Notre époque ruisselle suffisamment d'énergie. On ne veut plus voir que des actes, et nulle pensée. Cette terrible énergie provient de ce que l'on n'a plus rien à faire. Intérieurement, je veux dire. Mais en fin de compte, même extérieurement, l'homme ne fait que répéter toute sa vie un seul et même acte : il entre dans une profession, puis y progresse. […] Il est si simple d'avoir la force d'agir, et si malaisé de trouver un sens à l'action ! Très peu de gens, aujourd'hui, le comprennent. C'est pourquoi les hommes d'action ressemblent à des
joueurs de quilles qui emprunteraient des poses à la Napoléon pour renverser neuf machins de bois ! Je ne serais même pas surpris qu'ils finissent par en venir violemment aux mains, simplement pour voir passer par-dessus leur tête ce mystère incompréhensible : que toutes les actions du monde ne suffisent jamais !
Auteur:
Info: L'Homme sans qualités, tome 2, Chap 10 : Suite de l'excursion à la Schwedenschanze. La morale du deuxième pas.
Commentaires: 0