inventivité

On fera peut-être l’objection que cette méthode écarte trop le travail de l’imagination. Nous voulons, en effet, réduire son rôle au strict nécessaire.

Le travail de l’imagination est une activité purement humaine, ce n’est donc pas une prière. Et ceci est une première raison pour chercher à le restreindre.

Sans doute, sous l’influence de la grâce, cette activité inférieure est élevée et dirigée vers un but surnaturel. Il reste néanmoins que l’imagination, comme toute faculté sensitive, s’épuise très vite et se lasse de son objet. Construire et maintenir des représentations imaginaires, c’est un travail trop fatigant pour que l’on puisse le prolonger d’une façon continue. Il faut donc éviter d’en faire un élément important ou essentiel de notre oraison, puisque celle-ci doit devenir, selon le précepte évangélique, simple et constante.

L’imagination ne saurait d’ailleurs atteindre les réalités surnaturelles, qui ne sont accessibles qu’à la foi pure. Elle ne fait tout au plus que jouer avec l’ombre de ces réalités invisibles, auxquelles les vertus théologales nous font adhérer substantiellement.

Est-ce à dire que nous prétendons exclure de l’oraison toute image ? Non, car cela est impossible ; mais nous voudrions que l’on se servît des images seulement dans la mesure où cela est nécessaire, et pas davantage.

Auteur: Anonyme moine chartreux

Info: Dans "Amour et silence", éditions du Seuil, 1951, pages 52-53

[ créativité ] [ inconvénients ] [ réserve ] [ curiosité réfrénée ] [ indiscrétion modérée ]

 

Commentaires: 10

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

Plouin, pf.plouin@gmail.com
2021-10-21 07:45
Je ne saisis pas le lien - sinon étymologique - entre l'imagination, faculté de représentation ouverte sur le possible ou même l'impossible - et l'image qui surgit dans la dernière phrase, reproduction d'un objet pour le profane, témoin de l'incarnation pour les orthodoxes
Coli Masson, colimasson@live.fr
2021-10-21 16:54
L'image est la production de l'imagination. Elle peut être mentale également.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2021-10-22 05:06
il me semble que l'image évoquée ici est bien plus issue du réel que mentale/imaginative... Un réel considéré ici de fait comme l'incontournable "semence de Dieu"
Coli Masson, colimasson@live.fr
2021-10-22 17:06
"Le travail de l’imagination est une activité purement humaine"
c'est pourtant clair que c'est l'imagination comme création d'images mentales.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2021-10-23 04:22
Puisque nous sommes ici pour jouer avec les mots, considérant qu'ils on un sens- issu du réel - jouons.
Pas de problème, l'imagination est fondamentalement (ah ah ah) un processus/création interne, résultat d'une imprégnation progressive de nos sens (retour miroir), parallèlement à une éducation et aux cultures/manières de penser auxquelles on aura été confronté. Tout ça aboutissant à un réel verbalisé/consensuel "tiercisé pour Peirce", humain, particulièrement ici.
Là je reviens à un des fondamentaux de FLP "il n'y a pas de pensée sans signes", cad dire pour faire bref, sans langage...
Donc "l'imagination" citée plus haut est une fonction/fonctionnalité sous grande domination sémantico-lexicologique.
Ce que je voulais donc exprimer en disant "bien plus issue du réel que mentale..." n'est que la répétition de ce que dit le moine, qui parle de simplification. Donc d'un retour vers des fondamentaux moins complexes, une approbation de la réalité telle qu'elle peut être cataloguée, "vocabularisée"... "photographiée" par le langage... Sans volonté de vouloir développer/expliquer ses tenants et aboutissants par je ne sais quelles acrobaties réthorico-grammaticales.
Il y a comme une acceptation/résignation... Me demande d'ailleurs s'il faudrait les mettre en tags ? ;-)
Toutes remarques qui ne me font en aucune manière souscrire aux propos de notre ami chartreux, ma tentative de démonstration en faisant preuve.
Plouin, pf.plouin@gmail.com
2021-10-23 09:20
Un jeu sérieux dont Coli connait la solution puisqu'elle a lu le livre, que je ne connais pas.
De la question "Est-ce à dire que nous prétendons exclure de l’oraison toute image ?", j'avais déduit qu'il s'agissait d'une image pieuse - c'est à dire d'un objet - support de la prière comme l'icône byzantin et russe. Je ne connais guère les Chartreux sinon par le film extraordinaire de Philip Gröning, Le grand silence, mais la réponse à la question était non. Cela implique-t-il que les chartreux sont aussi humbles dans la quête spirituelle que les cisterciens mais moins stricts dans l'exclusion des images ? Ailleurs, le travail d'imagination pour atteindre les réalités surnaturelles est illimité et pourtant associé à un aniconisme strict, voir la Kabbale.
Je me range prudemment à son avis.
Coli Masson, colimasson@live.fr
2021-10-23 17:52
Miguel : ok tu parles donc de la constitution de l'image. Je n'ai pas suivi tes complexes raisonnements mais on remonte un peu loin là. Notre moine parle de l'image qui risque de nous distraire lors de la prière. Certes, l'image se constitue aussi dans le rapport avec les objets du monde matériel. Mais ensuite elle peut fonctionner désolidarisée de ce réel (souvenirs, fantasmes, etc.) Il me semble que le moine évoque quelque chose de l'ordre du "yogah-citta-vrtti-nirodhah" : mettre fin aux fluctuations du mental. D'ailleurs j'aurais pu le rajouter en étiquettes maintenant que j'y pense.

En fait je ne sais même pas pourquoi on se cherche noise là-dessus. Tu me rappelles l'objectif ?

Plouin : "Ailleurs, le travail d'imagination pour atteindre les réalités surnaturelles est illimité et pourtant associé à un aniconisme strict, voir la Kabbale." ailleurs = ?
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2021-10-23 18:39
Pas de noiseries me concernant.... juste une manière de réfléchir-répondre par écrit en essayant de coller à mon idée de FLP
Plouin, pf.plouin@gmail.com
2021-10-24 03:48
Je voulais dire que dans d'autres religions, la condamnation des images religieuses et celle de l'imagination spirituelle ne vont pas de pair. Mais je ne veux pas obscurcir le débat ! Bonne journée, PFP
Coli Masson, colimasson@live.fr
2021-10-24 17:14
Je pense que dans cet extrait, nous devons revenir au sens aristotélicien de l'imagination comme provenant des sens dans un premier temps, puis subissant l'action de l'abstraction selon les capacités intellectives de l'homme. Nous avons donc bien une activité qui prend sa base dans le matériel puis qui s'en dissocie et devient autonome, même si l'imagination et la réalité restent toujours en rapport et se modifient mutuellement.