Contemple ici Vidal, l’écorché, le poursuivi,
L’humilié, jamais soumis pourtant et le vainqueur enfin.
Alors je maudis le soleil pour sa rouge allégresse
Moi qui ai connu vallée, courtil, vallon, hallier,
Et tous ceux qui fuient dans le bois par cette grande folie portés,
Me contemplent, ridé comme le tronc d’un vieux chêne,
Et les hommes se rient de ma pitoyable tristesse !
Personne n’a entendu le récit de ma gloire,
Personne n’a comme moi tenté l’aventure et gagné :
Une nuit, un corps, une flamme pour souder !
Que possédez-vous ? vous, ladres ? qui saurait acheter
Pareille gloire ici-bas ? ou qui pourrait gagner
Ce gerredon de guerre par sa "prouesse haulte" ?
O Age dissolu ! ô lignées d’avortons,
Qui simulent la passion, le désir qui désire,
Contemplez-moi, je suis ridé, le plus raillé d’entre tous,
Pourtant je me ris de vous par les feux sacrés
Qui me brûlent et me font cendre.
Auteur:
Info: "Peire Vidal, devenu vieux" in Poèmes, traduit de l’anglais par Michèle Pinson, Ghislain Sartoris et Alain Suied, Editions Gallimard, 1985, page 65
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