Francis Bacon possédait une connaissance très complète de l’art de la mémoire et lui-même le pratiquait. […] L’importance que Bacon attachait à l’art de la mémoire est bien montrée par le fait que l’art occupe une place éminente dans l’Advancement of Learning où il constitue un des arts et sciences qu’il faut réformer, à la fois dans leurs méthodes et dans leur objet. Bacon estime que l’on pourrait améliorer l’art de la mémoire existant et que l’on devrait s’en servir à des fins utiles, et non pas pour une vaine parade. […]
Bacon partageait entièrement l’ancien point de vue, selon lequel l’image efficace s’imprime mieux dans la mémoire, et le point de vue thomiste selon lequel on se rappelle mieux les choses intellectuelles au moyen de choses sensibles. […]
Bacon acceptait donc grosso modo et il pratiquait l’art normal de la mémoire, celui qui utilise les lieux et les images. On ne voit pas clairement comment il proposait de l’améliorer. Mais, parmi les nouveaux usages auxquels il fallait le destiner, on trouve la mémorisation de différents sujets dans un certain ordre, de façon à les tenir présents à l’esprit en vue d’une recherche éventuelle. Cela pouvait aider l’enquête scientifique car, en dégageant des détails hors de la masse indistincte de l’histoire naturelle, le jugement pouvait être amené plus facilement à s’exercer sur eux. L’art de la mémoire est ici utilisé pour mener les recherches de la science naturelle, et ses principes d’ordre et de disposition sont transformés en une sorte de classification.
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Info: L'art de la mémoire, de l’anglais par Daniel Arasse, éditions Gallimard, 2022, pages 513 à 515
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