philosophie

Le premier à avoir parlé d’une "analogie des êtres" (analogia tôn ontôn) est, semble-t-il, le chrétien Jean Philopon, commentateur d’Aristote du début du VIe siècle. On ne parle pas encore d’analogie d’attribution, dénomination inconnue même de saint Thomas d’Aquin et qui ne prendra naissance qu’au XIVe siècle. En attendant, la notion d’analogie garde sa signification mathématique d’égalité de rapport. […]

De Boèce, au début du XIIIe siècle, si le terme d’analogia s’introduit progressivement en latin, c’est toujours avec sa signification de proportionnalité, c’est-à-dire d’égalité de rapports. Mais il subit aussi la puissante influence de l’analogia dionysienne […] qui fait entrer le terme dans une problématique purement théologique, celle de la signification des Noms divins. D’autre part, parallèlement à cette persistance de l’analogia grecque (mais sans rapport terminologique avec elle), se développe lentement une autre problématique, plus proprement philosophique, concernant les termes équivoques et univoques, et les termes intermédiaires, dits en référence à une unité focale de signification. […] Ils concernent principalement le rapport des accidents à la substance : en quel sens le même terme d’être peut-il convenir aux accidents et à la substance ? Réponse : au sens où ce terme fait partie des ambigua, des termes ambigus, car, s’il se dit proprement de la substance, il ne se dit des accidents que secondairement et à cause du rapport qu’ils ont à la substance ; il y a donc un ordre de convenance "par référence à un premier". Mais, en même temps, puisque l’être peut s’attribuer à autre chose qu’à "ce-qui-est" (c’est-à-dire la substance), c’est qu’il transcende l’ordre des catégories (ou prédicaments), savoir, l’ensemble des divers modes selon lesquels on peut caractériser l’existence d’une chose : sa substantialité, sa qualité, sa quantité, ses relations, etc. Se pose ainsi la question de l’unité transcendantale de l’être, et des autres "transcendantaux" : bien, un, vrai, beau.

C’est alors, au début du XIIIe siècle semble-t-il (car les données manquent) que le vocabulaire de la "convenance selon l’ambiguïté" (Alain de Libera) et "en référence à un premier" se mélange avec celui de l’analogie, jusque-là réservé à la proportionnalité mais qui, maintenant, peut aussi servir à désigner un mode d’attribution "en référence à un premier". Les deux vocabulaires vont d’ailleurs coexister encore pendant un certain temps – c’est le cas notamment chez saint Thomas d’Aquin – avant que celui de l’analogie ne l’emporte définitivement, et que n’apparaisse, au début du XIVe siècle, l’expression qui deviendra classique, d’ "analogie d’attribution".

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 52 à 54

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