humanisme

Un an plus tard, lors d'une nouvelle réunion à la mairie où l'on devait délibérer au sujet de l'arrivée d'une famille de migrants au village, il provoqua une véritable onde de choc en déclarant, de sa voix fragile mais extraordinairement persuasive, que si nous ne faisions pas une place, une petite place, une place minuscule à ceux qui n'en avaient aucune, à ceux qui n'étaient rien, à ceux qui ne possédaient rien, à ceux qui n'avaient même pas les mots pour dire qu'ils n'étaient rien, à ceux qui dormaient la nuit dans les jardins publics et qu'on feignait de ne pas voir, à ceux qui essayaient au péril de leur vie de passer sous la Manche, à ceux pour qui le Christ, dans la version première, était mort sur la croix (avec cet argument, il frappa un grand coup), c'est que nous avions perdu définitivement une certaine idée de notre humanité.

Les villageois, émus, bien plus qu'émus, qu'on aurait pu le croire, eurent alors le sentiment qu'Augustin, le petit pédé, la mauviette, le fils à sa maman, contrecarrait avec un cran remarquable les positions paternelles peu favorables aux étrangers quand elles n'étaient pas franchement haineuses.

Auteur: Salvayre Lydie

Info: Tout homme est une nuit

[ altruisme ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

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