Cependant, à définir la charité comme un pur mouvement, un dynamisme d’amour, créateur de la proximité, un acte pur dont tout l’être consiste dans cet acte même, on s’expose à retomber dans cette charité triomphaliste que nous avons dénoncée, cette charité sans vérité. La charité devient à elle-même sa propre vérité et nous retournons alors à la confusion mortelle du psychique et du spirituel, confusion s’opérant dans l’ivresse d’une puissance caritative qui se croit infinie. […] Ainsi est-il clairement indiqué par là que l’amour ne crée pas la proximité, il ne fait que révéler une proximité préexistante ; car le Christ aurait pu dire plus simplement – et la simplicité du style évangélique n’est pas un vain mot – "lequel a été le prochain". La charité est donc la réalisation d’une proximité ontologique, ou, si l’on préfère, son actualisation, c’est à dire le passage même de la puissance à l’acte. Elle ne crée par le prochain ex nihilo, comme l’affirme implicitement la charité triomphaliste ; elle accomplit ce qui la détermine de toute éternité. […] L’acte d’amour ne va donc pas seulement de ce qui est en puissance à ce qui est en acte mais, plus profondément encore, il est la Révélation que ce qui était en puissance n’a jamais cessé d’être éternellement en acte. L’amour du prochain consiste bien dans la réalisation d’une relation, mais d’une relation préexistant à sa réalisation même, d’une relation ontologique, ou encore pourrait-on presque dire […] d’une "relation subsistente".
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Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 196-197
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