La vie n’est pas conçue, le corps n’en attrape rien, il la porte simplement.
Quand Freud dit : la vie aspire à la mort, c’est pour autant que la vie, en tant qu’elle est incarnée, en tant qu’elle est dans le corps, aspirerait à une totale et pleine conscience.
On peut dire que c’est là que se désigne que même dans le réveil absolu, il y a encore une part de rêve qui est justement de rêve de réveil.
On ne se réveille jamais : les désirs entretiennent les rêves.
La mort est un rêve, entre autres rêves qui perpétuent la vie, celui de séjourner dans le mythique.
C’est du côté du réveil que se situe la mort.
La vie est quelque chose de tout à fait impossible qui peut rêver de réveil absolu.
Par exemple, dans la religion nirvanesque, la vie rêve de s’échapper à elle-même.
Il n’en reste pas moins que la vie est réelle, et que ce retour est mythique.
Il est mythique, et fait partie de ces rêves qui ne se branchent que du langage.
S’il n’y avait pas de langage, on ne se mettrait pas à rêver d’être mort comme d’une possibilité.
Cette possibilité est d’autant plus contradictoire que même dans ces aspirations non seulement mythiques mais mystiques, on pense qu’on rejoint le réel absolu qui n’est modelé que par un calcul.
On rêve de se confondre avec ce qu’on extrapole au nom du fait qu’on habite le langage.
Or, du fait qu’on habite le langage, on se conforme à un formalisme – de l’ordre du calcul, justement – et on s’imagine que du réel, il y a un savoir absolu.
En fin de compte, dans le nirvana, c’est à se noyer dans ce savoir absolu, dont il n’y a pas trace, qu’on aspire.
On croit qu’on sera confondu avec ce savoir supposé soutenir le monde, lequel monde n’est qu’un rêve de chaque corps.
Qu’il soit branché sur la mort, le langage seul, en fin de compte, en porte le témoignage.
Est-ce que c’est ça qui est refoulé ?
C’est difficile de l’affirmer.
Il est pensable que tout le langage ne soit fait que pour ne pas penser la mort qui, en effet, est la chose la moins pensable qui soit.
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Info: Réponse à une question de Catherine Millot, Improvisation : désir de mort, rêve et réveil, 1974
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