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couchant

Pirate et Osbie Feel sont étendus sur le toit de l'immeuble, un magnifique coucher de soleil traverse et dessine la rivière sinueuse, impérial serpent, une multitude d'usines, d'appartements, de parcs, de tours et de façades enfumées, un ciel incandescent qui se déverse sur les kilomètres de rues profondes, l'encombrement des toits et les ondulations de la Tamise, y mettant une tension drastique d'orange brûlée pour rappeler au visiteur sa fugacité mortelle, pour sceller ou cacher toutes portes et fenêtres visibles à ses yeux, qui ne cherchent qu'un peu de compagnie, un mot ou deux dans la rue avant de monter vers l'odeur de savon de la chambre louée et les carrés corail du coucher de soleil sur le plancher - une lumière antique, intériorisée, combustible consommé dans l'holocauste hivernal programmé, les formes plus lointaines parmi les brins ou les feuilles de fumée sont maintenant elles-mêmes de parfaites ruines carbonisées, les fenêtres plus proches, frappées un instant par le soleil, ne réfléchissent plus rien mais contiennent la même lumière destructrice,  intense décoloration qui ne permet aucune promesse de retour, une lumière qui rouille les voitures du gouvernement sur les trottoirs, qui vernit les derniers visages se pressant devant les magasins dans le froid comme si une vaste sirène avait finalement retenti,  une lumière qui fait que les innombrables rues se transforment en canaux froids déserts, et qui, avec les étourneaux de Londres, emplit tout, les oiseaux convergent par millions vers des piédestaux de pierre embrumés, vers les endroits qui se vident et vers un grand sommeil collectif. Ils convergent en anneaux, des anneaux concentriques sur les écrans radar. Les opérateurs les appellent des "anges".  

Auteur: Pynchon Thomas

Info: Gravity's Rainbow, trad Mg

[ soir ] [ cépuscule ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

ambiance cauchemardesque

Le voyage du retour parut interminable à Marchenoir. On était en plein février et le train de nuit qu’il avait choisi dans le dessein d’arriver le matin à Paris, lui faisait l’effet de rouler dans une contrée polaire, en harmonie avec la désolation de son âme. Une lune, à son dernier quartier, pendait funèbrement sur de plats paysages, où sa méchante clarté trouvait le moyen de naturaliser des fantômes. Ce restant de face froide, grignotée par les belettes et les chats-huants, eût suffi pour sevrer d’illusions lunaires une imagination grisée du lait de brebis des vieilles élégies romantiques. De petits effluves glacials circulaient à l’entour de l’astre ébréché, dans les rainures capitonnées des nuages, et venaient s’enfoncer en aiguilles dans les oreilles et le long des reins des voyageurs, qui tâchaient en vain de calfeutrer leurs muqueuses. Ces chers tapis de délectation étaient abominablement pénétrés et devenaient des éponges, dans tous les compartiments de ce train omnibus, qui n’en finissait pas de ramper d’une station dénuée de génie à une gare sans originalité.

De quart d’heure en quart d’heure, des voix mugissantes ou lamentables proféraient indistinctement des noms de lieux qui faisaient pâlir tous les courages. Alors, dans le conflit des tampons et le hennissement prolongé des freins, éclatait une bourrasque de portières claquant brusquement, de cris de détresse, de hurlements de victoire, comme si ce convoi podagre eût été assailli par un parti de cannibales. De la grisaille nocturne émergeaient d’hybrides mammifères qui s’engouffraient dans les voitures, en vociférant des pronostics ou d’irréfutables constatations, et redescendaient, une heure après, sans que nulle conjecture, même bienveillante, eût pu être capable de justifier suffisamment leur apparition.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 187-188

[ transformation monstrueuse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

homme-machine

Ici dans les laboratoires de Zurich, nous travaillons sur l’après. Dans les dix prochaines années, il y aura des innovations liées aux techniques d’intelligence artificielle qu’on mettra à disposition, telle que l’intelligence artificielle généralisée (AGI). Une intelligence artificielle plus intelligente. Un des concepts sur lesquels mes équipes travaillent ici est la partie symbolique, que l’on appelle l’intelligence symbolique*. L’idée est de ne pas seulement dépendre d’un réseau de neurones qui demande une quantité colossale de données à répétition pour pouvoir apprendre.

Je vous donne l’exemple d’un système de conduite pour automobile, pour que ce soit plus compréhensible. Au lieu d’entraîner le système avec une grosse quantité de vidéos de voitures qui s’arrêtent à une intersection quand une autre voiture arrive de la droite, nous pourrions lui faire ingérer le code de conduite directement, et intégrer cette notion dans celle-ci. On en arrivera au même point, mais avec l’apprentissage neuronal classique, il faut une quantité phénoménale de vidéos différentes qu’il faudra répéter plusieurs fois pour que le réseau ait compris et ajusté ses poids pour obtenir la bonne réponse.

Le travail est donc d’aller faire ingérer le modèle de ces 50 pages comprenant toutes les règles et leur description, puis d’utiliser cette intelligence symbolique en combinaison avec l’intelligence basée sur les données, le Deep Neural Network. Ce sera beaucoup plus efficace ainsi. Notamment dans les situations uniques où le modèle n’aurait pas été entraîné. Avec un système de conduite, cela pourrait être utile si une voiture rencontre un panneau stop tombé sur le bas-côté de la route. On pourra aller plus loin dans ce que l’on appelle la out of distribution generalization* : la généralisation de ce qu’on a appris en dehors des données fournies pendant l’apprentissage.

 

Auteur: Haas Robert

Info: https://www.01net.com/, 24 déc 2023, *à différencier du développement de la fonction symbolique chez l'enfant, c'est-à-dire la capacité d'avoir des représentations mentales. ****généralisation hors distribution (OOD), ou problème de généralisation de domaine, qui suppose l'accès uniquement à des données tirées d'un ensemble "Eavail" "domaines disponibles pendant la formation".  Il faut donc aller vers la généralisation d'un ensemble de domaines plus large "Eall" comprenant des domaines non vus.

[ combinaison ouverture ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

mort

- Qu'est-il arrivé ? lui ai-je demandé.
- Il paraît que c'est un radiateur d'appoint qui a pris feu. En tout cas, c'est ce qu'on m'a dit. Il y avait deux gamins dans la maison. Trois, en comptant la baby-sitter. Elle a réussi à s'en sortir, mais pas les enfants, malheureusement. La fumée les a asphyxiés.
On s'est dirigés vers chez nous, à pied. Dotty se cramponnait à mon bras et se serrait contre moi en répétant : "Oh, mon Dieu, mon Dieu !"
La maison était illuminée par les phares des pompiers. Un homme était debout sur le toit, tenant une lance à incendie dont ne s'égouttait plus à présent qu'un petit filet d'eau. La fenêtre de la chambre avait été brisée. À l'intérieur, j'ai vu un homme qui allait et venait dans la pièce, une hache à la main. Puis la porte de devant s'est ouverte et un autre homme en est sorti, portant quelque chose. Je me suis dit que ça devait être le chien des enfants et ça m'a fichu un coup terrible.
Une camionnette de la station de télé locale était garée dehors. Un opérateur filmait, caméra à l'épaule. Des voisins battait la semelle, blottis les uns contre les autres. Certains étaient habillés, d'autres s'étaient jeté un manteau sur les épaules. Les moteurs des voitures de pompiers tournaient et de temps en temps leur radio se mettait à nasiller. Mais les badauds, eux, ne disaient rien. En les dévisageant, j'ai reconnu Rosemary, debout entre ses parents, la bouche ouverte. Puis les pompiers ont sorti les enfants de la maison, sur des brancards. De grands gaillards bottés, casqués, vêtus de longs manteaux, des hommes à l'air indestructible, qui semblaient avoir encore cent ans de vie devant eux. Ils sont sortis de la maison, chacun à un bout d'un brancard, portant les enfants.

Auteur: Carver Raymond

Info: Qu'est-ce que vous voulez voir, RÊVES

[ drame ]

 

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rapports humains

(...) Il y a bien des frontières entre les gens. L'argent, par exemple. Cette frontière-là, entre les lecteurs et les autres, est encore plus fermée que celle de l'argent. Celui qui est sans lecture manque du manque. La muraille entre les riches et les pauvres est visible. Elle peut se déplacer ou s'effondrer par endroits. La muraille entre les lecteurs et les autres est bien plus enfoncée dans la terre, sous les visages. Il y a des riches qui ne touchent aucun livre. Il y a des pauvres qui sont mangés par la passion du livre. Où sont les pauvres, où sont les riches. Où sont les morts où sont les vivants. C'est impossible à dire. Ceux qui ne lisent jamais forment un peuple taciturne. Les objets leur tiennent lieu de mots : les voitures avec sièges en cuir quand il y a de l'argent, les bibelots sur les napperons quand il n'y en a pas. Dans la lecture on quitte sa vie, on l'échange contre l'esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l'on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu'elle retient comme dans ces histoires du journal, quand on force les portes d'une maison envahie jusqu'aux plafonds par les ordures. Il y a la main blanche de ceux qui ont pour eux l'argent. Il y a la main fine de ceux qui ont pour eux le songe. Et il y a tous ceux qui n'ont pas de mains - privés d'or, privés d'encre. C'est pour ça qu'on écrit. Ce ne peut être que pour ça, et quand c'est pour autre chose c'est sans intérêt : pour aller les uns vers les autres. Pour en finir avec le morcellement du monde, pour en finir avec le système des castes et enfin toucher aux intouchables.

Auteur: Bobin Christian

Info: Une petite robe de fête, préface

[ lecteurs ]

 

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éthique

S'il était possible qu'il se dégage des pages d'un livre une réelle puanteur, ce serait le cas pour celui-ci [l'autobiographie de Dali] [...]. Mais cela étant, il reste que Dali est un dessinateur exceptionnellement doué. C'est un exhibitionniste et un carriériste, mais ce n'est pas un imposteur. Il a cinquante fois plus de talent que la plupart des gens qui s'en prennent à sa moralité et ricanent devant ses tableaux. Et si l'on considère à la fois ces deux séries de faits, on se trouve face à un problème qui, en l'absence de toute base sérieuse d'accord, fait rarement l'objet d'une véritable discussion.
(...)
Ce que revendiquent en fait les défenseurs de Dali, c'est une sorte d'immunité artistique. L'artiste doit être exempté des lois morales qui pèsent sur les gens ordinaires. [...] On voit à quel point cette théorie est fausse si on l'applique à la criminalité ordinaire. [...] Si Shakespeare ressuscitait demain, et si l'on découvrait que sa distraction favorite consiste à violer des petites filles dans des voitures de chemin de fer, nous ne lui dirions sûrement pas de continuer à agir de la sorte sous prétexte qu'il écrira peut-être un nouveau Roi Lear.
(...)
Dali est un bon dessinateur et un être humain répugnant. L'un n'exclut pas l'autre et, en un sens, ne l'affecte même pas. Ce que nous demandons avant tout à un mur, c'est qu'il tienne debout. S'il tient debout, c'est un bon mur, et savoir à quoi il sert est une tout autre question. Et pourtant, le meilleur mur du monde mérite d'être abattu s'il entoure un camp de concentration.
(...)
Il représente un symptôme de la maladie du monde. L'important n'est pas de le dénoncer comme une crapule qui mériterait d'être cravachée en public, ni de le défendre comme un génie au-dessus de toute critique, mais de découvrir pourquoi il fait montre de ces aberrations particulières.

Auteur: Orwell George

Info: in L'immunité artistique. "Benefit of Clergy"

[ beaux-arts ] [ morale ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

prospective

L'évolution nous a dotés d'intuition uniquement pour les aspects de la physique qui avaient une valeur de survie chez nos lointains ancêtres, comme les orbites paraboliques des cailloux volants (ce qui explique notre penchant pour le baseball). Une femme des cavernes qui réfléchirait trop à la composition de la matière pourrait ne pas remarquer le tigre qui se faufile derrière elle et se faire éliminer du patrimoine génétique. La théorie de Darwin prédit de fait que chaque fois que nous féveloppons de la technologie pour entrevoir la réalité au-delà de l'échelle humaine, notre intuition évoluée devrait s'effondrer.

Cette prédiction a donc été mainte fois vérifiée et les résultats soutiennent massivement Darwin. Einstein se rendit compte qu'à grande vitesse le temps ralentissait, et les grincheux du comité Nobel suédois trouvèrent ça si étrange qu'ils refusèrent de lui attribuer le prix Nobel pour sa théorie de la relativité. À basse température, l'hélium liquide peut s'écouler vers le haut. À haute température, les particules qui entrent en collision changent d'identité ; pour moi le fait qu'un électron qui entre en collision avec un positron se transforme en un boson Z est aussi intuitif que deux voitures qui entrent en collision se transforment en bateau de croisière. À l'échelle microscopique, les particules apparaissent schizophréniquement à deux endroits à la fois, ce qui conduit aux énigmes quantiques mentionnées ci-dessus. À l'échelle astronomique... la bizarrerie frappe à nouveau : si vous comprenez intuitivement tous les aspects des trous noirs, alors vous devriez immédiatement poser ce livre et publier vos découvertes dans l'espoir que quelqu'un ne vous décerne le prix Nobel de la gravité quantique...

En bref la principale théorie sur ce qui s'est passé dans l'univers primitif suggère que l'espace n'est pas seulement très très grand, mais en fait sans début ni fin, et qu'il contient une infinité d'exactes copies de vous, et bien plus encore de quasi-copies qui vivent toutes les variantes possibles de votre existence dans deux types différents d'univers parallèles.

Auteur: Tegmark Max

Info: Our Mathematical Universe: My Quest for the Ultimate Nature of Reality (2014)

[ outils aliénants ] [ intellectualisation ] [ éloignement ] [ élargissement ] [ moi supérieur ] [ femmes-hommes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vie ramollie

Revenons à la télévision. Elle est utile pour les gens qui ne sortent pas, pour ma femme par exemple. J'ai un poste, au premier étage, mais je ne monte jamais. C'est un prodigieux moyen de propagande. C'est aussi, hélas ! un élément d'abêtissement, en ce sens que les gens se fient à ce qu'on leur montre. Ils n'imaginent plus. Ils voient. Ils perdent la notion de jugement, et ils se prêtent gentiment à la fainéantise.
La TV est dangereuse pour les hommes.
L'alcoolisme, le bavardage et la politique en font déjà des abrutis. Était-il nécessaire d'ajouter encore quelque chose ?
Mais il faut bien l'admettre. On ne réagit pas contre le progrès. Vous arriverait-il d'essayer de remonter les chutes du Niagara à la nage ? Non. Personne ne pourra empêcher la marche en avant de la TV. Elle changera bientôt tous les modes de raisonnement. Elle est un instrument idéal pour la masse. Elle remplace tout, elle élimine l'effort, elle accorde une grande tranquillité aux parents. Les enfants sont passionnés par ce phénomène.
Il y a un drame aujourd'hui : on pense sans effort.
On savait bien mieux le latin lorsqu'il n'y avait pas de grammaire latine. Si vous simplifiez l'effort, le cerveau travaille moins. Le cerveau, c'est un muscle : il devient flasque.
Un exemple, les femmes avaient du mollet sous l'Occupation. Elles marchaient. Aujourd'hui, c'est le triomphe de la mécanique, nous sommes au royaume des belles voitures. Les femmes n'ont plus de jambes, elles sont affreusement laides. Les hommes ont du ventre.
C'est toute la civilisation du monde qui est condamnée par le côté raisonnable de la vie. On vit d'optimisme. La vie commence à cinquante ans et tout le drame est là, car c'est alors un débordement de passions. A cet âge, l'homme court après les petites filles, il s'habille plus jeune, il va au thé dansant, il boit, car l'alcool donne une illusion de force. Il se soûle de tout.
Comprendra-t-il un jour que, passé la trentaine, il s'en va vers sa fin ?

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Entretien avec Jacques Chancel paru dans le numéro 117 de Télé Magazine daté du 11 janvier 1958

[ paresse ] [ facilité ] [ lénifiant ]

 
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véhicule

Déjà, aux premiers temps de la civilisation, on avait remarqué combien les formes nouvelles des machines rompaient violemment avec les traditions artistiques du passé et rappelaient, au contraire, les créations de la nature.

L’automobile avait été le premier instrument d’usage courant donnant quelques indications en ce sens. Aux temps barbares on s’était imaginé de concevoir l’automobile un peu à la manière d’un temple grec ou d’un meuble Louis XV ; volontiers, on eût dissimulé ses parties mécaniques sous une carrosserie de style rappelant un navire romain ou une chaise à porteurs, et les projets les plus fantastiques furent alors réalisés. Il fallut l’intervention de la nécessité pour que l’on comprît combien cette conception était vieillotte et s’appliquait mal aux idées nouvelles.

Les voitures de course, aux prises avec les exigences immédiates de la vitesse, furent les premières à indiquer la voie qu’il fallait suivre ; les artistes les qualifièrent tout d’abord de monstres ; puis, petit à petit, se dégageant des préjugés anciens, ils en célébrèrent l’harmonie nouvelle et l’impérieuse beauté.

Et bientôt, lorsque l’automobile eut conquis sa forme nouvelle, grâce aux seules indications de l’empirisme, on comprit un beau jour, qu’elle réalisait tout simplement, sans que l’on y prît garde, la structure logique et complète d’un animal nouveau.

Depuis la tête, avec ses yeux, jusqu’à la noire évacuation de l’échappement, l’automobile se comportait comme un simple animal, avec les mêmes faiblesses, les mêmes défaillances, la même fièvre à certaines heures du jour, la même reprise de force à la tombée de la nuit, avec le cœur battant de ses soupapes, la colonne vertébrale de sa transmission, envoyant le mouvement aux pattes motrices d’arrière par l’intermédiaire d’un cardan en forme de bassin, tandis que les roues d’avant tâtaient le chemin. La circulation d’eau, la circulation d’huile, l’innervation électrique, autant de réseaux distincts, nécessités par la logique, indiqués impérieusement, comme si, dans toute construction, certaines lois naturelles exigeaient les mêmes formes, les mêmes procédés. L’être nouveau se distinguait des êtres naturels par l’idée de la roue et des engrenages, mais il ne s’en distinguait que par là.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, pages 241-242

[ anthropomorphisme ] [ organismes ] [ organique ]

 

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émotions funèbres

Le roi Louis XV était fort triste habituellement, et aimait toutes les choses qui rappelaient l'idée de la mort, en la craignant cependant beaucoup. En voici un exemple. Madame de Pompadour se rendant à Crécy, un écuyer du roi fit signe à son cocher d'arrêter, et lui dit que la voiture du roi était cassée, et que, sachant qu'elle n'était pas loin, il l'envoyait prier de l'attendre. Il arriva bientôt après et se mit dans la voiture de Madame. Les seigneurs qui suivaient s'arrangèrent dans d'autres voitures. J'étais derrière, dans une chaise à deux, avec Gourbillon, valet de chambre de Madame, et nous fûmes étonnés quand, peu de temps après, le roi fit arrêter la voiture ; celles qui suivaient s'arrêtèrent aussi. Le roi appela un écuyer, et lui dit : " Vous voyez bien celte petite hauteur ; il y a des croix, et c'est certainement un cimetière ; allez-y, et voyez s'il y a quelque fosse nouvellement faite " L'écuyer galopa et s'y rendit; ensuite il revint dire au roi : " II y en a trois toutes fraîchement faites. " Madame, à ce qu'elle m'a dit, détourna la tête avec horreur à ce récit, et la petite maréchale de Mirepoix dit gaiement : " En vérité, c'est à faire venir l'eau à la bouche. " Madame, le soir, en se déshabillant, nous en parla : " Quel singulier plaisir, dit-elle, que de s'occuper de choses dont on devrait éloigner l'idée, surtout quand on mène une vie aussi heureuse ! Mais le roi est comme cela; il aime à parler de mort, et il a dit, il y a quelques jours, à M. de Fontanieu, à qui il a pris, à son lever, un saignement de nez : " Prenez-y garde; à votre âge, c'est un avant-coureur d'apoplexie. " Le pauvre homme est retourné chez lui tout effrayé et fort malade... " Souvré, dit-il un jour au commandeur de ce nom, vous vieillissez, où voulez-vous qu'on vous enterre? - Sire, aux pieds de Votre Majesté. " Cette réponse rendit le roi triste et rêveur. Il parlait souvent ainsi de la mort, d'enterrements et de cimetières ; personne n'était né plus mélancolique.

Auteur: Hausset Madame de

Info: Mémoires

[ superstition ] [ morbidité ]

 

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