des hommes. En Amazonie, c'est trop tard. On rase les arbres pour les remplacer par du soja transgénique et de l'élevage.

- Pourquoi est-ce si inquiétant ?

- La forêt joue un rôle déterminant pour la survie de l'humanité. Les arbres purifient l'atmosphère en absorbant du gaz carbonique et en rejetant de l'oxygène . Couper un arbre revient à détruire une usine d'épuration naturelle. Les arbres attirent la pluie. Leur feuillage et leur système racinaire filtrent l'eau. Ils jouent également un rôle de stabilisateurs pour les sols. Et bien sûr, ils abritent une flore et une faune exceptionnelle. Ce sont nos alliés, nos protecteurs. La disparition des forêts primaires n'est pas irréversible, mais pour passer d'une forêt secondaire (qui a repoussé après exploitation) à une forêt primaire, il faudrait la laisser tranquille pendant sept siècles !

- On entend souvent qu'une forêt a besoin d'être entretenue pour rester en bonne santé...

- C'est une hérésie ! Les forêts existent depuis plus de 350 millions d'années, elles se portaient très bien avant l'arrivée de l'homme. Elles ont su se reconstituer après chaque évolution climatique majeure. Plus on intervient dans une forêt, plus on la fragilise. Il faut au contraire laisser faire la nature. Le bois mort au sol par exemple préserve les micro-organismes. Une forêt détruite par un incendie repoussera mieux si on n'intervient pas. Sa capacité de régénération est incroyable. Saviez-vous que lorsqu'on coupe une branche, on favorise l'arrivée des maladies ? Au Jardin des Plantes à Paris, on trouve des arbres tricentenaires qui n'ont jamais été taillés. Ils se portent très bien et ne sont pas dangereux pour les visiteurs.

Beauté... Mesurable ? Il serait temps que tu comprennes que vous n'êtes que des principes d'action programmés pour survivre dans un milieu hostile, non prévu. Pour tenter de durer. Par conséquent la notion de beauté est tout à fait relative. Il y a éventuellement accoutumance à quelque chose de rassurant mais "Beauté mesurable", c'est comme si tu disais "vie passive".

Auteur: Hallé Francis

Info: 26 juin 2014

[ arbre ] [ nature ] [ équilibre ] [ écologie. éco-anxiété ]

 

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portrait

Céline craignait les visiteurs, il vivait comme un petit rentier, derrière une vitre, dans un fauteuil, assis sur des couvertures, les pieds emmitouflés et enfoncés dans des pantoufles énormes. Il écrivait tous les jours, jusqu'à 4 heures de l'après-midi. En arrivant, on demandait si le docteur était là. Il réagissait mieux quand on l'appelait docteur. Ce qui frappait, c'était son regard. Il avait cet oeil que la photo rend mal, un oeil bleu, malin, blasé, à la paupière floue, avec des éclairs, de l'amertume, de la ruse.

Quand il se sentait observé, il lui arrivait, pendant de longs moments, de parler comme un livre. Il y avait aussi des creux, durant lesquels il continuait à émettre de façon fragmentée. Si on ne l'interrompait pas ou si on ne le relançait pas par une question, il allait seul, oubliant le micro, dressant ses grands bras pour remplacer un mot ou une phrase, pour occuper le silence, puis il les laissait retomber sur ses genoux.

En allant l'interroger, je cherchais des influences de style dans ses lectures, des modèles. La Fontaine, principalement ; Mme de Sévigné aussi : les épistoliers sont à mi-chemin entre l'oral et l'écrit. Bien sûr qu'il avait à dire sur la Sévigné ! Les deux mains s'élèvent comme deux crabes à l'envers :

"Dans la Sévigné, on sent comme un tremblement de velours..."

Les autres stylistes y passent à leur tour. Stendhal ? Un pisse-froid Proust ? Il n'avait pas beaucoup de style, il était malade. Saint-Simon ? De premier ordre, mais emmerdant à cause de ses nobles ; il y a trop de nobles, c'est la barbe.

Mais c'était lui que je cherchais. À l'audition de la bande, sans les gestes, sans rien d'autre que ce qui est enregistré, l'évocation est encore vive et drôle, mais partielle. La langue orale, par son intonation, son accentuation, son rythme, conserve encore suffisamment de traits non équivoques. Mais le texte transcrit de ce que Céline disait est illisible. Il fallait être Céline pour transcoder son propre discours.

D'abord, il y a les silences. Ce sont des tunnels, et c'est de là, je crois, qu'il faut partir. Entre les moments où Céline cesse d'émettre des sons articulés et ceux où il reprend, la signification continue. Un exemple ? À propos de Villon, il dit : "Il ramène tout d'un coup, n'est-ce pas, des mélancolies qui viennent de loin... Qui sont bien au-dessus, au fond de la nature humaine, qui n'a pas cette qualité, n'est-ce pas..." Je note par des points de suspension ce qui me semble être un silence de dérive, là où Céline change de route. Et je note par une virgule ce qui me semble être un silence de reprise, là où, tandis que le silence se déroule. Céline continue dans la même direction. Dans un cas comme dans l'autre, le silence est un trait de la syntaxe célinienne : la signification continue dessous.

Auteur: Guénot Jean

Info: De la parole à l'écriture, article dans le journal Le Monde du 15 février 1969

[ écrivains français ]

 

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déclaration d'amour

Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer ; je n'ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si, au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de Vous !!
Vous toi-même ! Ah ! Mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu'as-tu fait, puisque tu n'as pas écrit à ton mari ?... Ah ! Mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à qui en serait la cause ! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l'évidence me feraient éprouver ! L'Enfer n'a pas de supplice ! Ni les Furies, de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! Que sera-ce dans quinze jours ?...
Mon âme est triste ; mon coeur est esclave, et mon imagination m'effraie... Tu m'aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m'aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur... Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la Nature, et des mouvements impétueux, aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande pas ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement... vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu dirais "je t'aime moins" sera le dernier de ma vie. Si mon coeur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents.
Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t'ai dit quelquefois : la Nature m'a fait l'âme forte et décidée. Elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m'aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon coeur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux... Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m'aimes moins, tu ne m'auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre.
PS : La guerre, cette année, n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, du fourrage ; ma cavalerie armée marchera bientôt. Mes soldats me marquent une confiance qui ne s'exprime pas ; toi seule me chagrine ; toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas ! Pardi ! Cela rallongerait ta lettre de moitié. Les visiteurs, à dix heures du matin, n'auraient pas le plaisir de te voir. Femme !!!

Auteur: Bonaparte Napoléon

Info: Lettres d'amour à Josephine, Albenga, le 18 germinal

[ correspondance ]

 

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représentation de soi

Le développement de la photographie nous a permis de démultiplier notre image. Qu’on y songe : il se prenait moins d’un milliard de photographies par an en 1930 alors qu’on en compte aujourd’hui, chaque année, près de 1 000 milliards ! L’un des objectifs les plus évidents de cette compulsion photographique est de proposer ces images de nous-mêmes à l’ensemble des membres de notre réseau social en scrutant le nombre de notifications que cette exhibition produit. Nous poussons parfois l’impudeur jusqu’à photographier le contenu de nos assiettes pour faire savoir combien même nos repas ne sont pas banals. Mais, puisque nous sommes des légions à alimenter ainsi ce narcissisme, d’où vient qu’il soit unanimement condamné ?

Il est vrai que cette passion photographique peut avoir des conséquences inattendues et regrettables. Certains paysages naturels, par exemple, sont défigurés par des légions d’instagrameurs avides de prendre et de diffuser la photo exceptionnelle. Le parc canadien de Joffre Lakes n’est plus le même depuis que, ces dernières années, sa fréquentation s’est accrue de plus de 250 % ! La raison en est qu’il abrite trois magnifiques lacs d’eau turquoise qui, surmontés par un glacier, offrent un décor magnifique ne demandant qu’à être immortalisé. Cerise sur le gâteau, un tronc d’arbre large et solide échoué depuis une rive permet de s’aventurer au-dessus d’un des lacs. Ce tronc a même été renommé Instalog. La raison ? Sur ce tronc pouvant soutenir le poids de plusieurs individus, on peut se faire prendre en photo en donnant l’impression qu’on est absolument seul face à la nature sauvage. Un produit parfait pour récolter des cœurs sur le réseau Instagram dévolu au partage de photographies. Faire cette photo est même devenu un passage obligé de la visite du parc. Si chacune de ces photos était décadrée, le sentiment qu’elle inspirerait serait bien différent : on verrait que devant le tronc s’allonge une file d’attente composées d’individus impatients et agressifs, attendant de faire la même photo pour pouvoir partager ce moment unique sur les réseaux sociaux.

Le destin d’un grand nombre de lieux de la planète a été modifié parce que le paysage qu’ils offrent est devenu viral sur les réseaux sociaux. C’est encore le cas de Trolltunga en Norvège, spectaculaire pic rocheux qui avance dans le vide à 700 mètres de hauteur. En 2010, quelques centaines de personnes seulement bravaient la difficile randonnée qui permettait d’accéder à ce graal. En 2016, il croulait sous les 90 000 visiteurs voulant à tout prix prendre la photo emblématique.

Le propriétaire d’une ferme de la province de Manitoba, au Canada, se souviendra lui aussi longtemps de ces milliers de personnes qui, en un week-end, ont débarqué dans ses champs de tournesol pour tenter de prendre la même photographie qu’elles avaient admirée quelques jours avant sur Instagram. Il en va de même pour la petite ville californienne de Lake Elsinore qui, à la Saint-Patrick, a vu l’un de ses champs de pavot piétiné par les 100 000 personnes avides de reproduire les photos qu’avait prises une influenceuse. Ce type de situation conduit parfois à des décisions radicales. Dans l’État de Washington, aux États-Unis, on a préféré détruire le Vance Creek Bridge, un magnifique pont abandonné traversant la forêt, plutôt que de subir le vandalisme plus ou moins volontaire de la légion des individus voulant faire la photo unique et cependant identique à toutes les autres.

Auteur: Bronner Gérald

Info: Apocalypse cognitive

[ destruction ] [ phénomène de masse ] [ mimétisme ] [ panurgisme ]

 
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dépendance

Trop de stimulis et un cerveau humain incapable d'y répondre : comment le porno devient une véritable addiction
À la fin de l’année 2017, le premier salon de pornographie en réalité virtuelle au Japon a été submergé par le nombre de visiteurs qui se pressaient à l’entrée, dans un pays où un homme sur deux de moins de 30 ans n’a jamais eu de rapport sexuel réel. Les foules de visiteurs s’agglutinant dans les rues dans l’espoir de pénétrer dans le salon ont révélé tout l’attrait que revêt le sexe virtuel hyper-réaliste pour les hommes en prise directe avec la technologie numérique. Il ne fait guère de doute que ces interfaces virtuelles seront le prochain mode de consommation de sexe à l’échelle planétaire.

En voyant les reportages consacrés à ce type d’événements, on se trouve brutalement confronté avec les images saisissantes d’un jeune cadre célibataire japonais en jean et baskets en train de copuler avec un fragment d’effigie de femme en plastique reliée à des capteurs retransmettant ses mouvements à une interface informatique, laquelle projette une représentation idéalisée de sa partenaire dans son casque 3D. On a le sentiment frappant d’une transposition de l’expérience d’Olds et Milner à l’être humain. Avec la consommation de masse du sexe, nous nous retrouvons ainsi dans la même situation qu’un mangeur du paléolithique qui ferait face, brusquement, à l’abondance de nourriture dégorgeant de nos supermarchés et des fast-foods de nos grandes métropoles. Le problème n’est plus la quantité. Le problème est de s’arrêter. Mais les structures profondes de notre cerveau qui fonctionnent à grand renfort de dopamine ne possèdent pas de fonction stop. Le citoyen du troisième millénaire ne découvre le problème que lorsqu’il commence à souffrir de troubles sexuels, de dysphorie ou d’addiction sexuelle, dus à la consommation excessive de sexe virtuel, puisque les troubles de l’érection ont doublé au cours de la dernière décennie, de façon parallèle à l’essor de la pornographie sur Internet.

En 2016 a été publiée la première étude d’imagerie cérébrale sur l’addiction à la pornographie sur Internet. Ce qu’elle montrait était édifiant : non seulement le visionnage des vidéos activait le striatum ventral (où se trouve notamment le fameux noyau accumbens), mais le niveau d’activité de ce striatum permettait de prédire si une personne donnée allait être modérément ou gravement touchée par les symptômes d’addiction à la pornographie sur le Web, comme le caractère envahissant du comportement, l’impossibilité de maîtriser son envie de surfer sur les sites pornographiques, le besoin d’augmenter les doses (phénomène de tolérance), les symptômes de manque en cas d’impossibilité d’y accéder, la perte de sensibilité aux stimulations sexuelles, les dysfonctions érectiles et les conséquences adverses sur le plan relationnel, que ce soit sur le couple ou les relations sociales en général.

Savoir pourquoi notre striatum est incapable de se modérer est une question fondamentale dont vont dépendre certains des grands enjeux de nos sociétés et de notre planète. Car si environ 35 % du trafic Internet est consacré à des visionnages de vidéos pornographiques, cela signifie rien de moins que l’impact de l’appétit sexuel de nos striatums sur la planète Terre est de 150 millions de tonnes de dioxyde de carbone émises dans l’atmosphère chaque année, soit entre un cinquième et un tiers des émissions de gaz à effet de serre dues au trafic aérien. Selon certains analystes comme Anders Andrae, de l’université de Göteborg en Suède, les technologies de la communication pourraient représenter plus de la moitié de la consommation globale d’électricité à l’échelle de la planète en 2030. Sans le savoir, nous sommes comme les rats de James Olds et Peter Milner dans une cage munie d’un levier que nous pouvons actionner sans fin, sans réfléchir au fait que ce geste quotidien prépare une montée des océans qui engloutira des millions d’habitations dans les années à venir.

Auteur: Bohler Sébastien

Info: Internet, critique et extraits du livre de S Bohler, "Le bug humain, Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher" aux éditions Robert Laffont. https://www.atlantico.fr

[ virtualisation ]

 

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biopouvoir

C’est d’ailleurs ce laboratoire P4 de Lyon qui assure les transferts de technologie et la formation des équipes chinoises, sous la houlette de l’Inserm, après le démarrage des travaux à Wuhan en 2011. Pourquoi la France transfère-t-elle des technologies aussi dangereuses ? D’abord pour des raisons sanitaires, afin d’ "aider les Chinois à bloquer H7N9, H5N1, SRAS ou un prochain coronavirus", explique un expert à l’AFP en 2014. Apparemment, il y a eu une petite complication.

Ensuite, pour rester dans la compétition mondiale. La santé, c’est la vitrine ; l’important, c’est la guerre : si la France ne va pas à Wuhan, d’autres iront. Enfin, par naïveté. Selon le même expert, les Français pensent que les Chinois respecteront l’accord : "L’accueil de Français à Wuhan est de nature à rassurer sur ce qui s’y passe". Là aussi, il y a eu une petite complication. [...]

[En 2013,] La représentante du techno-gratin dauphinois [Geneviève Fioraso] signe avec ses homologues chinois 11 accords de partenariat dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Elle assiste à la signature de protocoles d’accord entre l’Institut Pasteur de Shanghai et des partenaires, dont BioMérieux, représenté par son patron Alain Mérieux, ami de Jacques Chirac et élu RPR au conseil régional de Rhône-Alpes. [...]

Au printemps 2016, le premier train assurant la liaison Wuhan-Lyon parcourt le trajet en quinze jours. La Route de la soie transporte désormais des produits chimiques et des articles manufacturés de Chine, du vin et du matériel biotechnologique de France. [...]

Le 23 février 2017, le Premier ministre Bernard Cazeneuve se rend à Wuhan pour l’accréditation officielle du laboratoire. Le directeur du P4 lyonnais, Hervé Raoul, annonce une coopération avec une cinquantaine de chercheurs français, sous l’égide de l’Inserm. La France financera cette coopération à hauteur d’un million d’euros sur cinq ans. Le patron du labo de virologie lyonnais VirPath, Bruno Lina, se félicite de la disponibilité, à Wuhan, de singes pour tester des vaccins – sans les emmerdeurs de la cause animale. [...]

Cette ouverture n’enchante pas les Américains. Eux-mêmes construisent à tout va des laboratoires de haute sécurité sur leur territoire, passant de 465 à 1295 entre 2001 et 2014. La compétition avec la Chine s’accélère. Le biochimiste Richard Ebright, expert en biosécurité de la Rutgers University (New Jersey), rappelle en 2017 que "le SRAS s’est échappé de laboratoires de haute sécurité de Pékin à de multiples reprises". [...]

Inquiète, l’ambassade des États-Unis en Chine visite le laboratoire de Wuhan et envoie dès janvier 2018 des câbles alarmés au gouvernement américain. Les visiteurs font état de manquements de sécurité et d’un nombre insuffisant de techniciens formés ; ils recommandent de fournir une assistance aux Chinois. Ça, c’est l’histoire racontée par le Washington Post en avril 2020, donnant le beau rôle à des Américains empêtrés dans le Covid-19 comme des amateurs. Voilà des câbles diplomatiques ressortis à point nommé, dans la guerre froide sino-américaine. [...]

Qu’en est-il vraiment ? Demandez aux Chinois. En fait, les Américains sont plus impliqués dans le laboratoire de Wuhan qu’ils ne le laissent croire. Le partenariat franco-chinois battant de l’aile, ils s’engouffrent dans la brèche dès 2015 pour mener des collaborations scientifiques avec le labo P4. [...]

A l’occasion de sa visite d’État en Chine en janvier 2018, Emmanuel Macron signe malgré tout avec Xi Jinping des accors de coopération. Leur déclaration commune souligne : "la Chine et la France conduiront des recherches de pointe conjointes sur les maladies infectieuses et émergentes, en s’appuyant sur le laboratoire P4 de Wuhan".

C’est se leurrer sur le partenaire. D’après un fonctionnaire français cité par le journaliste Antoine Izambard dans son livre France Chine, les liaisons dangereuses :

"Nous leur avons demandé ce qu’étaient devenus les P3 et ils nous ont répondu que certains, situés dans une région proche de l’Himalaya, avaient gelé durant l’hiver et que d’autres avaient disparu. C’était assez déroutant".

Quant aux 50 chercheurs français attendus au P4 de Wuhan – cette coopération qui rassurait tant lors de la signature de l’accord – ils ne sont jamais venus. Le comité franco-chinois sur les maladies infectieuses ne s’est plus réuni depuis 2016. Les Chinois font ce qu’ils veulent, à l’abri des regards dans leur enceinte confinée.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Le règne machinal", éditions Service compris, 2021, pages 105 à 110

[ historique ] [ infectiologie ] [ orient-occident ]

 

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scepticisme

Les nouvelles disent que les derniers sondages confirment que la moitié des Américains croient que la vie extraterrestre existe. Plus étrange, une bonne partie pense qu'on visite la terre.
Plusieurs émissions de TV récentes en ont encore parlé, affirmant que de tels véhicules, atterriraient de temps en temps, assez longtemps pour permettre à leurs passagers d'entreprendre de bizarres expériences sur des citoyens malchanceux. Alors que ces visions impressionnantes suggèrent qu'on ira finalement au fond de la "discussion UFO" cela n'arrive jamais.
C'est parce que les preuves sont faibles. Lors d’un show récent auquel j'ai participé, les experts en la matière invités - qui ont longtemps étudié les UFOs - ont plaidé pour la présence extraterrestre en montrant des photographies de soucoupes putatives à de basses altitudes. Certains de ces objets apparaissant comme de simple lumières de feux à l’extérieur ; d'autres ressemblaient à des frisbees.
Comme c’est ambigu, ça demande davantage d'attention. Comment peut-on savoir si ce ne sont pas des projectiles jetés en l'air par un hoaxer utilisant un appareil-photo ? La réponse d'un expert : "ces photos sont un exemple". Une fois questionné sur le fait de savoir quel échantillon était maîtrisé, sa réponse fut "les effets atmosphériques nous donnent une indication sur la distance et des examens soigneux éliminent la supercherie photographique". Bien, c'est plus risqué, et ça se fonde sur une certaine prétention quant aux conditions atmosphériques (était-ce un jour brumeux sur San Francisco ?). Bref, ça ne prouve rien.
Un vrai projectile aéroporté exempt de supercherie photographique. La preuve additionnelle est "le témoignage des expert". Les pilotes, astronautes, et d'autres, tous ont prétendu avoir vu d'étranges choses se promenant dans l'air. Il est raisonnable de dire que ces témoins ont vu quelque chose. Mais ce n'est pas parce que tu ne reconnais pas un phénomène aérien que ça signifie que c'est un visiteur extraterrestre. Tout ceci exige une preuve additionnelle qui, jusqu'ici, n'est pas convaincante.
Que diriez-vous de ces gens qui prétendent avoir été enlevés ? Lors d'un programme TV, des experts en matière d'UFO ont montrés des photos de marques sur les bras et les jambes de sujets humains en déclarant que ces défigurations mineures étaient dues à une malversation alien. Ici aussi, hormis la question embarrassante du pourquoi des êtres de mondes éloignés viendraient faire de telles choses, cette preuve est à nouveau ambiguë. Ces marques pourraient être provoquées par des ET’s, mais elles pourraient aussi être des brûlures de cigarette. Et lorsque poussés à dire s'il y a une preuve évidente de visite extraterrestre ces experts disent "Nous ne savons pas d'où ils viennent. Mais quelque chose se passe sans aucun doute." Cette dernière affirmation étant à peine controversée. La question maladroite même. Si les soucoupes ne sont pas d'un espace extra-atmosphérique, d'où sont-elles ? De Belgique ?
Le fond de tout cela est qu’une certaine démonstration ou preuve de visiteurs extraterrestres n'a pas convaincu beaucoup de scientifiques. Très peu d'universitaires ont pondu des papiers pour journaux "avec referee" avec pour sujet des véhicule ET’s ou leurs occupants. Confrontés avec ce fait inconfortable, les experts ufologues prennent refuge dans deux explications :
1. Le matériel qui donnerait preuve a été rassemblé et caché par les autorités. Argument de l'ignorance, qui implique nécessairement que certains gouvernements de la planète dissimulent efficacement tous les meilleurs objets manufacturés aliens.
2. Les scientifiques refusent d'étudier le phénomène. En d'autres termes, les scientifiques devraient s’auto blâmer du fait que cette hypothèse de visite ne les branche pas. C'est non seulement injuste, mais surtout mal orienté. Bien sûrs, peu de chercheurs ont tamisé eux-mêmes toutes ces histoires, vidéos et autres photos étranges qui montreraient l'évidence d'une présence étrangère. Mais ce n’est pas leur boulot. C'est comme si on disait aux critiques de film que les films seraient meilleurs si seulement ils mettaient eux-mêmes en scène.
La charge d’apporter la preuve repose sur ceux qui font ces assertions, pas sur ceux qui trouvent ces données douteuses. S'il y a des investigateurs qui sont convaincus que des véhicules d'autres mondes bourdonnent dans le nôtre, ils devraient alors présenter leurs meilleures preuves et arguments, et ne pas recourir aux explications qui font appel à de mystérieux censeurs ou au manque d'ouverture d'esprit des autres. Les avocats des UFOs nous demandent de croire quelque chose de très important. Après tout, il ne pourrait guère y avoir découverte plus dramatique que la visite d’êtres d'autres mondes.
Si on pouvait montrer que des aliens sont ici, je serais aussi intimidé que n'importe qui. Mais j'attends toujours une preuve, de niveau A.

Auteur: Shostak Seth

Info: Fortean Times, The Guardian, Jeudi 18 Août 2005

[ réalisme ] [ Ovnis ]

 

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cité imaginaire

Chaque ville, comme Laudomia, a à ses côtés une autre ville dont les habitants portent les mêmes noms : c'est la Laudomia des morts, le cimetière. Mais la dotation spéciale de Laudomia doit être au-delà de cette dualité, triple, c'est-à-dire qu'elle inclut une troisième Laudomia qui est celle de l'enfant à naître. Les propriétés de la ville double sont bien connues. Plus la Laudomia des vivants afflue et s'étend, plus l'étendue des tombes à l'extérieur des murs s'accroît. Les rues de la Laudomia des morts sont juste assez larges pour que le chariot du fossoyeur puisse y tourner, avec des bâtiments sans fenêtres les bordent ; mais le tracé des rues et l'ordre des habitations reprennent ceux de la Laudomia des vivants, et comme dans celle-ci les familles sont de plus en plus serrées dans des niches denses et superposées. Les après-midi de beau temps, la population vivante rend visite aux morts et déchiffre leurs noms sur leurs dalles de pierre : comme la ville des vivants, celle-ci communique une histoire de difficultés, de colère, d'illusions, de sentiments, sauf qu'ici tout est devenu une nécessité, sorti de l'écrin, encastré, mis en ordre. Et pour se sentir en sécurité, la Laudomia vivante a besoin de chercher une explication d'elle-même dans la Laudomia des morts, même au risque de trouver plus ou moins : des explications pour plus d'une Laudomia, pour différentes villes qui auraient pu être et n'ont pas été, ou des raisons partielles, contradictoires, décevantes.

C'est à juste titre que Laudomia attribue une résidence tout aussi importante à ceux qui ne sont pas encore nés ; Bien sûr, l'espace n'est pas proportionnel à leur nombre, qui est censé être infini, mais comme il s'agit d'un lieu vide, entouré d'une architecture toute de niches, de renfoncements et de rainures, et que l'on peut attribuer aux enfants à naître la taille que l'on veut, les imaginer aussi gros que des souris ou des vers à soie ou des fourmis ou des œufs de fourmis, rien n'empêche de les imaginer debout ou accroupis sur chaque surplomb ou étagère qui dépasse des murs, sur chaque chapiteau ou plinthe, en rang ou éparpillés, et contempler dans une tache de marbre toute la Laudomia dans cent ou mille ans, peuplée de multitudes habillées de façon inédite, toutes par exemple en barracanes aubergines, ou toutes avec des plumes de dinde sur leurs turbans, et reconnaissent leurs propres descendants et ceux des familles alliées et ennemies, des débiteurs et des créanciers, qui vont et viennent perpétuant trafics, vengeances, engagements amoureux ou d'intérêt. Les vivants de Laudomia fréquentent la maison des non-nés, les interrogent ; les pas résonnent sous les voûtes vides ; les questions sont formulées en silence : et c'est toujours d'eux-mêmes que les vivants s'enquièrent, et non de ceux qui vont venir ; les uns se soucient de laisser d'illustres souvenirs d'eux-mêmes, les autres de faire oublier leur honte ; tous voudraient suivre le fil des conséquences de leurs actes ; mais plus ils aiguisent leur regard, moins ils reconnaissent une trace continue ; les non-nés de Laudomia apparaissent ponctuels comme des grains de poussière, détachés de l'avant et de l'après. La Laudomia des enfants à naître n'apporte, comme celle des morts, aucune sécurité aux habitants de la Laudomia vivante, mais seulement de la consternation. Aux pensées des visiteurs, deux routes finissent par s'ouvrir, et l'on ne sait laquelle recèle le plus d'angoisse : Soit ils pensent que le nombre des enfants à naître dépasse de loin celui de tous les vivants et de tous les morts, et alors dans chaque pore de la pierre il y a des foules invisibles, entassées sur les pentes d'un entonnoir comme sur les marches d'un stade, et comme à chaque génération les descendants de Laudomia se multiplient, dans chaque entonnoir s'ouvrent des centaines d'autrese entonnoirs, chacun avec des millions de personnes qui doivent naître et tendre le cou et ouvrir la bouche pour ne pas suffoquer ; ou bien ils pensent que Laudomia disparaîtra elle aussi, personne ne sait quand, et tous ses citoyens avec elle, c'est-à-dire que les générations se succéderont jusqu'à ce qu'elles atteignent un chiffre et n'iront pas plus loin, et alors la Laudomia des morts et celle des non-nés sont comme les deux ampoules d'un sablier qui ne se retourne pas, chaque passage entre la naissance et la mort est un grain de sable qui passe par le goulot d'étranglement, et il y aura un dernier habitant de Laudomia à naître, un dernier grain à tomber qui est maintenant là à attendre au sommet du tas.

Auteur: Calvino Italo

Info: Les villes invisibles

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Ajouté à la BD par miguel