[...] c’est à proprement parler de Verwerfung* [forclusion] qu’il s’agit dans le discours de la science qui, si l’on peut dire, rejette la perspective et la présence de la Chose.
Et le discours de la science, en somme, est de nous profiler l’idéal dans sa perspective du " savoir absolu ", c’est-à-dire de quelque chose qui pose la Chose quand même, tout en n’en faisant pas état, et dont chacun sait que c’est cette perspective qui s’avoue en fin de compte, et s’avère dans l’histoire, comme représentant un échec.
Ce discours de la science peut se profiler comme déterminé par cette Verwerfung. C’est probablement cela qui, selon la formule que je vous donne, que "Ce qui est rejeté dans le symbolique reparaît dans le réel", la science se trouve déboucher sur une perspective où c’est bien tout de même quelque chose d’aussi énigmatique que la Chose qui s’avère se profiler, apparaître au terme de la physique.
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Info: 3 février 1960. " rejet " en allemand, désigne le mécanisme de défense à l'origine de la psychose.
Commentaires: 3
miguel
26.05.2024
Merci... N'est-ce pas une autre manière de reconnaître que l'"inconnu" ... le "à dévoiler" ... le "au-delà de nos limites"... pour moi "le besoin de nouveau" est une notion consubstantielle au vivant... qualité d'être qui sera éventuellement, en tout cas sous nos régimes de pensée occidentalo-capitalo-rationnalo... verbalisée comme indispensable, obligatoire, inévitable.... nécessaire... "pour détester il faut tester d'abord".... En bref : une approche conceptuelle encore et toujours sous forme de cette pauvre et grossière dualité fondamentale. Alors que le manifesté se présente sous des formes si complexes et miroitantes que ce dualisme semble bien limité pour s'en approcher un peu mieux. Mais bon, je ramène la couverture à moi là ;-)
Coli Masson
22.05.2024
La Verwerfung correspond à la forclusion. Ce n'est donc pas seulement du refoulé ou du déni mais l'impossibilité même de savoir que quelque chose a été refoulé. La forclusion du Nom-du-Père est typique par exemple de la structure incorporée du langage qui caractérise la psychose. En quelque sorte, le discours scientifique serait de structure psychotique. Son retour du refoulé se traduit donc dans l'expérience. Cf. les conséquences potentiellement dévastatrices de l'énergie atomique.
miguel
22.05.2024
ce texte va très loin... particulièrement pour ce qui concerne mes gamberges sur "le positionnement de l'observateur-étiqueteur". Mais aussi sur les paradoxes genre "rationalisme spirituel" ou sciences religieuses :-) (Gemini) : Selon Lacan, le discours scientifique se caractérise par une "Verwerfung" de la "Chose". La "Chose" représente ici l'inconnu, l'inaccessible, ce qui ne peut être symbolisé ou représenté par le langage. Le discours scientifique, dans son стремление* à la connaissance absolue, tend à rejeter la "Chose", à la nier ou à la minimiser. (*peut être utilisé pour décrire un désir ou une intention forte de réaliser quelque chose, précision de MG) 2. L'idéal du "savoir absolu": Lacan affirme que le discours scientifique poursuit l'idéal d'un "savoir absolu", c'est-à-dire d'une compréhension complète et exhaustive de la réalité. Cependant, cette quête d'un savoir absolu est paradoxale, car elle implique nécessairement la reconnaissance de la "Chose", de l'inconnaissable. En effet, si le discours scientifique parvient à tout expliquer, il ne peut échapper à la question de ce qui reste en dehors de son système de signification, de ce qui ne peut être symbolisé : la "Chose". 3. L'échec du discours scientifique: Lacan soutient que la "Verwerfung" de la "Chose" par le discours scientifique conduit inévitablement à son échec. En niant l'inconnu, la science se prive de la possibilité de le comprendre véritablement. C'est pourquoi, selon Lacan, la science se retrouve finalement confrontée à "quelque chose d'aussi énigmatique que la Chose", c'est-à-dire à ses propres limites. 4. Le retour du refoulé: Lacan évoque la formule "Ce qui est rejeté dans le symbolique reparaît dans le réel" pour illustrer le retour de la "Chose" dans le discours scientifique. En d'autres termes, la "Verwerfung" de l'inconnu ne le fait pas disparaître, elle le refoule simplement dans l'inconscient. Et ce refoulé finit toujours par resurgir, parfois de manière inattendue et disruptive, dans le champ de la science elle-même. En conclusion, ce texte de Lacan met en lumière les paradoxes et les limites du discours scientifique. La quête d'un savoir absolu, fondée sur la "Verwerfung" de l'inconnu, est vouée à l'échec. La science doit apprendre à composer avec la "Chose", avec l'inaccessible, pour parvenir à une compréhension plus complète et plus nuancée de la réalité.