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psychanalyse

Par l’intermédiaire de l’E.M.I., proposée et reçue comme récit mythique moderne, l’espace transitionnel peut devenir plus vaste. Par cette notion d’espace transitionnel, on désigne un territoire psychique intermédiaire entre la psyché et la réalité objective. Les objets qui le peuplent proviennent du monde extérieur mais ils ont reçu un investissement affectif particulier qui leur permet progressivement de jouer le rôle d’éclaireur pour une exploration plus poussée du monde extérieur. Winnicott, qui est à l’origine de cette notion, parle du doudou de l’enfant comme du premier objet transitionnel d’importance pour le développement de la psyché dans la prise en compte du principe de réalité. L’objet qui prend forme dans l’espace transitionnel peut aussi être un rituel, une idée, un lieu.

Auteur: Arcé Alexandra

Info: Expérience de mort imminente, l'approche jungienne, p. 111. *

[ divinisation ] [ réconfort ]

 

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maman

Réjouissez-vous de tout [ce qu’implique la maternité] pour vous. De plus, le plaisir que vous pouvez retirer de ce travail salissant que constituent les soins du bébé s'avère avoir une importance vitale pour lui. Le bébé ne désire pas tant qu’on lui donne un repas convenable à un moment convenable, que d'être nourri par quelqu'un qui aime le nourrir. Le bébé considère comme naturelles la douceur de ses vêtements et la bonne température de l'eau du bain. Il en va autrement du plaisir de la mère qui accompagne l'habillage et le bain du bébé. Si ces choses font plaisir, c'est pour lui comme le soleil qui se lève. Le plaisir de la mère doit être là, sinon tout est mort, sans utilité et mécanique.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info: L'enfant et sa famille

[ oubli de soi ] [ mère ] [ abnégation ] [ fatigue ] [ dépassement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

mère-fils

Si le rôle de la mère n’est pas vraiment reconnu, une vague peur de la dépendance ne peut que subsister. Cette peur peut prendre quelquefois la forme d’une crainte de la femme ou d’une crainte d’une femme ; à d’autres moments, elle prendra des formes moins aisément reconnues, comprenant toujours la peur d’être dominé.
Malheureusement, la peur d’être dominé ne conduit pas les gens à éviter d’être dominé. Elle les attire, au contraire, vers une domination spécifique ou choisie. En fait, si on étudiait la psychologie du dictateur, on pourrait s’attendre à découvrir que, parmi d’autres choses, il essaie, dans son combat personnel, de maîtriser la femme dont il craint inconsciemment la domination, essayant de la maîtriser en l’entourant, en agissant pour elle et en exigeant en retour une sujétion totale et un "amour" total.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info: L'enfant et sa famille

[ autocrate ]

 

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s'amuser

C'est le jeu qui est universel et qui correspond à la santé : l'activité du jeu facilite la croissance et par là même, la santé. Jouer conduit à établir des relations de groupe ; le jeu peut être une forme de communication en psychothérapie et, en dernier lieu, je dirai que la psychanalyse s'est développée comme une forme très spécialisée du jeu mise au service de la communication avec soi-même et avec les autres. Ce qui est naturel, c'est de jouer, et le phénomène très sophistiqué du vingtième siècle, c'est la psychanalyse.

[ ... ]

La psychothérapie se situe en ce lieu où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute. En psychothérapie, à qui a-t-on affaire ? À deux personnes en train de jouer ensemble. Le corollaire sera donc que là où le jeu n'est pas possible, le travail du thérapeute vise à amener le patient d'un état où il n'est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info:

[ créativité ] [ mode d'appropriation du monde ] [ essentielle ludicité ] [ tâtonnement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écoute

J’ai une amie qui fait du conseil conjugal. Elle n’a pas eu une grosse formation sauf en tant qu’enseignante, mais elle a un tempérament qui lui permet d’accepter […] le problème tel qu’il lui est présenté. Elle n’a pas besoin de se livrer à une enquête pour savoir si les faits sont vrais ou si le problème ne lui est présenté que d’un seul point de vue ; elle prend simplement ce qui vient, et endure le tout. Ensuite le client rentre chez lui ou chez elle en se sentant un peu différent, et souvent même en trouvant une solution à un problème qui lui avait paru sans espoir. Elle fait un meilleur travail que beaucoup de gens qui ont suivi une formation spéciale. Elle ne donne quasiment jamais de conseils, parce qu’elle ne saurait pas quel conseil donner et parce qu’elle n’est pas le genre de personne à le faire. En d’autres termes, les gens qui sortent de leur domaine de compétence peuvent être parfaitement efficaces s’ils sont capables de cesser aussitôt de donner des conseils.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info: La famille suffisamment bonne

[ attention ] [ thérapie ] [ réconfort ]

 

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mère suffisamment bonne

Winnicott fait remarquer qu’en somme, pour que les choses se passent bien, à savoir pour que l’enfant ne soit pas traumatisé, il faut que la mère opère en étant toujours là au moment qu’il faut, c’est-à-dire précisément en venant placer au moment de l’hallucination délirante de l’enfant l’objet réel qui le comble. Il n’y a donc au départ, dans la relation idéale mère-enfant, aucune espèce de distinction entre l’hallucination du sein maternel, qui surgit par principe du système primaire selon la notion que nous en avons, et la rencontre de l’objet réel dont il s’agit.

Si tout se passe bien, l’enfant n’a donc aucun moyen de distinguer ce qui est de l’ordre de la satisfaction fondée sur l’hallucination de principe liée au fonctionnement du système primaire, et l’appréhension du réel qui le comble et le satisfait effectivement. Il s’agit donc que la mère apprenne progressivement à l’enfant à subir les frustrations, et du même coup, à percevoir, sous la forme d’une certaine tension inaugurale, la différence qu’il y a entre la réalité et l’illusion. Cette différence ne peut s’installer que par la voie d’un désillusionnement, lorsque, de temps en temps, la réalité ne coïncide pas avec l’hallucination surgie du désir.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 44-45

[ résumé ] [ maman-enfant ] [ réconfort ] [ initiation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

attitude borderline

[Dans la pratique de la psychiatrie infantile, un enfant paraît particulièrement vivant, charmant, créatif.] Néanmoins, à l’arrière-plan, il y a une dépression ou une sorte de paralysie ou d’impuissance qui, à la maison, est la symptomatologie principale, ce qui dénote qu’il y a quelque chose qui ne va pas quelque part du point de vue de la mère.
Il a fallu plusieurs années pour réaliser que ces enfants me divertissaient, tout comme ils avaient le sentiment qu’il fallait qu’ils divertissent leur mère pour prendre soin de l’humeur dépressive de celle-ci. Ils prenaient soin de ma dépression […] ou l’empêchaient d’advenir, en m’attendant, ils faisaient des dessins charmants et coloriés ou même écrivaient des poèmes pour que je les ajoute à ma collection. Je me suis souvent laissé prendre avant de réaliser finalement que les enfants étaient malades et me montraient une organisation de faux-Self […].
[En contrepartie] la mère devait supporter la haine qui fait partie du sentiment qu’a l’enfant d’être exploité et d’avoir perdu son identité. [Chez le garçon, ce sentiment se traduit par la régression.] Dans tous les cas il y a une organisation du faux-Self : c’est le mieux que puisse faire l’enfant pour garder le contact avec une mère susceptible de souffrir d’humeur dépressive. […]
Ces enfants sont toujours en train d’essayer de parvenir au point de départ ; quand finalement ils l’atteignent, c’est-à-dire quand ils atteignent le lieu où la mère n’est pas déprimée, ils sont toujours épuisés et ont besoin de repos si bien qu’ils ne peuvent pas en venir à leur vie à eux. […]
Pour ces enfants, s’accomplir c’est parvenir à réparer quelque chose qui ne va pas chez la mère et, par conséquent, cela ne les avance personnellement à rien. […] Dans l’analyse de ces enfants, il est nécessaire de parvenir à quelque chose de nouveau, qui est la destructivité dans la réalité psychique interne, la destructivité qui appartient effectivement à l’enfant et non pas à la mère.

Auteur: Winnicott Donald W. Woods

Info: Dans "La crainte de l'effondrement" page 190

[ étiologie ] [ faux moi ] [ état-limite ] [ épuisement psychique ] [ mère-enfant ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

nom-du-père

Le père est une fonction dans un sens en tous points analogue à ce qui s'appelle fonction en mathématique.

y = f(x)

Il s'agit de la mise en relation de deux éléments. Reliant ces deux éléments la fonction implique leur distinction. En logique, au 1 succède le 3 duquel se déduit le 2. Autrement dit, la fonction est un "lien de séparation", un saut du contigu au discontinu. Sigmund Freud a rarement employé le terme de progrès cependant il l'emploie pour qualifier le passage de la civilisation matriarcale à la civilisation patriarcale. La liaison de l'enfant et de la mère est possible puisque précisément ils auront, au préalable, été indexés comme distincts, séparés et, par conséquent, "partiellisés" l'un pour l'autre. Ils ne sont pas tout l'un pour l'autre { y ≠ x }, mais sont aussi fils/fille de et épouse de.

Une autre façon de dire qu'il n'y a de mère et d'enfant que par rapport à un père. Complétons alors Winnicott dans son affirmation qu'un bébé seul ça n'existe pas en ajoutant qu'une mère et un enfant seuls ça n'existe pas. Il n'y ni mère ni enfant s'il n'y a pas de père (ou de fonction paternelle), mais une entité (con)fusionnelle dévorante et destructice autant pour l'enfant que pour la mère. Françoise Dolto ne disait rien d'autre lorsqu'elle affirmait qu'une femme ne pouvait être mère que si, par ailleurs, elle désirait un homme.

L'enfant et la mère sont liés symboliquement par le père en tant que nom (fonction), ce qui implique que la présence réelle du père, bien que souhaitable, peut être compensée si la mère parvient à faire fonctionner du manque. Céder l'objet afin de ne pas céder sur son désir — unique rempart à la jouissance —, autrement dit, produire/élire un objet de désir différent de son enfant. Ce qui, il faut le dire, est un cas de figure de plus en plus rare. Puisque, comme le disait Dolto dès 1960, si le sens de la paternité est à peu près perdu, il l'est pour l'homme ET pour la femme — ce "ET" est aujourd'hui systématiquement oublié pour faire de cette défaillance paternelle l'appanage de l'homme.

Nuançons aussi l'affirmation issue d'une incompréhension de l'œuvre lacanienne qui voudrait que le père, comme nom, ne soit qu'effet du désir maternel. Ceci est bien souvent une ex-cuse (hors de cause) pour le géniteur afin de se cacher dans l'ombre de la mère de sa progéniture (et dans les jupes de la sienne) ou, "au mieux", pour devenir une seconde mère, une mère bis, ou une mère de substitution en cas de défaillance maternelle de la génitrice. Bien entendu l'attitude de la mère vis-à-vis de son époux, du père de son enfant, importe beaucoup, et surtout la façon dont elle parle de lui à son enfant et à d’autres, et notamment, en son absence. Ceci dit, la "personne du père", en tant qu'élément tiers dans la structure de la parenté, relativement à la dyade mère-enfant, a à occuper cette place d'exception, au sens premier du terme, absolument indispensable au déploiement de la parole.

Auteur: Goubet-Bodart Rudy

Info: Publication facebook du 25.01.2022

[ triade ] [ parentalité ] [ psychanalyse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

laisser-aller

Une polémique contre notre culture de surmenage et un manifeste d'être plutôt que de faire... Apprenons des paresseux.

En 1765, Jean-Jacques Rousseau passa deux mois sur une île suisse à se consacrer à "mon précieux farniente" (ne rien faire). Il traînait, ramassait des plantes, dérivait dans un bateau, s'asseyait pendant des heures pour une "Délicieuse rêverie.. Plaisamment conscient de mon existence sans me soucier de ma pensée" : une oisiveté qu'il qualifia plus tard de "bonheur le plus complet et parfait" de sa vie.

Rousseau est l'un des héros de Not Working, avec Thoreau, Emily Dickinson et un lapin nommé Rr dont Josh Cohen s'est brièvement occupé. Le livre s'ouvre sur Rr qui se balade autour de son clapier, sa sérénité insensée déclenchant chez Cohen une reconnaissance empathique de son propre "vide secret et clos", ses fréquents accès de "rêverie lapine". Comme Rousseau sur son île, Rr ne fait pas, il est, tout simplement. Sa passivité interpelle Cohen qui, à différents moments de son livre, se décrit lui-même comme un slob, un fainéant, un feignant. Enfant, on le réprimandait régulièrement pour sa paresse ; à l'âge adulte, chaque jour lui apporte son moment de farniente : "Ça arrive souvent la nuit, quand je suis affalé sur le canapé... mon livre repose face contre terre, mes chaussures enlevées ; à côté de moi se trouvent deux télécommandes, un bol de cacahuètes et une bouteille de bière à moitié vide...

Sortir de cette léthargie... Ressemble à un trouble physique, métaphysique même, une violation de la justice cosmique..." "Pourquoi devrais-je ?" La protestation enfantine est désarmante ; on s'imagine lapin intérieur de Cohen attaché à un tapis roulant ou, pire encore, transformé en lapin très différent : le lapin Duracell, dont le "mouvement d'horloge" et le "sourire aux yeux morts" en font le symbole parfait de l'acharnement de la vie moderne, sa "nerveuse et constante contrainte à agir" que Cohen n'aime pas et à laquelle il résiste.

Not Working est une polémique contre notre culture du surmenage et une méditation sur ses alternatives. "Qu'est-ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue ?" Cohen est psychanalyste. Chaque jour son cabinet de consultation résonne d'histoires d'activité ininterrompue, d'épuisement, de dépression, de "fantasmes d'une cessation complète de l'activité". Certains de ces conteurs apparaissent dans le livre, soigneusement déguisés, en compagnie d'une foule d'autres anti-travailleurs, réels et fictifs, dont le philosophe grec Pyrrho, Homer Simpson et Cohen lui-même à différents moments de sa vie. La distribution est majoritairement masculine, regroupée en quatre "types inertiels" : le burnout, le slob (fuyard), le rêveur, le fainéant. Certains s'enfoncent dans l'inertie, d'autres, comme Cohen, y sombrent.

Il s'avère que tous sont prennent des risques, car "en résistant au travail... chacun de ces types est susceptible de tomber dans une ou plusieurs impasses" : lassitude débilitante, dépression, solitude, ennui. Le farniente, en d'autres termes, a son prix, qui peut être très élevé pour certaines personnes, y compris trois hommes dont Cohen souligne les histoires - Andy Warhol, Orson Welles et David Foster Wallace.

Warhol aspirait à ce que les stoïciens appelaient l'apathie (l'absence de passion), une nostalgie qui se traduisait par un engourdissement mécanique, un état de "ne rien être et ne rien ressentir", avec laquelle alternaient de féroces et mécaniques activités, suivies d'un effondrement inertiel : un lapin Duracell avec des batteries à plat. Welles combinait des efforts herculéens avec de longues retraites dans son lit, qui devinrent de plus en plus fréquentes à mesure que son corps et son esprit cédaient sous son style de vie de fou. L'éblouissante carrière littéraire de Foster Wallace fut ponctuée de périodes où il s'effondrait devant la télévision aux prises avec une dépression aiguë : torpeur mortelle qui prit fin par son suicide.

Cohen qualifie ces hommes différemment (Warhol le burnout, Welles le reveur, Foster Wallace le fainéant) mais ce qui frappe chez les trois, c'est comment cette fuite de l'hyperactivité vers l'inertie autodestructrice implique un mouvement vers une solitude radicale, farniente de cancéreux en isolement. La solitude fut longtemps associée à l'énervement dépressif. On disait des solitaires spirituels médiévaux qu'ils souffraient d'acédie, une paresse mélancolique de l'esprit et du corps. "Ne soyez pas solitaire, ne restez pas inactif ", conseille Robert Burton, un érudit du XVIIe siècle, dans The Anatomy of Melancholy (1621), un ouvrage extrêmement influent. La psychiatrie moderne considère la réclusivité comme pathologique et de nombreux collègues psychanalystes de Cohen sont du même avis. Il s'en défend, se tournant plutôt vers la tradition alternative de la Renaissance, qui valorise la solitude comme lieu de création.

L'analyste d'après-guerre Donald Winnicott fut un éloquent porte-parole de cette tradition. Pour Winnicott, - la créativité dépendait du maintien du contact avec le "point mort et silencieux" au cœur de la psyché - Cohen prend pour exemple la célèbre recluse Emily Dickinson, qui se retira de la société pour les "infinies limites de sa propre chambre et de son cerveau" et qui produisit une poésie à l'éclatante originalité". Renonçant à l'amour sexuel et au mariage pour l'"intimité polaire" de sa vie intérieure, "elle ne faisait rien" aux yeux du monde, alors que dans son propre esprit, elle "faisait tout", voyageant sans peur jusqu'aux extrêmes de l'expérience possible.

Dans une brillante série de textes, Cohen montre comment ce voyage intrépide a produit une poésie qui se déplace entre des images bouleversantes d'acédie et des évocations extatiques du désir non consommé, la "gloire privée et invisible" de Dickinson. Le rêve et les produits du rêve l'emportent sur l'actualité contraignante. "Pour Dickinson, rêvasser n'était pas une retraite dans l'inactivité, mais le socle de la plus haute vocation." La manière dont Cohen traite Dickinson est révélatrice. Les lâches et autres fainéants qui peuplent Not Working sont des hommes selon son cœur, mais c'est l'artiste qui est son ideal, qui dédaigne la vie du monde réel ("prose" était l'étiquette méprisante de Dickinson pour cela) au bénéfice de la vie de l'imagination.

Une artiste "ne fait rien", ne produit rien "d'utile", elle incarne en cela la "dimension sabbatique de l'être humain", la partie la plus riche de nous-mêmes. Mais est-ce que cela fait de l'artiste un "type de poids mort" ? Dans ses Confessions, Rousseau écrit "L'oisiveté que j'aime n'est pas celle du fainéant qui reste les bras croisés dans une totale inactivité", mais "celle de l'enfant sans cesse en mouvement". Le jeu n'est pas non plus un travail, mais il est tout sauf inerte. Pour Winnicott, le jeu était expérience la créative primordiale, la source de toute créativité adulte. Cohen est passionné par Winnicott, il est donc intéressant qu'il n'en parle pas, contrairement à Tracey Emin qui, lors d'une interview en 2010, décrivit les jeux d'enfants comme la source de son art.

Dans une discussion éclairante de sur My Bed d'Emin, Cohen fait l'éloge de l'œuvre pour sa représentation puissante de "l'inertie et de la lassitude". Mais contrairement à l'inertie des hommes dont il parle, Emin elle-même semble aller de force en force. Jouer est-il le secret ? Emin et Dickinson sont parmi les rares femmes qui apparaissent dans Not Working. Nous apprenons quand à leur représentation artistique de l'inertie féminine, mais sans rencontrer de femme paresseuse ou feignante. Alors que font-elle pendant que les hommes paressent ?

En regardant de plus près les paresseux préférés de Cohen - Rousseau, Thoreau, Homer Simpson - nous avons un indice. Les jours de farniente de Rousseau sont ponctués par les repas préparés par sa femme. La lessive de Thoreau était faite par sa mère. Marge Simpson fait le ménage pendant qu'Homer boit de la bière devant la télé. Quel genre de révolution faudrait-il pour mettre Marge devant la télé pendant que Homer nettoie la cuisine ? La lutte contre le surmenage existe depuis des siècles (rejointe plus récemment par des protestations féministes contre le "double travail"). Il en va de même pour les luttes pour un travail décent, décemment rémunéré, luttes que Cohen et moi aimons tous deux.

Pourtant, aujourd'hui, dans la vie réelle, les Marges se précipitent toujours de leur maison vers leur emploi au salaire minimum chez Asda. Les Homer enquillent des 12 heures de travail à la suite pour Uber. Et s'ils s'épuisent, comme beaucoup ils se retrouvent souvent dans les banques alimentaires. Que faire à ce sujet ? "Idiorythmie" était le terme de Roland Barthes pour vivre selon ses propres rythmes intérieurs, sans contrainte. Cohen veut qu'on imagine ce que serait une telle vie. Il est sceptique quand aux propositions "pour changer ça", qui n'y parviennent jamais, soutenant que si "les objectifs de la justice juridique, politique et économique ne s'occupent plus de la question de savoir ce qui fait qu'une vie vaut la peine d'être vécue, ils sont susceptibles de devenir des trucs en plus sur la déjà longue liste des choses à faire sans joie...".

Parallèlement aux droits liés au travail, nous avons besoin d'un droit au non travail, a-t-il affirmé récemment. C'est un argument utopique et pas pire pour autant, même affaibli par un rejet ironique de toute action politique en faveur du relâchement et de la paresse. Cependant Not Working n'est pas un manifeste révolutionnaire. Il s'agit plutôt d'une ré-imagination très personnelle et éloquente de nos vies en tant qu'espace de farniente dans toute son idiosyncrasie sans entraves, et d'un rappel précieux du prix exorbitant d'une existence de lapin Duracell.

Auteur: Taylor Bradford Barbara

Info: critique de "Not Working" de Josh Cohen - les bienfaits de l'oisiveté. https://www.theguardian.com. 12 janv. 2019

[ créativité ] [ insouciance ] [ flemme ] [ écrivain-sur-écrivains ] [ femmes-hommes ]

 

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